LA BELLE ROCHELAISE

Nombre de messages : 13992 Age : 33 Date d'inscription : 15/10/2009

De Jean-Guy SOUMY

"En ce début du XIXe siècle, on trouve de tout dans la forêt d'Aunis. Et les scieurs de long, qui débitent des troncs entiers, n'y sont pas les créatures les moins remarquables !
Le bouillant Annibal et le colossal Bramefaim le savent, qui viennent de s'enrôler parmi eux.
Cependant, les deux compères en quête d'aventures peuvent-ils imaginer la rencontre, au coeur des bois, d'une jeune Africaine, belle comme une Vénus noire, et qui va bouleverser leur vie ?
Un superbe roman où l'amour,, l'action et le drame sont au rendez-vous..."

Nombre de messages : 13992 Age : 33 Date d'inscription : 15/10/2009

"Le sifflet de frêne

C'était un matin de septembre 1831, sur le plateau de Millevaches baigné de sunny

. Un vent doux dévalé du puy des Charrauds, au sud, portait des senteurs amères qui dérivaient sur la lande. Et la paix qui régnait sur la montagne était si profonde, le ciel si clair que, sur le seuil de sa masure, l'homme resta longtemps à contempler l'horizon. Il avait la stature d'un colosse. Sur son visage ovale flottait un air d'innocence que des yeux bleus et une tignasse bouclée rattachaient à l'enfance. Un marcassin sortit de la chaumière en grognant, se frotta contre ses jambes et trotta vers le seul arbre dans la pente aride de la combe. L'arbre était un chêne. L'homme s'appelait Bramefaim.
Voilà près de trente ans, la vieille Clarisse, qui avait épousé Anselme du village de Pigerolles, venait de perdre son troisième enfant, moins d'une semaine après ses couches. Le lendemain, Anselme avait attelé la cariole à son âne, et Clarisse s'était rendue à Felletin. Le soir, elle était de retour avec, sous son siège, un couffin d'osier dans lequel hurlait un nourrisson que l'Administration lui avait confié. Et, comme Clarisse, qui était pourtant bonne tétonnière, ne parvenait jamais à rassasier l'enfant, bien vite le surnom de Bramefaim lui était resté."

La suite demain. ... Wink

Nombre de messages : 13992 Age : 33 Date d'inscription : 15/10/2009

"Quand il eut sept ans, l'Etat cessa de verser la petite pension de Bramefaim. Un matin de juillet 1809, Clarisse conduisit le gosse à la louée de Féniers. Sur le foirail, on ne parlait que de l'entrée de Napoléon à Vienne et de la victoire de Wagram. Clarisse mit un bouchon de foin au revers de la blouse de Bramefaim et marcha de long en large en le tenant par la main. Très vite, un propriétaire de Meymat jeta son dévolu sur cet enfant qui paraissait cinq ans plus vieux que son âge. Et, pour deux paires de sabots par an, une blouse de lin bleu et une culotte de chanvre, alors que les autres enfants de son âge n'étaient encore bons qu'à étaupiner les prés et à garder les brebis, Bramefaim accomplit le travail d'un valet.
Huit ans plus tard, un jour d'avril 1817, un homme en redingote, les souliers cachés par des guêtres se présenta à la ferme de Meymat. On alla chercher Bramefaim, alors âgé de quinze ans. Lorsqu'il le vit entrer dans la salle commune, déjà haut de six pieds deux pouces, crotté, l'ai imbécile, puant comme une fouine, muet, le notaire eut un haut-le-corps.
- Est-ce qui comprend ce qu'on lui dit ? demanda-t-il.
Le patron haussa les épaules.
- Pour curer les étables, il en sait assez.
- Il n'a pas l'air causant, remarqua l'homme de loi, qui ajouta " Ecoute-moi bien, mon garçon. Je viens t'annoncer, en somme, une bonne nouvelle. Ta mère...
A ce mot, les yeux de Bramefaim s'éclairèrent.
- Ta mère, ta vraie mère qui, en des temps douloureux dut songer à se séparer de toi, cette personne estimable est décédée.
Bramefaim baissa la tête.
- Elle avait, quelques années avant sa mort, acheté tout près de Pigerolles une petite ferme de trois arpents de terre sur le flanc de Combe-Meille. Elle t'a légué ce modeste bien.
Le notaire se tourna vers le patron.
- Sait-il signer ?
- Pensez-vous !
- Mets une croix au bas de ce papier, dit l'avoué."

Bon, là c'est sûr, je reviens demain. ... tongue

Nombre de messages : 8363 Date d'inscription : 09/12/2008

Nombre de messages : 11591 Date d'inscription : 22/11/2008

Merciiiiiiiiiii

Nombre de messages : 13992 Age : 33 Date d'inscription : 15/10/2009

"Le soir même, Bramefaim, son papier timbré glissé sous sa chemise, quittait la ferme de Meymat pour se rendre à la masure de Combe-Meille. Il avait dit adieu aux chevaux qu'il aimait, au chien de la ferme et à Marquis, son boeuf préféré.
Il resta deux jours dans la chaumière isolée avant que Pain-perdu, un brassier, ne le découvre assis au pied du chêne de prairie devant la maison. L'homme le conduisit à Pigerolles et lui fit servir une soupe à l'auberge. Le maire se déplaça, accompagné de M. le curé. Des villageois reconnurent le gamin adopté jadis chez Clarisse et Anselme. Il fut sagement convenu de lui donner quelques tâches afin qu'il ne mourût pas de faim et de le laisser vivre sa vie de simple entre ses quatre murs fendus, sur ses trois arpents de genêts. Bramefaim avait la force de quatre hommes. Il était d'une obéissance d'enfant.

Je reprendrai plus tard, le téléphone n'arrête pas de sonner. ... Evil or Very Mad

... Bibizzzzzz. ... sunny

Nombre de messages : 13992 Age : 33 Date d'inscription : 15/10/2009

Petite accalmie Exclamation

...

"En ce jour en sunny

eillé de septembre, Bramefaim s'avançait vers le puits lorsqu'il vit courir, sur la crête qui dominait Combe-Meille, un homme que semblait poursuivre le diable. C'était un garçon de vingt ans, les cheveux clairs, en habit noir, portant des bottes de cavalier, une chemise blanche, les épaules rondes de muscles, les gestes juvéniles. Inquiet, il se retourna et scruta le versant d'où se rapprochait le danger, puis il dévala la pente en direction de la chaumière de Bramefaim.
Le jeune homme était à peine arrivé dans la cour que Bramefaim vit apparaître, sur la crête, un cortège d'une trentaine de personnes, M. le curé Troubert en tête.
- Annibal. Les femmes m'appellent aussi Beau-coeur Exclamation

cria le garçon. (Il tendit lamain à Bramefaim, constata son absence de réaction, regarda derrière lu.) Je n'ai guère le temps des présentations, dit-il sans quitter des yeux la troupe qui accourait.
De profil, il avait un visage adolescent. Un nez court, droit et bien taillé, deux fossettes, un front large sous des mèches folles. Et des dents de neige, mais pointues comme celles d'un loup.
- Annibal Exclamation

cria une femme qui allait en tête. Annibal, sois raisonnable.
- Toutes les mêmes Exclamation

soupira Annibal. Elles veulent que les hommes soient raisonnables après les avoir poussés à ne pas l'être... Remarque, elle, c'est différent. (Il tendit le bras en direction de la troupe, qui n'était plus qu'à deux cents pas.) Tu vois, celle qui m'a hélé... La plus belle. C'est Junon, ma soeur.
- Annibal, espèce de voyou Exclamation

cria la jeune femme en question.
- Annibal, mon fils, reprit M. le curé Troubert, à bout de souffle dans sa soutane noire.
- Le petit imbécile qui court à droite du curé, gras comme un lézard dans son habit corseté, c'est mon beau-frère, reprit Annibal. Il est aubergiste à Pigerolles. Mais tu dois le connaître : l'auberge du Veau qui tète. Je n'ai jamais compris ce qui a pu séduire ma soeur. De surcroît, il se prénomme Télesphore Exclamation

Et la noiraude qui court à côté de son frère le gargotier, tu ne devineras jamais... Frisée comme un canard, plus maigre qu'un pivert... Aimable comme un blaireau, l'âme étroite, incapable de faire crédit à un homme qui, comme moi, a de nombreux amis qui boivent aux anges. Pour tout dire : triste Exclamation

Tu vas rire Exclamation

Je devais l'épouser aujourd'hui Exclamation

Et il bondit dans la masure, plantant là Bramefaim, qui l'entendit pousser la table et l'armoire contre la porte."

PAUSE Exclamation

Nombre de messages : 13992 Age : 33 Date d'inscription : 15/10/2009

A peine avait-il disparu que le groupe des poursuivants arrivait à hauteur de Bramefaim. M. le curé Troubert, éreinté d'avoir autant couru, passa un mouchoir sur son visage cireux. A on côté, Junon, la soeur d'Annibal, hésitait entre colère et chagrin. A l'écart, Télesphore et sa soeur Muguette avaient la mine sombre de ceux qui ont le sentiment d'avoir été trompés. Bien des habitants de Pigerolles, invités à la noce, restaient abasourdis par la tournure qu'Annibal venait de donner à la cérémonie.
Boibieux-Jondel, le maire de Pigerolles, arriva enfin, entouré d'une nuée de gamins dépenaillés. M. le curé Troubert remit son mouchoir brodé dans sa poche et s'approcha de la façade.
- Annibal Exclamation

s'emporta le curé. Pense à tout le mal que tu fais. Songe à Junon, ta soeur, à Muguette, ta fiancée, à sa famille. Songe à ta mère qui est là, à mon côté.
- Cela me fait trop songer, mon père Exclamation

répondit Annibal derrière la porte. Retournez à Pigerolles. Il vous reste un mariage à fêter. Ne faites pas refroidir les pâtés.
- Il parle de pâtés Exclamation

Nous allons lui en donner de la pâtée Exclamation

s'exclama Télesphore en regardant les membres de son clan.
Junon, en entendant la colère de son tout nouvel époux, éclata en sanglots. Muguette, la soeur de Télesphore, se fendit d'un torrent de larmes encore plus vigoureux. Agathe, la mère de Junon et d'Annibal, pleura à son tour.
Boibieux-Jondel s'approcha du prêtre. Il demanda :
- Que se passe-t-il, mon père Question

C'est la révolution Exclamation

A ce mot malheureux, le prêtre leva les yeux au ciel.
- Voilà. Il devait s'agir d'un mariage d'échange. Vous savez, monsieur le maire, combien cette pratique a le mérite d'unir profondément les familles.
- Et surtout d'économiser le versement de deux dots, soupira Boibieux-Jondel.
- Télesphore épouse Junon et Annibal, frère de Junon, épouse Muguette, soeur de Télesphore. Tout était parfaitement convenu. Les deux familles était d'accord... A peine avais-je procédé à l'échange solennel des engagements entre Télesphore et Junon que je me tournai vers Annibal et Muguette. Annibal m'a regardé bizarrement. Je l'ai vu jeter un coup d'oeil à Junon, qui s'inquiétait de son silence. Et d'un coup il s'est enfui en criant : "Je te demande pardon Exclamation

Certains ont pensé qu'il s'adressait à Muguette. Moi, je suis convaincu qu'il songeait à sa soeur."

Je reviens un peu plus tard. Bon appétit Exclamation

...

Nombre de messages : 13992 Age : 33 Date d'inscription : 15/10/2009

"- Dites-moi, mon père ... murmura Boibieux-Jondel, était-il raisonnable de marier Télesphore qui, je vous le rappelle a été exempté de service pour défaut de taille, faiblesse de constitution et hernie complète... à cette superbe Junon Question

Car elle est superbe, n'est-ce pas Question

Elle me semble posséder à merveille ce que nos gens d'ici appellent la semence de corne.
- Monsieur le maire Exclamation

- Réciproquement, en quoi Muguette, qui porte déjà sur elle, à vingt-cinq ans les stigmates de la vieille fille à venir, pouvait-elle prétendre séduire le jeune bravache que je vois là-haut sortir du toit crevé de cette masure Question

Boibieux-Jondel leva un bras vers la chaumière de Bramefaim. Tout cela l'amusait. Âgé de soixante-cinq ans, ce hobereau avait décidé une fois pour toutes d'ignorer un siècle où régnait la seule variété d'individus qu'il détestât : l'espèce bourgeoise.
Le prêtre leva les yeux vers Annibal perché sur le chaume.
- Annibal, descends Exclamation

ordonna-t-il.
- Rentrez chez vous Exclamation

répondit le jeune homme. Profitez de la noce. Un mariage sur deux, c'est déjà une réussite, non Question

- Et la dot Question

s'écria Télesphore, qui faisait partie de cette race d'hommes qui ne sont jamais aux grands rendez-vous.
Junon cessa de pleurer et foudroya son époux du regard.
- Quelle dot oses-tu réclamer Question

s'écria Annibal du haut de son toit. En épousant ma soeur, ne bénéficies-tu pas d'une fortune que ni ta naissance, ni ta physionomie, ni l'épaisseur de ton esprit ne te laissaient espérer Question

Mais regarde-toi, Télesphore Exclamation

Et relercue ke Cuek de t'avoir accordé Junon.
- Je veux ma dot Exclamation

Je réclame justice Exclamation

- Junon porte sa dot au front. Vous tous, messieurs qui êtes là, ne jugez-vous pas que le triste Télesphore accède à un sort qu'il ne mérite pas en épousant ma soeur Question

Des voix d'hommes approuvèrent.
Le père Troubert eut un geste pou réclamer le silence."

Vais dodo. ... Sleep

Nombre de messages : 3353 Date d'inscription : 09/12/2008

Tout lu!!!!!

Nombre de messages : 6097 Date d'inscription : 12/06/2012

moi aussi !!!

Nombre de messages : 2290 Age : 23 Date d'inscription : 10/12/2008

Est ce que c'est

du ancien français ?
des mots je ne connais pas

Et relercue ke Cuek

masure

hobereau

Nombre de messages : 13992 Age : 33 Date d'inscription : 15/10/2009

Coucou Morgane pirat

"Masure" : vieille maison. Presque une ruine. (Le mot existe toujours.).
"Hobereau" : campagnard de petite noblesse. (Le mot n'est plus employé de nos jours).

Par contre je ne comprends pas le "Et relercue ke cuek". ... Shocked

Nombre de messages : 13992 Age : 33 Date d'inscription : 15/10/2009

"- Annibal, tu t'étais engagé à épouser Muguette. Je te demande solennellement pour quelle raison tu t'es fait parjure.
Annibal marqua le coup. Un silence passa. Les villageois levaient le nez vers la toiture. Annibal regarda l'horizon en direction de l'ouest. Il commença d'une voix émue :
- Vous savez tous ici que, depuis cinq ans déjà, je vais à la scie (pour Morgane : "couper du bois") en Aunis, en Saintonge et en Vendée (régions de France), selon les chantiers entre Angoulême, Rochefort et La Rochelle...
Un moment d'émotion passa sur l'assistance à l'évocation de cette migration qui conduisait tant d'hommes du plateau de Millevaches vers les Charentes et la côte atlantique. Sentant venir le danger, Télesphore s'écria :
- Viens-en au fait, espèce de voyou Exclamation

Nous ne sommes pas là pour t'entendre chanter la chanson des scieurs de long.
- C'est cela, dis-nous la vérité, reprit Boibieux-Jondel. Et malgré le lieu, considère que tu te trouves dans l'enceinte d'un tribunal. Prends garde à ce que tu avances.

- Les scieurs de long ont du succès auprès des filles charentaises, reprit Annibal. Au cours de ma dernière campagne, après m'être engagé auprès de la douce Muguette, j'ai connu une jeune femme dans l'arrière-pays rochelais.
Une rumeur monta de la noce. Muguette éclata en sanglots.
- Malgré la sincérité de mon engagement auprès de la soeur de Télesphore, je fus comme foudroyé dès que je vis la belle Rochelaise. Nous ne sommes pas maîtres de nos passions, quand bien même nous consacrons notre vie à lutter pour les contenir...
- Et qu'as-tu fais à cette jeune femme Question

interrompit le prêtre.
- Dame Exclamation

ce qu'elle attendait de moi et qui était fort doux à faire, répondit Annibal.
- Ah Exclamation

le pécheur, soupira le père Troubert, la voix couverte par les éclats de rire.
- Mais je lui ai aussi fait la promesse de l'épouser au cours de ma prochaine campagne, ajouta le jeune homme.
- As-tu vu les parents de cette infortunée créature Question

demanda Boibieux-Jondel.
- Seulement la mère. Une bien brave femme qui compte sur moi pour la soutenir, dès que la mariage sera signé.
- Et le père Question

- Le père est marin.
Certains se tournèrent vers Tardieu, un scieur de long qui était parti la saison dernière avec Annibal. L'homme eut une expression du menton que chacun interpréta à sa manière.
- Alors Question

- Alors, il était en mer, sur les côtes sauvages du Dahomey.
- Du Dahomey Exclamation

s'écria Télesphore en prenant la noce à témoin. Et pourquoi pas en Afrique Question

"...

"
Annibal haussa les épaules et reprit.
- Je ne pourrai lui demander la main de sa fille qu'à son retour, cet hiver... S'il revient Exclamation

ajouta prudemment Annibal.
Un silence soupçonneux marqua sa conclusion.
- Ainsi, poursuivit Annibal, j'ai dû renoncer à ce mariage car je m'étais déjà engagé. J'ai une promise là-bas... (Du haut de la toiture, le jeune homme tendit le bras vers l'horizon). Elle m'attend. Et malgré tout le mal que je fais ici, je ne puis revenir sur une promesse sacrée.
- Sacrée, grogna Télesphore. Y a-t-il quelque chose de sacré pour ce bandit Question

"

Pause kawa.
A de suite Exclamation

...

Nombre de messages : 13992 Age : 33 Date d'inscription : 15/10/2009

"- Toute la communauté présente ici t'a entendu. Annibal, dit le curé Troubert. Bien que je réprouve ton attitude et que je souffre de la souffrance que tu provoques, je ne puis que prendre acte de ta promesse.
- Et la dot Question

s'exclam Télesphore.
Des visages se tournèrent vers le cabaretier.
- Il est gracieux comme un fagot d'épines et il voudrait une dot Exclamation

dit une femme, assez fort pour que des rires fusent.
M. le curé Troubert poursuivit.
- Nous attendons tous, à ton retour de campagne, que tu nous ramènes cette Rochelaise. C'est à cette seule condition que nous te conserverons au sein de notre communauté.
- J'ai dit la vérité, dit Annibal d'une voix blanche.
Un silence s'établit.
- Je me ferais bien une carrelure de ventre s'écria Pique-Pique l'unijambiste, survivant d'Elylau (bataille du 8 février 1807 : Royaume de Prusse contre l'Empire français Napoléon 1er.) Il fait faim.
- Retournons à Pigerolles, commanda Boibieux-Jondel.
Le cortège s'ébranla. Le père Troubert fit venir à lui Télesphore et Junon et leur demanda, à présent qu'ils étaient mariés, de se montrer dignes des serments échangés devant Dieu. Le prêtre saisit alors chacun des deux jeunes époux par le bras et d'un pas solennel reprit le chemin de Pigerolles, en tête d'une noce qui avait recouvré sa dignité.
Quand ils eurent disparu, Bramefaim entendit Annibal qui poussait l 'armoire et la table bloquant la porte de la masure. Le jeune homme s'avança. Il avait l'air défait et mécontent de lui.
- Son nom Question

lui demanda Bramefaim.
- Quoi Question

- C'est comment son nom Question

- Qui

- La fille de La Rochelle...
Annibal regarda Bramefaim, haussa les épaules et marcha jusqu'au chêne, contre lequel il s'appuya à plein dos en contemplant l'horizon d'un air rêveur. Bramefaim l'observait en silence lorsqu'il sentit une présence derrière lui. Il se tourna, baissa les yeux et découvrit Chloé, la fille d'Anastasie et de Pain perdu, parents lointains de Télesphore. C'était un petit être de treize ans, malingre, aux membres précis et aux gestes brusques avec des yeux vifs sous une tignasse de jais.
Sans se retourner vers Bramefaim et Chloé qui l'observaient, Annibal s'engagea dans la combe en direction du puy d'Ardet. L'homme et la fillette suivirent sa silhouette de vagabond jusqu'à ce qu'elle ne fût plus qu'un point sur l'horizon.
Bramefaim s'assit sur une grosse pierre plat au pied du puits. Chloé s'installa en tailleur à son côté. Une nuée bleutée couvrait les puys de l'Ousseline, de la Garde, du rocher Sauvage. Sans tourner la tête, Chloé demanda d'une voix grave :
- Tu veux que je revienne à Combe-Maille Question

Bramefaim opina.
- Il faut me le dire. Je dois entendre le son de ta voix.
Bramefaim dodelina de ses immenses épaules.
- Je veux... Je veux que tu reviennes.
Elle sourit et déposa un baiser sur la joue de Bramefaim.
- Tu es doux, dit-elle en partant à la course.
Bramefaim et son sanglier la regardèrent filer vers le sommet de la Combe, en direction de Pigerolles.
- Je te ferai un sifflet dans de l'écorce de frêne, dit lentement le colosse lorsqu'elle eut disparu."

FIN DU CHAPITRE.

Nombre de messages : 12520 Date d'inscription : 10/12/2008

Et relercue ke Cuek
c'est le lundi à 23h47 Episto

Nombre de messages : 13992 Age : 33 Date d'inscription : 15/10/2009

J'ai toujours pas compris, Jean2.

Nombre de messages : 2290 Age : 23 Date d'inscription : 10/12/2008

Junon cessa de pleurer et foudroya son époux du regard.
- Quelle dot oses-tu réclamer LA BELLE ROCHELAISE Icon_question

s'écria Annibal du haut de son toit. En épousant ma soeur, ne bénéficies-tu pas d'une fortune que ni ta naissance, ni ta physionomie, ni l'épaisseur de ton esprit ne te laissaient espérer LA BELLE ROCHELAISE Icon_question

Mais regarde-toi, Télesphore LA BELLE ROCHELAISE Icon_exclaim

Et relercue ke Cuek de t'avoir accordé Junon.
- Je veux ma dot LA BELLE ROCHELAISE Icon_exclaim

Je réclame justice LA BELLE ROCHELAISE Icon_exclaim

- Junon porte sa dot au front. Vous tous, messieurs qui êtes là, ne jugez-vous pas que le triste Télesphore accède à un sort qu'il ne mérite pas en épousant ma soeur LA BELLE ROCHELAISE Icon_question

Des voix d'hommes approuvèrent.
Le père Troubert eut un geste pou réclamer le silence."

Vais dodo. ... LA BELLE ROCHELAISE Sleep

Nombre de messages : 2290 Age : 23 Date d'inscription : 10/12/2008

Je l'ai mis en bleu dans le message avant

et aussi

carrelure de ventre

??

Nombre de messages : 13992 Age : 33 Date d'inscription : 15/10/2009

Oups, en effet... excusez-moi. Embarassed

"Et remercie le ciel..."
Je devais être fatiguée. ... Laughing

Nombre de messages : 8363 Date d'inscription : 09/12/2008

Nombre de messages : 13992 Age : 33 Date d'inscription : 15/10/2009

2

Deux innocences

Le scandale provoqué par Annibal alimenta bientôt toutes les conversations dans la commune de Pigerolles. On chercha du côté de sa famille ce qui pouvait expliquer une telle attitude.
Certains, soucieux de paix civile, rappelèrent que le père du garçon était mort sur un chantier de la côte atlantique, en 1811, alors que son fils n'avait que trois ans. D'autres suggérèrent avec malignité que dans cette famille, on ne s'était jamais considéré comme appartenant tout à fait au commun des mortels. Ils n'avaient pas entièrement tort.
Bien qu'Agathe, la mère d'Annibal, eût épousé Pierre Freyssanges, un limousinant de Féniers, personne n'oubliait qu'elle était née de Villemoneix.
Descendante d'une lignée de cadets, tous déshérités, Agathe vénérait le souvenir lointain de son aïeul Jean de Villemoneix, écuyer du prince de Vendôme. Agathe avait sincèrement aimé Pierre, le père d'Annibal, humble limousinant qui s'expatriait chaque année sur des chantiers lointains. Elle n'avait pas même pleuré lorsque les usuriers avaient volé sa ferme, le seul bien qui lui demeurait de Pierre.
Dépossédée, humiliée, ruinée, Agathe était restée dans son coeur la descendante d'un écuyer aventureux et téméraire qu'elle imaginait aussi beau garçon qu'Annibal. Et même contrainte à vivre à l'auberge du Veau qui tète, tous les jours les mains dans les eaux grasses de la cuisine, elle conservait une certaine idée d'elle-même. Aussi avait-elle transmis à Junon et à Annibal le sentiment diffus qu'ils étaient différents.

Dès le lendemain de leur rencontre à Combe-Meille, Chloé s'était rendue à la ferme de la Mareille, où elle savait que Bramefaim curait un puits. Elle s'était penchée sur la margelle (le bord du puits), et avait découvert le colosse, au fond, pieds nus dans la vase.
- Bramefaim Exclamation

avait-elle jeté dans le puits.
Il avait levé la tête.
- Je suis là Exclamation

avait-il répondu à l'écho de la voix fluette.
Leur amitié était dite. Et, dès lors, ils se virent tous les jours. Le plus souvent, ils allaient derrière les moutons que la fillette menait sur les communaux. On voyait leurs silhouette si cocasses (amusantes) par leur différence, accompagnées du sanglier que le troupeau avait fini par admettre. Un jour qu'il les avait vus passer, Chloé trottant au côté de Bramefaim, M. le curé Troubert avait dit :
- La petite est futée comme une nichée de souris. Notre pauvre Bramefaim a la tête aussi rouillée que la girouette de mon église. Mais regardez comme ils sont touchants tous les deux. Sous nos yeux, Dieu a réuni deux innocences.
Le mot avait fait le tour du village, et la mansuétude de l'abbé avait adouci le regard de ses ouailles. Lorsqu'ils les voyaient ainsi, sur la lande, les hommes ne ricanaient plus, les femmes se turent et les gamins cessèrent de leur jeter des pierres.
Brutalement, aux derniers jours de septembre, des pluies glacées ruinèrent l'embrasement des feuillages. Des filets de fumée bleue montèrent droit au faîte des cheminées.

Vais dîner. Bon appétit Exclamation

...

Nombre de messages : 2290 Age : 23 Date d'inscription : 10/12/2008

Merci Episto I love you

Nombre de messages : 13992 Age : 33 Date d'inscription : 15/10/2009

Un après-midi, sur le versant des Sagnes où elle gardait son troupeau, Bramefaim trouva Chloé en pleurs. Bouleversé, il s'approcha de la gamine emmitouflée dans sa cape de bure. Elle leva son visage chiffonné, des cernes sous ses yeux rougis.
- Je vais partir, dit Chloé. (Tout au fond du communal, Bramefaim fixait une ligne de genêts bruns bousculés par le vent). Mes parents m'ont placée à la ferme de Chabanne.
- La Chabanne... reprit Bramefaim d'une voix à peine audible.
Bramefaim s'agenouilla. Le colosse enveloppa de ses bras le corps de la fillette. Au travers de la laine, il sentait les épaules pointues de la gamine et aussi le tremblement qui la secouait.
- Nous ne nous verrons plus, murmura Chloé.
Bramefaim pressa doucement l'enfant contre lui.
- J'irai à la Chabanne, dit-il.
Il cherchait des mots. Mais il ne put discerner qu'un infini de temps, de chagrin, de séparation. Et il se tut.
- Être domestique ne me fait pas peur, dit Chloé.
Les cimes de l'Ousseline roulaient dans le ciel où filaient les nuages. Une buse planait à l'aplomb de la Mareille.
- Si tu avais des sous, Bramefaim, est-ce que tu me prendrais comme domestique Question

Trois jours plus tard, le fermier de Chabanne vint à Pigerolles, chez Pain-perdu. En fin de matinée, son cabriolet reprit la route de Gentioux. Bramefaim, cent pas derrière, suivit la voiture. Le paysan fit claquer le fouet et le cheval attrapa son trot sans parvenir à distancer Bramefaim, dont le souffle rauque accompagnait le roulement de la carriole. Inquiet, le fermier ne cessait de se retourner. A son côté, Chloé fermait les yeux. Ce ne fut qu'à la croix de Combemort que le géant renonça. Il resta planté, la gorge brûlante, les pieds en sang, les yeux perdus vers l'horizon qui venait de lui voler Chloé.
- Tu le connais, ce type Question

demanda le paysan d'une voix à peine rassurée, une main posée sur le genou de la gamine.
- Non, répondit Chloé, qui ravalait ses larmes.

Nombre de messages : 7913 Date d'inscription : 17/10/2009