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Détente - amitié - rencontre entre nous - un peu de couleurs pour éclaircir le quotidien parfois un peu gris...
 
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 NAPOLEON ET LES FEMMES

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MORGANE
Jean2
JEAN
MARCO
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epistophélès

epistophélès


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MessageSujet: NAPOLEON ET LES FEMMES   NAPOLEON  ET LES FEMMES - Page 19 EmptyDim 13 Jan - 20:55

PAULINE MEURT DEVANT SON MIROIR



Elle fut coquette jusqu'à l'ultime instant. - CLAUDE VILLET -



LA sagesse des Nations nous enseigne qu'un malheur n'arrive jamais seul.
Cet axiome se vérifia singulièrement pendant l'hiver 1813-1814. Alors que les armées impériales abandonnaient les territoires où l'empereur avait audacieusement mis le pied, Pauline, usée par les excès érotiques, perdait les belles formes où tant d'hommes avaient délicieusement mis la main.
Ainsi, tandis que notre pays revenait à l'hexagone, la soeur de l'empereur devenait exigüe. Les Français, qui aiment à la fois la fesse et le panache, n'allaient se consoler ni de l'une ni de l'autre de ces catastrophes nationales.

Sur le moment, les amoureux de Pauline furent les plus accablés. Et, dans la crainte d'altérer encore la santé de leur belle princesse, ils lui cachèrent soigneusement les échos de l'autre désastre.
Lorsqu'elle demandait :

- Où est l'empereur ?

On lui répondait :

- Il est devant l'ennemi.

Omettant de lui préciser que, si l'empereur était ainsi devant l'ennemi, la chose ne pouvait s'expliquer que parce que l'ennemi se trouvait alors à ses trousses...
Ces bons soins n'empêchèrent pas la pauvre Pauline de s'affaiblir de jour en jour.

Son état est désolant, écrivait sa dame d'honneur, Mme de Cavour. Nous serons bien heureux si, en quatre mois, elle trouve assez de forces pour quitter d'ici. Elle est maigre à faire pitié ; tout la chagrine et l'irrite. Il faut lui épargner, autant qu'on peut, les mauvaises nouvelles.

Le 15 avril, elle se fit conduire au Luc, où un ex-député, M. Charles, avait mis à sa disposition le château du Bouillidou. C'est là qu'elle apprit l'abdication de l'empereur.
Cette nouvelle l'anéantit.
Heureusement, quelques jours plus tard, on l'informa que Napoléon, en route vers l'exil, devait s'embarquer du côté de Saint-Raphaël. La pensée de revoir son frère lui rendit quelques forces. Elle écrivit à Bacciochi, le mari d'Elisa :


L'empereur devant passer par ici, je veux le voir, lui offrir mes consolations, et, s'il accepte, j'irai à Naples, près du roi (Murat)... Je n'ai pas aimé l'empereur comme souverain ; je l'ai aimé comme mon frère, et je lui resterai fidèle jusqu'à la mort.

Le 25 avril, le cardinal Pacca, camerlingue du pape, qui rentrait à Rome après trois ans et demi de détention dans les prisons de Napoléon, fit étape au Luc.
Pauline le pria de venir la voir.
Le prélat se rendit au Bouillidou et fut effrayé :

Je trouvai, écrit-il dans ses Mémoires, la princesse abattue, décharnée, d'une pâleur mortelle. Si une des dames de sa cour ne me l'eût indiquée, je n'aurais pu croire que j'étais en présence de cette Pauline Bonaparte dont les journaux français avaient tant vanté les grâces et les charmes. Elle me fit un accueil gracieux et me parla de la chute de son frère avec douleur, mais avec beaucoup de jugement.

Le lendemain, enfin, Napoléon arriva, escorté des commissaires alliés chargés de le surveiller. Malheureusement, je l'ai déjà dit, il portait, pour se soustraire à la fureur du peuple, un uniforme autrichien. En le voyant ainsi, Pauline crut mourir. Alors l'empereur, honteux, alla rapidement changer de costume, et la soirée fut délicieuse.

- J'aimerais que tu viennes vivre auprès de moi à l'île d'Elbe.
- Je te le promets.

Napoléon lui prit la main :

- Merci. Tu es la seule à qui je puisse demander cela. Car je sais que tu es la seule qui viendra avec plaisir.

Très émue, Pauline embrassa son frère.
Le 27, à l'aube, l'empereur prenait la route de Fréjus, où il s'embarquait pour son royaume lilliputien.

Pauline ne se rendit pas tout de suite à l'île d'Elbe. Son entrevue avec Napoléon l'avait à ce point ragaillardie qu'elle sentit bientôt renaître une cuisante ardeur au plus secret de son intimité.
Elle écrivit à Duchand, qui, après la déroute des armées impériales, était libre, et le pria de venir la rejoindre d'urgence. Le jeune officier (il avait été fait colonel et baron sur le champ de bataille de Leipzig) arriva en courant et passa quinze jours exténuants au Luc.
Alors, un peu calmée, Pauline s'embarqua sur la frégate Laetizia que Murat lui avait fait envoyer.
Après une courte escale à Porto-Ferrajo où elle reçut des consignes précises de Napoléon, elle se rendit à Naples, chargée d'une mission secrète auprès de Murat.
Le rôle politique joué par Pauline au cours de ce voyage a été contesté par certains historiens. Purtant, Jules Anglès, ex-chef de la police impériale passé au service des Bourbons, devait écrire à Louis XVIII :

Malgré la réserve que la peur inspire à Murat et peut-être à Bonaparte pendant le congrès (de Vienne), on les croit tous deux d'accord : la princesse Borghèse, qui est allée de Naples à Porto-Ferrajo, aurait été la négociatrice de ce rapprochement... Puisque la princesse Borghèse passe de l'un à l'autre, c'est que Bonaparte et Murat s'entendent tous les deux.

La reine de Naples confirme ces propos :

Napoléon, écrit-elle, avait chargé la princesse Pauline d'aller à Naples apporter à Murat, avec son pardon, le conseil d'être prudent et de se tenir prêt pour des événements imprévus.

Sa mission accomplie, Pauline alla s'installer à Porto-Ferrajo.

Son arrivée, nous dit un mémorialiste, fut comme l'apparition d'un rayon de soleil sur cette petite cour sinistre.

Pauline avait, en effet, un besoin maladif de s'amuser.
Elle eût, dit-on, donné des fêtes sur le radeau de la Méduse. Elle en donna à l'île d'Elbe.
Ecoutons Henri d'Alméras :


A peine arrivée, elle inaugura par un bal masqué le petit théâtre municipal de Porto-Ferrajo, construit par ordre de l'empereur sur l'emplacement de l'église del Carmine. Déguisée en Maltaise, elle ouvrit le bal avec Cambronne. L'ancien volontaire de 1790 n'avait rien d'un freluquet de cour. Il se serait fort bien passé de l'honneur qu lui faisait la princesse. Peut-être au moment où elle s'approcha, souriante, pour prendre son bras, le mot de Waterloo vint-il, par anticipation, aux lèvres du vaillant guerrier, mais il ne le prononça pas (Cambronne avait répondu "merde" à l'armée ennemie qui le sommait de se rendre). Il fit bonne contenance. Seulement, en reconduisant Pauline, il ne put s'empêcher de lui dire :
" - Princesse, je vous ai obéi ; j'ai dansé, mais j'aurais mieux aimé aller au feu."

Après le départ de Napoléon, Pauline s'enfuit en Italie, où le colonel autrichien Joseph Werkleins la fit mettre en résidence surveillée.
Au début de juin, sa santé s'étant de nouveau altérée, elle fut autorisée à aller prendre les eaux de Lucques.
C'est dans cette ville qu'elle apprit le désastre de Waterloo.
La nouvelle la foudroya. Cette fois l'extraordinaire existence qu'elle menait grâce à son frère depuis quinze ans était bien finie..

Pendant que Napoléon partait pour Saint-Hélène, Pauline alla se réfugier à Rome où le pape l'avait autorisée à revenir.
Là, elle apprit que Borghèse vivait maritalement, à Florence, avec sa cousine. Furieuse, elle lui demanda de reprendre la vie commune. Le prince répondit qu'il n'y tenait pas.

Pauline s'intégra vite à la société romaine. Toutefois, ce qu'elle appelait "le martyre de l'empereur" l'empêchait de paraître dans les bals et les fêtes qu'elle avait naguère tant aimés.
A plusieurs reprises, elle demanda aux Anglais l'autorisation de se rendre à Sainte-Hélène pour y soigner son frère. Le 11 juillet 1821 elle écrivait encore à Lord Liverpool, premier ministre britannique une longue lettre, dont voici un extrait :

Je vous prie, Mylord, d'avoir la bonté de solliciter sans délai l'autorisation auprès de votre gouvernement, afin que je puisse partir le plus tôt possible.

La pauvre ignorait qu'à ce moment Napoléon était mort depuis plus de deux mois déjà.
Elle n'apprit la nouvelle que le 16 juillet et tomba évanouie...
Dès lors, son état s'aggrava. Elle eut encore une dernière liaison avec un jeune compositeur, Giovanni Pacini, puis elle s'affaiblit lentement.
En 1824, elle se réconcilia avec le prince Borghèse, qui vint vivre avec elle.

- Je n'ai jamais aimé que toi, lui disait-elle Razz

Ce qui était, il faut l'avouer, une déclaration pour le moins inattendue.

Enfin, le 9 juin 1825, elle se sentit soudain très lasse. Elle fit venir auprès de son lit Borghèse et Jérôme.

- Donnez-moi un miroir, dit-elle.

Alors elle se regarda longuement, profondément. Puis elle murmura :

- Après ma mort, mettez-moi un voile sur le visage, et, je vous en prie, épargnez-moi l'autopsie...

Borghèse le lui ayant promis, elle reprit son miroir et se contempla de nouveau avidement.
Les deux témoins de cet extraordinaire spectacle n'osaient faire un geste. Soudain, le miroir tomba...
Notre-Dame des Colifichets venait de mourir à quarante-cinq ans, en pensant qu'elle était toujours belle...

Au moment où Pauline disparaissait, l'empire, déjà, semblait bien loin. Les Bourbons, représentants de la légitimité, étaient revenus au pouvoir et tout le monde pensait que la monarchie allait de nouveau présider aux destinées de la France pour mille ans.
Bientôt, tout devait être remis en question. Et, après une royauté bourgeoise suivie d'une république délirante, une femme allait - par amour - aider un Bonaparte à remonter sur le trône impérial..
Une femme, mais pas n'importe quelle femme.
Le destin, avec son habituelle malice et son sens du vaudeville, choisira, pour cela, une Anglaise...


Ouf, j'en avais marre des Bonaparte. Maintenant, je peux attaquer le volume IX
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MessageSujet: NAPOLEON ET LES FEMMES   NAPOLEON  ET LES FEMMES - Page 19 EmptyLun 14 Jan - 14:00

IL n'est pas sans risque de vouloir montrer qu'à l'origine de tous les grands événements, il y eut une femme et une histoire d'amour souvent badine.
Certains critiques austères ou hypocrites s'en émeuvent et disent tout crûment son fait à l'auteur qui a voulu identifier les dessous de l'Histoire avec ceux des favorites...

Ils écrivent par exemple :
"Il y a chez lui trop de préoccupations de rapports sexuels ; trop d'allusions à la bagatelle ; c'est un faune rieur qui regarde par-dessus l'épaule et jusque dans le sein de Clio..."

Ou encore :

"Il est incapable de toucher à la femme sans lui relever les cottes par-dessus la tête."

Je ne sais ce que vous pensez des ces phrases.
Quant à moi, elles me laissent totalement indifférent.
Il est vrai que la première a été écrite par Sainte-Beuve, la seconde par George Sand, et que toutes deux concernent Michelet. ...
Razz
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MessageSujet: NAPOLEON ET LES FEMMES   NAPOLEON  ET LES FEMMES - Page 19 EmptyLun 14 Jan - 14:20

M. THIERS EST POUSSE VERS LE POUVOIR PAR Mme DOSNE


Qu'une vie est heureuse qui commence par l'amour et finit par l'ambition. - STENDHAL -



LE 12 septembre 1822, à 8 heures du matin, dans une prairie de Montmartre, deux hommes accompagnés de leurs témoins respectifs, se tenaient face à face, un pistolet à la main.
Le premier, grand, fort, rougeaud, avait cinquante ans. C'était un ancien soldat de l'Empire.
Il s'appelait M. Bonnafoux.
Le second, petit, étriqué, portant de grosses lunettes qui lui cachaient la moitié du visage, avait vingt-cinq ans. Il se nommait Adolphe Thiers...

A l'origine de leur différend se trouvait naturellement une femme. A Aix, où il avait fait ses études de droit, Adolphe Thiers était tombé amoureux de Mlle Bonnafoux et lui avait promis le mariage. Puis il était venu à Paris pour y conquérir la fortune, avait connu des jeunes femmes dont les situations pouvaient servir son ambition et s'était empressé d'oublier la petite provinciale. Alors, M. Bonnafoux avait pris la diligence et était venu demander au jeune Rastignac de remplir ses engagements.
Adolphe lui ayant répondu que son métier de rédacteur au Constitutionnel l'empêchait pour le moment de prendre femme, l'ancien grognard l'avait provoqué en duel.
Voilà pourquoi ces deux hommes qui avaient faillit être gendre et beau-père se trouvaient ce matin-là sur le pré.
Au signal donné par l'un des témoins, M. Bonnafoux tira, mais manqua son adversaire. Thiers, beau joueur, tira en l'air. Le duel était terminé.
Les deux hommes se quittèrent sans se réconcilier et redescendirent vers Paris par des chemins cahotants.
Assis au fond de sa voiture, Adolphe Thiers était songuer et un peu triste. Il pensait que, sur ce coup de foudre qui venait de claquer dans le ciel de Montmartre, s'achevait irrévocablement sa vie de jeune Provençal.
Ses yeux de chat brillèrent derrière les lunettes ovales :

- Maintenant, mes amis, dit-il, il faut conquérir Paris...

Pour arriver à ses fins, le petit Marseillais - qui était d'origine grecque (1) - était bien décidé à employer tous les moyens, y compris ceux qui sont donnés par les dames (2). Pourtant, une certaine timidité l'arrêtait. Son expérience amoureuse n'étant pas encore très grande, il craignait de paraître par trop novice avec les belles aristocrates dont il espérait obtenir la protection. Méticuleux dans ce domaine, comme il l'avait été dans ses études et comme il le sera plus tard en politique, il décida de prendre des leçons auprès de femmes expérimentées. On le vit dès lors presque tous les soirs en compagnie de demoiselles de petite vertu. D'une main habile, ces braves filles fourbissaient sans le savoir les armes qu'allait bientôt utiliser le petit journaliste pour conquérir les salons parisiens.


(1) Sa grand-mère Amic, de nationalité grecque et de famille cypriote, avait été épousée à Constantinople par Pierre-Louis-Marie Thiers.
(2)"Pour Thiers... les femmes idéales - qu'il recherche - sont de préférence celles qui peuvent le présenter à des personnalités qu'il ne connaît pas, le documenter, lui apporter un renseignement, celles qui, en connaisseurs, apprécient son talent, sa verve endiablée." CHARLES POMARET, Un vrai chef d'Etat, Monsieur Thiers.
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MessageSujet: NAPOLEON ET LES FEMMES   NAPOLEON  ET LES FEMMES - Page 19 EmptyLun 14 Jan - 14:39

Bûcheur (travailleur) et intelligent, Adolphe Thiers ne tarda pas à égaler ses professeurs. Il inventait des problèmes hardis et les résolvait avec une maîtrise et une souplesse qui eussent émerveillé les auteurs du Kâmâ-soûtra eux-mêmes.
Alors, seulement, il osa courtiser une femme du monde.
Pressé d'arriver, il visa tout de suite très haut et s'attaqua à Dorothée de Courlande, duchesse de Dino, qui était la nièce et la maîtresse intermittente de M. de Talleyrand.


"Elle avait, nous dit André Germain, quelques années de plus que lui ; pour un débutant dans les lettres et la politique, une liaison avec une telle femme c'était une sorte de brillant volontariat."
Naturellement, l'expérience qu'Adolphe avait acquise dans le lit des dames du Palais-Royal émerveilla la jolie duchesse. Un matin, après une nuit particulièrement bien remplie, elle alla trouver son oncle et lui vanta l'intelligence du petit Provençal, son érudition, la sûreté de son jugement et la profondeur de ses vues politiques.

Le vieux renard devina tout de suite, bien entendu, par quelles qualités cachées l'enthousiasme de Dorothée était provoqué. Mais, flairant, en ce journaliste ambitieux et sans grand scrupule, un instrument de choix pour reconquérir le pouvoir, il fait taire sa jalousie.
A ce moment - on était en 1826 - Talleyrand travaillait secrètement au renversement de Charles X. Inspirant des articles dans la presse d'opposition, suscitant des haines contre le pouvoir, grossissant des amertumes, il espérait bien faire chasser, une fois de plus, les Bourbons de France.
Le petit Thiers, qui avait une tribune au Constitutionnel, pouvait être un auxiliaire précieux. Il le rencontra, le séduisit facilement et lui dit en souriant :

- Un jour, monsieur Thiers, vous serez ministre... Mais, pour cela, il faut que le Palais-Royal se rende aux Tuileries...

Au Palais-Royal, se trouvait Louis-Philippe d'Orléans, fils de Philippe-Egalité, qui vivait très bourgeoisement avec sa femme Marie-Amélie et ses enfants. La phrase de l'ancien évêque d'Autun était donc claire. Pour que les ambitions d'Adolphe Thiers pussent se réaliser, il fallait que Charles X cessât de régner et que le duc d'Orléans montât sur le trône.

Le jeune journaliste comprit parfaitement ce qu'il devait faire et ce qu'on attendait de lui.
Dès ce moment, il attaqua avec verve, âpreté et, il faut le reconnaître beaucoup d'intelligence, les décisions prises par les premiers ministres successifs de Charles X. Le public commença à le connaître, les salons s'ouvrirent devant lui, il devint un polémiste à la mode.
En 1829, devinant que, sous le règne du monarque dont il préparait l'avènement, la bourgeoisie occuperait une place prépondérante et se substituerait peu à peu à l'aristocratie, Adolphe Thiers pensa qu'il était prudent de s'assurer, sans attendre, des appuis dans cette classe méfiante.
Il devint alors l'amant de Mme Dosne, femme d'un important agent de change qui s'était enrichi en spéculant sur les terrains.
Ainsi protégé à droite et au centre par d'eux ravissantes femmes de tête, le petit Thiers n'avait nul besoin de se chercher une moitié...
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MessageSujet: NAPOLEON ET LES FEMMES   NAPOLEON  ET LES FEMMES - Page 19 EmptyLun 14 Jan - 14:53

Mme Dosne avait fait la fortune de son mari en s'allongeant sur des canapés avec tous les financiers de l'époque.
C'était ce qu'on appelle une femme de tête. .......... Razz
Elle notait en bourgeoise méticuleuse et ordonnée le nom de ses amants sur un carnet et faisait chaque mois le compte de ce qu'elle avait pu en obtenir. Ceux qui ne s'étaient pas montrés suffisamment utiles ou efficaces n'avaient plus droit, suivant le mot des intimes, au "berlingot de Sophie"...


Depuis longtemps, la jeune femme rêvait d'avoir un salon politique et de recevoir chez elle des hommes d'Etat, des diplomates, des journalistes. Le pteit Thiers, pensait-elle, pouvait lui apporter tout cela. (1)
Elle ignorait que le jeune Adolphe, qui promenait dans Paris ses gilets mémorables, ses lunettes, son accent et son éloquence sans emploi, espérait bien, de son côté, profiter de sa liaison avec elle.
Ils se jouèrent pendant quelques semaines la comédie de l'amour. Mais Thiers, dont le tempérament croissait avec l'âge, tint son rôle avec tant de vigueur, tant de brio, tant de recherches "dans la montée du plaisir", que Mme Dosne émerveillée, subjuguée, ronronnante, tomba réellement amoureuse de lui.


- Je ferai de toi le plus grand homme d'Etat français, lui disait-elle, lorsqu'il avait bien oeuvré.
Et le futur libérateur du territoire la remerciait d'un geste bien placé..
.


(1) Charles Pomaret nous dit : "Sophie est mariée depuis quelque quatorze ou quinze ans quand Thiers lui est présenté. Quelle aubaine ! Cette femme mal née et qui n'envie pas la noblesse à du bon sens et de l'ambition politique. Elle est libérale et s'entend vite avec ce jeune méridional qui fréquente les ventes des carbonari. Son génie, sa chance ? C'est simplement de pressentir l'avenir du petit journaliste, de deviner chez cet être sautillant un homme exceptionnel, ambitieux. Elle l'aidera à "aller". Elle s'accroche à lui. Elle est sa confidente, son témoin, son disque enregistrant."
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MessageSujet: NAPOLEON ET LES FEMMES   NAPOLEON  ET LES FEMMES - Page 19 EmptyLun 14 Jan - 15:14

Le Ier janvier 1830, Thiers devint, avec ses amis, Mignet et Armand Carrel, codirecteur d'un nouveau journal d'opposition, Le National, financé par Talleyrand.
Ce quotidien, qui était favorable au duc d'Orléans, publia tout de suite des articles extrêmement violents contre le régime. "Dès son premier numéro, écrit Sainte-Beuve, il mit la révolution en état de siège."
Bien entendu, Mme Dosne exultait :

"Ce journal va te faire connaître de toute la France ! Continue... Attaque ce roi qui règne et ne gouverne pas. Et attaque Polignac dont le ministère est une insulte au pays. (Polignac, dont la mère avait été l'amie de Marie-Antoinette, était adoré du roi qui l'appelait familièrement Jules. Il est vrai que Charles X, alors qu'il était comte d'Artois, avait été l'amant de Guichette, la ravissante duchesse de Guiche, soeur de son ministre).

La politique maladroite de Charles X allait aider brusquement Sophie à pousser son amant vers le pouvoir.
Le 26 juillet 1830, le Moniteur publia les fameuses ordonnances royales suspendant la liberté de la presse. Aussitôt, les journaux de l'opposition se groupèrent pour protester. En apprenant cette nouvelle Sophie exulta.

- C'est le moment d'agir, Adolphe. Cours à ton journal et dirige le combat, parle, crie, fais en sorte qu'on ne voie que toi... Et la partie est gagnée.

Thiers bondit au National, rue Saint-Marc, se fraya un chemin dans la foule de ses confrères qui tenaient déjà une réunion, donna de la tête, donna du pied, cria plus fort que tout le monde, gesticula, monta sur la table, fit un discours et finalement fut chargé de rédiger lui-même le texte de protestation.
On lui donna une grande feuille de papier.
D'une écriture nerveuse, il y traça tout ce qu'il disait à sa maîtresse au cours de ses interminables bavardages politiques d'après l'amour, et signa le premier.


A ce moment, dit Maurice Reclus, il entrait dans l'histoire. Il ne devait en sortir que quarante-sept ans plus tard par la grande porte..."
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MessageSujet: NAPOLEON ET LES FEMMES   NAPOLEON  ET LES FEMMES - Page 19 EmptyLun 14 Jan - 19:23

Le 27 juillet, toujours fort excité par Mme Dosne, Thiers réunit un grand nombre d'électeurs dans les salons du National et les entraîna chez Casimir Périer "pour tenter de susciter une action parlementaire". Après quoi, il regagna son journal, rédigea un violent appel aux armes et rentra se coucher tandis qu'au Palais-Royal et place des Victoires les premiers coups de feu claquaient.
A l'aube du 28, les principales rues de la capitale étaient obstruées par des barricades ornées de drapeaux tricolores. Paris, en ce beau matin d'été, attendait les soldats de la garde. Lorsqu'ils parurent, une grêle de projectiles de tout ordre, pavés, briques, meubles, bouteilles, s'abattit sur eux. Puis la fusillade commença. Une demi-heure plus tard, on se battait furieusement rue Saint-Antoine, place de la Bastille, à la Madeleine, devant l'Hôtel de Ville et autour de la porte Saint-Denis. "Coups de fusil, cris des blessés, hurlements des femmes, roulements de tambour, clameurs - écrit Michelet - constituaient la musique sublime de cet hymne improvisé par le peuple sur des paroles que personne n'avait eu à li souffler et qui étaient : Vive la Charte ! A bas les ordonnances ! A bas les Bourbons ! ..."


Adolphe écouta cette rumeur alarmante derrière ses volets, se frotta les mains et courut se calfeutrer dans le fond de son cabinet. Il y resta toute la journée, pendant que Parisiens et militaires s'entre-tuaient.
Le soir, le canon fit soudain trembler le petit Thiers. Effaré derrière ses grosses lunettes, la tête enfoncée dans son immense cravate, il écoutait l'écho de cette révolution qu'il avait aidé à déclencher ; et cet écho lui faisait peur.

A 10 heures, Royer-Collard l'informa que la capitale devenait un endroit dangereux. Epouvanté, le farouche tribun prépara rapidement une valise, s'enfonça un chapeau sur les yeux, courut jusqu'à un fiacre et se fit conduire à bride abattue en direction de Pontoise.
A Bessancourt, il s'arrêta pour dormir un peu dans une auberge.
A peine était-il au lit qu'un grand fracas retentit dans l'escalier. Le drap tiré jusqu'au menton, le pauvre Adolphe grelottait de peur, lorsqu'il entendit une voix familière à travers la porte

- Monsieur Thiers ! Levez-vous ! ...

C'était un domestique qui, dépêché à sa suite par des amis, venait l'informer que le succès de la Révolution était certain et qu'il n'y avait plus rien à craindre.
Immédiatement, Thiers se transforma. Fronçant les sourcils, il prit un air terrible :


- Retournons à Paris, nous aussi, et allons aider ces braves !

Le 29 à l'aube, il arrivait dans la capitale et tombait en pleine victoire populaire : les Tuileries étaient prises, la garde royale s'était rendue, le drapeau tricolore flottait sur l'Hôtel de Ville.
Le petit homme se fit conduire chez Mme Dosne qui le gronda pour s'être enfui de Paris au moment où le pouvoir était à la portée de sa main.

- Maintenant, va chez Laffitte, c'est là que va se jouer la partie.

Thiers se rendit chez le banquier où les chefs de l'opposition étaient, en effet, en train de conférer. Certains proposaient d'organiser une entrevue avec Charles X, installé dans sa résidence d'été de Saint-Cloud.
Adolphe s'y opposa avec vigueur.

- Plus de Bourbons ! cria-t-il.

Puis il prit son ami Mignet par le bras, courut jusqu'à l'imprimerie du National et rédigea une proclamation en faveur du duc d'Orléans
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MessageSujet: NAPOLEON ET LES FEMMES   NAPOLEON  ET LES FEMMES - Page 19 EmptyMar 15 Jan - 17:28

"Charles X ne peut plus rentrer dans Paris ; il a fait couler le sang du peuple. La République nous exposerait à d'affreuses divisions ; elle nous brouillerait avec l'Europe. Le duc d'Orléans était à Jemmapes. Le duc d'Orléans a porté au feu les couleurs tricolores ; lui seul peut les porter encore ; nous n'en voulons pas d'autre. Le duc d'Orléans s'est prononcé ; il accepte la Charte comme nous l'avons toujours voulue. C'est du peuple français qu'il tiendra la couronne."

Au moment de mettre ce texte sous presse, Mignet eut un scrupule :

- Tout cela est très bien, mais le duc d'Orléans n'est pas prévenu !

Alors Thiers modifia la dernière phrase et fit imprimer : "Le duc d'Orléans ne se prononce pas ; il attend notre voeu !"



Le lendemain, 30 juillet, cette affiche était colportée sur tous les murs de Paris. Pendant que les badauds la lisaient avec un peu d'étonnement, M. Thiers, monté sur le poney du fils du maréchal Ney, avec ses bas blancs, ses escarpins et son grand chapeau, arrivait, après mille incidents, au château de Neuilly, résidence d'été du duc d'Orléans.
Il fut reçu par la duchesse Marie-Amélie et Madame Adélaïde, soeur de Louis-Philippe.

- Son Altesse Royale n'est pas ici.

Le Marseillais expliqua avec force gestes qu'il devait voir le duc le plus rapidement possible.


Mme Adélaïde parut embarrassée. Il lui était difficile d'expliquer que son frère, dès les premiers coups de feu, était allé se cacher (décidément, quelle famille courageuse ! Razz ) au Raincy, chez un de ses gares forestiers.

- De quoi s'agit-il ? dit-elle seulement.

Thiers savait quelle influence Mme Adélaïde avait sur le prince.

- La Chambre, dit-il, a décidé que le duc d'Orléans serait lieutenant général du royaume. Il est urgent que Son Altesse Royale se montre à Paris.

Les deux femmes, fort surprises ne pensèrent pas à demander à M. Thiers par qui il était accrédité auprès de la branche cadette et qui l'envoyait à Neuilly. Heureuse omission, car il eût été fort difficile au petit journaliste d'avouer que seule Mme Dosne était à l'origine de sa démarche...
Le soir même, le duc d'Orléans rentrait au Palais-Royal.
Le 9 août, il était roi des Français.


(Le 2 août, Charles X avait abdiqué en faveur de son petit-fils, le duc de Bordeaux. Son fils, le duc d'Angoulême qui ne pouvait avoir de postérité, avait dû, au même instant, renoncer au trône. Le fils de la duchesse de Berry, dernier descendant de la branche aînée, était donc devenu roi - à dix ans - sous le nom de Henri V...)

Alors, Mme Dosne, ravie, embrassa son petit Adolphe.
Elle allait avoir le plus beau salon politique de Paris...

Trois semaines après les Trois Glorieuses, les Parisiens, qui avaient chassé le dernier représentant des Bourbons et ramené le drapeau tricolore, se désintéressaient déjà de la politique.
(Charles X s'était embarqué le 16 août à Cherbourg, à destination de l'Angleterre. Il devait mourir en Italie, à Goritz, en 1836.)

Alors que le petit Thiers, pourvu d'un secrétariat général au ministère des Finances, se démenait pour devenir ministre et faisait nommer M. Dosne, le mari de sa maîtresse, trésorier général du Ministère, toute la capitale dansait, mangeait des glaces et se montrait avide de potins.
Une aventure assez savoureuse allait lui permettre de se régaler.
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MessageSujet: NAPOLEON ET LES FEMMES   NAPOLEON  ET LES FEMMES - Page 19 EmptyMar 15 Jan - 17:39

Le 25 août, jour de la Saint-Louis, la femme d'un avocat, M° Baudez, organisa une petit réception en l'honneur de son mari dont c'était la fête. "Jusque-là, nous dit Mme de Vassy, qui conte l'anecdote, on ne peut que louer les bons sentiments qui animaient cette dame. Hélas ! elle était espiègle et l'idée de convier son amant, jeune agent de change, à la fête de son mari l'amusa. Cette idée devait provoquer le plus épouvantable des scandales."

Au cours de la soirée, M° Baudez proposa à ses invités de visiter sa collection d'automates.
Tout le monde poussa des cris de joie.

- Certaines de ces machines, dit-il avec orgueil, ressemblent à s'y méprendre à la nature.
Mme Baudez déclara qu'elle demeurerait au salon pour préparer de nouveaux rafraîchissements.

- Je reste avec vous, déclara galamment l'agent de change.

"Et voilà tous les invités partis à la suite de l'avocat. Pendant près d'une heure, M° Baudez fit fonctionner, devant un public émerveillé, des canards mangeant du grain, des oiseaux chanteurs, des poupées dansant la pavane, des chiens galopant et des joueurs d'échecs."

- Mais j'ai mieux encore, dit l'avocat en se rengorgeant. Suivez-moi. Je vais vous montrer mon plus bel automate, celui dont le mouvement est le plus perfectionné (hihihi).
Il entraîna alors ses amis vers un petit boudoir, ouvrit la porte et dit simplement :

- Regardez.

Il y eut un silence pesant.
Le spectacle qui s'offrait aux yeux des invités n'était pas du tout celui qu'avait prévu l'avocat.
Sur un canapé, un couple était bien animé de "mouvements naturels", mais il s'agissait de Mme Baudez et de l'agent de change qui se prouvaient leurs bons sentiments.
Finalement, M° Baudez poussa un juron qui ramena les délinquants à la réalité. Ce fut alors un concert de cris, un déluge de larmes, une course effrénée après les vêtement épars et la soirée fut gâchée..
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MessageSujet: NAPOLEON ET LES FEMMES   NAPOLEON  ET LES FEMMES - Page 19 EmptyMer 16 Jan - 18:38

Cette histoire vint aux oreilles du roi qui s'en régala. Louis-Philippe, en effet, adorait les potins d'alcôve et, tous les matins, son ministre de l'Intérieur, grâce au Cabinet Noir, lui livrait la petite gazette secrète de Paris.
C'est ainsi qu'il connut bientôt les détails les plus intimes de la liaison de M. Thiers et de Mme Dosne.
Il savait par exemple, - et la chose le ravissait - que M. Thiers adorait se promener tout nu devant sa maîtresse et improviser, dans cette tenue paradisiaque, les discours politiques du plus grand sérieux.
Le contraste amusait beaucoup Mme Dosne.
Quand il avait imité le style oratoire de Lafitte, du baron Louis, de M. de Broglie, de Dupont de l'Eure, de Molé et de Casimir Périer, le fougueux Adolphe, les sens revigorés par cette petite exhibition, regrimpait dans le lit et faisait subir de délectables outrages à la belle Sophie...
Après quoi, mous comme chiffes, tous les deux s'entretenaient de l'avenir de la monarchie.

- Elle en fera un ministre, dit un jour Louis-Philippe à Guizot.
- Ce petit bonhomme vulgaire ? Jamais !
- Vous verrez ! ... Le peuple aime les polichinelles libertins...

Et le roi des Français éclata de rire.
Un scandale allait l'éloigner pendant quelque temps des potins d'alcôve
.
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MessageSujet: NAPOLEON ET LES FEMMES   NAPOLEON  ET LES FEMMES - Page 19 EmptyMer 16 Jan - 19:21

LE PRINCE DE CONDE FUT VICTIME DE SES CURIEUSES DISTRACTIONS D'EROTOMANE[/size



La recherche de la volupté donne souvent bien des tracas. - JEAN CHOUQUET -



[size=18]LE 27 août 1830, aux premières heures de la matinée, le château de Saint-Leu, demeure de Son Altesse le duc de Bourbon, dernier prince de Condé, était silencieux.
Le maître de maison n'avait pas encore informé la domesticité de son auguste réveil. La baronne de Feuchères, sa maîtresse, dormait, et le sous-officier de gendarmerie dont cette dame se régalait en secret avait regagné le village après une nuit que le petit personnel, au courant de toutes les intrigues du château, espérait bien remplie...

Vers huit heures, Lecomte, le valet de chambre, vint frapper à la porte de son maître. Dépourvu d'ambition Razz , il désirait simplement pénétrer dans la pièce.
En réalité, c'est dans l'Histoire qu'il allait entrer...
Lecomte, n'ayant obtenu aucune réponse, pensa que Mme de Feuchères fatiguait décidément Son Altesse, âgée de soixante-treize ans, et se retira.

A 9 heures, il revint et frappa de nouveau.
Sans plus de résultat. Intrigué, il tourna le bouton de porte avec précaution. En vain. A l'intérieur, le verrou était tiré.
Cette fois, Lecomte fut alarmé. Jamais, en effet, le duc de Bourbon ne s'enfermait dans sa chambre. Le valet se tourna ver le Dr Bonnie qui venait, comme chaque matin, pour donner ses soins au vieillard :

- Qu'en pensez-vous ?

Le médecin ne cacha pas son inquiétude :

- Je crains le pire, dit-il. Il faut aller prévenir Mme de Feuchères.

En courant, les deux hommes descendirent au rez-de-chaussée jusqu'à l'appartement de la baronne. Celle-ci était couchée. A travers la porte, ils lui firent part de leur inquiétude :


- Je vais monter, leur cria-t-elle. Quand il entendra ma vois, il répondra !

Elle sortit à demi-vêtue, les pieds nus dans ses pantoufles et monta l'escalier en ajoutant :

- Si le prince ne répond pas, il faudra enfoncer la porte. Il a peut-être une attaque... Une saignée lui fera du bien ! ...

Devant la porte de son amant, elle cria :

- Monseigneur ! ... Ouvrez, monseigneur ! ... Ouvrez ! ... C'est moi, monseigneur ! ...

Comme personne ne répondait, elle dit à Lecomte :

- Vite, vite ! il faut enfoncer la porte. Allez chercher Manoby et dites-lui d'apporter un instrument qui puisse faire office de bélier...

L'instant d'après, l'officier de maison faisait sauter un des vantaux avec une masse de fer...
La baronne et les trois hommes pénétrèrent dans la chambre. A la lueur d'une chandelle qui finissait de se consumer auprès du lit vide, ils aperçurent le duc appuyé contre les volets intérieurs, immobile et dans la position de quelqu'un qui écoute. Le Dr Bonnie se précipita et poussa un cri : le duc de Bourbon, père du duc d'Enghien, dernier des Condé, était pendu à l'espagnolette au moyen de deux mouchoirs...
Crime ou suicide ?
Tout concourait naturellement à faire croire au suicide : la porte de la chambre fermée de l'intérieur, l'ordre qui régnait dans la pièce, le corps vierge de toutes traces de violence.

Toutefois, pour le Dr Bonnie, bien des raisons rendaient ce suicide impossible. "Pour se pendre, dit un proverbe, il est nécessaire de se passer la corde au cour." Or, ce geste, le duc ne pouvait l'exécuter. Une fracture de la clavicule l'empêchait, en effet de lever le bras gauche ; de plus, depuis la bataille de Beristein, en 1795, où il avait perdu trois doigts, il se servait difficilement de la main droite. Dans ces conditions, comment aurait-il pu faire le noeud savant qui attachait les mouchoirs ?
Enfin, le duc de Bourbon considérait le suicide non seulement comme un péché, mais comme un crime. Douze jours avant sa mort, il avait dit à son dentiste, M. Hostein :

- Il n'y a qu'un lâche qui puisse se donner la mort ! ...

Alors ?

Tandis que le Dr Bonnie réfléchissait, Mme de Feuchères était tombée dans un fauteuil. Avec un sens aigu des convenances, elle se tordait fort joliment les bras en poussant des cris lugubres.
Soudain, elle émit une plainte plus déchirante que les autres et dit :

- Oh ! il est bien heureux que le prince soit mort de cette manière. S'il était mort dans son lit, on n'aurait pas manqué de dire que je l'avais empoisonné !...

Le docteur fut profondément choqué. Il ne dit rien cependant et continua d'examiner le corps de Son Altesse qui pendait toujours. Un détail singulier le frappa : les pieds du défunt n'avaient pas entièrement quitté le sol ; leur extrémité touchait le tapis...
Curieux pendu !


(Curieux suicide aussi. Car, nous fait remarquer l'abbé Pelier de la Croix, aumônier de S.A., qui pénétra dans la chambre princière au matin du 27 août 1830. "Aussitôt que le prince se serait trouvé sur pied ou que, par l'extension des liens, il aurait touché le sol, position dans laquelle tout le poids du corps est soutenu sur les membres inférieurs, le lien, devenu lâche, aurait cessé d'être efficace - il n'y avait pas de noeud coulant - et la strangulation n'aurait plus été possible." L'Assassinat du Dernier des Condés, 1832. Il aurait donc fallu que le prince fît preuve d'une volonté surhumaine pour appuyer son larynx sur le mouchoir jusqu'à l'asphyxie complète...)

Vers onze heures du matin, le roi fut informé de la découverte du Dr Bonnie et de Lecomte.
Très ému, il envoya à Saint-Leu le baron Pasquier, président de la Chambre des Pairs.
L'après-midi, celui-ci, ayant fait son enquête, adressa à Louis-Philippe un billet confidentiel où il était dit notamment :

Les circonstances de la mort sont trop extraordinaires pour qu'elles ne motivent pas une instruction très approfondie et je pense qu'il pourrait être utile que le roi fît partir sur-le-champ deux médecins comme les docteurs Marc et Marjolin qui ont l'habitude des vérifications que ce fatal événement commande.

Quant au colonel de Rumigny, chef de la police particulière du roi qui avait rejoint le baron Pasquier, il écrivit à Louis-Philippe :

Les soupçons ne se portent encore sur personne ; mais Dieu sait ce qu'on apprendra, car je dois dire que la mort n'a pas l'air d'avoir été un suicide ! Il est important qu'on ne puisse accuser personne et que le testament ne vienne pas faire accueillir des soupçons.

Malgré tout - et en dépit des protestations du Dr Bonnie qui ne cessa de rappeler les infirmités du défunt -, le 7 septembre la chambre du conseil du tribunal de Pontoise rendait une ordonnance ainsi conçue :

Attendu qu'il résulte de l'information, d'une manière évidente, que la mort du prince de Condé a été volontaire, et le résultat d'un suicide ; que la vindicte publique n'a, dans cette circonstance, aucun renseignement nouveau à rechercher, ni aucun coupable à poursuivre, et que la procédure est complète, déclare qu'il n'y a pas lieu à suivre...

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MessageSujet: L'APRES NAPOLEON ...   NAPOLEON  ET LES FEMMES - Page 19 EmptyJeu 17 Jan - 19:19

Les conclusions de la justice stupéfièrent tous les braves gens qui ne tardèrent pas à chuchoter que 'l'on voulait protéger quelqu'un"... Personne n'était nommé, mais il était facile de deviner que tout le monde pensait à Mme de Feuchères.
Tout à coup, le 15 septembre, parut une brochure anonyme portant ce titre agressif : Appel à l'opinion publique sur la mort de Louis-Henri Joseph de Bourbon, prince de Condé (son auteur était Lafon d'Aussonne).
La baronne y était formellement accusée du meurtre de son amant ; de plus, certaines phrases laissaient entendre que le roi la protégeait...
Cette brochure causa une immense émotion et le peuple chercha à savoir qui était Mme de Feuchères...
On allait découvrir un bien étrange personnage.

Cette femme élégante, qui avait trente-deux ans de mois que son amant, était une anglaise riche de souvenirs. Son passé, en effet, n'était pas celui d'une petite couventine.
Fille d'un pêcheur de l'île de Wight, elle se nommait Sophie Dawes. A quinze ans, elle s'était rendue à Londres avecl'ambition de devenir comLes Eteigneuses de cierges,édienne. Après ques ques essais malheureux, sur la scène du Covent Garden, elle avait décidé de se lancer dans la galanterie.
Le duc de Bourbon l'avait rencontrée à Londres en 1811, alors qu'elle faisait, nous dit-on, "un usage excessif des charmes dont la Providence l'avait dotée"...
Il faut dire que Son Altesse ne fréquentait pas que les salons de l'aristocratie londonienne. "On le voyait chaque soir, écrit le Dr Lebeaupin, après avoir dîné dans une modeste Chop House, entrer au théâtre à l'heure du "demi-prix" et ressortir à la fin du spectacle avec une ou deux mauvaises filles qu'il menait souper dans quelque tabagie, alliant ainsi des désordres grossiers avec ses goûts parcimonieux."


C'était dans une maison de rendez-vous de Picadilly que Son Altesse avait fait la connaissance de Sophie Dawes. Séduit par "ses yeux bleus au regard effronté, son ardeur, son audace et son goût du détail", Louis de Bourbon l'avait installée dans son hôtel londonien.
Binetôt, la jeune femme s'était transformée en "organisatrice des plaisirs du prince de Condé".
Avec la collaboration active de quelques unes de ses anciennes camarades de sérail, elle avait conçu des divertisssements d'un érotisme assez poussé. Chacune de ces "parties" portait un nom. Il y avait Le Chien affectueux où le prince de Condé, complètement nu, devait imiter devant six jeunes femmes dévêtues "toutes les manifestations de joie d'un chien qui retrouve sa maîtresse", Les Eteigneuses de cierges, où Sophie et ses amies faisaient mine d'étouffer la flamme de chandelle princière en utilisant un moyen des plus galants, La Charité, s'il vous plaît ! où le prince devait mettre son obole dans les "aumônières" ouvertes et bien présentées de chacune de ses jeunes invitées. Enfin, nous citerons Les Abeilles butineuses, où le prince, nu sur un grand lit, tenait joliment le rôle d'un bouton de rose tandis que six ravissantes hétaïres, riches d'expérience et douées d'un beau tempérament, personnifiaient les butineuses abeilles. Au rythme d'un menuet joué par une boîte à musique, elles se dévêtaient en dansant autour de la couche où les attendait le prince de Condé. A la première note, elles se précipitaient sur leur proie et, nous dit-on, "lui faisaient subir mille délices".

Sophie, qui connaissait non seulement les mauvais lieux de Londres, mais aussi certaines librairies spécialisées, avait fourni à Son Altesse toute une collection de livres et de gravures d'une assez rare obscénité. Les soirées
étaient alors devenues plus amusantes encore.


(Le prince de Condé avait toujours ces ouvrages galants à Saint-Leu, ainsi qu'en témoigne le chancelier Pasquier, qui découvrit, au cours de sa perquisition "deux ou trois petits volumes dont il vaut mieux ne pas dire les titres ". Crétineau-Joly, dans son "Histoire des trois derniers princes de la Maison de Condé", est moins discret : "Que de livres ignominieux, que de gravures obscènes, que de tableaux dégoûtants d'impureté auraient été trouvés dans les meubles particuliers du prince défunt ! - écrit-il ... - Ces livres obscènes, ces gravures immondes n'auraient pas été réservés seulement pour les joies secrètes du prince. Mme de Feuchères était fortement appelée à prendre sa part, et la meilleure sans doute, de cette triste fête des yeux et des coeurs blasés.")
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MessageSujet: L'APRES NAPOLEON ...   NAPOLEON  ET LES FEMMES - Page 19 EmptyJeu 17 Jan - 19:44

A la Restauration, croyant rompre facilement avec Sophie, le prince de Condé avait quitté subrepticement (en douce) Londres et était revenu en France.
Quinze jours plus tard, la jeune femme avait fait son apparition à Paris.
Le prince, fort ennuyé, avait été obligé de la recevoir. Après quelques paroles tendres, il s'était retranché, nous dit-on, "derrière l'hypocrisie du faubourg Saint-Germain".

- J'aimerais vous garder près de moi. Mais votre présence ici risque de provoquer un scandale...

L'Anglaise avait souri :

- Et si vous me faisiez passer pour votre fille naturelle ?

Le prince de Condé, depuis son départ de Londres, avait la nostalgie du corps merveilleux de Sophie. Il était devenu écarlate à la pensée que les folles nutis pouvaient recommencer :

- C'est une excellent idée ! Mais, pour que personne ne jase, il faut que je vous marie.

Aussitôt, Son Altesse s'était mise en quête d'un mari complaisant pour Sophie et avait trouvé Adrien de Feuchères, chef de bataillon dans la garde royale, que Louis XVIII, serviable, s'était empressé de faire baron.
Le mariage avait eu lieu le 6 août 1818, à Londres, et les nouveaux époux s'étaient installés au Palais-Bourbon, propriété du prince de Condé.
Quelques semaines plus tard celui-ci avait eu une délicate attention : il avait nommé Feuchères gentilhomme de sa chambre.

- Voilà qui va lui permettre de ne point vivre trop éloigné de sa femme, s'étaient écriés les braves gens en clignant de l'oeil.

Un soir, une bonne âme avait instruit Feuchères de son infortune. Furieux d'avoir été berné et mystifié, le malheureux était allé se plaindre au prince. Son Altesse avait haussé les épaules :

- N'en croyez rien, mon cher Feuchères. Il s'agit là de médisances... C'est la rançon de la fortune. Vous êtes envié parce que vous êtes mon ami ! ...

Feuchères, sceptique, avait préféré quitter son épouse. Aussitôt, la baronne était allée vivre avec le prince qui, à soixante-cinq ans, avait encore une belle ardeur. Des joutes amoureuses dont se régalaient les domestiques pantois d'admiration s'étaient alors déroulées quotidiennement. Reconnaissant, Louis de Bourbon avait, en 1824, fait un testament par lequel il léguait à Sophie les riches domaines de Saint-Leu et de Boissy...


Dès lors, prétendaient les mauvaises langues, Mme de Feuchères avait vécu "dans l'ignominieuse attente de la mort de Son Altesse".
Celle-ci ne venant pas assez vite à son gré, ajoutait-on, elle avait, dans la nuit du 26 au 27 août, précipité les événements en attachant le prince à l'espagnolette de sa chambre.
Le crime aurait donc été dû à un simple geste d'impatience.
Ce fut la première hypothèse.
On allait apprendre bientôt que l'affaire n'était pas aussi simple et que Louis-Philippe était mêlé à ce crime sordide.

Comment l'ex-fille publique de Londres avait-elle pu entrer en relation avec le roi des Français et en faire son complice ? C'est ce qu'une brochure éditée en 1848 devait révéler au public ébahi...
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MessageSujet: L'APRES NAPOLEON ...   NAPOLEON  ET LES FEMMES - Page 19 EmptyJeu 17 Jan - 19:54

Après la mort du prince, il y eut tout de même un scandale et Mme de Feuchères fut abandonnée par tout le monde. Elle mourut à l'âge de quarante-quatre ans.
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MessageSujet: L'APRES NAPOLEON ...   NAPOLEON  ET LES FEMMES - Page 19 EmptyVen 18 Jan - 18:47

En 1827, la baronne de Feuchères, craignant que le testament fait en sa faveur ne soit un jour attaqué par les héritiers légitimes du prince de Condé, chercha un complice puissant et fixa son choix sur le duc d'Orléans dont elle connaissait l'amour pour l'argent.
Son plan était simple mais témoignait d'un sens rare de l'intrigue politique : elle imagina de pousser le prince de Condé - qui possédait l'une des plus grandes fortunes de France - à léguer tous ses biens au duc d'Aumale, fils du duc d'Orléans, afin que celui-ci, par reconnaissance, acceptât de valider le legs dont elle était la bénéficiaire.
Sa part d'héritage devenait, en quelque sorte, une commission sur la merveilleuse affaire qu'elle permettait aux Orléans de réaliser. Elle exposa ses projets à Talleyrand. L'ex-ministre des Affaires extérieures fut séduit, on s'en doute, par le plan machiavélique de la baronne.
Il promit son aide.

- Venez chez moi vendredi, dit-il. Vous rencontrerez le duc d'Orléans. Je puis vous affirmer que vous serez bientôt de ses amis.

Talleyrand ne se trompait pas. Fou de joie à l'idée que la colossale fortune du prince de Condé pouvait échoir à son fils, le futur Louis-Philippe se montra d'une extrême galanterie à l'égard de Mme de Feuchères et l'invita au Palais-Royal.
L'ex-fille de joie londonnienne ne tarda pas à devenir l'intime des Orléans.
On la cajolait, on lui offrait des bonbons, on la complimentait pour ses toilettes, et Marie-Amélie lui envoyait des lettres dont cet extrait donnera le ton :

"Je suis bien sensible, chère amie, à ce que vous me dites de votre sollicitude... Je vous assure que je ne l'oublierai jamais... Vous trouverez en nous, dans tous les temps et dans toutes les circonstances, pour vous et tous les vôtres, cet appui que vous voulez bien me demander et dont la reconnaissance d'une mère doit vous être un sûr garant."

Lorsque la baronne était souffrante, l'affolement régnait au Palais-Royal et le futur roi des Français, la mèche défaite et le favori pendant, se hâtait jusqu'au Palais-Bourbon. Un jour, cette sollicitude lui valut une bien curieuse aventure.
Ecoutons le comte de Villemur :

"Au moment de l'arrivée du duc d'Orléans, Mme de Feuchères prenait un demi-bain dans un de ces fauteuils-baignoires, ingénieux meubles mécaniques du fameux Lesage. La baronne en était sortie précipitamment, en négligean, dans son empressement pour se jeter dans son lit, de rabattre la tablette cachant la baignoire et servant de pliant pour le fauteuil. Ce meuble, fort à la mode alors, était placé près du lit de la baronne.
Louis-Philippe, heureux d'être admis chez Sophie Dawes, se jeta sur ce fauteuil disposé comme pour le recevoir et, au même instant, se trouva englouti dans la baignoire, à sa grande surprise, comme on peut en juger !...
"Il se consuma en vains efforts pour se retirer de ce traquenard nautique, sans pouvoir y réussir.
"A la vue de spectacle si grotesque, Mme de Feuchères, sans respect pour Son Altesse Royale, éclata d'un rire inextinguible. Elle finit toutefois par prendre en pitié la pénible situation de son visiteur et par lui offrir de faire venir un de ses gens pour le dégager, cherchant à lui faire comprendre qu'il ne pourrait jamais sortir seul de la baignoire, vu la partie inférieure de son corps un peu forte.
"Louis-Philippe la conjura de n'en rien faire, redoutant que le valet de pied appelé pour le dégager n'ébruitât au Palais-Bourbon sa mésaventure parmi ses camarades qui, à leur tour, la raconteraient en ville où elle exciterait mille brocards sur son compte.

"Il recommença, mais toujours aussi inutilement, de nouvelles tentatives pour le recouvrement de sa liberté ; ses efforts dérangeaient singulièrement la symétrie de sa coiffure et cela redoublait la gaieté de la malade. Enfin, celle-ci lui proposa de sonner sa camériste, fille disait-elle, d'une extrême discrétion.
"Louis-Philippe accepta. Mlle Rose vint l'aider avec infiniment d'adresse à lever le siège qui, sans son secours, se serait indéfiniment prolongé, et sans être assurément aussi glorieux pour lui que ne le fut pour son aïeul Louis-Philippe d'Orléans, le Régent, celui de Lérida en 1707."

Tandis qu'au Palais-Royal on vivait dans les transes, Mme de Feuchères s'efforçait d'amener son amant à rédiger un testament en faveur du duc d'Aumale. Mais le prince de Condé qui détestait les descendants de Philippe Egalité refusait obstinément. Bientôt, la baronne changea d'attitude. Elle s'était montrée tendre, prévenante, chatte ; elle devint violente, menaçante et rendit intenable la vie du malheureux vieillard.
Lorsqu'il voulait entrer dans sa chambre, lui montrer quelque ardeur ou simplement l'embrasser, elle lui répondait :

- Signez d'abord ! ...

Parfois, elle le battait. Certain soir, le valet Lebon entendit son maître sangloter dans sa chambre en répétant :

- Canaille, ingrate !

Un jour, le baron de Surval vint à l'improviste.
Le prince avait le visage tuméfié, saignant.

- Voyez dans quel état elle m'a mis ! dit-il.

Le baron lui conseilla de refuser formellement de signer le testament. Le prince baissa la tête :

- Elle menace de partir !
- Eh bien ! laissez-la partir !

Cette fois, le dernier des Condé eut les larmes aux yeux :

- Je ne le peux pas, murmura-t-il. Vous ne connaissez pas la force d'une longue habitude et d'un attachement que je ne puis vaincre...


Les scènes entre la baronne et son amant durèrent des semaines. Finalement, le prince de Condé céda. Le duc d'Aumale fut institué légataire universel, exception faite d'un legs de douze millions à Sophie...
Ce soir-là, on festoya au Palais-Royal.

Quelques mois plus tard, le duc d'Orléans montait sur le trône. Aussitôt, le prince de Condé prépara secrètement son départ pour la Suisse, afin de rejoindre Charles X en exil. Déjà il avait demandé son passeport et s'était fait remettre par son intendant un million en billets de banque.
Sophie eut vent de ces préparatifs. Affolée, elle courut aux Tuileries. En apprenant que le prince se disposait à quitter la France, Louis-Philippe blêmit :

- Je sais, dit-il, qu'il a reçu de Charles X un message le suppliant de changer son testament en faveur du petit duc de Bordeaux. S'il s'en va, il échappera à votre influence, et mon fis sera déshérité. Il faut l'empêcher de partir à tout prix !

Cette conversation eut lieu le 25 août 1830.
Le 27,le prince de Condé était trouvé pendu à son espagnolette. Et quelques jours plus tard, M. de la Hupoye, juge d'instruction, ayant conclu au crime, était mis à la retraite d'office...
On murmura alors que le prince de Condé avait été assassiné par Mme de Feuchères, à la demande du roi Louis-Philippe.

Ce fut la seconde hypothèse.
Une troisième explication, fort gaillarde celle-là, allait être finalement donnée de la mort mystérieuse du dernier des Condé
...
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MessageSujet: L'APRES NAPOLEON ...   NAPOLEON  ET LES FEMMES - Page 19 EmptySam 19 Jan - 17:47

Un jour, le bruit courut dans Paris que certains domestiques de Saint-Leu avaient fait d'extraordinaires révélations sur le drame du 27 août.
On vit alors des dames du faubourg Saint-Germain raconter à voix basse et en rougissant des choses qui faisaient glousser leurs amis de telle façon, nous dit le baron de Thiel, "qu'on eût pu croire qu'elles étaient chatouillées en un bon endroit."
Qu'avaient donc révélé les valets du prince de Condé ?
Des détails en vérité fort surprenants. D'après eux, en effet, le prince serait mort victime de sa lubricité. Voici leur récit :

"Notre maître, depuis quelques mois déjà, ne parvenait plus à montrer son ardeur ) Mme de Feuchères qui devait avoir recours à des stratagèmes connus des demoiselles de petite vertu.
"Hélas ! les effets de ces caresses émoustillantes finirent par s'émousser avec le temps et la baronne dut chercher un autre moyen de mettre Son Altesse Royale en d'heureuses dispositions.
"Mme de Feuchères se souvint que, dans son pays où la pendaison était le mode officiel d'exécution, des histoires fort lestes couraient sur les derniers moments des condamnés. Certains clients des sérails où elle travaillait lui avaient conté que la strangulation provoquait des réactions physiologiques qui permettaient aux pendus de montrer leur vaillance et de connaître une douce "consolation" avant de rendre l'âme...
"Elle décida donc d'utiliser ce moyen pour réveiller les sens assoupis de son amant.
"Chaque nuit, elle se rendait dans sa chambre et là, gentiment, le pendait durant quelques instants. Lorsque les effets de ce petit supplice s'étaient manifestés, elle détachait rapidement le prince eet lui administrait avec une énergique douceur de savoureux soins...é

Hélas ! dans la nuit du 27 août, Mme de Feuchères avait dépendu le prince avec quelques secondes de retard...
Affolée, elle était allée dans sa chambre chercher son jeune amant, l'officier de gendarmerie, et tous deux avaient procédé à une mise en scène destinée à faire croire au suicide.
Après quoi, elle avait demandé à Louis-Philippe de donner des ordres "pour que la justice ne fût point trop sagace". Le souverain, qui devait tant à la baronne, avait obéi...

Ces révélations, qui stupéfièrent les braves gens, devaient être confirmées dix-huit ans plus tard, après les journées de février 1848, dans une brochure intitulée Profils révolutionnaires. L'auteur, Victor Bouton, écrivait en effet :

"Le duc de Bourbon a été pendu : ses goûts de vieillard ont facilité ce crime ; Mme de Feuchères a eu peu de choses à faire pour l'exécuter. Le duc avait l'habitude d'une de ces jouissances bizarres, dépravées aux yeux de la morale, mais naturelles (sic) aux gens qui gagnent la soixantaine. Le raffinement que la baronne mettait à lui faire éprouver cet acte de lubricité est la cause de leur vieille et longue liaison. Je voudrais, par une métaphore vous expliquer la chose, mais la langue s'y refuse ; je dois cependant vous éclairer. Je dis que le duc avait l'habitude de simuler une pendaison à quelques lignes d'un tabouret où touchait la pointe de ses pieds. Quand il était dans cette position, Mme de Feuchères lui faisait éprouver une volupté.
"Un jour, la baronne retira tant soit peu le tabouret, et le duc fut pendu pour tout de bon.
Cela explique pourquoi tout s'est passé sans bruit, sans domestiques, etc. La question politique se réduit aux conjectures du testament. Ici, je puis dire que l'idée de venir à la cour a été le mobile qui a pu déterminer la baronne à éloigner le tabouret ; car du vivant du duc, elle était privée de toutes relations officielles avec les personnages; ; le duc mort, elle redevenait baronne de Feuchères ; il n'y avait plus d'objections contre elle.
Mais est-il possible de supposer que Louis-Philippe ait été mis dans la confidence de la baronne et qu'ils aient concerté ce genre de mort ? Cela n'est pas soutenable en vérité !"

Plus tard, dans un ouvrage intitulé l'Espagnolette de Saint-Leu, le même Victor Bouton donna les précisions suivantes :

"Je tiens de M. Gisquet, ancien préfet de police, l'explication, sous le manteau de la cheminée, de cette mort violente... et douche ; je crois de mon devoir de consigner ici ces détails pour rendre à l'histoire tous ses droits.
"D'ailleurs, l'ingratitude du roi Louis-Philippe à l'égard de M. Gisquet m'autorise à ne pas laisser étouffer cette affaire sous le silence, ni mettre la lumière sous le boisseau.
"Oui, le prince de Condé a été pendu, étranglé d'une manière spéciale, assassiné en un mot, par la baronne de Feuchères.
"Une passion de vieillard, des goûts lubriques ont donné l'occasion de ce crime, l'ont facilité sans que la baronne eût l'air même de l'avoir prémédité et accompli. Elle a eu peu de choses à faire, en effet, pour l'exécuter.

"On sait qu'aucune considération de famille n'avait pu faire séparer le prince de cette femme qui fut longtemps sa maîtresse avérée reconnue, abandonnée de son mari, et qui, depuis que l'âge avait privé le prince de la jouissance sexuelle, savait lui en faire éprouver une que les femmes de joie connaissent et que les physiologistes expliquent très bien. Elle le... (ici nous supprimons le mot). Le raffinement que mettait la baronne à lui faire éprouver cet acte de lubricité est la cause de leur longue et vieille liaison.
"La baronne de Feuchères s'introduisait le matin, à des jours et des heures indiquées, dans la chambre à coucher du prince, en tirant par un fil un petit loquet.
"Après quelques attouchements, le prince se levait et devait se placer au milieu d'une croisée, debout sur un petit tabouret où il se tenait par la plante des pieds ; un foulard attaché à l'espagnolette et passé autour du cou le retenait légèrement. Dans cette posture allongé et quelque peu tendue la baronne le ... (cinq mots supprimés par nous) jusqu'à ce que ... le pauvre vieillard fût ravi au septième ciel.
"C'est ce qui arrive ordinairement aux pendus : dans cette position, ils ont une dernière jouissance...

(Manoury, l'un des valets de chambre du prince, et qui avait décroché le cadavre, avait constaté : "guttam quoque sanguinis in extrema membri virilis part..." Bonnis, son chirurgien, avait déposé : "Princeps enim, ut diximus, erecto membro, sperma ejaculatus, inventus est."...P. 148-149 de la procédure criminelle relative à la mort du prince de Condé - manuscrit V. Bouton -).

"Or, la baronne de Feuchères, voulant se débarrasser du prince, n'eut qu'à choisir son jour.
Un beau matin, quand le duc fut dans la posture accoutumée et au moment où il éprouvait sa volupté, la baronne, comme par hasard, donnant un petit coup de pied au tabouret, le retira tant soit peu, et le duc fut pendu pour tout de bon. Dans son spasme, il n'eut ni la volonté, ni la force de se débattre : il mourut tranquillement, comme un bienheureux.
"Quand le juge de paix arriva et constata la mort du duc, il rédigea un procès-verbal dans lequel, positivement, il relata la circonstance qu'aux pieds du mort il y avait encore les traces de la volupté princière. Ce procès-verbal a été, pour ainsi dire, passé sous silence aux débats du procès, et cependant il a été imprimé.
"Quand la baronne eut donné son léger coup de pied au tabouret, elle se retira tranquillement."

L'auteur nous explique ensuite comment Mme de Feuchères parvint à fermer intérieurement la porte de la chambre du prince : elle plia en deux, en forme de ganse, un fil qu'elle passa au bouton du verrou, puis elle ferma la porte et tira sur le fil dont elle avait les deux extrémités en main ; ce qui fit manoeuvrer le loquet. Après quoi, il ne lui resta plus qu'à ramener le fil vers elle
.

"Quand la baronne s'était retirée, poursuit Victor Bouton, il n'y avait eu aucun bruit, encore moins de fracture, et nul témoignage de domestique ne pouvait et ne put éclaircir cette question : le prince s'est-il pendu ? Le petit tabouret était pourtant resté à côté des pieds du cadavre dont la sérénité ne s'expliquait pas.
"Ce secret d'alcôve ne fut pas divulgué ; mais je l'ai trouvé dans les archives de la préfecture de police."

Aujourd'hui, cette explication du drame satisfait tous les historiens.
Une question demeure toutefois sans réponse :
Mme de Feuchères donna-t-elle un coup de pied dans le tabouret ou, par étourderie, laissa-t-elle pendu trop longtemps le malheureux prince ?
On ne le saura jamais.

Plus tard, le château de Saint-Leu fut rasé sur l'ordre de la baronne qui en avait hérité. Mais la municipalité fit ériger une colonne de marbre à l'endroit où le prince de Condé avait été pendu.
Erection que des esprits malicieux - il s'en trouve à toutes les époques - jugèrent, somme toute, assez symbolique...
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MessageSujet: L'APRES NAPOLEON ...   NAPOLEON  ET LES FEMMES - Page 19 EmptyLun 21 Jan - 11:49

L'EQUIPEE POLITICO-AMOUREUSE DE LA DUCHESSE DE BERRY



Condottiere en jupon, elle aima l'aventure et les aventures... - JEAN-ROGER BLANC -


A la fin du mois d'août 1830, Thiers entra au Conseil d'Etat.

- Maintenant, lui dit Mme Dosne, il faut que tu sois député !

Justement, au mois d'octobre, un siège des Bouches-du-Rhône se trouva vacant du fait de la démission de son titulaire, M. de Bausset. Adolphe résolut de sauter sur l'occasion. "Mais, nous dit Maurice Reclus, on était alors sous le régime censitaire de la loi électorale de 1819 et Thiers, que ni ses gains de journaliste, ni son traitement de conseiller d'Etat, ni même l'heureux succès de son Histoire de la Révolution n'avaient enrichi, n'était pas un contribuable assez fortuné pour payer le "quantum" d'impôts représentant le cens électoral. Comment faire ? Comment se transformer, du jour au lendemain, en capitaliste ou en gros propriétaire ?"


Adolphe eut, tout de suite, une idée. Il courut chez Sophie et lui expliqua son problème.
A la deuxième phrase, elle l'interrompit tendrement :

- M. Dosne y pourvoira, dit-elle. tongue

En effet, le 18 octobre, la "Société civile et particulière des terrains Ruggieri et Saint-Georges" dont le mari de Sophie avait le contrôle, cédait à Adolphe un immeuble récemment construit, qui portait le n°3 de la rue Neuve-Saint-Georges. Le prix de vente était de cent mille francs.
M. Thiers n'avait pas cette somme. Il signa une traite que M. Dosne, chevaleresque avec les amis de sa femme, omit toujours de lui présenter...
Devenu propriétaire, le jeune conseiller d'Etat courut à Aix poser sa candidature et fut élu le 21 octobre.
Le 2 novembre, il était sous-secrétaire d'Etat...
Mme Dosne, folle de joie, lui prépara elle-même, avec amour, une succulente blanquette de veau...


Le 23 novembre 1830, Adolphe Thiers, qui pérorait si bien dans les salons et devant la glace de la chambre à coucher de Mme Dosne, aborda, pour la première fois, la tribune.
Sa jactance choqua considérablement l'Assemblée.
Maurice Reclus rapport l'opinion de trois représentants :

" - Il ressemble, disait l'un, à un de ces petits perruquiers du Midi qui vont de porte en porte offrir leurs savonnettes..."
" - Vous le voyez donc ? interrogeait un autre. Le marbre de la tribune lui cache le corps presque jusqu'aux épaules et ses immenses lunettes dissimulent le reste. Ce pauvre Lafitte, sans doute pour se sacrer grand homme par comparaison, s'est flanqué d'un sous-ministre invisible à l'oeil nu..."
" - C'est vrai qu'on ne le voit guère, renchérit un troisième ; mais, en revanche, on l'entend. Quel accent ! Le petit Adolphe parle finances comme une poissonnière de sa ville natale..."

Ces critiques révoltèrent Mme Dosne. Elle prit le petit Adolphe sur ses genoux et s'efforça de le consoler de son échec :


- Je vais, dès aujourd'hui, lui dit-elle, constituer, grâce aux appuis de mon mari, une véritable petite cour. Je ferai tout pour que ces gens m'adorent, m'obéissent et me suivent aveuglément. Pour me faire plaisir, ils t'aideront. Quand je dirai : "Il est très intelligent", tous crieront au génie. Bref, ils seront tes courtisans en voulant m'adorer...

Réconforté, le petit Thiers sécha ses larmes et, comme il avait bon coeur, il entraîna sa maîtresse sur un canapé et lui prouva sa reconnaissance..
.
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MessageSujet: L'APRES NAPOLEON ...   NAPOLEON  ET LES FEMMES - Page 19 EmptyLun 21 Jan - 18:46

En juillet 1831, Thiers remonta à la tribune.
Cette fois, les amis de Mme Dosne ayant préparé l'Assemblée, il obtint un très beau succès. Sophie, en accordant par-ci par-là quelques sourires ambigus, quelques promesses et aussi quelques privautés, avait fini par imposer son petit bonhomme.
Thiers, ayant conquis la tribune, ne la quitta pratiquement plus. A chaque assemblée, il grimpait, tel un farfadet, prenait la parole, citait Virgile, Tacite, Rousseau, Voltaire, se grisait de ses propres phrases et finissait par étourdir, grâce à son extraordinaire faconde de Marseillais, les représentants les plus hostiles.
A la fin de juillet 1832, pour le récompenser, Mme Dosne décida de l'emmener, avec son mari et ses filles, passer un mois à Thun, près de Meulan.
Quelques semaines plus tard, ils étaient tous dans le Vexin et offraient à leurs voisins le spectacle réconfortant d'une belle famille unie.


Thiers ne fut jamais plus heureux qu'au cours de ces vacances merveilleuses. Chaque jour était consacré à une grande promenade. Tous les plaisirs se trouvaient alors, pour Adolphe, intimement mêlés. D'une main, il caressait Sophie et, de l'autre, si j'ose dire, il parlait politique à M. Dosne.
Cette existence idyllique devait être brusquement interrompue par un messager du roi. Louis-Philippe, qui avait besoin d'un homme sans grand scrupule pour lutter efficacement contre le ministre Dupin, dont l'importance devenait gênante, convoquait Thiers. Celui-ci, voyant enfin la chance lui sourire, embrassa Mme Dosne, bondit dans une voiture et arriva tout essoufflé aux Tuileries.

- Vous seul pouvez m'aider à former un gouvernement, lui dit Louis-Philippe.

Thiers regretta que Sophie ne fût pas là pour entendre une aussi jolie phrase et demanda en quoi il pouvait être utile à la monarchie.

- Sauvez-moi de Dupin qui veut la présidence.
Décidez Soult, rassemblez des hommes et vous aurez un portefeuille.


Une semaine plus tard, le cabinet était constitué et Thiers devenait ministre de l'Intérieur...

Dès qu'il fut installé dans son fauteuil ministériel, l'amant de Mme Dosne eut à s'occuper d'une affaire extrêmement délicate, puisqu'il s'agissait d'arrêter l'une des femmes les plus populaires de France. Cette arrestation spectaculaire pouvait, pensait-il lui attirer, d'une façon définitive, les bonnes grâces et la faveur du roi.
La femme contre laquelle il allait lancer toutes les polices du royaume était, en effet, la duchesse de Berry, mère du duc de Bordeaux, devenu Henri V depuis l'abdication de Charles X ...
Il faut dire que l'exquise duchesse donnait, depuis quelque temps, de gros soucis à Louis-Philippe. Après la révolution de Juillet, elle avait suivi la famille royale en Angleterre et s'était immédiatement mise en relation avec de courageux légitimistes dans le but de renverser la Monarchie de Juillet et de faire monter son fils sur le trône.
Le 21 janvier 1831, Charles X, informé de ses projets, l'avait solennellement autorisée à prendre le titre de régente du royaume "dès son arrivée en France".

Elle partit d'Angleterre le 17 juin, gagna Rotterdam, traversa l'Allemagne, le Tyrol, la Lombardie, le Piémont et arriva à Gênes, sous le nom de comtesse de Sargana, le 8 juillet.
Le roi de Sardaigne, Charles-Albert, ayant refusé - à la prière de Louis-Philippe - de lui donner asile, la gracieuse conspiratrice alla s'installer à l'auberge de Massa. Elle y passa l'hiver, recevant des Vendéens, des légitimistes, des anciens officiers de Charles X prêts à participer au complot contre l'usurpateur, et des centaines d'agents secrets. A tous, elle communiquait sa confiance en l'avenir :

- Nous réussirons, disait-elle, parce que notre but est le plus beau et le plus noble qui fût jamais ! ... Qui donc, en France, aurait le courage de repousser une mère qui vient réclamer l'héritage de son fils au nom de soixante rois et de huit siècles de gloire ? ... Or, pour rendre son trône à Henri V il suffit, comme le dit M. de Chateaubriand, "de renverser le pot-au-feu d'une monarchie domestique"...

Mais cette jeune femme de trente-quatre ans avait le sang bouillant des Napolitaines. Tout en discourant sur la politique, au milieu de sa petite cour de Massa, elle remarqua un jeune avocat nantais fort séduisant, nommé Guibourg, dont elle fit bientôt son amant ordinaire.
Ce qui eut l'avantage de lui calmer les nerfs à la veille du départ pour la grande aventure...
Le 24 avril 1832, enfin, elle s'embarqua pour la France avec une poignée de fidèles. Le 30, à 3 heures du matin, son bateau la laissa sur une plage déserte, près de Marseille. Quelques légitimistes l'attendaient, cachés dans une pinède. Ils coururent vers elle.

- Nous allons renverser le pot-au-feu ! leur dit-elle simplement.

Puis elle alla passer la fin de la nuit dans un mas isolé, laissant les Marseillais - qui n'avaient pas lu Chateaubriand - extrêmement perplexes, et un peu inquiets..
.
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MessageSujet: L'APRES NAPOLEON ...   NAPOLEON  ET LES FEMMES - Page 19 EmptyLun 21 Jan - 19:21

Le lendemain matin, le duc d'Escars, qui portait déjà le titre pompeux de 'gouverneur général du Midi", vint apporter à la duchesse une bien fâcheuse nouvelle : les légitimistes de Marseille avaient échoué dans leur tentative de soulèvement.

- La police de Louis-Philippe sait maintenant que Votre Altesse est en France, ajouta-t-il ; nous allons donc être traqués avant même d'avoir commencé à agir.

Puis, révélant le fond de sa pensée, il soupira :

- En outre, le bateau qui nous a amenés est reparti.

Marie-Caroline le regarda dans les yeux :

- Mais monsieur, il ne peut être question de retourner en Italie... Le Midi ne nous a pas suivis ? C'est bien. Nous allons en Vendée...

Et se coiffant d'un large chapeau de paille, elle partit à pied en direction de Nantes...
Son voyage à travers le Languedoc fut extravagant. Couchant tantôt au pied d'un arbre, enroulée dans une couverture, tantôt dans un château ami, elle alla de Marseille à Plassac en utilisant tous les moyens de locomotion. On la vit à cheval, en calèche, en bateau, en carrosse et même à califourchon sur un âne. Il fallut vraiment que la maréchaussée mît en oeuvre toute les ressources d'une niaiserie exceptionnelle pour ne rien remarquer d'insolite dans l'équipage de cette voyageuse qui se promenait avec deux pistolets et un poignard passés dans la ceinture.
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MessageSujet: L'APRES NAPOLEON ...   NAPOLEON  ET LES FEMMES - Page 19 EmptyLun 21 Jan - 19:53

Quelques précautions, pourtant, avaient été prises. A Aix, le marquis de Villeneuve s'était fait faire un passeport pour la Normandie, alléguant qu'il devait se rendre, avec sa femme, au chevet d'un parent malade. La duchesse jouait donc le rôle de Mme de Villeneuve. Elle le jouait très bien. Si bien que les gens non informés s'y laissaient prendre. Il est vrai que, depuis le départ d'Aix, elle était la maîtresse du marquis...
Ce qui l'aidait énormément...
Marie-Caroline, en effet, ne dédaignait pas de mêler l'utile à l'agréable, la politique à l'amour et l'aventure aux aventures... "Grande princesse, elle considérait, nous dit Arthur Bruys, que son rang l'autorisait à des libertés qui eussent été coupables chez une femme du commun et qui n'étaient chez elle qu'une marque de belle santé et de bonne race..."
Pendant tout le voyage, la duchesse se montra donc une fougueuse marquise.


Le 7 mai, enfin, après avoir échappé à mille dangers et côtoyé sans cesse la catastrophe, elle arriva à 10 heures du soir au château de Plassac où le marquis Dampierre l'attendait respectueusement.
Son premier but était atteint : elle était en Vendée.
Aussitôt, elle tint un conseil :


- Nous allons retrouver, dit-elle, l'armée de Charette, celle de Cathelineau, celle d'Autichamp, celle de Cadoudal et celle de Mme de la Rochejaquelein. Tous ensemble, nous irons chasser le duc d'Orléans qui occupe indûment le trône de France, et nous ferons sacrer notre roi, mon fils...

Les légitimistes qui l'entouraient hochèrent la tête. Les renseignements qu'ils avaient recueillis sur les opérations de police organisées dans toute la Vendée par le gouvernement et sur l'arrivée de plusieurs régiments royaux les rendaient pessimistes. Certains tentèrent d'ouvrir les yeux de Marie-Caroline. Elle les fit taire :

- Le 24 mai, nous prendrons les armes.

Quelques jours plus tard, s'étant baptisée elle-même Petit-Pierre, elle quittait le château de Plassac, déguisée en berger vendéen, gagnait Fontenay-le-Comte, Bourbon-Vendée, Montaigu et allait, malgré la présence de dix régiments chargés de l'arrêter, de ferme en ferme, pour tenter de soulever les paysans. Cette expédition fut une suite ininterrompue d'incidents cocasses.


Ecoutons Marc-André Fabre.

"Un matin, après une longue et pénible course de nuit, elle arrive, accablée de fatigue dans une ferme où un lit a été préparé pour elle. Elle commence à peine à dormir qu'un bruit de voix étrangères lui parvient de la chambre voisine. Un officier déclare qu'une somme de cinq cent mille francs récompensera celui qui livrera la duchesse morte ou vive. Tout à coup, la porte s'ouvre ; Marie-Caroline se croit trahie.
" - Allons, paresseux, s'écrie à haute voix le fermier. Il est 7 heures et tes vaches sont encore à l'étable. Habille-toi, ou tu auras affaire à moi.
"Et l'homme jette sur le lit de la princesse les vêtements en guenilles d'un berger."

Ailleurs, "Petit-Pierre", passant au milieu des soldats fut interpellé.

- Hé, petit brigand, tu as une drôle de tournure. Viens boire un verre avec nous.

Sans sourciller, la mère de Henri V alla vider une bolée de cidre avec les défenseurs de la Monarchie de Juillet...
Une autre nuit, la chaumière où elle avait trouvé refuge fut cernée par les soldats. Elle n'eut que le temps de se jeter dans un marais rempli d'eau glacée où elle resta jusqu'au matin.
Enfin, le 21 mai, Marie-Caroline parvint auprès des chefs vendéens qui s'étaient réunis aux Mesliers. Une grande déception l'attendait.


- Convoquez vos quinze mille hommes pour le 24, dit-elle.

Les Chouans prirent un air gêné.

- Nous n'avons pu réunir qu'une centaine de paysans. La Vendée est fatiguée de la guerre civile. Nous ne sommes plus en 93. Chacun, aujourd'hui, ne pense plus qu'à vivre en paix..

Marie-Caroline ne s'avoua pas vaincue.

- Bien, dit-elle simplement. J'irai chercher des troupes en Bretagne.

Et pour se prouver à elle-même son bon moral et sa confiance dans l'avenir, elle alla passer une nuit étourdissante avec M. de Villeneuve..
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MessageSujet: L'APRES NAPOLEON ...   NAPOLEON  ET LES FEMMES - Page 19 EmptyMar 22 Jan - 12:20

Tandis que la duchesse de Berry continuait de vivre dans un rêve, à Paris le Comité légitimiste, dirigé par Chateaubriand, Fitz-James et Hyde de Neuville, était absolument consterné. La folle équipée de Marie-Caroline risquait, en effet, de ridiculiser à jamais les Bourbons.
Il fallait que Marie-Caroline abandonnât son projet de soulèvement et retournât au plus vite en Angleterre. Berryer fut chargé d'aller lui apprendre la décision du Comité.
Le célèbre avocat arriva aux Mesliers le 21 mai. Très ému, il tendit à la duchesse une lettre de Chateaubriand.
Un peu inquiète, elle fit sauter le cachet et lut :

La guerre civile, toujours funeste et déplorable, est en ce moment impossible. Elle ferait couler inutilement le sang français et éloignerait de la cause royale tous ceux qui seraient disposés à s'en rapprocher.

- Lui aussi ! soupira Marie-Caroline.
- Ecoutez la voix de la raison, madame, dit Berryer, je vous en supplie. Voici un passeport qui vous permettra de passer en Angleterre !
- Non, monsieur ! Il n'est plus temps de reculer. Que penserait-on de moi ?

Pendant six heures, Berryer insista avec toute l'éloquence dont il était capable. A 3 heures du matin, il se retira enfin, croyant avoir gagné la partie.
Mais dès qu'il eut repris la route de Parie, Marie-Caroline lançait un appel à la révolte et fixait irrévocablement, la date du soulèvement à la nuit du 3 au 4 juin.
Cette fois, plusieurs milliers de Vendéens subjugués par la pétulante princesse, se préparèrent au combat. Et quand le tocsin sonna à Clisson, à Loroux, à Valet, à Aigrefeuille, des bandes de paysans chantant des refrains royalistes, brandissant des faux et des fusils, coururent au-devant des troupes de l'usurpateur. Ils étaient trois mille d'un côté, cinquante mille de l'autre.

Tout de suite, la plus épouvantable des tueries commença. Une tuerie qui devait durer six jours...
La folle équipée se terminait par un échec total.
Le 9 juin, épouvantée, la duchesse de Berry, empruntant des vêtements de paysanne, prit la route de Nantes en compagnie d'une amie, Mlle de Kersabiec, qui lui offrait un refuge.

Le soir même, elle était cachée dans une mansarde, au 3 de la rue Haute-du-Château.
Le calme lui revint vite. Au point que, dès le lendemain, elle recevait M. Guibourg, ce jeune avocat nantais dont elle avait été la maîtresse à Massa, et oubliait, dans ses bras vigoureux, les aléas de la politique...

La maison qui abritait la duchesse de Berry se trouvait dans un quartier assez calme, situé loin du centre. Bien vite, Marie-Caroline y eut des habitudes. Installée derrière une petite table de bois blanc, entre un lit de camp et une cheminée, elle tint ses "audiences".
Bien entendu, pour arriver jusqu'à la mansarde où se trouvait la "régente du royaume", il fallait montrer patte blanche. Et tout était prévu pour échapper à une éventuelle perquisition.
Derrière la cheminée se trouvait un réduit auquel il était possible d'accéder par la plaque de fonte qui était fixée par des gonds comme une petite porte. Marie-Caroline avait essayé cette ultime retraite. Elle y pouvait tenir à l'aise avec trois compagnons.

Chaque jour, des "envoyés" quittaient la rue Haute-du-Château pour l'Angleterre, l'Italie, la Russie, l'Espagne, le Portugal, la Hollande, porteurs de messages chiffrés, dictés par Marie-Caroline. Du fond de sa mansarde, la petite princesse, en effet, s'efforçait d'intéresser l'Europe à son cas et d'obtenir des appuis financiers pour renverser Louis-Philippe.
L'un de ses émissaires s'appelait Simon Deutz.
Marie-Caroline l'avait connu à Massa. Juif, originaire de Cologne, il s'était converti au catholicisme et avait su s'attirer les bonnes grâces du Vatican. Au mois de juillet, la duchesse l'envoya demander un prêt de quarante millions à Don Miguel de Portugal. Il revint avec des promesses assez réconfortantes et pensa que la duchesse, dont il était amoureux, accepterait, en reconnaissance, de lui donner, sur un coin du lit de camp, ce qu'elle offrait naguère, par caprice, dans les buissons du Languedoc...
Il se permit de lui en toucher - respectueusement - un mot. La duchesse lui jeta un regard froid :

- Contentez-vous du rôle que vous jouez dans mes affaires, dit-elle.

Puis elle le chargea d'une nouvelle mission.
Deutz chez qui "venait de naître une belle haine", s'inclina et partit, laissant Marie-Caroline persuadée de pouvoir hisser bientôt son fils sur le trône de France grâce aux quarante millions du Portugal.
Naïve et superbe confiance qui lui permettait, nous dit un auteur anonyme de l'époque, "de se faire fricoter la mignardise par le sieur Guibourg, son amant, sans avoir l'esprit troublé par des préoccupations extérieures qui restreignent toujours le plaisir de la nature".
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MessageSujet: L'APRES NAPOLEON ...   NAPOLEON  ET LES FEMMES - Page 19 EmptyMer 23 Jan - 19:16

Alors que la duchesse de Berry conspirait dans sa mansarde nantaise, à Paris, Louis-Philippe commençait à être inquiet :

- Tant qu'Elle ne sera pas arrêtée et chassée de France, disait-il, aucun ministère ne sera solide.

Le 11 octobre, le maréchal Soult formait un nouveau cabinet et donnait, sur l'ordre du roi, le portefeuille de l'Intérieur à M. Thiers.
Le petit Adolphe s'occupa aussitôt de Marie-Caroline. Il envoya à Nantes Maurice Duval, un préfet énergique à qui il ordonna de faire fouiller systématiquement toute la Bretagne.
Ce plan de campagne devait être superflu.
Un matin, M. Thiers reçut, en effet, une lettre étrange d'un inconnu qui lui donnait un rendez-vous à 9 heures du soir aux Champs-Elysées "pour lui faire une communication de la plus haute importance".
Perplexe, il montra le billet au préfet de police qui fut formel :

- N'y allez pas. C'est un guet-apens.

Adolphe hocha la tête et, dès que le préfet eut quitté son bureau, il prépara deux pistolets. Le soir, à l'heure dite, il arrivait, en voiture, au lieu du rendez-vous. Un homme attendait sous les arbres. Le minsitre, les deux mais dans ses poches, s'approcha de lui :

- Vous avez à me parler, monsieur ? Me voici. Mais montez donc dans ma voiture, nous serons mieux...

L'individu recula comme s'il voulait s'enfuir.

- Inutile de vous sauver, dit Thiers. Si vous ne montez pas dans ma voiture, je vous fais enlever par mes gens.
- Restons ici, dit l'inconnu.
- Non. Venez au ministère et ne m'obligez pas à employer la violence.

L'inconnu finit par monter dans la voiture.
Au ministère, il se présenta.
C'était Simon Deutz qui venait se venger de l'affront reçu quinze jours plus tôt à Nantes...
Il expliqua à Thiers qu'il était un des agents secrets de Marie-Caroline et qui'l connaissait sa cachette.

- Je dois remettre dans quelques jours, à la duchesse, d'importants documents. Je serai donc admis à pénétrer auprès d'elle. Voulez-vous que je vous la livre ?
- Combien ? dit le minsitre.
- Cinq cent mille francs.
- Vous les aurez !


Le 24 octobre, Deutz arrivait à Nantes, accompagné du commissaire de police Joly. Aussitôt, il se rendit rue Haute-du-Château pour s'assurer que la duchesse s'y trouvait toujours.
Il se déroula alors une scène qui prouve, une fois de plus, que le destin est un merveilleux auteur dramatique.
Deutz remit deux lettres à Marie-Caroline.
L'une de Berryer, l'autre du banquier Jauge.
La duchesse les prit, vit qu'elles étaient écrites à l'encre sympathique, les passa au réactif et les lut. Après avoir terminé la seconde, elle dit calmement :

- Le banquier me demande de me tenir sur mes gardes parce qu'un homme que je crois sûr m'a vendue à M. Thiers pour un million...

Elle ajouta en souriant :

- C'est peut-être vous !

Deutz, assez gêné, protesta mollement..
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MessageSujet: L'APRES NAPOLEON ...   NAPOLEON  ET LES FEMMES - Page 19 EmptyMer 23 Jan - 19:55

Dix minutes après, il prenait congé. En redescendant de la mansarde, il passa près de la selle à manger et vit une talbe mise avec sept couverts.
Sachant que les propriétaires de la maison, les demoiselles Guiny, vivaient seules, il en conclut que la duchesse devait dîner là avec des intimes.
Il courut rejoindre Joly :

- Vous pouvez agir. Mais dépêchez-vous. Elle sait qu'elle est trahie !

Aussitôt, l'ordre fut donné aux douze cents soldats (autant pour une seule femme ? Mazette ! tongue ) que commandait le général Dermoncourt de cerner le quartier où se trouvait Marie-Caroline.
Pendant que le dénonciateur était à tout hasard gardé à vue, l'opération commença.
Ecoutons le général Dermoncourt nous en conter lui-même le début :


"Il était environ six heures du soir, la nuit était belle. A travers les fenêtres de l'appartement où elle se trouvait, la duchesse voyait sur un ciel calme se lever la lune et sur sa lumière se découper, comme une silhouette brune, les tours massives du vieux château, lorsque M. Guibourg, en s'approchant de la fenêtre, vit reluire les baïonnettes et avancer vers la masion la colonne conduite par le colonel Simon Lorrière. A l'instant même, il se rejette en arrière en criant :

" - Sauvez-vous ! Madame, sauvez-vous !

"Madame courut aussitôt dans l'escalier."

Arrivée dans la mansarde, la duchesse se précipita vers la cheminée avec trois intimes - Mesnard, la jeune Stylite de Kersabiec, et naturellement le cher Guibourg -, poussa la plaque et pénétra à quatre pattes, suivie de ses mais, dans le réduit secret.
Ecoutons Guibourg nous conter la suite de cette aventure burlesque :

"A peine la plaque était-elle poussée que les soldats entrèrent dans la maison ; le commissaire qui les conduisait monta droit à la mansarde, qu'il reconnut aussitôt, à la description du traître.
" - C'est la salle d'audience, s'écrie-t-il.
"Des sentinelles sont posées dans tous les appartements, les issues dans les rues environnantes sont fermées, les meubles ouverts, les planchers et les murs sondés à grand bruit ; on allume du feu dans toutes les cheminées, sans en excepter celle de la cachette. Les hôtesses de la duchesse gardent leur présence d'esprit ; elles se mettent à table calmement ; la cuisinière refuse de fournir aux policiers la moindre indication. Après six ou sept heures de recherches inutiles, le préfet donna l'ordre de retraite, laissant sur place quelques hommes pour occuper toutes les chambres;
Deux gendarmes s'installèrent dans la mansarde. Deux gais lurons qui, pour tuer le temps, se contèrent des histoires lestes, à la grande joie de Marie-Caroline :

- Jamais je ne me souviendrai de tout cela ! murmurait-elle en riant.


Elle allait avoir des préoccupations plus sérieuses. La nuit était humide, et, dans leur réduit, les quatre emmurés grelottèrent bientôt de froid. Serrés les uns contre les autres, ils mangèrent des morceaux de sucre que Mesnard avait eu la bonne idée de mettre dans sa poche.
Vers dix heures, les gendarmes, transis eux aussi, décidèrent d'allumer du feu dans la cheminée.
En entendant les préparatifs, Marie-Caroline se réjouit :
- Nous allons avoir chaud ! ...

Hélas ! la cachette ne tarda pas à être envahie par une épaisse fumée et une chaleur insoutenable. 2touffant, suffoquant, Marie-Caroline et ses amis changeaient de position et tournaient sur eux-mêmes "avec une peine incroyable" nous dit Guibourg.

La plaque, devenue rouge, mit tout à coup le feu aux vêtements de la duchesse. On s'affola :

- Laissez-moi faire, dit Marie-Caroline.

Et tranquillement, elle éteignit les flammes en faisant pipi sur sa robe.
Vers onze heures, les gendarmes s'endormirent, laissant mourir le feu, et la situation des emmurés redevint supportable. La nuit passa.


- Peut-être vont-ils s'en aller à l'aube, dit Marie-Caroline.

Mais quand le jour parut, les gendarmes s'éveillèrent et rallumèrent le feu. Aussitôt, une fumée plus épaisse encore que la veille pénétra dans le réduit.
Cette fois, nous dit Guibourg, "l'espoir devenait impossible et la duchesse se résigna".

Poussant la plaque de cheminée qui s'ouvrit, elle cria :

- Otez le feu, nous nous rendons !

Et le visage noir de fumée, les yeux rouges, la robe à demi brûlée, elle sortit à quatre pattes à travers les cendres brûlantes. Quand elle fut dans la pièce, elle se releva et dit aux deux gendarmes éberlués :

- Je suis la duchesse de Berry ; vous êtes français et militaires ; je me fie à votre honneur ! ...

Quelques jours plus tard, Deutz alla réclamer au ministère de l'Intérieur les cinq cent mille francs qui lui étaient dus.
Thiers lui remit les billets un à un.
Avec des pincettes..
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MessageSujet: L'APRES NAPOLEON ...   NAPOLEON  ET LES FEMMES - Page 19 EmptyJeu 24 Jan - 18:23

LA DUCHESSE DE BERRY ACCOUCHE DANS SA PRISON



En toutes circonstances, elle faisait l'enfant... - HENRY D'ALMERAS -



QUELQUES jours après son arrestation, Marie-Caroline fut conduite, par bateau, jusqu'à la citadelle de Blaye, où on l'interna.
Au début de novembre, le colonel de Chousserie, qui avait la responsabilité de l'illustre prisonnière, signala au maréchal Soult que la duchesse était "fort souffrante et très impressionnable".
Un médecin, le Dr Gintrac, vint à la citadelle et ausculta Marie-Caroline. Après quoi, il se contenta de prescrire des boissons calmantes accompagnées de bains de pieds.
Le lendemain, le colonel de Chousserie, un peu rassuré, écrivit au ministère de la Guerre que la princesse souffrait seulement d'une légère indisposition. Il ajoutait toutefois :


Son ventre paraît avoir acquis un certain volume qui, cependant n'a pas été remarqué par le médecin, malgré qu'il le soit par beaucoup de personnes.

En effet, le même jour, le lieutenant Ferdinand Petitpierre, officier d'ordonnance du colonel Chousserie, notait dans son journal:

"Madame a la démarche et le ventre d'une femme enceinte cinq à six mois. Cependant, je ne crois pas m'apercevoir que sa corpulence ait augmenté depuis son arrivée. Il est vrai que je la vois tous les jours. Serait-elle enceinte ?"

Cette question, tout le monde allait bientôt se la poser. Tout le monde, sauf le Dr Gintrac, qui persistait à attribuer les étouffements de Marie-Caroline à l'air humide et froid qu'elle respirait dans la citadelle ((v'la un doc que je n'irai pas consulter geek ).

Chousserie l'engagea alors à ausculter entièrement la duchesse pour dissiper les doutes. Petitpierre nous conte la scène :


"Le docteur allait attaquer franchement la question ; mais elle ne lui en laissa pas le temps.
A peine eut-il prononcé les premiers mots qu'elle s'écria :

" - Je vois où vous voulez en venir ! Je suis grosse, n'est-ce pas ? Eh bien, c'est pour la quatrième fois.
"Là-dessus, elle se leva de sa chaise :

" - Tenez, monsieur Gintrac, assurez-vous-en vous-même, dit-elle en ouvrant ses vêtements. Tâtez-moi le ventre !
"Et, après que M. Gintrac se fut livré, par-dessus ses vêtements intimes, à quelques investigations sommaires, elle se prit elle-même le ventre à deux mains et le pressa fortement.
" - Voilà, dit-elle amèrement, comme je suis grosse ! Vous me rendriez bien plutôt service si vous me débarrassiez de cette infirmité."

Trompé une fois de plus par le toupet de Marie-Caroline, le Dr Gentrac revint vers le colonel Chousserie et lui déclara gravement :

- Je ne crois pas que la duchesse soit enceinte (skons et aveugle, le pauvre tongue ). Si son ventre est gros, c'est par suite d'un gonflement de la rate. ........ Razz Razz

Il ordonna des bains suivis de frictions et rentra chez lui.


Le colonel, de plus en plus perplexe, décida alors de demander au ministre de la Guerre l'envoi de médecins parisiens. Soult désigna le Dr Orfila, doyen de la faculté de Médecine, et le Dr Auvity, qui avait soigné jadis Marie-Caroline. Les deux hommes arrivèrent à Blaye le 24 janvier. En les voyant entrer dans sa chambre, la duchesse parut épouvantée. Puis elle se ressaisit et déclara qu'elle était prête à se laisser ausculter.
Orfila et Auvity retirèrent leur redingote, palpèrent soigneusement l'abdomen princier, hochèrent la tête, remirent leur redingote et rentrèrent à Paris.

- Alors ? leur dit Soult.

La réponse fut moins catégorique que ne l'espérait le maréchal :

- L'abdomen nous a paru un peu développé relativement à son état ordinaire.
- Mais est-elle enceinte ?

Orfila fit un geste vague :

- Elle semble en présenter les symptômes.
- Fort bien, dit Soult, il faut donc la surveiller étroitement. Je vais nommer à Blaye un homme énergique et perspicace..
.

Une semaine plus tard, le 31 janvier, le colonel Chousserie était remplacé par le maréchal Bugeaud.
Dès son arrivée à Blaye, celui-ci alla jeter un coup d'oeil militaire sur la jeune femme et envoya un rapport à Soult pour l'informer de ses soupçons :

"Il serait difficile, en effet, écrivait-il gravement, d'expliquer la coïncidence d'une bonne santé avec une proéminence qui viendrait de l'hydropisie ou de l'engorgement d'un viscère."

Précisons qu'à cette époque la duchesse était enceinte de cinq mois
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MessageSujet: L'APRES NAPOLEON ...   NAPOLEON  ET LES FEMMES - Page 19 EmptyJeu 24 Jan - 18:54

Un autre problème tracassa bientôt Bugeaud.
Malgré un arrondi de plus en plus révélateur, Marie-Caroline ne semblait pas s'inquiéter du scandale qui allait nécessairement éclater.
Le 11 février, le maréchal écrivit à Soult :


"Mme la duchesse est extrêmement gaie et joue avec ses perruches et son petit chien Bévis.
C'est ce que nous ne pouvons concilier avec un état qui semble être celui d'une grossesse avancée. Si ce que l'on suppose est vrai, elle doit avoir par devers elle un moyen de mettre son honneur à couvert. Ce ne peut être qu'un mariage réel ou supposé."


Le brave militaire voyait juste. Marie-Caroline n'était nullement tourmentée par son état. "Ce n'était pas, écrit la comtesse de Boigne, sa première grossesse clandestine. Elle croyait les princesses en dehors du droit commun à cet égard et ne pensait nullement que cet incident dût influer sur son existence politique d'une façon sérieuse".
En outre, depuis quelques jours, des amis sûrs lui avaient trouvé un "mari" capable d'endosser la plus extravagante des paternités..
Le 22 février, Bugeaud, qui avait peur de subir le même sort que Chousserie, supplia Marie-Caroline de lui dire la vérité.

- Le gouvernement vous saura gré de votre franchise, madame. Attendez-vous un enfant ?


La duchesse crut comprendre qu'un aveu lui vaudrait la liberté. Elle éclata en sanglots, se jeta dans les bras du maréchal et lui avoua qu'elle s'était mariée secrètement et qu'elle était enceinte de six mois.
Bugeaud poussa un gros soupir.

- Il me faut une déclaration écrite, dit-il.

Marie-Caroline prit un papier et écrivit :


Vu que je suis pressée par les circonstances et par les mesures ordonnées par le gouvernement, et quoique ayant les motifs les plus graves pour tenir mon mariage secret, je crois devoir à moi-même ainsi qu'à mes enfants de déclarer m'être mariée secrètement pendant mon séjour en Italie.

Marie-Caroline
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