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Détente - amitié - rencontre entre nous - un peu de couleurs pour éclaircir le quotidien parfois un peu gris...
 
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 LE DERNIER BANQUET

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Jean2
MAINGANTEE
epistophélès
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epistophélès

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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 4 EmptyMer 12 Juil - 14:37

"Le lendemain matin, je pars pour Marseille. Virginie considère que Marseille fera aussi bien l'affaire qu'à Paris pour ce que je recherche. C'est un port proche de l'Italie, une ville qu'elle trouve libidineuse et licencieuse (les deux qualités idéales pour le commerce qui m'intéresse). Je lui cache le véritable but de mon voyage ; non pas l'objet en question, mais un homme capable de le fabriquer. Je voyage incognito, autant que faire se peut avec un équipage de quatre hommes en armes et un cocher en livrée. Le maire est informé de mon arrivée dans l'après-midi et m'offre l'usage sa sa propre maison. Je lui explique que ma présence dans sa ville est une affaire délicate et que je lui serai reconnaissant de sa discrétion. Il s'incline avant de quitter ma chambre (une grande partie de l'étage supérieur de l'hôtel que j'ai choisi), non sans me proposer une nouvelle fois ses services en cas de besoin. Il s'en va avec l'idée que ma visite dans sa ville est officiellement non officielle, c'est son choix.
Il règne dans la cité une puanteur telle que en quête des sources de ces odeurs, je passe ma première matinée à me perdre dans les ruelles. D'étranges fruits sont empilés sur une charrette à bras dans un marché où les gens sont presque tous des Maures ou des Africains du Nord. J'achète deux ou trois de chaque fruit, demande leur nom et prends des notes sur leur goût, leur texture et leur consistance. Des chèvres apparemment sauvages sont pendues à une fenêtre, égorgées, éviscérées, dépecées, mais toujours avec leurs sabots et leur tête. Je cherche à savoir de quel pays elles viennent, car je ne reconnais pas cette espèce, mais ma question est mal comprise. On me donne le nom d'un marché dans la zone du port. Le premier homme à l'air français à qui je demande mon chemin me répond qu'un gentleman comme moi ne devrait pas aller dans un lieu pareil. Aussi, avec le sourire, je lui fais ma seconde requête, et il me propose de m'emmener dans un bordel où les filles sont propres, volontaires et le prix, raisonnable. Après l'avoir remercié, je lui repose ma première question, et il me dit connaître trois fabricants de redingotes anglaises. Peut-il me conduire chez le meilleur Question

Nous nous séparons dix minutes plus tard devant un atelier qui empeste le soufre et la viande décomposée. Mon guide prend son obole et accepte mes remerciements. Cet homme a-t-il été envoyé par le maire pour me surveiller Question Peu importe. A l'intérieur, un petit Italien au visage renfrogné s'illumine en voyant la qualité des mes vêtements. L'endroit est éclairé par une fenêtre sans vitre qui donne sur une cour sordide, où un brasero dégage une épaisse fumée jaune. Un gamin s'amuse à mettre la main dans la fumée sans cependant en approcher son visage. Suivant mon regard, l'Italien me dit que je suis au bon endroit, qu'il conçoit les meilleures baudruches du monde.
- J'ai besoin que vous m'appreniez à les fabriquer.
Son expression demeure indéchiffrable tandis que j'examine son atelier sombre. J'ai éviscéré assez d'animaux pour identifier des entrailles de mouton dans un seau. La fumée jaune est du soufre à l'odeur caustique.
Un second seau est rempli de petites entrailles flottant à sa surface, et un long couteau finement aiguisé montre que je l'ai interrompu en train de nettoyer un morceau de panse. Il y a peu de distance entre la cuisine et la chimie ; or cet artisanat combine manifestement les deux."

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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 4 EmptyJeu 13 Juil - 18:12

" - Vous aimeriez fabriquer et vendre des redingotes anglaises Question
- Je veux savoir comment elles sont faites, combien de temps elles durent et quels sont les meilleurs matériaux que l'on peut utiliser.
Je prends mon calepin, cherche dans ma poche mon petit encrier en argent, puis insère une plume dans mon porte-plume. Ensuite, je pose mon matériel sur l'espace le plus propre d'un banc. Mes gestes le persuadent que je suis sérieux.
- Mes secrets valent cher.
- Plus cher que ceux de vos confrères Question
Le prix m'importe peu, dans la limite du raisonnable, mais certains rituels doivent être observés avec des hommes comme lui.
- Personne ne m'arrive à la cheville, dit-il platement. Je suis le meilleur.
- C'est pourquoi je suis venu vous trouver.
Il sourit, flatté, et donne un prix pour ses connaissances qui correspond sans doute au double de ce qu'il espère, mais reste inférieur au montant que Virginie dépenserait pour une simple robe. Nous tombons d'accord sur un montant légèrement inférieur, cependant assez élevé pour qu'il ait le sentiment d'avoir fait une bonne affaire. Pendant que nous travaillons (il m'enseigne son art comme un maître à son apprenti en me montrant les gestes appropriés avant de donner les rênes), il me raconte l'histoire mal connue des condoms. Leur nom viendrait d'un comte anglais qui en aurait donné à son roi pour lui éviter d'avoir trop d'enfants illégitimes. Ou d'un colonel français du nom de Cundum. Remontent-ils à l'Antiquité ou sont-ils de facture récente Question Apparemment, leur histoire varie selon les attentes des acheteurs.
- Prenez des intestins d'agneau et laissez-les tremper plusieurs heures dans l'eau...
Il se renfrogne quand j'ouvre la bouche pour lui poser une question, puis hausse les épaules. Je le paie pour avoir des réponses.
- Doit-on prendre de l'agneau Question
- Traditionnellement, oui.
Il réfléchit un instant.
- Mais je ne vois pas pourquoi vous ne pourriez pas utiliser un autre animal, si l'agneau vous dérange.
Je lui fais signe de continuer.
- Après l'avoir bien lavé, mettez-le dans de l'eau avec un peu de lessive.
Il me montre le seau de liquide laiteux.
è Ensuite, retournez-le et trempez-le de nouveau. Après, ôtez très délicatement la membrane collante, et puis vous faites comme ceci.
Il me prend la fine membrane des mains et m'entraîne dehors, où il jette une poignée de soufre dans une assiette chaude. A l'aide de pinces en bois. Il maintient la membrane dans les émanations de fumée.
- Ensuite, lavez-le avec de l'eau et du savon, vérifiez qu'il n'y a pas de trous et nouez-le à environ quinze centimètres. Vous obtenez une baudruche.
L'homme observe mon oeuvre et lève les yeux au ciel.
- En voilà un que je ne risque pas de vendre Exclamation
- Et comment l'améliorer Question
- En vous exerçant.
- Non, comment améliorer ceux que vous vendez Question Comment les rendre plus propres, plus fins, plus souples Question Je veux les perfectionner.
Il soupire. Grâce à une nouvelle pièce d'or en main, il me révèle quelle partie des entrailles convient le mieux, ainsi qu'une méthode secrète pour la travailler, une technique connue de lui seul et du fabricant de baudruches du sultan ottoman. J'obtiens également l'adresse d'un verrier qui fabrique des godemichés pour les familles les plus illustres. Le fabricant de verre habite dans le quartier où je me suis rendu le matin même, et ce n'est qu'après lui avoir expliqué ce que je recherche, à savoir un godemiché grandeur nature, ni trop grand ni trop petit, correctement taillé et monté sur une base en bois, à la manière d'une petite statue, que je trouve le marché mentionné par les Maures. Je demande :
- Ceci... Quel genre de chèvre est-ce Question
Le vieil homme à qui je m'adresse demande de l'aide à un garçon enchanté de servir de traducteur à son grand-père, ou grand-oncle, qui sait quel est leur lien de parenté. Ils sont indubitablement de la même famille, ils ont les mêmes pommettes et la même bouche, comme Charles et Virginie ont les mêmes grands yeux, d'une beauté insupportable.
- C'est un mouton qui ressemble à une chèvre. L'animal a de larges cornes entortillées et incurvées vers l'arrière. Sa gorge, son poitrail et ses pattes sont couverts de longs poils brun jaune et sa queue pend par terre. Il ressemble vraiment à une chèvre.
- Sentez-le, dit le gamin.
Le vieil homme a raison : l'animal n'a pas la puanteur caractéristique de la chèvre et, maintenant que je le regarde de près, il lui manque également la barbichette. En dehors de cela , c'était pratiquement les mêmes. Non loin de là se trouvent deux petits en train de bêler et leur mère.
- Comment les appelez-vous Question
Je note arudi sur mon calepin et tombe d'accord sur un prix pour qu'ils me soient livrés à l'hôtel, avec paiement à la livraison. Je suis dans ma chambre, en train de manger une bouillabaisse au goût correct, malgré le manque de safran, quand on frappe à la porte.
- Monseigneur, pardonnez-moi de vous déranger, mais un garçon insiste pour...
J'envoie l'aubergiste dire à l'enfant d'attendre que j'aie terminé mon repas et ordonne à mon cocher d'attaches les pattes avant et arrière des arudis et de les embarquer sur le toit de ma voiture en vue de notre départ imminent.
- File chez toi, dis-je au gamin avant de l'arrêter pour lui poser une dernière question, dont la réponse est récompensée par un sou.
Les bêtes se reproduisent facilement et sont meilleures frites à l'ail ou mijotées avec des fruits."

RETOUR DANS 5 MINUTES. ... Wink
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 4 EmptyJeu 13 Juil - 18:38

"L'arudi

Préparez une marinade en mélangeant romarin, menthe, piment, ail et, dans un bol d'huile d'olive, le jus de deux citrons et 'une orange sanguine. Ajutez du sel, du poivre et versez la préparation sur deux livres de viande des pattes d'un jeune arudi coupée en petits morceaux. Bien mélanger. Couvrez d'un tissu pour protéger des mouches et laissez mariner toute la nuit dans une pièce fraîche. Le lendemain, faites coquer la peau de deux poivrons rouges et deux poivrons verts à la femme. Ôtez la peau aussi proprement que possible. Laissez refroidir les poivrons. Répétez l'opération avec une grosse aubergine, éminez-la et pressez-la entre deux plaques pour lui ôter son amertume (jetez le jus). Grillez la viande marinée, ajoutez de l'hile d'olive si nécessaire, puis les poivrons et l'aubergine, et faites revenir rapidement le tout. Peut être consommé avec du riez ou du pain de campagne. Goût de mouton.

Comment fabriquer de parfaites redingotes anglaises

Prenez les caecums de deux petits animaux (les arudis sont idéaux) et laissez(les tremper une journée dans de l'eau fraîche. Changez l'eau deux fois. Puis retournez-les et plongez-les dans de l'eau avec un peu de lessive pendant deux jours supplémentaires. Grattez délicatement pour ôter la muqueuse et laissez la peau épaisse extérieure. Exposez aux vapeurs de soufre, puis lavez soigneusement à l'eau et au savon. Redonnez au second boyau sa forme première (avec la partie grattée à l'intérieur) et mettez-la de côté. Enfilez le premier boyau sur un godemiché de verre huilé et passez le second sur le premier. Les deux surfaces intérieures vont se sceller ensemble. Lissez le fourreau à l'aide d'un poids en verre pour affiner sa membrane. Imbibez d'hile et frappez l'objet plusieurs fois sur une table pour en casser les fibres et le rendre plus souple. Cousez un ruban rouge autour de l'extrémité inférieure pour la refermer.

Note : le caecum est une poche qui se forme naturellement entre l'intestin grêle et le gros intestin, et qui a la forme du membre masculin humain. Contrairement aux préservatifs fabriqués avec des intestins de mouton, ceux en caecum n'ont pas besoin de coutures, e qui les rend plus agréable à porter. Tous les préservatifs peuvent être trempés dans du lait ou de l'eau avant utilisation, mais les meilleurs fabricants de redingotes anglaises de Marseille recommandent de seulement les enduire d'huile d'olive fraîchement pressée. Bien les laver après emploi et les suspendre pour les faire sécher."

FIN DU XV
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 4 EmptyJeu 13 Juil - 18:40

Désolée, il y a eu un problème de taille des caractères. En voulant corriger, le texte avait disparu. Je suis donc retournée en arrière et ai laissé le texte tel quel. ... Laughing
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 4 EmptyVen 14 Juil - 18:12

"XVI

Charles se marie

Les funérailles d'Amaury, duc de Saulx, sont les dernières grandes funérailles nationales. D'autres par la suite ont eu la même prestance, mais pas la même solennité, comme si nous avions tous la prescience que le monde allait changer. Né dans un autre siècle, Amaury de Saulx a grandi sous le règne du Roi-Soleil et a été le filleul préféré du roi. Les hommes qui sont venus à son enterrement sont aussi âgés que leur demeure.
Des maréchaux, des généraux, des ducs et des pairs de France si vieux qu'il faut les aider à descendre de leur voiture. Bien qu'ils aient besoin d'une canne pour se déplacer, ils rabrouent les serviteurs qui cherchent à les aider, comme si on voulait les presser.
Les anciens légitimés de Louis XIV sont morts, mais leurs fils, les représentent. Le service a lieu au château de Saulx, et le roi en personne assiste à l'office. La bataille de Fontenoy, dans les Pays-Bas autrichiens, est encore dans toutes les mémoires. Le roi en personne est allé sur le champ de bataille avec son fils de seize ans, et, avec l'aide de son maréchal, Maurice de Saxe, a défait les armées coalisées des Provinces-Unies, des Anglais, des Autrichiens et des Hanovriens. L'assaut de cavalerie mené par Charles contre l'infanterie anglaise et hanovrienne a permis de remporter la bataille. Il avait alors vingt-neuf ans et en a aujourd'hui trente. Le jour de l'enterrement, son expression est indéchiffrable. Avant de partir, il me serre fermement la main, hésite, puis m'étreint. Il embrasse sa soeur sur les deux joues avec retenue et nous promet de nous écrire.
Virginie pleure en silence pendant une partie du trajet de retour à la maison. Ce sont ses premières larmes depuis l'annonce de la mort de son père. Je ne sais pas si elle pleure à cause de son père, de la froideur des adieux de son frère ou de l'émotion de la semaine qu'elle a passe dans son ancienne chambre d'enfant.
- Charles t'a toujours préféré à moi.
- Virginie Exclamation ..
- C'est la vérité. Je suis surprise qu'il m'ait laissé t'épouser. Parfois, je me demande si nous sommes vraiment frère et soeur.
- Bien sûr que vous êtes frère et soeur Exclamation Il serait difficile de trouver deux personnes plus semblables. Cela se voit dans vos yeux, dans vos pommettes. Dans votre comportement. Votre vision du monde.
Virginie me jette un regard si implacable que j'ai l'impression qu'elle a de nouveau seize ans.
- Il n'aurait pas pu m'en empêcher de toute façon, dis-je pur l'apaiser.
- Bien sûr que si. Ma mère détestait cette idée. Mon père avait des doutes. Charles a pris ta défense. Il a convaincu Margot de prêcher en ta faveur. Crois-tu que mon père aurait accepté si Charles s'était opposé à notre mariage Question
- Je croyais qu'ils ne s'aimaient pas Question
Je n'avais jamais formulé cette idée à haute voix et, en l'écrivant aujourd'hui, j'ai honte d'avoir si mal compris le fonctionnement d'une famille. Tout ce que je peux dire pour ma défense, c'est que je n'en ai jamais vraiment eu avant de rencontrer Charles et Virginie... Je suis alors son mari, le père de son enfant. Mais elle est - et sera toujours - la fille d'Amaury de Saulx. Qu'elle m'ait aimé et offert sa virginité est aujourd'hui encore un choc pour moi, même après dix ans de mariage.
Virginie soupire. Son visage se fait pensif tandis qu'elle cherche les mots justes et qu'elle sèche ses dernières larmes du revers de la main.
- Il a vécu à une époque plus difficile.
Ce sont les seuls mots qu'elle a jamais prononcés sur son père et sur la relation de Charles et son père. Une relation qui, je le comprends aujourd'hui, est le miroir de la sienne. Je suis l'exception.
La tendresse de son père à mon égard était permise par l'absence de liens du sang entre nous. Le duc a vraiment vécu à une autre époque."

J'REVIENS Exclamation ... Basketball
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 4 EmptyVen 14 Juil - 18:51

"Charles se marie deux ans plus tard, durant l'été 1748, avec une jeune femme de la moitié tout juste de son âge : dix-sept ans. Lisette a les yeux noirs, le visage rond, des cheveux noirs bouclés jusqu'aux épaules et une silhouette ferme, presque musclée, avec des seins hauts et des hanches étroites, comme un garçon.
Elle a l'air plus bretonne que normande. Je ne savais pas que Jérôme avait une soeur cadette, encore moins une soeur née pendant que nous étions à l'académie. Charles est amoureux, d'une gentillesse inhabituelle et d'une grande nervosité. Virginie est rassurée par son attitude.
Comme si son frère, qui a toujours été trop brave, trop fort, et, selon elle, trop négligent en regard de l'affection que lui témoigne son entourage, se rachetait en affichant la même vulnérabilité que nous cherchons tous si désespérément à cacher.
Il se marie lors d'une cérémonie privée dans la chapelle de Saulx, à l'endroit même où les nobles et les princes se sont rassemblés pour les funérailles de son père deux années auparavant. Assis au premier rang à côté de ma femme et mon jeune fils, Jérôme fait de son mieux pour avoir l'air adulte parmi les amis de son père. Comme je m'étais tenu près d'Emile le jour de son mariage, je suis près de l'autel à côté de Charles quand Lisette s'avance. La différence, c'est que Charles avait été invité au mariage d'Emile et était venu par sens du devoir alors qu'Emile n'a pas été convié à cette cérémonie. J'ai reçu une lettre d'Emil pour me demander d'intercéder en sa faveur et lui ai répondu que j'en parlerais à Charles sans toutefois pouvoir rien lui promettre. Emile ne m'a plus écrit pendant trois ans. Cela aurait été pire s'il avait su que son exclusion était l'oeuvre de Virginie et que c'était elle, et non Charles, que je n'avais pu fléchir.

Ce sont de belles années pour Charles, Jérôme et moi. Nous sommes dans notre prime jeunesse, mariés, avec de jeunes ou futurs enfants. Lisette tombe enceinte presque tout de suite, et Jérôme et moi sommes les parrains d'Aumaury, le premier fils de Charles.
Notre amitié date de l'académie, et nos trois noms sont rarement prononcés séparément. Grâce au père de Charles, j'ai pu me faire une place dans le monde, que mon amitié avec Charles et Jérôme a consolidée. A l'académie, tous deux haussaient les sourcils, faisaient des messes basses, me surnommaient le "philosophe" et me pardonnaient mon étrangeté parce qu'elle les amusait. Mais, au fil des années, mon étrangeté s'est muée en originalité, que d'aucuns considèrent comme une vertu.
La société approuve mon union avec la soeur de Charles. Nous sommes courtois en public, selon les convenances, et affectueux en privé. Je ne prends pas de maîtresses et Virginie n'a pas d'amants. C'est inhabituel pour un coupe comme le nôtre à cette époque. En effet, nous partageons le même lit et nous dévouons l'un à l'autre, autant que l'étiquette nous le permet. Plus tard, je me demanderait si Virginie attendait plus de moi et de sa vie. Si tel était le cas, elle ne me l'a jamais montré. Elle a été l'épouse, la mère et la châtelaine parfaites."

Very Happy
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 4 EmptySam 15 Juil - 15:23

"Grâce à une partie de l'héritage de son père, je fais rénover les cuisines du château d'Aumout, rebâties dans un style moderne. Un nouveau four à pain est installé, et l'ancienne broche, remplacée par une autre de mes inventions. Ma broche, qui s'actionne à la main, a un mouvement régulier grâce à un mécanisme d'horlogerie actionné par un ressort. Je peux même modifier la vitesse selon mes besoins. Un artiste de Paris est venu à la demande du roi réaliser des gravures de mes plans.
J'ai fait babriquer par un ferronnier d'immenses poêles au fond trois fois plus épais que la normale. Elles mettent plus de temps à chauffer, mais retiennent mieux la chaleur et peuvent être mises de côté et continuer à cuire les ingrédients avant d'être remises sur le feu.
J'ai fait faire également une immense grille dorée d'une longue poignée, que l'on peut plonger dans le charbon et laisser le temps de faire caraméliser du sucre, brunir la peau d'une oie ou croustiller la couenne d'un sanglier. Je travaille sur ma théorie selon laquelle les goûts en cuisine ne doivent pas être comparés au vin, mais à la musique. Ils contiennent des notes aiguës, des notres graves, des harmonies. Le repas parfait doit tenir compte de tous ces paramètres.
Dites-moi ce que vous mangez, je vous dirai qui vous êtes... Cette phrase que j'ai écrite dans l'une de mes lettres à Jérôme, qui se vantait du boeuf et des tubercules de sa Normandie, est devenue un bon mot qui a circulé à Versailles et dont la paternité a été réclamée par d'autres. Mon simple commentaire que les années passées ont ouvert nos palais et que la découverte de la canne à sucre, des liqueurs, des vins rouge et blanc, de la vanille, du café et du thé nous ont donné des saveurs jusqu'alors inconnues a servie de base à de nombreux livres. Des chefs de Paris m'ont dédié des recettes, puis des chefs de Rome, de Londres, avec qui nous sommes momentanément en paix, et où tous les meilleurs chefs sont de toute façon français. Rousseau m'a écrit, D'Alembert a consacré une entrée à ma théorie dans la première édition de son Encyclopédie.
Je suis fier d'avoir défendu la pomme de terre, un légume venu d'Amérique qui produit plus de nourriture à l'hectare que le blé. C'est un aliment riche, nutritif et sain, qui pourrait, j'en suis certain, sauver la France de la famine si on la cultivait en grandes quantités, car les paysans peuvent s'en servir pour nourrir leur bétail en hiver."

A DE SUITE. ...
Wink
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 4 EmptySam 15 Juil - 15:55

"Malheureusement, la ressemblance de ses racines avec celles de la belladone, plante mortelle, en convainc beaucoup de sa toxicité. J'ai moi-même vu mes filles de cuisine laver leurs mains après les avoir manipulées.
Pire, le Parlement français a interdit sa culture au motif que la pomme de terre provoque la lèpre, une absurdité que j'ai prouvée en mangeant des tubercules tous les jours pendant une semaine avant de mettre au défi la faculté de médecine de Paris de m'examiner et de me trouver la moindre maladie.
L'hiver 1753, Virginie tombe enceinte, et je réalise que je vais avoir besoin d'une nouvelle redingote anglaise. En dépit de nos inquiétudes, elle mène le bébé à terme, et nous baptisons notre fille Hélène, du nom de la tante préférée de Virginie. Jean-Pierre a quatorze ans quand il découvre que sa mère attend un enfant, et quinze quand nous l'envoyons chez son oncle Charles la semaine de la naissance d'Hélène. Il voyage seul (avec le cocher) du château d'Aumout au château de Saulx. Son voyage a sans doute été aussi instructif que le mien à son âge.
On lui a offert une place à l'Académie de Brienne deux ans auparavant, mais il a choisi de rester à la maison, et Virginie est enchantée de sa décision.
L'été passé avec Charles li a tant plus qu'il y retourne l'année suivante. Et l'année d'après, d'autant que son oncle lui a promis de l'introduire à Versailles. C'est là que la tragédie se produit. Nous sommes au château d'Aumout quand nous apprenons la nouvelle, apportée par un messager royal. Jean-Pierre a fait une chute de cheval au cours d'une partie de chasse avec le dauphin. Il s'est brisé la nuque et est mort sur le coup.
Je me rappelle le moment où la lettre est arrivée, les perles de sueur sur le visage du messager royal, qui vient d'être introduit dans le jardin à la française que Virginie et moi avons planté pour imiter celui du château de Saulx. Je me rappelle son salut respectueux avant de me tendre la lette, ma voix brisée quand j'ai lu les mots de Charles à ma femme et que nous avons compris leur signification. Je me souviens des sanglots de Virginie et du froissement de la soie lorsqu'elle s'est évanouie.
Je ne me rappelle pas mes pensées. Sans doute n'ai-je songé qu'à aider Virginie. Quant à mes sentiments..., je n'ai jamais pleuré pour Jean-Pierre. Mais, durant les semaines qui ont suivi sa mort, j'ai parcouru les chemins que lui et moi arpentions ensemble quand il était petit. Autour du petit lac, dans le jardin à la française jusqu'à l'arbre du désespoir des singes (Araucaria). Je les parcours sans relâche, si bien que mes chevilles saignent et que mes pieds me font tellement souffrir que j'ai l'impression qu'on les a brisés à l'aide de marteaux."

FIN DU XVI
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 4 EmptySam 15 Juil - 17:22

"XVII

1757

L'amant

Virginie réagit terriblement mal à la mort de Jean-Pierre, comme l'on peut s'y attendre de la part d'une mère. Elle se retire de la vie familiale, et notre fille de trois ans s'accroche à moi comme une ombre, jusqu'à ce que j'embauche une jeune femme de Limoges pour lui servir de nourrice. Féroce et obstinée, Hélène a hérité du tempérament de son grand-père et de l'apparence de sa grand-mère. Peut-être aurais-je dû la laisser se cramponner à moi. Ce n'est que plus tard que je réalise que l'enfant avait besoin de moi pour compenser l'absence de sa mère.
Les années avec Jean-Pierre en ont été de belles pour nous, mais de sombres pour la France.
Louis XV, autrefois le Bien-Aimé, est désormais haï par son peuple. Quand Emile et moi nous revoyons enfin à Paris, au cours d'un dîner avec sa famille, Mme Duras me dit avec le plus grande sérieux que la police locale kidnappe les enfants des pauvres pour que le roi puisse se baigner dans leur sang et guérir ses maladies.
Comme il s'agit de trahison, l'entraîne Emile à l'écart et lui conseille de surveiller les paroles de son épouse, car tout le monde ne sera pas aussi indulgent que moi. Il m'observe d'un drôle d'air, puis me répond que sa femme ne fait que répéter ce que tout le monde pense à Paris. L'exécution de Damiens l'année suivant, au printemps 1757, échauffe les esprits. L'homme a tenté d'assassiner Louis et mérite donc d'être exécuté. Mais quatre heures de torture publique, avec du plomb fondu coulé dans ses plaies Question Des imbéciles comme le beau-père d'Emile paient sept cents livres pour jouir d'un balcon en place de Grèves et pouvoir donner une réception tout en assistant à l'agonie... Nous dégoûtons l'Europe par notre dégénérescence. Nous nous dégoûtons nous-mêmes.
Les années où Jean-Pierre était vivant sont passées, comme toujours lorsque l'on vieillit, encore plus vite à mes yeux. Quoique pas moins vite qu'aujourd'hui, où chaque nouvelle année semble être presque aussitôt suivie de la suivante, avec seulement quelques lettres écrites et quelques livres lus dans l'intervalle.
Le jour où je mangeais des scarabées adossé à un tas de fumier et où j'ai vu arriver le duc d'Orléans à cheval sous l'arche de la cour de mes parents m'a paru plus long que l'années passée tout entière.
Certains jours, j'aimerais trouver Dieu, mais nous ne cessons de nous manquer dans les croisements de nos existences. Enfin, de ma vie et Son éternité. Le fait que je ne croie pas vraiment en lui ne l'encourage probablement pas à me faire signe. Virginie a la foi. Une foi inconditionnelle. Je la lui envie après la mort de notre fils tout en m'agaçant qu'elle ne remette nullement en question ce qu'on lui a inculqué.
Nous communions ensemble tous les dimanches dans l'église locale plutôt que d'inviter le prêtre à venir dans notre petite chapelle, et Virginie récite des prières silencieuses pendant que je réponds publiquement aux questions et tente de ne pas nourrir de pensées impures à l'encontre de la fille du fermier du coin ou de la jeune épouse d'un marchand de vin. Mes pensées s'égarent parfois, mais jamais mes mains, et je crois que Virginie le sait.
Apparemment pas. Un an après la mort de Jean-Pierre, Virginie prend un amant."
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 4 EmptySam 15 Juil - 18:07

"Sont-ils amants sur le plan physique Question Je n'en sais rien. Le père Laurent est un jeune prêtre du village voisin, de cinq ans le cadet de Virginie. Elle lui confie sa douleur et, au fil des mois, il réussit à soulager son chagrin et à redonner un sourire à son visage. Et à ses yeux. Ce que je n'ai pas su faire.
Tout le bénéfice me rivent et je peux faire renvoyer le prêtre si je le désire. Mais tout le monde l'apprécie pur sa candeur et sa sincérité. Ses sermons sont brefs, ses pénitences, indulgentes. D'après la rumeur, il a lu Voltaire et croit que Dieu a un plan pour chaque homme, même celui-là. S'ils sont amants, comme beaucoup se le disent à voix basse (dans mes pires cauchemars, elle se penche nue sur lui, un sourire dans ses yeux noirs), je peux le faire défroquer par l'évêque. Mais, si on devait défroquer tous les prêtres de village qui couchent avec des épouses malheureuses et des veuves solitaires, la moitié des presbytères français seraient déserts.
Charles finit par résoudre le problème.
Il arrive un après-midi sans prévenir, à l'automne 1757, dans le carrosse grandiose qui était venu nous chercher à l'académie. A présent, il a l'air terne et vieillot. Charles me salue avec bienveillance et serre sa soeur contre lui, puis tous deux se promènent autour du petit lac et s'assoient sur un banc abrité par une grand saule. Là, ils discutent jusqu'à ce que le sunny se couche derrière les arbres. Le ciel change de couleurs, et le monde se déplace légèrement sur son axe, comme si, pendant un temps, il retrouvait sa place.
Virginie vient dans mon lit cette nuit-là.
Par les fenêtres ouvertes, j'entends le crissement des paons sur le gravier et les aboiements des chiens, puis le craquement de la porte de communication entre nos deux chambres. Une silhouette blanche se découpe dans l'obscurité.
- Puis-j venir Question demande-t-elle.
- Bien sûr...
Ses cheveux sont lâchés, ses pieds, nus, et elle ne porte pas le châle de dentelle qui couvre habituellement ses épaules. La nuit emporte les années. Une femme à la lueur des bougies est plus jeune que dans la lumière d'une lampe à huile, et une femme dans le noir, plus jeune encore. Je ne doute pas qu'il en soit de même pour les hommes à travers le regard des femmes.
Virginie me semble alors aussi jeune et belle que durant les premières semaines de notre mariage. Elle hésite, puis, comme je lui fais de la place et rejette les couvertures, elle se glisse dans le lit à côté de moi. Cette nuit-là, aucun de nous deux ne dort vraiment. Quoique pour des raisons différentes. Nous restons enlacés, d'abord avec raideur, puis nous nous relâchons, et nos corps s'épousent naturellement. La tension des épaules de Virginie disparaît et elle me sourit lorsque je lui embrasse les cheveux.
Nous faisons l'amour le lendemain matin, ce qu'elle préfère à tard dans la nuit. Nous n'en évoquons jamais la raison ; pourtant, je la connais. Virginie aime si peu son corps qu'elle se sent mal à l'aise le ventre plein.
Au petite matin, quand la nourriture est digérée et que ses boyaux et sa vessie sont vidés, elle est plus indulgente avec elle-même. Notre existence serait bien moins compliquée si nous acceptions notre condition d'animaux au lieu de nous croire si supérieurs.
Elle me demande d'agir doucement la première fois, sourit quand je la prends avec force et finit par ramper sur moi, comme au premier jour, et me chevauche jusqu'à l'extase. Puis elle s'écroule sur mon torse et me mord l'épaule quand je lui donne une claque sur les fesses.
Ce matin-là, elle laisse sa douleur de côté, comme un poids qu'elle traînait depuis un an et qu'elle vient enfin de poser. Sans le dire..., du moins sans le dire clairement, nous acceptons de reprendre notre vie de couple et d'essayer d'avoir un autre fils. Jean-Pierre est irremplaçable, mais nous allons essayer de le remplacer malgré tout.
Charles part à la fin de la semaine et emmène le père Laurent, qui se voit offrir un poste à la Sorbonne. C'est une importante promotion pour un prêtre de campagne, encore que ce jeune homme brillant n'eût sans doute jamais dû entrer dans les ordres. Il s'en va sous les bons auspices du nouveau duc et les larmes de Virginie, qui regarde la voiture s'éloignent en cahotant.
Quelques années plus tard, le père Laurent écrira un traité pour expliquer la contradiction entre la bonté de Dieu et la cruauté du monde, livre qu'il dédiera à Charles et à une muse anonyme.
A l'époque, Laurent est né. J'ai accepté que Virginie donne ce prénom à notre fils, car, étant donné le nombre de mois écoulés entre le départ du prêtre et la naissance, je sais que cet enfant est le mien. De plus, elle a un oncle prénommé Laurent et me dit qu'elle veut lui rendre hommage. Ce que j'ai la bienveillance de croire."

FIN DU XVII
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 4 EmptyDim 16 Juil - 15:56

"XVIII

1758

Responsabilités

La naissance de Laurent me donne un fils, mais me prive d'une épouse. La femme que j'ai aimée et brièvement perdue pour un autre avant de la retrouver grâce à l'intervention de son frère et peut-être aux vertus qu'elle me prêtait, disparaît de nouveau et ne me reviendra jamais. Mon deuxième fils naît à l'été 1758, deux ans après la mort du frère qu'il n'a jamais connu, soit un peu plus de vingt ans après notre mariage. La délivrance, terrible, fait endurer à Virginie les pires souffrances. Ses cris sont si déchirants que je m'éloigne du château pour aller marcher dans les bois et prier un Dieu, auquel je ne crois guère, de lui laisser la vie si jamais il doit choisir entre la mère et l'enfant. L travail laisse Virginie exsangue, et la douleur voile pour toujours son regard sur notre fils. Elle avait en partie nourri ses autres enfants, mais supporte à peine la présence de Laurent dans la pièce et le confie aux domestiques presque toute la journée.
J'attends le retour de la femme que j'aime ; elle va me revenir, je le sais. Elle doit être tapie là, quelque part. Mais son regard reste morne, rivé sur ses pieds et je la trouve souvent roulée en boule dans son fauteuil, le visage noyé de larmes.
"Je vais bien" sont à peu près les seules paroles qu'elle parvient à prononcer entre ses sanglots. Elle répète ces mêmes mots au médecin, comme à son frère venu voir le nouvel héritier du marquisat. Au désespoir, je fais mander à Paris le père Laurent, l'homme à qui mon fils doit sans doute son prénom. Il fait le déplacement aussitôt, bringuebalant sur les routes accidentées dans la nuit, au travers de forêts infestées de bandits, et arrive" épuisé et couvert de poussière. Je l'introduis dans la chambre de mon épouse et vais marcher dans le jardin, indifférent aux rumeurs.
Le père Laurent me retrouve plusieurs heures après.
Il a l'air éreinté et abattu, et me paraît plus vieux que dans mon souvenir. L'air de Paris ne lui a pas été bénéfique. Sa peau est marbrée de taches dues à la toxicité de l'eau. L'année passée, ses cheveux se sont clairsemés, sa taille s'est épaissie et ses épaules plus larges sont à présent engoncées dans sa robe cléricale. Ses traits fins dans sa prime jeunesse deviennent grossiers avec l'âge. Comme souvent avec les visages ronds.
- Comment va-t-elle, mon père Question
Je m'adresse à lui sans cérémonie, comme s'il était toujours le prêtre de ma paroisse. Il se raidit puis ravale aussitôt sa fierté. L'homme est resté seul dans la chambre de mon épouse plusieurs heures, et mon héritier porte son prénom... C'est pourquoi je me sens en droit d'aller droit au but.
- Monsieur le marquis...
Comme le silence s'étire entre nous, je nous sers chacun un verre de vin, que je pose en silence sur la table devant lui. Les domestiques ont été bannis de la chambre du couloir. Je suis déterminé à avoir avec lui une conversation privée. Mais la discussion fait long feu. Le père Laurent exprime ses regrets concernant l'état de mon épouse, marmonne une platitude à propos des vertus curatives de Dieu et me demande quel est l'avis du médecin. Comme la réponse du médecin est sensiblement la même que la sienne (donner du temps à Virginie et s'en remettre à Dieu), je le remercie d'être venu de si loin et lui propose rester au château aussi longtemps qu'il le souhaitera. Il part l'après-midi même, aussi poussiéreux et fourbu que les chevaux de son attelage.
Peut-être ai-je tort de traduire donner du temps à Virginie par "limiter mes visites conjugales". Malgré tout, nous menons désormais des vies séparées, et la porte de communication entre nos chambres est le plus souvent fermée. Je ne comprends pas la logique de ce choix. La voir lire me procure un léger espoir. C'est bien mieux que la voir assise à la fenêtre, le regard perdu au loin, sur le lac. Je peux trouver un bordel dans n'importe quelle ville alentour. Je n'ai même pas besoin d'aller jusque-là. Une douzaine d'aubergistes entre mon domaine et la ville la plus proche sont prêts à me confier leur fille, leur épouse ou leur soeur en échange de quelques sous. La première auberge où je fais halte est un relais qui propose des chambres pas chères et un repas encore moins onéreux à des fermiers, des marchands et des bourgeois à l'air maussade, attirés là par la foule. La salle à manger est bondée, et la taverne, submergée de soûlards locaux. Des couple titubent dans l'après-midi en riant, bras dessus bras dessous. J'observe les nombreuses jeunes filles qui se pressent pour servir les clients et me demande combien ont été conçues contre le mur du fond de cette même auberge.
J'arrête ma monture devant un établissement situé à la sortie de la ville suivante, les bottes pleines de poussière et la gorge sèche. La fille de l'aubergiste à la tignasse bouclée noire et sale, porte un caraco blanc taché si fin que l'on voit le contour de ses seins à chacun de ses mouvements. Le propriétaire capte mon regard et s'approche, l'air avide et calculateur. Aucun prix n'est avancé, et je ne sais pas s'il a l'habitude de vendre sa fille, travailleuse et dévouée à sa mère, laquelle nous observe depuis le seuil de la cuisine. Je hoche la tête pour lui signifier mon assentiment et monte dans une chambre à l'étage ou j'attends la fille.
- Monseigneur, dit-elle avec une courbette maladroite pour tenter de m'impressionner.
Je souris et son visage se détend.
- Souhaitez-vous que je vous apporte à manger "Ou dois-je enlever ma robe tout de suite Question "Je comprends sa question tacite et je l'envoie me chercher du pain et du fromage. Le pain le plus frais et le fromage le plus vieux possible. Elle répète ma demande pour être sûre de ne pas s'être trompée, puis sort de la chambre en roulant des hanches. Elle rougit en me voyant la regarder, s'arrête en haut de l'escalier et prend une grande inspiration avant de descendre les marches.
- Monsieur, ma mère vous fait porter ceci.
Elle déballe du pain chaud à la forte odeur de levure. Je laisse l'empreinte de mon pouce dans sa croûte fraîche.
- Et voici le fromage.
Sous un bol retourné se trouve, à côté d'un gros morceau de fromage de chèvre, un huitième de camembert si rance qu'il réveillerait un mort. La fille examine les deux d'un air de doute.
- Vous avez dit vieux...
- En effet.
Je recouvre le camembert avec le bol avant que son odeur n'empeste la pièce.
- Vous pouvez rapporter ceci...
Comme un oeuf de cane imbibé d'urine de cheval et enterré pendant cent jours à la manière chinoise, certains goûts n'ont nul besoin d'être revisités. J'ai déjà goût du camembert dans un tel état de déliquescence. Elle sort en trottinant avec le plateau, le camembert sous le bol retourné, et revient un instant plus tard, essoufflée d'avoir grimpé l'escalier."
- Assieds-toi, lui dis-je.

PAUSE S'QUIMAU Exclamation ... Basketball

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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 4 EmptyDim 16 Juil - 16:16

"Elle obtempère et me regarde ôter la pellicule de moisissure du fromage de chèvre jusqu'à en obtenir un petit bout de la couleur du suif et de la texture de la cire dure. J'en coupe une tranche, la pose sur un morceau de pain et l'offre à la fille. Elle le mâchonne deux ou trois fois et l'avale rapidement. Quand je lui en propose un autre morceau, elle secoue la tête et, de peur de m'offenser, déclare en guise s'explication :
- J'ai déjà mangé, monseigneur.
Je déguste le reste sous son regard attentif. Le goût en est divin. Tout en me restaurant, j'essaie de deviner son âge et réalise que c'est impossible. Treize Question Quatorze ans Question Plus jeune que Jean-Pierre à sa mort Question Peut-être l'âge de virginie le jour de notre rencontre. Trop jeune pour un homme comme moi, même en quête de rêves fanés.
Je quitte la fille en lui laissant une livre d'or et une poignée de sous graisseux. Si elle a un peu de bon sens, elle donnera à son père la pièce d'or et gardera les piécettes pour elle. Je la laisse aussi intouchée - du moins par moi - et retourne à bride abattue à la maison, déchiré entre la honte de l'instinct primaire qui m'a attiré dans ce lieu et le plaisir que j'ai eu à déguster ce fromage. Il est évident qu'il me faut un autre exutoire à mes besoins.
Je prends pour maîtresse la femme du médecin qui vient soigner Laurent quand il est malade. Mes voisins le découvrent bientôt et la traitent logiquement avec un mélange de dédain et d'envie.
Son mari étant mon médecin, mes allées et venues chez lui ont un vernis de respectabilité et se passent de tout commentaire. Je ne sais pas si Virginie est au courant de mes escapades, ni si cela la blesse. Ni même si le médecin a eu vent de l'affaire. Notre liaison débute en été et se termine à l'automne, à la chute des première feuilles. Elle pleur notre séparation.
Au désespoir, je me tourne vers la nourriture. J'étoffe mes recettes, je recherche des goûts bien plus complexes. A l'école, ma tentative de recréer le fameux tigre et dragon du colonel avait été décevante. Alors, je l'améliore, revisite la recette et l'expérimente, pour finalement obtenir un ragoût fortement assaisonné qui se laisse manger. Cela dit, je découvre que le chat et le serpent sont meilleurs consommés séparément, et préfère le serpent au chat de toute façon. En un mois, je débarrasse le château de toutes ses vipères et finalise deux recettes amusantes. Une bouillabaisse où le serpent remplace le poisson, et un serpent frit à la manière de cuisses poulet
.
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 4 EmptyLun 17 Juil - 19:22

"Bouillabaisse aux trois serpents

Prenez deux vipères, une couleuvre et un orvet. Videz et dépecez les serpents, coupez-les en morceaux et laissez tremper le tout dans de l'eau salée pendant que vous faites revenir dans une poêle trois oignons émincés, six gousses d'ail entières, six tomates bien mûres, pelées et épépinées, avec de l'huile d'olive. Ajoutez le serpent, couvrez d'eau bouillante et ajoutez du poivre de Cayenne, du sel, du fenouil, du safran, ainsi que du persil, du thym, du romarin, des grains de poivre noir et de l'estragon. Mélangez le tout jusqu'à ce que l'hile , l'eau et les aromates soient bien imprégnés. Séparez le serpent du bouillon et servez avec des pommes de terre grossièrement coupées. Versez le bouillon sur des tranches de pain au préalable frottées avec l'ail cru. Peut être servi avec une rouille d'huile, de jaune d'oeuf et d'ail. Goût de poisson.

Serpent frit

Ceci est bien plus simple. Videz, dépecez et coupez les serpents en larges tranches, puis faites-les mariner dans de l'eau salée pendant que vous mélangez trois jaunes d'oeufs avec une cuillerée d'huile d'olive et un peu de lait aigre. Battez les blancs en neige et incorporez-les à la mixture. Préparez un bol de miettes de pain rassis avec du poivre noir. Plongez les morceaux de serpent dans le mélange d'oeufs, roulez dans les miettes et le poivre, et faites-les frire immédiatement dans de l'hile. A consommer chaud. Goût de poulet.(cette recette peut être utilisée pour les pattes de grenouille. Ne prenez que la partie supérieure des pattes arrière et ajoutez du citron jaune. Alterner les morceaux de serpent et de grenouille roulés dans le mélange au poivre et frits à la poêle est intéressant. La texture et le goût sont très proches.)"

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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 4 EmptyLun 17 Juil - 19:45

"Je sers ces deux plats à mes invités qui me font leurs compliments. Mais, la vérité, c'est que la saveur des aliments ne m'émoustille plus comme avant. J'ai goûté à tout ce qui existe sur le territoire français. Cochon, souris, chouette... Tout a plus ou moins le même goût. Le corbeau n'est guère différent de la corneille. Les anguilles de la Seine ont une saveur légèrement différente de celles de la Garonne, mais restent des anguilles, même avec une sauce composée de livèche, aneth, céleri, menthe rue odorante, et accompagnées de pignons de pin au miel, comme l'empereur Tibère les aimait, d'après le récite de l'épicurien romain Apicius dans De re coquinaria.
Las, je commence à faire des travaux d'amélioration du domaine et des terres au-delà, que j'aurais puu réaliser bien plus tôt. Une saison suffit à drainer le marais. De larges tranchées balafrent un paysage déjà chaotique. Les plantes des marais meurent. Les petits animaux qui vivent au bord des tourbes succombent à leur tout ou vont s'installer ailleurs. Cet hiver-là, comme les oiseaux n'ont plus d'endroit où atterrir, la chasse est mauvaise. Les villageois affamés refusent de manger les charretées de pommes de terre que je leur envoie et me maudissent ouvertement. J'essaie d'assouvir leur faim au mieux, mais je sais que les vrais miséreux ne sont jamais dangereux. Ce sont les hommes au bord de la déchéance qui sont capables de fomenter des révoltes. Malgré tout, je leur vends le grain de mes greniers à un prix si bas que les marchands locaux s'en plaignent. Les paysans, bien sûr, s'estiment malgré tout floués.
Je fais rénover des routes, installer des brise-vent et lance la construction d'une école pour les enfants de marchands et de fermiers prospères. Voltaire en personne m'écrit pour me dire qu'il approuve mes efforts et ma persévérance. Il a entendu dire que je suis un scientifique. Je lui réponds qu'il fait erreur? Je fais seulement l'inventaire des aliments que je consomme, je note leur goût et le plaisir qu'ils me procurent. Si le vin des collines a une saveur différente du vin des vallées, pourquoi la viande n'aurait-elle pas les mêmes vertus Question Je lui explique que j'ai divisé mon bétail en quatre troupeaux. j'en ai emmené une partie dans la montagne, une autre dans les plaines, la troisième sur une terre riche et la dernière sur une terre pauvre. Après avoir goûté un spécimen de chaque groupe, j'ai découvert que l'on pouvait déterminer d'où provenait chaque animal.
Voltaire me renvoie une longue lettre sur la nature du goût et me prie de lui écrire de nouveau pour lui donner les résultats de mes expérimentations. Ma réputation grandit progressivement. Le père Laurent m'écrit de Paris pour m'informer qu'il est à présent professeur dans une faculté et me demander des nouvelles de la santé de ma femme. Il me fait aussi savoir qu'il a entendu perler de ma correspondance avec Voltaire.

Cher père Laurent
Virginie mène toujours une vie paisible et solitaire. Mais je peux vous assurer que votre visite l'a aidé à trouver un peu de cette paix qui manquait à son existence depuis la naissance de notre fils, et de ce fait je suis soulagé...


Pas reconnaissant, simplement soulage. C'est la stricte vérité. Après avoir revu le père Laurent, Virginie s'est apaisée et a cessé de pleurnicher sans relâche sur les pages mouillées d'un recueil de poèmes ou sur des accords de clavecin qu'elle a entendus un jour dans le village et qu'elle rejoue inlassablement. Le revoir l'a guérie de son amour. Le jeune homme gracile dans sa soutane trop large n'existe plus. Un universitaire trapu, à la calvitie naissante et au regard myope, a pris sa place
Rencontrer le second a effacé le souvenir du premier. Lorsque je lui demande si elle veut l'inviter de nouveau au château, Virginie décline ma proposition comme si j'avais eu la malséance de mentionner un cousin gênant."

FIN DU XVIII
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 4 EmptyMar 18 Juil - 5:47

"XIX

1758

Espoir

L'espoir renaît sous la plus étrange des formes. Je pensais pourtant n'accorder que quelques minutes à la remplaçante de la nourrice de mon fils nouveau-né. Son nom est Manon et dans son regard brille une lueur d'amusement.
Je sens qu'elle comprend l'absurdité d'un monde où elle est obligée de vendre son lait pour un bébé que sa mère ne veut pas s'embarrasser à nourrir elle-même. A moins que la moue triste de cette fille du village ne s'explique que parce qu'elle se retrouve à discuter avec Monsieur le Marquis et non Madame la Marquise, laquelle est trop absorbée par la contemplation du paysage pour prendre part à la discussion qui a lieu sous ses yeux.
La première chose que je remarque chez Manon ce sont ses taches de rousseur. La seconde, ses seins si pleins de lait qu'ils tendent le tissu de sa robe marron proprette. Son visage est propre lui aussi tout comme ses cheveux couleur des blés. Elle espère manifestement faire bonne impression.
Malgré tout, son petit sourire entame son apparence de jeune fille sage. Un petit sourire amusé et mutin à la fois. Si elle était une plante, elle serait une hysope ; un vin, un blanc de la région, sur les terres siliceuses au-dessus des carrières. Elle croise mon regard et détourne les yeux, se demandant si elle a des ennuis. En faisant la révérence, elle fait traîner le bas de sa robe sur le sol poussiéreux.
Virginie fronce les sourcils, le regard vide, un livre ouvert sur ses genoux. Ses cheveux sont clairsemés aux tempes, qu'elle ne cesse de gratter. Elle a ce même regard depuis des mois : morne comme un ciel d'orage qui menace d'éclater à tout moment. Comme tout le monde, j'ai attendu encore et encore, la tempête qui n'est jamais venue.
- Venez avec moi, dis-je à Manon. Et amenez mon fils...
Obéissante, elle prend Laurent dans ses bras et le cale tranquillement sur sa hanche. Virginie nous regarde partir comme un enfant observe les feuilles emportées par le vent : avec un vague intérêt, mais sans réelle conscience du spectacle qui s'offre à elle.
- Elle est malade, dis-je avant d'atteindre le bout du couloir. Vous devez savoir que la marquise est malade et vous assurer que Laurent ne la dérange pas.
La fille hoche humblement la tête. Parvenus en bas des marches, nous nous dirigeons vers la porte d'entrée quand Manon ouvre la bouche, mais n'ose poser sa question qu'une fois dehors.
- C'était un accouchement difficile, monseigneur Question Si je peux me permettre de le demander.
Je repense au visage blême de la sage-femme, au prêtre lugubre arrivé devant sa porte bien avant que mon valet ne me retrouve en train de pêcher en aval de la rivière.
Je suis entré dans la chambre de Virginie et j'ai découvert un enfant si mal en point qu'on aurait dit que la sage-femme l'avait arraché des jambes écartées de Virginie et jeté dans un coin.
- Pardonnez ma question, reprend Manon. C'était insolent de la poser.
Je réponds sans ciller :
- Elle a failli mourir. Lui aussi.
Manon observe le bébé qui cogne sa tête sur son flanc.
- Il a faim, dit-elle.
- Comme toujours Exclamation "

JE R'VIENS Exclamation ... Very Happy

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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 4 EmptyMar 18 Juil - 6:25

"Elle quitte le gravier et se dirige sans me le demander vers l'entrée du labyrinthe. Le jardin que nous avons planté à la naissance de Jean-Pierre a poussé et été taillé maintes fois, jusqu'à ce que les buissons d'if deviennent épais et pisuants. Je connais les méandres de ce labyrinthe par coeur (c'est moi qui l'ai dessiné) ; pourtant, je laisse Manon prendre une voie sans issue, où un petit banc attend ceux qui souhaitene se reposer avant de chercher de nouveau la sortie. Le temps d'y parvenir, Laurent a tellement sucé son corsage que deux auréoles sombres sont apparues autour de ses mamelons.
Désignant le banc du mentin, je déclare :
- Nourrissez-le.
Sans protester, Manon s'assoit et déboutonne sa robe. Je ne vois rien d'autre que l'enfant maintenant silencieux et un éclat de peau rose en dessous. Debout devant le banc, je regard mon fils s'empiffrer. Au bout de quelques minutes, il semble rassasié et se détache du sein, puis se laisse gagner par le sommeil. Elle tapote ses lèvres du doigt, et l'enfant ouvre la bouche jusqu'à ce qu'il retrouver le sein. Son mamelon a la couleur de la framboise, et Laurent s'en abreuve goulûment avant de somnoler de nouveau, plus ivre de satiété que l'on peut l'être de vin. Manon le soulève sur son épaule et lui tape doucement le dos pour li faire faire son rot. Pendant tout ce temps, elle garde son bras en travers de sa poitrine pour cacher ses seins.
- Vous avez terminé Question
- Il va en reprendre, mais cela suffira pour le moment si vous voulez que je parte.
Observant mon fils à moitié ivre dans ses bras et la courbe tendre de son sein, je secoue la tête. Elle est jeune, fraîche, pleine de vie. Sa peau est douce et ferme comme une pêche.
- Nourrissez-le encore.
Je m'assois à côté d'elle et ne fais pas semblant de regarder ailleurs quand elle descend Laurent de son épaule et déplace sa robe pour libérer son autre sein."

PAUSE 2ème café. ...
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 4 EmptyMar 18 Juil - 6:51

"Laurent tète le lait avec moins d'avidité et s'assoupit peu après. Sa tête retombe en arrière, révélant le téton de Manon. Le sunny les enveloppe tous les trois de sa chaleur, et des pinsons pépient dans les arbres par-delà la haie. Un rouge-gorge se pose à nos pieds pour chercher des vers et des miettes, sautille tout autour de nous, jusqu'à ce que la déception l'incite à s'envoler.
Enfin, Laurent est rassasié.
- Là, dis-je.
Elle me tend mon fils. Je le serre contre moi comme elle vient de le faire et lui tapote le dos jusqu'à ce qu'il fasse son rot contre mon oreille. La robe de Manon est toujours ouverte. Elle allait botonner le corsage quand je me penche pour arrêter son geste.
Lentement, j'ouvre sa robe pour révéler le mamelon framboise et le cercle lilas autour. Une perle de lait apparaît et roule sur le rond rose. Le visage de la nourrice se crispe quand je recueille la goutte du bout du doigt et la porte à mes lèvres. Une seconde perle apparaît, que je recueille de la même manière.
- Des noisettes. Vous avez mangé des noisettes et des fruits.
- J'ai pris une prune dans le verger. Mais elle était parterre.
- La prochaine fois, cueillez-la dans l'arbre. Et les noisettes Question
- Au déjeuner. Ma mère a fait de la soupe
Je reboutonne sa robe jusqu'au cou.
- Vous voulez ce travail Question
Elle hoche vigoureusement la tête.
- Et votre enfant à vous Question
- Ma mère veillera sur lui.
- Qui le nourrira Question
- Elle, monseigneur. Ma m'aman le nourrira. Elle a un bébé de l'âge du mien et, comme elle dit, "deux tétons pour deux bouches'.
Elle rougit de la grossièreté de ses paroles, mais je balaie ses remords d'un geste de la main. Donc, l'affaire est entendue. Manon s'installe au château pour prendre soin de Laurent et de la nurserie. Je lui explique ce que j'attends d'elle. Je veux que mon fils soit heureux et nourri de bon lait enrichi de légumes de mes jardins.
Je veux que ma femme soit libérée de toutes responsabilités concernant Laurent. Manon prendra ses ordres directement auprès de moi. Elle commence tout de suite. Manon fait une révérence avant de reprendre Laurent.
Après avoir expliqué à ma gouvernante les nouvelles dispositions que j'ai prises pour mon fils, j'envoie un garçon d'écurie au village pour informer la mère de Manon de ma décision."

FIL DU XIX
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 4 EmptyMar 18 Juil - 9:17

"XX

1762

Grand maître de la ménagerie

Les trois ou quatre années suivantes, mon amour pour Virginie est réduit à l'état de toile d'araignée par les larmes de Virginie et mon incapacité à la rendre heureuse. Je m'en veux de ne pas comprendre la source de son chagrin. Nous avons Hélène, à présent âgée de huit ans, le portrait craché de sa mère, et nous avons un héritier. La rénovation du château est achevée, et le domaine n'a jamais été aussi beau. Une fontaine italienne cascade au milieu de la terrasse, des paons aux queues somptueuses paradent sur la pelouse, gonflés d'orgueil. Le roi en personne est venu avec sa suite vider nos garde-manger et chasser dans nos forêts. Il a chevauché à travers champs, jetant quelques pièces d'argent aux paysans pour compenser leurs pertes.
On m'a demandé si Virginie était gravement malade.
- Je n'en sais rien, leur dis-je, mais je suis inquiet pour elle.
Ma réponse est considérée comme pleine de tact et de gentillesse, ce qui est inhabituel dans les mariages de notre rang. Au moment du départ du roi, trois hommes m'ont offert leur amitié, et plusieurs pères membres de la cou m'ont vanté la beauté et la grâce de leur fille. Sa Majesté m'a quitté le visage souriant et le ventre plein, quoique pas aussi plein que celui d'une jeune paysanne qui donne naissance neuf mois plus tard à son bâtard. Il me fait également chevalier de l'Ordre de Saint-Louis et me promet une place au Conseil du roi dès qu'un siège sera libre, si cela m'intéresse. Virginie écoute tous ces propos d'un air las et se retire dans sa chambre pour jouer des mélodies tristes sur son clavecin après m'avoir suggéré d'emmener Laurent à Paris pour renforcer l'impression que j'ai laissée à Sa Majesté. Je devrais aussi emmener Manon. Lorsque je lui réponds que, bien évidemment, je n'emmènerait pas notre fils sans sa nourrice, son regard se voile davantage, et la porte de sa chambre se ferme derrière elle.
Nous partons une semaine plus tard et faisons halte au château de Saulx. Charles demande des nouvelles de sa soeur, fait sauter son neveu sur ses genoux et paraît à peine remarquer Manon. Il a sans doute deviné que c'est une paysanne, étant donné la rondeur de son visage. Mais guère plus. Plus tard, ce soir-là, nous partageons un cognac sur la terrasse et admirons le lac qu'il a fait agrandir et approfondir pour que son fils puisse naviguer dessus avec son voilier."

A SUIVRE Exclamation ...
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 4 EmptyMar 18 Juil - 10:50

"- Comment va-t-elle Question Vraiment Question
Le cognac, vieux, à la teinte ocre, a une légère saveur de coing, de figue, et peut-être de jasmin et de réglisse.
- C'est le tin Question
Il hoche la tête, le visage grave, attendant toujours ma réponse. Il patiente pendant que je fais tourner le liquide ambré dans le verre pour libérer sa fragrance, en bois une gorgée et en apprécie la complexité sur ma langue. Peut-être Charles sait-il combien il m'est difficile de trouver les mots. Il sait en tout cas combien j'aimais sa soeur et l'aime peut-être encore, car il me laisse goûter le breuvage en silence. Finalement, je lui dis la vérité, parce qu'il est mon ami.
- Elle reste dans sa chambre. Elle lit un peu, écrit un peu, joue du clavecin, des pièces de Rameau et de Couperin, et se promène parfois dans le jardin.
- Rien d'autre, marquis Question
- Elle pleure.
Charles vient se poster près de moi et me passe un bras autour des épaules. Il a toujours été le plus grand, à l'académie et ailleurs. L'âge et la bonne chère ont épaissi sa taille et élargi sa carrure, si bien que le velours de sa redingote est tendu dans son dos et a été taillé pour mettre ses cuisses en valeur. Il est trop lourd pour le cheval de chasse qu'il possédait quand je l'ai rencontré. Probablement trop lourd aussi pour le cheval que je monte aujourd'hui. Nous regardons le lac à la surface argentée et laissons le silence nous envelopper.
- Vous êtes toujours... mari et femme Question
Cette conversation aurait déjà été très pénible avec n'importe quel autre beau-frère, mais l'est encore plus avec mon plus vieil ami. Je hoche la tête et m'efforce de lui décrire la situation.
- Je vais parfois la trouver dans sa chambre. Elle a cessé de venir dans lamienne et je ne l'envoie pas chercher. Même au lit, nous ne sommes que des étrangers polis.
J'ai les larmes aux yeux, et Charles s'en aperçoit car il est nerveux. Il n'aime pas les émotions fortes. Comme le reste de sa famille. Avant ce jour, avant de me rendre compte du malaise, de Charles, je croyais que je ne les aimais pas non plus.
- Tu sais que je l'aimais...
- L'aimais Question
- Je l'aimerai encore si je parviens à la retrouver. Mais elle n'est pas là. Je vis avec un seimple enveloppe corporelle, belle et élégante, dévouée si nécessaire, mais qui veut seulement rester seule avec ses livres, son clavecin, ses promenades et son chagrin. Elle s'assoit dans sa chambre et joue Couperin à la souris qui se faufile dans les lambris et lui sert d'auditoire en échange de miettes.
- As-tu quelqu'un d'autre Question
Je secoue la tête.
- Tu dois bien avoir des maîtresses Question Quelques épouse volontaires parmi la bourgeoisie locale Question Une domestique zélée Question La jeune femme avec qui tu es venu Question
Finalement, il a bien remarqué Manon.
- Elle s'occupe de Laurent, rien de plus.
- Prends une maîtresse, Jean-Marie. Ce n'est pas normal pour un homme comme toi. Tu vas tomber malade. Alors, maintenant, tu vas à Versailles Question
Je lui raconte la visite du roi et la suggestion de Virginie de saisir cette opportunité.
- Brigues-tu un poste au palais Question
Je ne peux rien imaginer de pire. Le père de Charles, le précédent duc, appartenait à cette génération que Louis XIV a fait vivre à Versailles, à une époque où les nobles étaient encore assez riches, puissants et influents pour fomenter des complots. Le Roi-Soleil a ruiné sa propre noblesse en l'obligeant à vivre à la cou et à mener grand train. Je connais les chiffres. Près de deux mille cinq cents chambres, autant de fenêtres, une centaine d'escaliers, et plus de miroirs qu'on ne peut l'imaginer dans une seule et même demeure.
- Alors Question Pourquoi vas-tu à Versailles Question insiste Charles.
- Virginie....
-... est ma soeur. Mais cela ne veut pas dire que je ne connais pas ses failles. Un homme moins bon l'aurait battue. Un homme moins bon l'aurait placée dans l'hôpital ou le couvent qui aurait accepté de la prendre en charge.
A l'expression de mon visage, il comprend que j'ai envisagé la seconde solution et la troisième, si ce n'est la première."
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 4 EmptyMar 18 Juil - 18:37

"- Je vais écrire à de Caussard, même si tu n'en as pas besoin. Tu sais que Jérôme contrôle les nominations maintenant Question Il est le contrôleur général des finances du palais.
- Jérôme Question
- Il est marquis désormais, comme toi. De Caussard de Sallis. Il a fait un beau mariage, avec une famille qui a beaucoup de relations.
"Comme moi", ne puis-je m'empêcher de songer.
Charles est trop poli pour le dire.
- Il fera tout ce que tu lui demanderas de toute façon. Mais il me doit une faveur, et le lui rappeler ne peut pas lui faire de mal;
Le regard de Charles se durcit.
- Il parie gros et souvent. S'il te propose une partie de cartes, surtout, trouve une excuse pour te défiler.
Je hoche la tête et quitte le château de Saulx tôt le lendemain matin à cheval, pendant que Manon et Laurent me suivent dans la calèche. Nous arrivons à Versailles trois jours plus tard après avoir passé une nuit dans un hôtel, une autre chez le maire d'une petite ville et la troisième chez un cousin éloigné de Virginie. L'hôtel est de loin l'étape la plus agréable. Versailles a été bâti pour impressionner et intimider les esprits, ce que je comprends quand je fais halte au bord de la route sur une petite colline. La calèche s'arrête juste derrière moi.
- Amenez Laurent, dis-je à Manon.
Descendant de la voiture, la nourrice soulève l'enfant et l'emmène par la main jusqu'à l'endroit où j'ai mis pied à terre.
- Le roi vit ici, dis-je à mon fils. Avec ses courtisans et ses serviteurs. C'est le plus grand palais d'Europe. Peut-être le plus grand du monde Exclamation
Les yeux de mon fils s'arrondissent de surprise face à l'impressionnante façade baroque, la cour presque circulaire où circulent de nombreux carrosses noirs. De longues promenades longent une immense pelouse jusqu'à la fontaine monumentale au milieu de la terrasse, où se presse une foule de gens, comme autant de point indistincts. Au-delà s'étend un lac ornemental. J'observe la rive du lac la plus proche et réalise que la distance entre la fontaine et le lac est plus grande que de mon château au village. Entendant le cri d'un animal sauvage, je pense aux ménageries et comprends brusquement ce que j'ai sous les yeux. Un zoo humain bâti par un roi pour garder ses courtisans en captivité. Ce n'est même pas une prison. Les détenus des prisons savent où ils sont, alors que les animaux nés dans un zoo ne connaissent pas d'autre vie. Pour eux la captivité est leur seule perspective."

A SUIVRE... Wink
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 4 EmptyMer 19 Juil - 18:18

"Nous pénétrons dans la cour une heure plus tard, escortés par des dragons jusqu'à une barrière en travers de la route qu'il ne soulèvent qu'après avoir vérifié mon identité. Un dragon m'accompagne à cheval jusqu'au barrage suivant, où j'attends la permission de continuer. C'est une prison si parfaite qu'il faut empêcher les gens d'entrer.
Enfin, escortés par un officier et un sergent qui suit la voiture de Manon, nous gagnons la cour face à l'immense façade baroque. Je sais que, pour les gens qui nous observent depuis la colline, nous ne sommes que des points flous.
Une porte s'ouvre sous une grande arche, et Jérôme apparaît, plus trapu que jamais, un si large sourire aux lèvres que l'officier l'observe avec surprise. Jérôme m'empoigne avant que j'aie pu descendre de ma monture, me serre dans ses grosses pattes d'ours et me tape allégrement dans le dos.
Je suis presque obligé de le repousser.
- Où est ton fils Question demande-t-il.
Je désigne le carrosse du menton.
Un instant plus tard, Laurent est projeté dans les airs, rattrapé, pis projeté de nouveau. Quand Jérôme le repose, l'enfant tremble d'excitation, partagé entre le fou rire et les larmes.
- Il te ressemble .
- Il ressemble plutôt à sa mère.
Jérôme secoue la tête.
- Non, cette expression, c'est tout à fait toi.
L'officier nous observe. A l'évidence, il se demande si nous avons été traités avec suffisamment de déférence et si ses hommes se sont montrés assez respectueux à mon égard. Je remercie le dragon qui se retire poliment après un salut.
- Tu es un homme important, dis-je.
Mon ancien camarade d'école me fait un large sourire et hausse les épaules.
- J'ai les clés de la réserve de miel, mais je peux seulement ouvrir les pots. Dans le meilleur intérêt de Sa Majesté, bien sûr. La France a besoin d'argent, et ces postes l'aident à remplir ses caisses.
Voyant ma surprise, il rit. Puis il s'approche et ajoute :
- Tu savais qu'il fallait ouvrir sa bourse pour avoir un poste, n'est-ce pas Question Qu'une position ici n'est pas donnée Question
Je secoue la tête.
- Je croyais que le roi les offrait.
- Il le fait, répond simplement Jérôme. Mais tu dois d'abord lui donner quelque chose.
- Au roi Question
- A Sa Majesté, bien sûr. A son secrétaire. Au maître de la maison du roi. A moi... Il existe plusieurs possibilités, tout dépend du poste. Qu'as-tu en tête Question
- Rien. Je suis venu sur la suggestion de Virginie.
A sa réaction, je devine qu'il a entendu des rumeurs à propos de sa maladie, sa folie ou son désespoir - qui sait quelle version est parvenue aux oreilles de la cour Question
- Laisse-moi te faire les honneurs du palais. Quel endroit aimerais-tu voir Question
- Les lions Exclamation s'écrie Laurent. Je veux voir les lions Exclamation
Manon s'accroupit près de lui et lui parle doucement.
Quand elle se relève, Laurent se mord la lèvre et prend l'air sérieux. Se tournant vers Jérôme, il s'incline.
- Si cela est permis et que vous le voulez bien, j'aimerais voir les lions.
Sa formulation est si soignée que je devine que c'est l'oeuvre de Manon.
Jérôme s'incline à son tour.
Deux femmes se tournent pour regarder le contrôleur général des finances du palais saluer un petit garçon en réprimant un sourire. L'une d'elles sourit, croise mon regard et prend une expression différente. Elle passe devant nous tel un voilier porté par le vent et attend que Jérôme la présent.
Je la salue, elle me fait la révérence.
- Les lions Exclamation déclare fermement Jérôme. Allons voir les lions Exclamation
Si le palais est un zoo pour les humains, la ménagerie de Versailles est une ville fortifiée pour les animaux. On pénètre par une immense arche dans un espace de style baroque, occupé en son centre par un pavillon à deux étages, d'où partent des chemins en étoile. Les enclos des animaux ont des murs de brique sur trois côtés, le quatrième étant fermé de barreaux qui font face au pavillon. Des espaces boisés ont été aménagés pour les loups, ainsi qu'un enclos pour les autruches. Plusieurs cages renferment des oiseaux exotiques, dont les ailes ont été coupées pour les empêcher de s'envoler.
- Ne dis rien...
- Quoi Question
Je regarde Jérôme, lequel observe un groupe de flamants à l'air malheureux. Il est interrompu par le gardien de la ménagerie, qui se précipite vers lui dès qu'il l'aperçoit et s'incline bien bas.
- Monseigneur, j'ignorais que vous nous rendiez visite aujourd'hui...
- Nous sommes venus voir les lions. Enfin, ce petite bonhomme.
Jérôme ébouriffe les cheveux de Laurent, un geste que mon fils ne supporte pas d'habitude. Or il se contente de sourire.
- Bien sûr, bien sûr."

PAUSE. ...
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 4 EmptyMer 19 Juil - 19:04

"Nous traversons une nuée de courtisans en train d'observer la bain d'un éléphant. Ils s'inclinent tous respectueusement devant Jérôme, puis devant moi la présence du contrôleur général à mes côtés signifiant apparemment que je suis également important. Ces derniers temps, je trouve ces politesses de plus en plus affectées. Les révérences, sourires et paroles mielleuses ne sont que mensonges. Je fais cette réflexion à haute vois, sans penser à Jérôme, qui s'arrête pour me regarder.
- Mon cher rat des champs, dit-il en riant. Tu devrais éviter les chats de la ville.
Je rougis, car il a en partie raison. L'existence paisible au château d'Aumout m'a alangui, et je n'aiplus l'habitude dela vie en société. Tous ces gens, ce bruit, cette pestilence dans l'air...
Jérôme ne semble même pas la remarquer.
- Tu te plains Question me dit-il quand je lui parle de l'odeur. A l'intérieur du palais, c'est pire Exclamation Ici, c'est un parfum de rose en comparaison de la puanteur des couloirs du palais. Les hommes pissent contre les murs, et les femmes, dans les armoires plut^^ot que de sortir sous la pluie. Et les chiens, tous ces petits roquets qui chient partout Exclamation
Il voit l'horreur se peindre sur mon visage et sourit.
- Plus tard, dit-il. Tu devrais voir ta tête Exclamation
Laurent a adoré les lions, comme je le pensais.
Sa Majesté en possède cinq. C'est la plus grande collection de toutes les cours d'Europe. Le mâle se prélasse dans toute sa splendeur pendant que les femelles décrivent des cercles lents autour de lui, grognent et se mordent de temps à autre. Pas de lionceaux encore, même si le gardien se déclare encore confiant. Après les lions, notre guide montre à Laurent un rhinocéros et un fourmilier. Le dernier lion est un présent du bey d'Alger. Le rhinocéros a été offert par un roi africain. Les loups viennent de Russie, mais ceux que nous voyons sont les descendants des premiers spécimens.
- Et nous avons les tigres, nous informe le gardien.
Je devine à son ton que quelque chose ne va pas. Bien sûr, Jérôme ne se rend compte de rien. Il a toujours eu la capacité d'ignorer les désagréments, sauf si vraiment cela se passe sous son nez. C'est une qualité enviable pour vivre ici. Entre les barreaux, Laurent fronce le nez et semble mal à l'aise.
- Que se passe-t-il Question demande-t-il.
Une immense tigresse est étendue dans un coin et se lèche la patte avant, presque mangée jusqu'à l'os. Un petit, plus vraiment un bébé, tourne en rond devant elle et heurte un bol d'eau au milieu de l'enclos.
- Elle se meurt, dit le gardien.
Les lèvres de Laurent se mettent à trembler.
- Vous n'auriez pas dû nous la montrer, gronde Jérôme. Il y a des scènes plus heureuses, des animaux que nous aimerions voir.
- Monseigneur...
L'homme s'incline pour s'excuser, puis hésite.
- Monseigneur, que devons-nous faire pour...
Il désigne l'animal malade.
- Laissez-le mourir.
- Cela peut prendre des mois , monseigneur. Et le fils du dauphin...
- Que vient faire Son Altesse là-dedans Question
- Il ne supporte pas de voir la tigresse souffrir, monseigneur. A cause d'elle, il a cessé ses visites à la ménagerie."

JE CONTINUE DEMAIN. BONNE FIN DE SOIREE ET GROS BISOUS. ... study ...
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 4 EmptyJeu 20 Juil - 11:21

"Le fils du dauphin est un garçon de sept ou huit ans timide, pleurnichard, qui a pris de l'importance depuis que son frère aîné est tombé de son cheval à bascule l'été précédent, a attrapé la fièvre et est décédé. Bien qu'âgé de trente ans à peine, le dauphin a la tuberculose. Soudain, Louis-Auguste est le prochain héritier du trône après son père malade. Avant cet accident, tout le monde l'ignorait.
Jérôme a l'air contrarié. Je demande :
- Et le tigreau Question Quel est son problème Question
- Aveugle, monseigneur. Presque entièrement. C'est arrivé dans le ventre de sa mère, et l'accouchement a été très difficile pour toutes les deux. La mère est un cadeau d'un prince indien soudoyé par les Français. L'homme est mort à présent, renversé par son neveu avec l'aide des Anglais. Son présent est aussi malheureux, infesté de mouches et sans valeur que le souvenir de ce prince.
- Faites ce que vous avez à faire, ordonne Jérôme.
Tout le monde excepté Laurent comprend que les deux fauves viennent d'être condamnés à mort. J'imagine la bête alanguie sous les tirs des mousquets de soldats trop effrayés pour s'approcher d'elle, et le pistolet pointé sur la tête du tigreau. Je serai honnête : ce n'est pas uniquement pour le bien de mon fils que je prend alors la parole. Je m'interroge sur le goût de la viande de tigre et je sais que les deux carcasses seront jetées.
- Non, dis-je. Envoyez-moi les deux fauves... Ou plutôt, non, je les emporte toutes les deux.
Le plan se forme dans mon esprit à mesure que je m'exprime. Me tournant vers Jérôme, j'ajoute :
- Dis à Son Altesse que la tigresse et son petit sont partis mener une vie heureuse à la campagne, où le grand air leur fera du bien. Je lui écrirai le bonheur des félins dans leurs vieux jours.
- Jean-Marie...
- J'ai l'espace, des jardins clôturés... Nous pouvons lui trouver un endroit où vivre en paix. Le tigreau se débrouillera très bien, et sa cécité limitera son champ d'action.
- Tu es sérieux Question
Je hoche la tête. Laurent est aux anges à l'idée d'avoir un tigre à la maison. Manon, dont j'ai presque oublié la présence, me regarde avec effroi. Je hausse les sourcils et l'invite à s'exprimer. La jeune femme hésite et jette un coup d'oeil à Jérôme avant de dire :
- Vous avez l'intention de les faire voyager dans le carrosse avec nous Question
Jérôme éclate de rire, mais je sais que Manon a autre chose en tête et je me promets de le découvrir plus tard. Laurent me tire par la main.
- Dans la voiture Exclamation supplie-t-il. Dans la voiture Exclamation
- Il n'y a pas assez de place, réplique Jérôme avec diplomatie. Elle va avoir besoin de sa propre voiture... Nous t'en prêterons une.
Il se tourne vers le gardien en uniforme et lui dit :
- Avez-vous une cage sur une carriole quelque part Question
L'homme s'éloigne rapidement pour exécuter son ordre.
- Nourrice, montrez de nouveau les lions au comte.
Comprenant que Jérôme parle de Laurent, Manon cherche mon approbation du regard, puis entraîne mon fils au loin, me laissant seul avec mon ancien camarade qui sourit.
- Tu ne cesseras jamais de m'impressionner, Jean-Marie.
Je me demande en quoi je l'impressionne, mais il a l'air enchanté. Un peu plus tard, il me donne un claque si puissante dans le dos que je trébuche et me raccroche aux barreaux. Le tigre grogne, et son petit regarde autour de lui.
FELIS TIGRIS, indique la plaque.
- Lequel est Felis Question
Jérôme rit. Il a compris la plaisanterie et connaît assez de latin pour savoir qu'il s'agit du nom de leur espèce. Mais l'idée me plaît et je décide de les baptiser ainsi : la mère sera Felis, et la petite, Tigris.
- Grand maître de la ménagerie... Je n'en reviens pas de ne pas y avoir pensé plus tôt Exclamation Tu ne peux pas savoir à quel point il est difficile d'inventer de nouveaux titres.
Il a l'air pensif.
- Peut-être un grand maître des jardins. Un grand maître du labyrinthe du roi. J'ai besoin de réfléchir, je dois pouvoir en trouver d'autres. Cette guerre contre les Anglais nous ruine. Combien me donneras-tu Question
Je le regarde sans comprendre.
- Pour la position de grand maître de la ménagerie Question Ne t'inquiète pas, tu n'auras aucun devoir officiel et tu ne seras pas obligé de vivre ici si tu n'en as pas envie, puisque le roi ne l'exige pas.
- Jérôme, je ne peux rien te donner.
Son expression renfrognée me rappelle l'académie. Une soudaine colère, qui pouvait provoquer une bagarre ou disparaître comme elle était apparue. Celles-ci s'évanouit pendant qu'il réfléchit à ma réponse. Le château d'Aumout m'appartient uniquement du fait des bonnes grâces du précédent duc de Saulx, le père de Virginie, ce qu'il sait probablement. Les loyers qui me sont versés me permettent d'aller à la chasse, d'acheter des livres et quelques objets d'art. Et aussi d'économiser de l'argent pour acheter un service en porcelaine, un but que je poursuis depuis cinq ans. Ce n'est pas le genre de somme qui peut intéresser le contrôleur général des finances du roi, et, même si tel était le ccas, je préfère la porcelaine. Mais je veux aussi le tigre, ce que Jérôme lit sans doute dans mon regard. Il soupire et se mâchonne un ongle.
- Disons que la charge vient avec un revenu de sept mille cinq cents livres... Soyons généreux et montons à dix mille livres. Admettons que tu m'apportes cette somme à mon bureau pour les dix années à venir...
- Tu me paies et je te rends l'argent Question
Jérôme hoche la tête, l'air ravi de sa trouvaille.
- Cela me permettra de fixer un montant similaire pour d'autres nouvelles positions à la cour, ce qui est toujours utile.
J'accepte sa main tendue, scellant ainsi notre étrange arrangement. Comme toujours, il a la puissance d'un ours."

A SUIVRE...
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 4 EmptyJeu 20 Juil - 13:45

"Je séjourne une nuit à Versailles, dans une chambre qui m'est attribuée sur ordre de Jérôme. Une grande pièce poussiéreuse à l'odeur nauséabonde, à cause du parterre de fleurs sous mes fenêtres, dont beaucoup se servent comme de latrines. Ce soir-là, je vois une procession de fesses, mâles et femelles rapidement dénudées et essuyées. Je n'ai aucune idée de l'endroit où Manon et Laurent dorment mais leur chambre ne se trouve pas dans le même couloir. Durant mon séjour à Versailles, je mange une brioche nappée de crème au petit-déjeuner, participe à un pique-nique composé de blancs de poulet en gelée pour le déjeuner, et, pour le dîner, de la longe de port en croûte est servie avec de la purée aux clous de girofle. La brioche font dans la bouche, le poulet est parfaitement cuit et vraisemblablement fiais, et le porc en croûte, tellement cuit que j'ai dû le goûter deux fois pour savoir ce que je mangeais. Toute la nourriture en provenance des cuisines du palais a un arrière-goût rance. Est-ce un effet de mon imagination Question
Car cela reflète l'idée que je me fais du palais lui-même. J'allais demander à Jérôme ce qu'il pendait du proc qu'il enfourne dans sa bouche et avale sans le mâcher, quand je réalise que cela ne servira à rien. Dans une heure, il ne se rappellera même pas si c'était du porc ou de l'agneau.
Le lendemain matin, alors que je ne m'y attendais pas, je suis présenté au fils du dauphin comme l'homme qui va donner à la tigresse malade un foyer heureux. L'enfant m'observe nerveusement jette un coup d'oeil à sa grand-mère, puis m'adresse un sourire timide.
La reine, une Polonaise au visage rond, est surprise qu'elle sourit elle aussi. Les courtisans comme les domestiques s'inclinent quand je quitte le palais.
Pour fêter ma nouvelle position de grand maître de la ménagerie, je commande un service en porcelaine de deux cents pièces à la Compagnie anglaise des Indes orientales et paie d'avance la moitié de la somme. Les assiettes porteront les armoiries d'Aumout et seront décorées d'un lion, un tigre, un éléphant, un rhinocéros ou une girafe.
Ces dessins seront peints par des artistes locaux, d'après les gravures que j'ai ajoutées à ma commande. La porcelaine ne sera pas livrée avant plusieurs mois. Felis et son petit arrivent plus tôt. Si Virginie est consternées, et Hélène, effrayée, Laurent les aime tous les deux. Il appelle Felis le "gros chat" et Tigris le "petite chat". Il caresse le petit et m'aide à soigner la mère. Je suis fier de lui."

FIN DU XX
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 4 EmptyJeu 20 Juil - 14:31

"XXI

1763

Virginie

Le service en porcelaine aux armoiries des d'Aumout arrive plus d'un an après ma commande. Les caisses sont transportées sur des barges chinoises, à dos d'homme à travers les montagnes, puis convoyées sur des péniches jusqu'au port, où elles sont chargées sur un navire marchand anglais. C'est ainsi que la porcelaine est livrée à Bristol, puis transportée par un lougre français affrété par Emile à Bordeaux, où je vais la chercher moi-même. J'emmène Laurent pour lui montrer les bateaux, et Manon pour veiller sur lui quand je suis occupé. Sur les deux cents pièces de porcelaine, trois seulement sont cassées après avoir traversé près de la moitié du globe.
Je paie au capitaine le transport de ma cargaison depuis l'Angleterre et passe à ma banque pour remettre la seconde moitié de la somme due à l'agent londonien de la Compagnie anglaise des Indes orientales. Ensuite, je fais charger les étranges caisses chinoises sur mes propres charrettes (leur précieux contenu protégé par de la paille) et les renvoie au château d'Aumout sous bonne escorte. De la dernière caisse ouverte, je garde trois assiettes et trois bols pour notre dîner dans la chambre d'hôtel que j'ai réservée le matin même. Je suis arrivé tôt et j'ai ordonné au propriétaire de ne pas accepter de nouveaux clients et de renvoyer les autres. Ma crainte est que le maire de Bordeaux ou le gouverneur de la province n'ait vent de ma présence et ne m'offre l'hospitalité. Je n'ai nul désir de loger chez eux, pas plus que chez l'évêque ou un dignitaire du coin. Quand je lui dis que je souhaite rester discret, le propriétaire de l'hôtel observe d'un air soupçonneux mon carrosse aux armoiries brillantes ; pourtant, il ferme son établissement et ordonne à ses servantes de ne pas cancaner.
Sa femme emmène Laurent pour la journée, pendant que je supervise le chargement de ma porcelaine et que Manon va au marché sur ma requête. Elle achète du brie, du pain frais et un gros morceau de beurre sans sel, enveloppé d'un tissu de mousseline. Ce soir-là, Manon, Laurent et moi dînons sur la table de chêne de ma chambre. La table bouge légèrement quand je me penche dessus, jusqu'à ce que Manon cale le tissu de mousselin sous le pied le plus court. Son regard se reflète dans le verre terne.
- Il est temps d'aller dormir, dis-je à Laurent.
L'enfant se lève le nez de son pain, mais tombe tellement de fatigue qu'il n'a pas la force de protester. Manon l'emmène vers la chambre attenante. Je les entends échanger quelques mots, pis le silence s'installe, et mon fils s'agenouille près de son lit pour dire ses prières.
Manon revient, souriante, et s'assoit à mon invite.
- Je vais aller me coucher maintenant, monseigneur, si vous n'avez plus besoin de moi.
Sa silhouette s'est arrondie depuis quelques années qu'elle est avec nous. Sa peau est plus belle, et ses cheveux sont presque toujours propres. Elle rougit quand j'époussette les miettes qui parsèment le devant de sa robe. j'ai soudain un goût de lait dans la bouche et je sens un tiraillement dans mon bas-ventre au souvenir de la perle que j'ai recueillie à son sein dans le labyrinthe végétal, le jour de notre rencontre. Elle ne dit rien quand j'approche la main des boutons de sa robe. Peut-être a-t-elle toujours su que cela finirait ainsi. Il me vient à l'esprit que le plaisir que je trouve à sa compagnie est peut-être faussé par le désir qu'elle m'inspire. Non, mon attachement pour elle est sans doute réel, car sans cela je l'aurais mise dans mon lit depuis longtemps. Tout le monde au château d'Aumout est persuadé que c'est le cas.
Virginie aussi.
- Monseigneur Question ...
- Jean-Marie. Tu peux m'appeler Jean-Marie quand nous sommes seuls.
Elle sourit, et ses yeux brillent. Son regard mutin me rappelle son étrange expression, le jour où je l'ai embauchée pour être la nourrice de Laurent."

PAUSE KAWA Exclamation ...
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