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Détente - amitié - rencontre entre nous - un peu de couleurs pour éclaircir le quotidien parfois un peu gris...
 
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 LE DERNIER BANQUET

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Jean2
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epistophélès
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epistophélès

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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 5 EmptyJeu 20 Juil - 15:37

"Je réalise que c'est plus que cela. Manon est réellement touchée par mes paroles. Et cela m'émeut.
Nous sommes des animaux, je le sais. Emprisonnés dans notres existence comme ceux du zoo royal. Mais la lueur du regard e Manon m'incite à me demander, un bref instant, si nous ne sommes pas plus que cela.
- S'il vus plaît, monseigneur...
Elle secoue la têt, mais j'ai déjà commencé à déboutonner son corsage et ne m'arrêt que lorsqu'il révèle entièrement ses seins. Doucement, je lui ouvre les genoux, mais uniquement pour pouvoir m 'agenouiller entre ses cuisses et sucer son sein. Dans ma bouche, la couleur framboise de son mamelon se mue en une teinte d'un rouge intense, mais le goût que je recherche n'est plus là.
Je sens un fragrance de savon, sans doute issue de la robe. Tendant la main derrière moi, je détache un petit morceau de brie et le suce avec son téton. Je retrouve presque la sensation de la perle de lait d'antan.
Manon sourit quand elle comprend mon intention.
Savez-vous ce que les paysans racontent Question Si vous ne croyez pas que des vignobles voisins peuvent produire des vins différents, mettez un doigt dans le vagin de votre femme, un autre dans son cul, puis goûtez les deux et cessez de poser des questions stupides. Mes doigts trouvent deux vignobles. Devant, elle a une délicieuse saveur d'anchois et, derrière, un goût amer de chocolat mêlé, bizarrement, d'effluves de tabac. Ma langue explore les deux univers. Elle tremble au premier et glousse d'embarras au deuxième.
- Monseigneur, s'il vous plaît...
- Appelle-moi Jean-Marie...
Peut-être est-ce injuste, alors qu'elle a le visage plaqué sur la table et la jupe relevée, de li demander de m'appeler par mon prénom.
- Vous m'aimez bien Question demande-t-elle.
Je me fige et réfléchis à sa question. Je l'ai toujours bien aimée. Mais sa question va plus loin. J'aurais pu la prendre depuis des années. J'aurais pu avoir n'importe quelle bonne ou fille de cuisine. Je connais des hommes qui batifolent avec toutes leurs servantes sans se poser de questions.
- Depuis le premier jour.
Manon a son lit dans la chambre de Laurent, mais je la prends dans mes bras et l'emporte dans le mien. Le lourd cadre de chêne et le matelas rembourré de crins de cheval a sûrement accueilli plus d'un couple, mais peu aussi affamés que nous. D'abord, j'arrache sa robe et lui demande se tenir debout, nue, au milieu de la chambre, pour pouvoir l 'examiner à la lueur de la bougie. Si jeune, si parfaite. Enfin, je souffle la bougie et glisse deux de ses doigts en elle, pour les goûter. La deuxième fois que je lui prends les doigts, elle se libère et saisit deux des miens à la place, qu'elle insère en elle avant de fermer les cuisses. Aujourd'hui encore, je me rappelle le goût de ses tétons, la richesse de son intimité, la douceur de son haleine, quand je l'ai pénétrée et qu'elle a retenu son souffle.
- Monseigneur, si je tombe enceinte...
- Je reconnaîtrai l'enfant.
Je la chevauche avec force et savoure la sensation d'être profondément en elle. Son intense chaleur intérieure, la sensation vertigineuse de sa chair. Au bout d'un moment, Manon enroule ses jambes autour de mon dos et se cambre contre moi avec une urgence dans le regard. Elle se cabre violemment et me plante ses ongles dans le dos pour me maintenir en place pendant qu'elle exulte.
Je lui prends les bras, les pose le long de son corps et la maintiens immobile quand vient mon tour de jouir (avec une férocité dépassant tout ce que j'ai pu vivre jusqu'ici, même dans ma prime jeunesse).
Elle reste un moment immobile pendant que je suis avachi sur elle, puis glisse sous moi pour pouvoir dormir. Ce qu'elle fait le dos contre mon torse, les fesses contre mes cuisses, m'avertissant de faire attention à l'endroit où je plante mon outil. A l'aube, il me vient à l'esprit de lui poser des questions sur sa fille qui a dû rester avec sa mère quand elle est venue au château pour s'occuper de Laurent.
- Elle est morte le premier hiver, répond Manon.
Son dernier lien avec son ancienne vie a succombé à la fièvre et été enterré au cimetière du village. Je me sens honteux de ne pas l'avoir su et de n'avoir jamais posé de questions. Elle répond d'un ton tranchant à mes piètres excuses. Comment l'aurais-je su Question Pourquoi lui aurais-je posé des questions Question Elle somnole une heure dans mes bras. Son corps est doux et chaud sous mes mains, mais son reproche, froid et amer dans mon esprit.
Je ne le sais pas encore, mais, ce soir-là, Manon bouleverse mon existence."


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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 5 EmptyJeu 20 Juil - 16:22

"L'a-t-elle changée en quelque chose de mieux ou simplement de différent Question C'est difficile à dire. Je pourrais le dire si j'avais su mesurer le changement. Je suis alors si ivre de la douceur de son corps et si secoué par la justesse de ses reproches que je décide de me reconstruite entièrement les années suivantes.
Comme un architecte qui déciderait de remplacer un pont par un autre sans se demander au préalable si cette opération est nécessaire... Tout ce que je sais, c'est que j'aime l'honnêteté de Manon. . J'aime qu'elle me regarde droit dans les yeux pour me dire ce qu'elle pense. Les manières courtoises dont j'usais avec Virginie n'ont pas lieu d'être avec Manon. Comme si cette nuit avec elle m'ouvrait les yeux et me permettait de la regarder vraiment pour la première fois. La férocité de son regard. Une sauvagerie animale que la plupart préfèrent cacher.
A mon retour, je fais retirer toute la vase de la rivière stagnante qui a causé la mort de la fille de Manon. Je fais élargir la route du château au village et celle du village à la ville au-delà. J'octroie à la ville le droit de tenir ses propres marchés tous les vendredis.
J'accorde des licences pour des moulins supplémentaires et je réduis les banalités, ces taxes que les paysans doivent me payer pour pouvoir moudre leur blé dans mon moulin ou cuire leur pain dans mon four. J'autorise également le ramassage du bois et la cueillette des champignons dans mes forêts,. Je me réserve le droit de chasser le sanglier et le cerf, mais ne sanctionne pas le braconnage, à moins d'un acte provocateur, au vu et au su de tous. Cet été-là, une révolte éclate en Normandie et se propage jusqu'à Bordeaux. Elle n'atteint jamais le château d'Aumout.
A la maison, l'atmosphère est bien plus triste.
Virginie n'aime pas mon tigreau et essaie d'empêcher Laurent de jouer avec. Notre fils ignore les avertissements de sa mère. Elle pleure lorsqu'une carriole arrive de Versailles avec une demi-douzaine de flamants roses, qui ont manifestement détesté la vie à la cour.
En l'espace d'un mois, les oiseaux perdent leur teinte fantomatique et retrouvent peu à peu leur rose flamboyant. Enfin, ils ne donnent plus l'impression d'être des reliques rongées par les mites trouvées au fond d'un grenier. Quatre sur six survivent. Je mange les deux autres, dont je cuisine la langue à la romaine grâce à une recette d'Apicius. Je recueille leur graisse, riche comme celles des oies dans un bol,, et garde pour une occasion spéciale.
Virginie se montre très claire : elle ne s'intéresse ni aux routes, ni aux crues, ni aux améliorations du domaine. Pas plus qu'aux animaux qui arrivent à présent toutes les deux ou trois semaines. Encore moins à mes expériences culinaires. Quand je lui explique comment je compte adapter les recettes d'Appicius, elle se tourne vers moi avec fureur :
- Tu ne comprends donc pas que je ne m'intéresse à aucun de tes passe-temps Question
Je cuisine malgré tout."

A SUIVRE Exclamation ...
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 5 EmptyDim 23 Juil - 13:21

"Après ce repas, mon épouse se replie sur elle-même et n'est alors plus que le fantôme de la fille que j'ai rencontrée au château de Saulx. Plus inquiet que jamais j'écris à Charles, qui envoie une lettre à sa soeur. Virginie lui répond avec une distance polie, comme si elle s'adressait à une simple connaissance. Charles en cite quelques passages dans sa réponse.
La vie suit son cours. Quand Jean-Marie n'écrit pas ses recettes, il travaille inlassablement au bien-être des autres. Laurent continue à grandir...
Virginie ne semble s'animer que lorsqu'elle mentionne Hélène, une fillette très jolie, toujours aussi intelligente et travailleuse. Elle espère que sa fille mène une vie heureuse. Charles et moi percevons la joie de Virginie dans ces lignes. Les événements qui vont suivre ne seront pas une surprise pour mon ami. Charles m'est alors d'une aide précieuse. Il fait taire les mauvaises langues, reste à mes côtés et ne me quitte qu'à regret, ce qui renforce encore notre amitié et protège ma lignée.
Un dimanche après-midi, après la messe du matin et une repas léger qu'elle a pris seule dans sa chambre, Virginie emporte son recueil de poèmes et va s'asseoir sur un banc au bord du lac où Tigris n'a pas l'autorisation d'aller. Elle ne l'aime pas et m'en veut d'avoir tout un remue-ménage pour l'enterrement de Felis, la mère de Tigris, une semaine plus tôt. J'avais mes raisons bien sûr. Les cuisiniers, habitués à mes excentricités, n'ont pas été surpris de me voir concocter une sauce dans la petite cuicine.
Evidemment, ce n'était pas la sauce qui m'intéressait, mais la viande qui l'accompagnait. La viande de tigre est aigre et nerveuse. Du moins, celle de ce fauve-là. Mais elle est assez bonne avec des oignons frits et assaisonnée de poivre et de curcuma. J'ai choisi ces épices pour son pelage apparemment.
Peut-être Virginie a-t-elle lu son livre pendant un temps. Je ne sais pas au juste pourquoi elle est allée chercher Laurent dans la nurserie, mais Manon m'a dit qu'elle l'avait envoyé faire la sieste et qu'il n'était plus dans sa chambre. Peut-être ai-je deviné tout de suite son intention. Le banc au bord du lac est le premier endroit où je les cherche. Je m'y rends seul et demande à Manon dez fouiller la maison sans alerter les domestiques. Nous aurons largement le temps par la suite si nécessaire. A mi-chemin, je distingue l'éclat blanc dans l'eau et je cours... Quel homme ne le ferait en voyant la robe de son épouse onduler à la surface du lac Question Mais aucune trace de Laurent.
Je crie son nom.
- Ici, papa Exclamation
Lorsque je le rejoins, il est debout, mais il était assis un peu plus loin sur une souche, occupé à éplucher des noix, dont les coquilles sont éparpillées autour de lui.
- Tu devais faire la sieste.
- Maman a dit..., proteste-t-il, lèvres tremblantes.
Le prenant dans mes bras, je me tourne pour l'empêcher de voir le lac et le ramène jusqu'aux marches du château. Manon se trouve en haut, les mains sur la balustrade. Elle a sans doute vu la même chose que moi, car elle descend vivement les marches, prend l'enfant par la main et l'entraîne à l'intérieur. Je les regarde disparaître vers l'escalier principal qui mène à la nurserie.
Le corps de Virginie flotte sur le ventre, les bras le long du corps, le dos recouvert par les vaguelettes soulevées par le vent, les pieds légèrement immergés. Il lui manque une chaussure. Surpris par le poids de sa robe gorgée d'eau, je tire son corps hors du lace. Je ne veux pas penser à l'impensable, mais je ne peux m'en empêcher. J'ai eu de la chance de trouver Laurent encore en vie. A-t-elle eu pitié de lui Question Ou bien voulait-elle simplement lui dire au revoir Question Quand je l'ai ramené, il m'a dit que sa mère lui avait demandé de l'attendre derrière l'arbre.
Elle savait ce qu'elle faisait. Le petit lac au bout des jardins est réservé à la famille. C'est un endroit où nous pouvons aller à l'abri des regards des employés du château. Autrefois, c'était l'un de nos coins préférés, à tous les deux... Le sunny brille en ce début d'après-midi, et une idée se forme dans mon esprit pendant que je lutte pour hisser le cadavre de mon épouse sur la berge. Virginie est croyante. Si l'Eglise découvre qu'elle a attenté à sa propre vie, elle refusera de l'enterrer dans un sol sacré. Pour le repos de son âme, pour Laurent et Hélène...
Après avoir enlevé mes chaussures et mes bas, je patauge dans l'eau et déboutonne sa robe. Mes doigts tremblent, et les boutons sont glissants, mais je finis par en venir à bout. Sa chemise est plus facile à enlever. Son corps n'a pas été déformé par la maternité. Ses hanches ne sont ni plus fines niplus épaisses que la première fois que je l'ai vue nue. Elle clapote dans les vaguelettes, les jambes piégées dans le limon. Ses cheveux flottent librement. Je sens des larmes rouler sur mes joues et me demande à quel point tout ceci est ma faute. J'aurai le temps de réfléchir à cette question plus tard. Pour le moment, je dois faire vite."

A DE SUITE. ...
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 5 EmptyDim 23 Juil - 13:59

"Laissant Virginie flotter près du bord, je prends sa robe et l'essore délicatement pour évacuer le plus d'eau possible. Je crains un moment que les coutures ne supportent pas la torsion du tissu, mais elles tiennent bien, et, quand je secoue le vêtement pour en ôter les plis, elle est déjà presque sèche. Je l'étends sur un buisson en plein sunny , comme je l'avais fait il y a plusieurs années au bord d'un rivière. Après avoir essoré sa chemise de la même manière, je la pose près de la robe et vais laver la boue de ses chaussures. Pour notre dernière heure ensemble, je m'assois sur le banc où ma femme aurait dû être pendant que ses vêtement sèchent au sunny et que son corps flotte sur le lac, à l'ombre d'un grand arbre. Les eaux lui épargnent les regards indiscrets et gardent son corps au frais, l'empêchant de se décomposer. Je la roule une nouvelle fois sur elle-même, car je sais que le sang peut s'agglomérer dans une partie du corps, et m'étonne de mon sang-froid. Je devrais être à genoux, en pleurs ; or mes larmes se sont taries presque tout de suite, et ma seule inquiétude est que la robe ne sèche pas assez vite.
Ce n'est qu'à la fin de l'après-midi que la robe, les sous-vêtements et les chaussures sont enfin prêts. Je peux alors extraire Virginie du lac et l'étendre à l'ombre du buisson sur lequel ses vêtement ont séché. Je fais sortir le plus d'eau possible de ses poumons en exerçant des pressions sur son dos, puis la rhabille maladroitement, lui enfilant sa chemise sur la tête, et reboutonne sa robe. Ses chaussures sont assez propres pour que les domestiques ne se doutent pas que l'ne était dans l'eau, et l'autre, perdue dans la boute. J'essore ses cheveux, les sèche avec l'intérieur de ma veste, puis les peigne de mes doigts, comme quand nous étions jeunes? Enfin, je l'assois sur le banc et pose le recueil de poésie retourné sur ses genoux. Puis je replie un de ses bras sur le livre. Une immense tristesse me submerge. Telle est la Virginie que j'ai connue, assise sur un banc dans le jardin avec son livre. Les larmes roulent sur mon visage, et je m'agenouille à ses côtés, baignant ses genoux de pleurs.
C'est ainsi que Manon, Laurent, Charles et sa famille me découvrent.
Le duc est venu tout droit de Saulx, apparemment alarmé par la froideur de la réponse de Virginie et la platitude de ma dernière missive. Lisette est avec lui, ainsi que leur fils. Les garçons tiennent Tigris en laisse. Elle devient trosp grande pour être ainsi attachée, mais se cécité la rend plus docile que le veut la nature. Ils sourient. Soudain, Charles se fige et leur ordonne de renter à la maison. Manon me voit en larmes à côté de Virginie et déclare qu'elle va ramener les enfants. Après un coup d'oeil à Charles, son épouse décide de retourner elle aussi au château.
- Quand est-ce arrivé Question me demande-t-il doucement.
- Maintenant. Je pensais qu'elle dormait.
Charles observe sa soeur, aux yeux clos dans l'ombre, au sourire triste, la main posée sur un livre ouvert à la pliure et aux coins usés. Nous savons tous les deux ce que Charles pense, qu'elle a l'air plus heureuse maintenant que ces cinq dernières années. Perdre Jean-Pierre a provoqué un immense chagrin, que la naissance de Laurent n'a fait que renforcer. Seul le lac a pu mettre fin à ses souffrances.
- Je vais rester avec toi jusqu'aux funérailles.
Il me prend la main comme pour la serrer, mais la garde dans la sienne. Les années ont donné à son visage une gravité qu'il était loin de posséder dans sa jeunesse. Le jeune homme beau et sauvage d'autefois est devenu un puissant membre de la noblesse, un contrepoids aux courtisans dissolus qui poussent le roi à se lancer dans des guerres désastreuses et ruineuses.
Son amitié peut détruire l'existence et l'avenir d'un homme, mais, en le regardant au fond des yeux, je sais que sa loyauté m'est acquise pour toujours.
Quels qu'aient été ses doutes sur mon mariage avec Virginie, si jamais il en a eu, ils ont disparu. Il serre ma main une dernière fois, puis la libère.
- Veux-tu y aller Question J'aimerais rester un peu seul avec elle.
Charles me regarde avec pitié, puis s'éloigne, les épaules ployées sous le poids du chagrin. Il quitte le jardin que Virginie et moi avons créé quand nous avions l'insouciance de la jeunesse et que la vie était si belle. Je m'agenouille près d'elle et, alors que je me suis toujours promis de ne m'astreindre qu'à mes devoirs religieux publics, je ferme les yeux et je prie. Soudain, un éclair blanc passe dans les buissons. Une petite fille sort de l'ombre. Hélène. Ce que j'ignore, c'est depuis combien de temps elle m'observe."

FIN DU XXI
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 5 EmptyLun 24 Juil - 11:47

"XXII

1763

L'enterrement

Il semble que François Couperin ne peut réellement être considéré comme l'héritier de Jean-Philippe Rameau, mais, comme ils sont tous deux français, célèbres, et ont composé des pièces pour clavecin, les gens disent d'aux qu'ils sont interchangeables. Virginie en parlait comme s'ils étaient frères. L'aîné, Rameau, était sérieux, alors que Couperin, le cadet, était connu pour son inconstance, même s'il est décédé l'année où j'ai rencontré Virginie et que le génie de Rameau s'est étiolé avant la naissance d'Hélène.
J'engage des musiciens de Bordeaux qui prétendent avoir joué à Versailles et réclament des gages en conséquence. L'après-midi des funérailles, ils alternent entre les deux compositeurs favoris de Virginie. Les femmes sourient à travers leurs larmes, et les hommes me prennent en aparté pour me dire combien mon amour pour ma femme est touchant. Seul Charles marmonne qu'il a toujours détesté cet instrument désagréable, mais, puisque sa soeur l'aimait tant, il ne peut qu'approuver mon choix. Emile me dit qu'il se souvient d'avoir vu Virginie jouer le morceau que nous entendons. Nul doute qu'il a raison.
- Ce qui compte, c'est l''intelligence et le talent, pas les liens du sang.
Cela aurait pu être une déclaration inoffensive de la part d'un homme comme Emile Duras. Son grand-père et son pères sont avocats ; lui-même est avocat... Je pourrais lui répondre que lui-même descend d'une lignée d'avocats. Un jour, il pourra appartenir à la noblesse de robe. Ou son fils après lui.
Au lieu de cela, je me contente de hocher la tête. Ce sont les funérailles de Virginie, et je fais mes adieux aux derniers proches encore au château. Beaucoup de gens sont venus assister à l'office. La loi nous oblige à accueillir tous les fidèles à l'occasion des mariages et des enterrements. Peu viendront à la réception qui se tient après, bien qu'il reste encore une foule importante.
La présence d'Emile était inévitable. Il est l'un de mes plus vieux amis et connaissait Virginie depuis fort longtemps. Si nos chemins se sont séparés, c'est parce qu'ils ne suivaient plus des lignes parallèles.
Emile est devenu un homme important. Un représentant de l'assemblée provinciale de sa région, en plus d'être un avocat renommé. Je sais qu'il ambitionne de représenter le tiers état à l'assemblée de Bordeaux. Il porte des chaussures coûteuses aux talons Pompadour en liège et cuir, qui le grandissent de près de trois centimètres.
Sa redingote et son gilet sont bleu marine, avec de jolies broderies noires en liséré, de larges revers et de grandes poches. Une chaînette disparaît dans la poche de son gilet. Voyant mon regard, il en sort une petite montre à gousset.
- Thomas Mudge. A Londres. Elle a un échappement à ancre détachée. C'est du dernier cri. Personne ne l'a encore à Paris.
- Monsieur l'ingénieur....
Il rougit légèrement sous la plaisanterie, mais il est évident que cela lui fait plaisir. Je lui parle d'un problème de barrage sur l'une de mes rivières, et il m'écoute attentivement avant de me faire deux suggestions : d'abord, reconstruire le barrage en briques ; ensuite, élargir et creuser cette portion de rivière et la relier au canal du Midi. Cela me permettrait d'augmenter le flux des bateaux et, grâce aux taxes additionnelles, de payer les travaux du barrage. Je le remercie de ses précieux conseils. Il s'est remarié après le décès de sa première épouse et a maintenant un fils en plus de ses filles.
Avant notre discussion, j'ai observé le fils d'Emile. Un beau garçon de onze ou douze ans déjà presque aussi grand que son père, sans doute appelé à le dépasser.
Il suffit de regarder l'épouse d'Emile pour comprendre d'où vient la grande taille de Georges Duras, ainsi que sa silhouette et ses yeux bleus.
L'enfant sert de chevalier servant à Hélène avec un naturel confondant. Et, bien que ma fille de neuf ans prétende ne pas le remarquer, elle est manifestement flattée. Ses sourires sont rares depuis la mort de sa mère. Manon a essayé de lui parler, en vain. L'épouse de Charles, qu'Hélène adore n n'a pas eu plus de succès. Et voilà qu'Hélène converse avec le fils d'Emile comme s'ils se connaissaient depuis toujours.
- Ainsi soit-il, dit Charles en se matérialisant à côté de moi.
Je souris et écoute son conseil, heureux que ma fille ait trouvé quelqu'un à qui parler, et pressé de voir la fin de cette journée. Ce n'est que lorsque le dernier invité sera parti que j'aurai une chance de parler à Hélène, qui m'évite, et à Manon, qui fait de même. Une semaine s'est écoulée depuis la mort de Virginie, où j'ai été accaparé par la paperasserie et les formalités.
Jérôme m'a déjà prévenu que la deuxième semaine sera pire. Lui-même a perdu sa soeur aîné, mais il me dit qu'il imagine que de perdre son épouse est un peu pareil. Bien sûr, il est venu. Jérôme fait partie des nôtres. Un original.
- J'ai entendu dire que tu avais encore réduit les banalités...
Charles veut parler des taxes que les paysans doivent payer pour utiliser les moulins et les fours communaux.
- La dernière récolte a été mauvaise. La précédente ne valait guère mieux.
Il soupire et me tape l'épaule.
- Les paysans disent toujours que la dernière récolte était mauvaise, que cette année va être terrible et la prochaine sera probablement pire.
- Je devrais aller parler à Emile.
Charles sourit.
- Toujours aussi diplomate, dit-il avant d'aller retrouver son épouse pendant que je me demande ce que mes paroles ont de diplomatique. Il me sourit de l'autre côté de la pièce pour me réaffirmer son soutient au moment om j'arrive à hauteur d'Emile. Son sourire est plus crispé. Nous ne nous sommes pratiquement pas vus depuis la naissance de Laurent, et très peu avant. Il a des bureaux à Paris et Limoges. Ses sociétés s'occupent des litiges entre les marchands de vin et les propriétaires de vignobles et ont réglé de nombreuses successions compliquées. Emil est connu pour son intelligence, ce dont nous n'avons jamais douté, mais, ces dernières années, il a acquis la réputation d'être impitoyable. Il ne laisse pas ses ennemis seulement ruinés mais brisés.
Malgré tout, Emile sourit. Après avoir jeté un coup d'oeil à ma fille avec son fils (leurs têtes sont toutes proches à présent, et leurs voix sont basses), il prononce les paroles qui vont modeler le dernier tiers de mon existence.
- Ce qui compte, c'est l'intelligence et le talent, pas les liens du sang, tu n'es pas d'accord Question
Le père de Charles aurait considéré ses paroles comme un blasphème, mais je ne suis ni le père de Charles ni Charles. Je hoche la tête et le remercie d'être venu, sans vouloir insinuer que je craignais le contraire. Nous nous serrons la main. Emile me redit qu'il est désolé, qu'il sait combien il est dur de perdre une épouse, qu'il est impossible d'envisager l'avenir sans elle. Bien sûr, il sait que la situation était compliquée entre Virginie et moi... Bien sûr. Comme tout le monde ici. Les gens évoquent souvent le sujet avec moins de finesse qu'Emile. J'aborde des sujets plus généraux, et nous finissons par parler de religion.
- Je ne suis pas sûr que les gens puisssent s'en sortir sans Dieu, lui dis-je. Sans cette hauteur spirituelle à laquelle ils peuvent aspirer, comme de jeunes gens regarderaient un haut rocher, et se mettraient au défi de l'atteindre. Si nous abandonnons notre foi en Dieu, nous prenons sa place et ses pouvoirs.
Emile rit.
- Ne me dis pas que tu as la foi maintenant Question
Je le fix du regard.
- J'ai toujours eu la foi.
- En Dieu le Père, Le Fils et le Saint-Esprit Question
- Bien sûr que non. Mais en quelque chose. Nous avons tous besoin de croire en quelque chose.
- Sinon Question ...
Il laisse sa question en suspens.
- Sinon, nous ne croyons qu'en nous-mêmes.
- La foi en Dieu est la cause des guerres, des superstitions, de l'irrationalité... Et ce, depuis le commencement des temps."

PAUSE Exclamation


-
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 5 EmptyLun 24 Juil - 18:30

"Les paroles d'Emile sont de la trahison, ou tout au moins du blasphème, mais je les ai entendues si souvent dans sa bouche que je n'y fais pas attention.
Il est penché en avant, les doigts crispés sur son verre de vin comme s'il avait les poings serrés, tel un gamin qui veut impressionner ses petits camarades. Il avait la même posture le jour où je l'ai rencontré, fils d'avocat envoyé parmi les enfants de nobles désargentés.
- Sans Dieu, les guerres seraient encore plus meurtrières.
- Nous verrons bien.
Sur ces mots, notre conversation s'achève. Je lui dis que j'ai beaucoup à faire, et il acquiesce à ce mensonge bienvenu. Nous nous serrons une dernière fois la main, et je traverse la pièce pour aller parler au père Laurent, qui a fait le déplacement depuis Paris. Chaque nouvelle année semble le vieillir un peu plus vite que la précédente, et, à l'écouter, on devine aisément pourquoi.
Il est allé à la Sorbonne en espérant se consacrer à ses études et s'est retrouvé au coeur d'intrigues politiques aggravées par le fait que les autres le considèrent comme un parvenu. Apparemment sa promotion récente est un calice empoisonné, une douzaine d'athées et de païens attendant sa déchéance.
Il ajoute qu'il est ivre, s'excuse de son comportement et accepte ma suggestion d'aller se reposer quelques heures dans une chambre, où un de mes domestiques va le conduire. C'est ma dernière conversation déplaisante de la journée. Je fais mes adieux à mes proches, dont Emile et son fils, et décide de réparer les dommages causés à ma maîtresse et à ma fille."

FIN DU XXII
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 5 EmptyMar 25 Juil - 5:41

"XXIII

1768

Mission en Corse

Cinq ans séparent mes adieux aux derniers indésirables et la la lettre envoyée par le roi. Cinq années durant lesquelles je me suis efforcé de réparer mon coeur et de m'installer dans une routine confortable.
La mort de Virginie m'a rendu riche. Enfin, j'ai toujours été riche, si l'on considère que son argent était le mien, mais, désormais, il est vraiment à moi et je ne me sens plus coupable de le dépenser. Donc, je fais rénover les cuisines, installe une immense glacière, agrandis le jardin à la française et fais creuser un second lac pour accueillir les mammifères aquatiques de Versailles. Je fais même ériger un mur autour d'un petit bois pour donner à Tigris un espace sécurisé où se promener.
Manon devient ma maîtresse officielle, et, comme je faisais déjà le deuil de Virginie quand elle était vivante, peu comprennent mon chagrin. Une fois seulement, je le laisse s'exprimer. Un soir, je descends près du lac pour admirer les étoiles.
En revenant, je me mets à sangloter, des pleurs déchirants, mêlés d'une colère terrible. Après qui Question Virginie sans doute, pour m'avoir laissé. J'ai un sentiment d'abandon et de culpabilité. Ce n'est que le lendemain que je me demande si ce n'est pas plutôt moi qui l'ai abandonnée. Quoi qu'il en soit, la mort ne nous laisse pas le choix.
J'épouse Manon dix-huit mois après la mort de Virginie, lors d'une cérémonie intime dans la chapelle du château d'Aumout. Il s'agit d'un mariage morganatique, étant donné que je suis noble, et elle, roturière. Avec la permission du roi, elle prend le titre de vicomtesse, bien que nos amis l'appellent "marquise" par politesse. Je doute que mes domestiques comprennent la différence de toute façon. Charles vient me rendre visite deux fois, Jérôme, une fois. Je rencontre Emile à Bordeaux. Nous déjeunons à son hôtel, un repas morne qui accompagne une conversation sans intérêt. Je me demande par la suite si ces quelques heures passées ensemble lui ont été aussi pénible qu'à moi. Manon prend en charge la gestion du château et la responsabilité d'Hélène. La familiarité avec laquelle elle me parle trouble certains de nos voisins. Notre conversation n'a pas la formalité des mariages de la bonne société. Nos marques d'affection et nos querelles occasionnelles sont censées rester dans le domaine privé.
Mon existence me fait penser à de l'argile. Ce fameux jour, contre le tas de fumier, ma vie était totalement malléable, douce au toucher et facile à modeler. Lentement, elle a séché et s'est durcie jusqu'à ce que j'en accepte la forme, car tout changement est douloureux. Un jour, au début de l'été, Manon me trouve dans l'atelier d'un potier, la chemise éclaboussée d'eau rouille, la roue tournant frénétiquement devant moi, qui actionne la pédale sans relâche. Je triture un bloc d'argile entre mes mains.
- Jean-Marie...
Elle réalise que des gens nous entourent (la famille du potier, ses voisins, un apprenti déguenillé plus jeune que mon fils) et son ton s'adoucit.
- Que fais-tu Question
A la manière dont l'apprenti se cache derrière les jupes de Manon, je devine que c'est lui qui est allé la chercher.
- Je me demande si mon existence ressemble vraiment à de l'argile.
Elle observe le chaos sous mes doigts, et le potier se presse de lui expliquer qu'actionner la roue est difficile et que mes efforts sont fort louables.
Je le remercie pour le temps qu'il m'a accordé, ce qu i l'embarrasse, et me lave les mains à la pompe extérieure qui ne cesse de grincer. Le sunny est si chaud que les éclaboussures d'argile sur mes poignets se sont déjà transformées en croûtes de terre. Elles ont un goût de métal et de sel, comme le foie cru ou le sang frais."

PAUSE KAWA Exclamation ...
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 5 EmptyMar 25 Juil - 6:10

"Le père Laurent, qui se fait appeler maintenant Me Laurent m'écrit de la Sorbonne pour me dire qu'il a appris que je travaillais comme un homme du peuple, en simple chemise, et que mon inclination pour le naturel plutôt que le superficiel est pour lui une source d'inspiration. Je ne prends pas la peine de lui répondre.
Cela ne l'empêche pas d'écrire un pamphlet proclamant que les plus grands de l'aristocratie française sont naturellement nobles et me citant comme le parfait exemple rousseauiste. Du Contrat social ou Principes du droit politique, de Jean-Jacques, a été publié quelques années auparavant, et, comme beaucoup d'autres, le père Laurent s'efforce de remettre au goût du jour des idées anciennes et de nous convaincre que nous avons déjà les structures pour construire le meilleur des mondes possibles.
Son pamphlet et mon escapade chez le potier sont la raison de la lettre royale qui me parvient peu de temps après, ce que je ne découvrirai que plus tard.
A l'époque où je la reçois, le domaine fonctionne normalement, les animaux sont bien installés, et même les plus orgueilleux de mes voisiins acceptent de considérer Manon comme la châtelaine du château d'Aumout quand ils ne réfléchissent pas trop.
Je n'ai aucune raison de m'inquiéter si je la laisse, quoique je n'aie pas vraiment le choix. Néanmoins, la formulation de la missive m'intrigue. Le roi requiert votre présence à Versailles.
Ce soir-là, Manon me demande ce qui ne va pas et lit la lettre. Mon silence lui en donne la permission.
- Tu devrais y aller.
- Bien sûr. J'aimerais seulement savoir ce qu'il me veut.
J'ai cinquante ans, je suis marié pour la seconde fois, j'ai un fils prêt à prendre ma place et une fille bientôt en âge de se marier. J'ai mes cuisines, mes recettes et des dizaines de carnets de notes. Je suis un loyal sujet de Louis XV, sans ambitions particulières et sans histoires. En quoi puis-je intéresser le roi de France Question "

LA SUITE UN PEU PLUS TARD. ...
Wink
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 5 EmptyMar 25 Juil - 10:55

"Manon et moi faisons l'amour cette nuit-là, puis je somnole dans ses bras, mon poignet emprisonné entre ses cuisses.
- Cela te ferait du bien de partir.
D'humeur querelleuse, je m'arrache au sommeil et sens son sourire alors qu'elle attend ma réaction.
Dehors, j'entends les paons se chamailler, puis les sabots d'un cheval sur le gravier. Une fille de cuisine revient de la taverne ou un galant est venu du village. Dans un coin paisible de mon esprit, où Charles est mince, Jérôme, féroce, Virginie, belle, et moi, jeune, je les envie.
- Je suis bien ici.
- Non, tu es tranquille ici, ce n'est pas pareil. Sonde ton coeur et dis-moi en toute sincérité que tu es heureux.
- Je suis assez heureux.
Manon soupire.
- Qu'y a-t-il Question C'est nous Question
Je lui assure que non. Mais, comme Manon est douée pour laisser le silence s'étirer et que je ressens toujours le besoin de le combler, je reconnais que plus rien n'a vraiment d'importance à mes yeux.
Ma taille s'est épaissie depuis la mort de Virginie. Sous ma perruque, mes cheveux se sont clairsemés, et les poils de mon torse grisonnent. Je sais que j'ai pris les habitudes d'un homme d'âge mûr. Je mange plus et savoure moins les aliments. Perdu dans mes pensées, je fais la même promenade tous les jours après le déjeuner et ne vois plus les arbres ni l'eau autour de moi.
Parfois, Laurent trottine à mes côtés. Hélène daigne rarement m'accompagner, alors que Tigris est toujours partante. La tête du fauve se coule souvent sous ma main, comme si je pouvais oublier sa présence.
- Raison de plus pour y aller.
- Et Tigris Question ...
- Tu devrais penser à moi.
- Tu détesterais la cour. Et Hélène est trop jeune pour faire le voyage. Quant à Laurent, je l'emmène.
Mais Manon a d'autres projet en tête et, finalement, j'accepte de laisser Laurent pour tenir compagnie à Tigris. En retour, Manon veillera sur Hélène, et je rentrerai à la maison dès que possible. Je dois tenir deux promesses : je passerai autant de temps à dire au revoir à mes enfants qu'à mon gros chat, et autant de temps avec ma fille que mon fils. Roulant à côté de Manon, sur laquelle je me trouvais pendant toutes cette discussion, je lui embrasse la joue et elle me serre dans ses bras.
- Reviens plus heureux, murmure-t-elle à mon oreille.
Je le lui promets, et je le pense vraiment.
Aller à Versailles me rappelle toujours combien je suis reconnaissant de ne pas être obligé d'y vivre."

A SUIVRE. ...
sunny
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 5 EmptyMar 25 Juil - 11:56

"- Êtes-vous le marquis d'Aumout Question
Le garçon qui me pose la question a l'âge d'Hélène, mais une fille et un garçon de quatorze ans sont deux créatures très différentes. Lui a la voix éraillée par l'émotion, comme beaucoup de jeunes hommes de son âge.
- Oui, Votre Altesse.
Le dauphin sourit.
- Le marquis de Caussard m'a informé de votre arrivée. Comment va... Question
Il me voit sourire.
- Notre vieux chat va bien Question
- La mère est morte, Altesse. Elle était vieille et malade. Mais la plus jeune est fière comme une princesse.
Derrière lui, des courtisans se raidissent. Je m'empresse d'ajouter :
- Et aussi belle Exclamation
Le dauphin rit.
- J'aimerais la voir.
- Je ferai faire son portrait et vous l'enverrai.
Ma promesse me vaut un sourire chaleureux et un léger hochement de tête, auquel je réponds par un respectueux salut. Puis le prince et son entourage s'éloignent. Certains sourient, d'autres me jettent des regards noirs, comme si la gentillesse du dauphin à mon égard les offensait.
Quelques secondes plus tard, la roseraie est déserte, et j'entends les voix et les rires des courtisans près de la fontaine, de l'autre côté de la haie. Au moins, Versailles est plus peuplé et moins sordide que dans mon souvenir. Les rires sont un rien flagorneurs. A moins que je ne sois simplement blasé de cette mascarade.
- Bien joué, l'idée udu portrait, dit une voix familière derrière moi.
Quand je me retourne, je vois Jérôme, penché sur une jeune fille blonde qui semble, à première vue, à peine plus âgée qu'Hélène. A l'observer de près, je m'aperçois qu'elle doit avoir vingt ans.
Elle a les mêmes yeux bleus et le même teint rose que le jeune homme qui se tient derrière elle. Son décolleté est un peu trop plongeant, et le velours de sa veste, légèrement passé. Elle me fait une révérence si parlait que je devine qu'elle a grandi à la cour. Le salut du jeune homme est tout aussi révérencieux.
- Vous pouvez nous laisser, leur dit Jérôme.
Ils s'éloignent ensemble de la roseraie. La fille touche le poignet du garçon pour l'empêcher de regarder derrière lui.
- Comment était ton voyage Question
- Long, pénible et ennuyeux.
Il rit, comme si c'était une plaisanterie, me demande si je connais la Corse et rit de plus belle quand je lui réponds que son plat national est le brocciu, un fromage comme la ricotta, au lait de chèvre, et que l'île est connue pour la qualité de son jambon, qui est fabriqué avec des cochons nourris de châtaignes l'hiver, quipassent l'été dans le maquis, les buissons sauvagges des collines corses.
- Tu as lu l'Encyclopédie de Diderot Exclamation
- J'ai écrit cette entrée.
Il regarde autour de lui d'un air nerveux.
- Tu es au courant que l'Encyclopédie est interdite Question
- Je sais que le roi en possède un exemplaire personnel, tout comme la Pompadour. Je suis sûr que tu as également le tien.
- Ce n'est pas la question."

Je dois vous laisser, je reviens ce soir. Bisous... sunny ...
I love you
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 5 EmptyMar 25 Juil - 15:34

"J'ai toujours pensé que Jérôme deviendrait en grandissant l'ours de nos plaisanteries à l'académie, mais il ressemble davantage à une grenouille-taureau, avec son large torse, son ventre replet et des bonnes joues. Cela fait trois ans que je n'ai pas vu Charles, et j e me demande quelle emprise le temps a eue sur lui, et si j'ai aussi mal vieilli que Jérôme.
- Tu as l'air en forme, dit Jérôme.
Je mens à mon tour :
- Toi aussi.
- Une partie de cartes tout à l'heure Question
Je me souviens de l'avertissement de Charles et secoue la tête.
- Je n'ai jamais été doué avec les cartes.
Le patronage de Jérôme en ce lieu a un prix. Il faut jouer aux cartes et perdre avec complaisance. Mais je ne veux rien de lui et il n'attend rien de moi. Je ne vois donc pas pourquoi je lui donnerais mon argent.
- Toujours le rat des champs...
- ... dit le chat du palais.
Il éclate de rire et hoche la tête en direction du chemin. Je le suis vers un labyrinthe arboré, dont l'entrée est surveillée par deux gardes qui s'écartent pour nous laisser passer. Jérôme leur ordonne de ne laisser entrer personne en dehors de Sa Majesté et du dauphin.
- On ne peut jamais parler tranquillement, dit-il en m'entraînant au coeur du labyrinthe jusqu'à un banc où il s'assoit.
Puis il enlève sa perruque et s'essuie le crâne.
- Alors, que me veut Sa Majesté Question
Jérôme me regarde d'un air perplexe.
- J'ai recçu un message de Sa Majesté qui disait avoir besoin de mes services.
- Simple façon de parler, répond-il avec un soupir. C'est moi qui t'ai envoyé cette lettre.
- Pourquoi Question
- Parce que j'ai acheté la Corse.
Ou l'histoire de Jérôme est longue et compliquée, ou je suis trop ignorant des affaires politiques pour la comprendre. Il m'explique que la Corse est une république autoproclamée depuis les treize dernières années, gouvernée par le président Pascal Paoli.
Cela, je le sais. J'admire Paoli. Jérôme, non. Aux yeux de Jérôme, Paoli est le seul homme au monde assez inconsidéré pour laisser les femmes voter dans des élections locales. Pire, Paoli a établi une constitution basée sur les principes de Voltaire. Le vératable propriétaire de la Corse est Fênes, si ce n'est que la cité italienne est trop faible pour reprendre l'île aux reballes.
- Alors, Gênes te vend la Corse Question
- Ses droits, dit Jérôme. Mais oui ; en gros, oui.
- Quel est le rapport avec moi Question
- Je veux que tu négocies la reddition de l'île.
- Jérôme...
- Je suis très sérieux. C'est la volonté du roi...
Il croise mon regard et hausse les épaules.
- Enfin, c'est ma volonté, et le roi est d'accord. Il donnera à Manon un titre de noblesse, confirmera son titre de marquise, reconnaîtra vos futurs enfants, qui seront nobles...
Un doute se peint sur mon visage, car il ajoute :
- Ahhh Exclamation Je me demandais... Charles disait que tu faisais attention...
- Nous ne pouvons pas...
- Bien sûr que vous pouvez.
- Manon a réussi une fois. Mais, entre nous deux, rien.
Il me donne une puissante claque sur l'épaule.
- Tu as un héritier. Ca suffit.
- Que dois-je faire Question
- Tu es d'accord, alors Question
- Ai-je le choix Question
Jérôme secoue la tête.
- Mais je m'attendais à plus de résistance."

FIN DU XXIII

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MAINGANTEE

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MessageSujet: Re: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 5 EmptyMer 26 Juil - 11:25

Et bien j'ai pas mal de retard de lecture
Je m'installe sur la terrasse et je m'y mets
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JeanneMarie

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MessageSujet: Re: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 5 EmptyMer 26 Juil - 13:17

C'est vrai, je ne le propose plus à mon père ..
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 5 EmptyMer 26 Juil - 13:27

C'est vrai, ça s'éternise. ... Laughing
Mais quand le roman sera terminé, tu pourras le proposer à ton papa, Jeanne-Marie. ... Wink
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 5 EmptyMer 26 Juil - 23:15

"XXIV

La chute

Je tiens à voir la ménagerie. Le soir, avant de regagner ma chambre sordide, infestée de la puanteur de la latrine toute proche, chose que les chérubins, cadres dorés et autres bergères aux seins roses ne peuvent remarquer, Jérôme m'annonce qu'il nous a organisé une balade à cheval dans la forêt royale pour le lendemain. C'est apparemment un privilège réservé aux proches de Sa Majesté. Deux amis à lui nous accompagnent. Ils ont, paraît-il, hâte de faire ma connaissance.
- Tu es sûr de ne pas avoir besoin de serviteurs Question
Ma chambre dispose d'une commode, d'une vasque pour la toilette et d'un broc rempli d'une eau croupie. Mes bagages ont déjà été montés.
- Non, dis-je, ne rêvant que de tranquillité. Je me débrouillerai très bien seul.
- Comme tu voudras.
Au petit matin, on frappe à ma porte. Malgré mes récriminations, Jérôme m'envoie une femme de chambre. Elle change l'eau, vide ma commode, me demande la permission de tirer les rideaux.
Quand elle a terminé, je la remercie. Un deuxième coup est frappé à la porte, et un messager en livrée me remet un pli de Jérôme : il m'attend avec Armand et Héloïse pour notre balade à cheval. Comme je suis déjà en hauts-de-chausses et veste de cheval, je suis le messager jusqu'aux écuries, un ensemble de bâtiments bas que je n'aurais jamais trouvés par moi-même.
- Grasse matinée Question
Malgré l'accueil un peu froid de Jérôme, je lui souris et fais un signe de tête à ses compagnons, qui s'avèrent être le jeune homme et la fille blonde que j'ai entraperçus la veille. Le garçon s'incline, et la fille fait une courbette.
Puis le garçon sort nos chevaux, déjà sellés et si bien brossés que leurs robes brillent comme des noisettes fraîchement tombées.
Bien que la monture de Jérôme soit immense, elle accuse le coup quand son cavalier hisse sa forte corpulence sur la selle. Le jeune homme se met aisément en selle, et je me rends compte que la jeune fille attend mon aide. Elle me remercie d'un sourire, et Jérôme éclate de rire.
- Héloïse du Plessis, dit-il, et Armand du Plessis. Inutile de te présenter. Tout le monde connaît le marquis d'Aumout.
Nous partons avec un unique serviteur à cheval, qui guide un second animal chargé de paniers d'osier."

Sleep
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 5 EmptyJeu 27 Juil - 13:12

"Jérôme et moi prenons la tête de la troupe, nos deux compagnons chevauchent derrière nous, et le serviteur et le cheval supplémentaire ferment la marche. Des courtisans s'inclinent avec raideur au passage de Jérôme. Lui les remarque à peine.
La forêt royale est un bois parsemé de jolis ponts qui enjambent des rivières trépidantes. Une grotte apparaît entre des rochers moussus. Une source s'écoule sur une pente herbeuse pour former une petite mare en dessous. Des papillons emplissent l'air autour de nous.
- Nous trouverons mieux un peu plus loin, dit Jérôme.
Il talonne sa monture, et nous poursuivons notre route jusqu'à une clairière au milieu d'un bois, qui aurait pu être naturelle, si ses sentiers n'étaient si bien entretenus.
- Nous allons prendre notre petit-déjeuner ici, déclare Jérôme.
Le serviteur étend une couverture sur un parterre de feuilles, ouvre le premier panier d'osier et en retire du pain frais, du beurre et un jambon. Suivent une bouteille de champagne et d'élégants petits verres. Le champagne est frais, et les verres, d'une propreté impeccable.
- A ta santé Exclamation dit Jérôme.
Je bois à la santé des mes trois compagnons, puis goûte le pain et le jambon. Ils sont absolument parfaits. Une agréable surprise étant donné mon souvenir de la nourriture de Versailles, son goût légèrement rance, dont je n'ai pu identifier l'origine.
Quand Jérôme est sûr que je suis rassasié (seules les premières bouchées sont réellement satisfaisantes), notre serviteur range les victuailles, et nous remontons en selle pour nous enfoncer plus profondément dans la forêt.
Une heure plus tard, nous faisons halte près d'un chêne frappé par la foudre, à la forme si pittoresque que je cherche des indices de brûlure pour m'assurer qu'il n'a pas été sculpté. Ensuite, nous nous arrêtons pour déjeuner dans les ruines moussues d'une petite chapelle.
Le serviteur de Jérôme déballe le second panier, qui contient encore du pain, du roquefort enveloppé dans un tissu de lin et une autre bouteille de champagne. Comme toujours, le roquefort est sublime. Même après toutes ces années, la première bouchée, comme la première gorgée de champagne, fait courir un frisson le long de mon dos.
Lorsque nous reprenons nos chevaux, je m'attends à ce que Jérôme nous entraîne vers un autre lieu enchanteur ; au lieu de cela, il me dit qu'il doit parler à Armand en privé et me demande si je veux bien rentrer seul avec Héloïse. A Versailles, bien sûr. Je hausse les épaules, puis réalise que c'est impoli de ma part et que la jeune femme n'a pas mérité ma mauvaise humeur. Je réponds que je serais heureux de chevaucher à ses côtés. Le serviteur rentrera seul. Jérôme me dit qu'il me retrouvera ce soir pour le dîner, donne un coups de talon à son cheval et s'éloigne sans un mot de plus. Armand jette à Héloïse un simple coup d'oeil, puis trottine derrière lui.
Notre trajet de retour se passe sans encombre pendant une heure. Nous sommes déjà profondément enfoncés dans la forêt quand je réalise que nous progressons lentement, reconnaissants de l'ombre que nous procurent les arbres dans la chaleur de l'après-midi. Je somnole presque sur ma selle quand Héloïse pousse un petit cri et tire violemment sur ses rênes, obligeant son cheval à tourner la tête. Sa monture fait un écart, et Héloïse est en train de glisser alors que son cheval se cabre et s'élance, furieux, vers une branche basse. Héloïse pousse un cri de terreur et se tortille pour tenter de se dégager de la selle. Mais il n'est pas aussi simple de descendre d'une selle en amazone que de monter dessus et, avant de m'en rendre compte, je talonne mon cheval pour rattraper le sien. Je la rejoins au moment où elle tombe, son pied toujours pris dans l'étrier.
Parfois, le corps agit avant l'esprit, ce qui m'incite à penser que le cerveau n'est pas le seul maître à bord. Je me jette au bas de mon cheval sans réfléchir aux conséquences. Or il y en aura beaucoup, et cela ira plus loin que de sauver une jeune femme en détresse. Chutant à côté de la tête du cheval, j'agrippe sa bride, mais cela ne fait qu'énerver la bête, qui se met à reculer. J'attrape sa tête et la maintiens fermement contre moi pour l'aveugler.
Le cheval rue de nouveau et tremble de tout son corps, à tel point que je sens les muscles de son cou tendus comme des cordes sous sa peau. Un homme plus frêle aurait été éjecté et un moins désespéré aurait eu la présence d'esprit de le libérer. Par chance, ma manoeuvre réussit à apaiser l'animal qui finit par s'immobiliser.
Héloïse sanglote. Son pied est toujours piégé dans l'étrier, et elle a été traînée dans la poussière sur plusieurs mètres. Elle se débat pour se débarrasser de sa jupe qui s'est retournée sur son visage, révélant ses cuisses nues et la toison de fourrure pâle entre les deux.
- S'il vous plaît, supplie-t-elle."

P'tite pause. ...
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 5 EmptyJeu 27 Juil - 13:59

"Libérant la tête de l'animal, je lui flatte l'encolure et lui murmure des mots doux jusqu'à ce qu'il se calme, puis, après un dernier mot d'apaisement, je prends la cheville d'Héloïse, qui gémit. Je décide alors de défaire la boucle en cuir de son étrier plutôt que de dégager sa cheville endolorie.
Pendant ce temps, je glisse un oeil, malgré moi, au trésor entre ses cuisses. Au dernier moment, alors que la lanière est près de lâcher, je cède à la tentation et insère doucement mon majeur dans son coeur humide pour le goûter. Une légère saveur d'urine et de sels.
- Là, dis-je en reposant sa jambe sur le sol.
Avec mon aide, elle se relève maladroitement et lisse sa jupe. Elle paraît sur le point de dire quelques chose, mais garde le silence. Ses joues sont écarlates après qu'elle est restée si longtemps la tête en bas, sans compter son embarras. Elle ne proteste pas quand je m'agenouille pour ôter sa chaussure.
Les os de son pied sont intacts, mais la peau d'un côté est arrachée, et l'autre côté enfle déjà. Nous avons besoin d'eau fraîche, et le plus tôt sera le mieux. Je l'aide à marcher jusqu'à la rivière et à s'asseoir au bord. Un gémissement lui échappe quand l'eau froide pique sa peau déchirée. Au bout d'un moment, elle me remercie.
- Que s'est-il passé Question
La malheureuse ose à peine croiser mon regard.
- Une vipère. J'ai vu..., je pense avoir vu une vipère sur le chemin devant moi.
L'après-midi est chaude et ensoleillée, et les vipères aiment dormir à l'air libre. Cela paraît tout à fait plausible.
- Pouvez-vous remonter à cheval Question
Elle observe la selle d'un air de doute. Finalement, elle chevauche devant moi, assise en amazone, un bras de chaque côté de sa taille pour tenir les rênes. Elle est mal à l'aise, presque gênée par mon contacte, et me remercie constamment. Elle est furieuse contre elle. Bien trop furieuse pour un simple accident.
Quand je lui dis que cela aurait pu à tout le monde, elle est au bord des larmes. Ses yeux sont encore rouges lorsque nous arrivons aux écuries et qu'un garçon accourt à notre rencontre, suivi quelques minutes plus tard par Jérôme et Armand, qui sortent d'une aile du palais.
- Son cheval s'est emballé, dis-je vivement. Tu devrais demander à un médecin d'examiner sa cheville, même si ça a l'air d'aller mieux. Ne la gronde pas elle est assez bouleversée comme ça.
Je confie la jeune femme à Jérôme et me tourne vers les portes des écuries.
- Où vas-tu Question
- Jouer avec les autres animaux.
Au moins, ceux qui sont en cage savent qu'ils sont piégés et se doutent que leur existence n'est pas naturelle. Je méloigne sans qu'il cherche à me retenir."

FIN DU XXIV
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MessageSujet: Re: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 5 EmptyJeu 27 Juil - 15:14

Merci M'dame
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 5 EmptyJeu 27 Juil - 15:40

"XXV

Départ de Versailles

Je me rappelle parfaitement ce voyage, même après tout ce temps. Peut-être l'intensité de la nuit précédente lui a-t-elle donné une douceur qu'il ne méritait pas. Toujours est-il que je me souviens des moindres détails avec une clarté étonnante.
Lorsque nous quittons l'immense cage dorée aux grilles décorées du visage poupin d'un roi décédé depuis longtemps, ma migraine s'évanouit, et mes poumons s'emplissent d'air frais. Au bout de quelques kilomètres, mon nez n'est plus obstrué par la fétidité du palais, et, deux heures plus tard, son atmosphère viciée n'est plus qu'un lointain souvenir. Pendant qu'Armand du Plessis ronge ses ongles, sa demi-soeur observe le paysage par la fenêtre du carrosse. Son dos, je le sais, souffre de brûlures, mais elle est sagement assise et ne montre aucun signe d'inconfort.
A la place de la femme débridée de la veille se tient une charmante jeune fille, les mains sur les genoux et les jambes sagement pliées. Tandis que notre voiture bringuebale sur un pont de pierre qui enjambe le lit asséché d'une rivière, ses seules paroles sont :
- Je suis heureuse de partir.
Après une profonde inspiration, elle expire lentement, et je crois voir les dernières bribes d'une étrange tristesse quitter son visage.
- Êtes-vous déjà allé en Corse Question
Je secoue la tête.
- Vous allez adorer.
- Et vous Question
- Je suis Corse. Enfin, ma mère l'était.
Héloïse capte mon regard en direction de son demi-frère.
- Sa mère aussi. Notre père était français.
- Où est-il a présent Question
Elle regarde son frère.
- Mort.
- Jérôme fait partie de votre famille Question
- En quelque sorte.
Elle ne veut pas tout me dire. Comme pour confirmer cette impression, Armand s'enfonce dans son siège et ferme les yeux. Au bout d'un moment, sa somnolence se mue en un léger ronflement, et Héloïse sourit.
- Merci.
- Pour quoi Question
- Pour votre compréhension.
Le moment d'en dire plus passe, et Héloïse ferme les yeux et s'assoupit à son tour. Sa tête oscille, puis s'affaisse sur sa poitrine. Comme elle paraît mal à l'aise, je replace précautionneusement sa tête contre le velours rouge de la banquette. Elle sourit. Même dans son sommeil, Héloïse sourit. Le cocher qui nous emmène à Toulon nous fait traverser des forêts, des champs de blé, des vignes et, enfin, des oliveraies centenaires.
Les haies sont mal taillées, les routes, pleines d'ornières, et de vieux chênes frappés par la foudre gisent au bord des routes. A l'ombre de ces haies, près de ces arbres morts, les mêmes visages mornes qu'il y a vingt-cinq ans.
Les hommes pissent sur les murs, et les femmes s'accroupissent sans chercher à se cacher. Armand, qui s'est réveillé, grogne, ferme les yeux et se perd dans ses rêveries. Héloïse plonge dans Julie, de Rousseau, et lit à haute voix les phrases les plus touchantes. Sans moquerie, il me semble. Il me faut plusieurs heures pour distinguer les différences entre aujourd'hui et vingt-cinq ans plus tôt. A l'époque, les regards des paysans glissaient sur notre voiture, presque sans nous voir, et nos deux mondes ne se rencontraient pas. Aujourd'hui, ils croisent mon regard et je lis dans leurs yeux la colère et le désespoir.
Nous logeons dans des auberges à Auxerre, Beaune, Lyon et Valence, changeons de chevaux quatre ou cinq fois par jour, selon les besoins. Notre voiture porte les armoiries royales, et notre cocher, la livrée du palais. Armand et Héloïse partagent une chambre, comme cela est permis pour un frère et une soeur. Je dors seul, même dans les lieux où l'on me propose de la compagnie. On nous alloue les meilleures chambres, nous sert des mets de premier choix et on nous donne les meilleurs chevaux.
Comme Armand somnole presque tout le temps, j'en profite pour apprendre à connaître Héloïse. Elle vit dans un appartement à Paris et se rend à Versailles une semaine par mois pour remplir ses devoirs de dame d'honneur auprès de l'une des princesses. Son frère est lui aussi au service de l'un des princes. Tous deux s'organisent pour être à Versailles en même temps et vivre le reste du mois dans leur appartement parisien. C'est une pratique courante, apparemment. L'ancienne tradition qui voulait que les courtisans vivent au palais n'a plus cours. Excepté pour les intimes du roi et les gouvernantes royales."

JE REVIENS. ...
sunny
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JeanneMarie

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MessageSujet: Re: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 5 EmptyJeu 27 Juil - 15:59

Oui je vais faire ca Laure
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 5 EmptyJeu 27 Juil - 16:21

"Héloïse m'explique que la mère d'Armand était la cousine de Paoli et qu'elle a été désignée pour m'accompagner parce qu'elle parle quelques mots de lingua corsa. Je lui demande ce qu'elle sait de l'homme que je dois rencontrer, et c'est déjà fort intéressant. Pascal Paoli vient d'une famille d'avocats, et son père était un nationaliste avant lui. Sa république contrôle le centre montagneux de l'île tandis que nous, les Français, avons la main sur la côte. Mais la Corse compte mille kilomètres de littoral et plus de trois cents kilomètres de plages et de criques. Héloïse hausse les épaules. Jérôme a raison de souhaiter une résolution diplomatique à ce conflit. Si Héloïse dit vrai à propos des bastions montagneux, des vendettas datant de plusieurs siècles et de la contrebande, pacifier cette région sera un véritable cauchemar.
- Signore Paoli est-il au courant de notre venue Question
- Oh oui Exclamation Le marquis de Caussard l'en a informé. Le signore nous attend.
Héloïse reprend son livre et, au bout d'un kilomètre, s'assoupit de nouveau, aussi charmante que son frère. Nous parvenons à Toulon en temps voulu et attendons une journée supplémentaire notre bateau et une mer clémente.
Enfin, nous débarquons à Calvi, au nord de la Corse, et sommes accueillis par un colonel gascon qui semble douter de la sagesse de notre projet. Une bouteille de vin plus tard, je comprends pourquoi le colonel Montaubon vit sur l'île depuis dix ans, d'abord sur la proposition des Génois, puis pour commander les mercenaires français locaux. Il a passé dix ans à essayer de tuer l'homme avec qui je suis venu parlementer. Il doute fortement que Paoli accepte de me recevoir.
- Nous avons un sauf-conduit, dit Armand en sortant un rouleau de papier d'un tube de cuir, qu'il tend à Héloïse.
La jeune femme le déroule et me le donne. Je le montre au colonel, qui étudie la signature et le sceau de cire rouge représentant les traits d'un Maure.
- Eh bien dit le colonel, cela m'a l'air bien réel. J'espère seulement que vous ne tomberez pas entre les mains des ennemis de Paoli.
- Il a des ennemis Question
- Nous sommes en Corse. Tout le monde a des ennemis.
Prenant la bouteille, le colonel Montaubon jette un oeil par le goulot, constate qu'elle est vide, et la repose avec un soupir exagéré. Comprenant le message, je commande aussitôt une autre bouteille. La servante en apporte une avec du pain et des olives. Les olives sont rassises, le pain est dur, et la nouvelle bouteille, guère meilleure que la précédente. En fait, le vin est si aigre que même un régiment de soldats s'en serait plaint. Je me demande pourquoi le colonel nous a emmenés dans cet endroit et observe les lieux d'un air soupçonneux.
- C'est l'un des nôtres, dit le colonel. L'aubergiste est français.
- Vous lui faites confiance pour vous dire la vérité Question
- Je lui fais confiance pour ne pas nous empoisonner, répond le colonel en soupirant. Que savez-vous exactement de cette partie du monde Question
Il parle avec la lassitude étudiée d'un visiteur de longue date qui prétend haïr l'endroit où il se trouve tout en sachant secrètement qu'il l'aime trop pour le quitter.
Jérôme emplie le même ton pour me dire combien il exècre la vie à la cour et prend un air offusqué lorsque je li suggère de démissionner.
- Ici, ce ne sont que coups de poignard, embuscades et enlèvements. Les marchands sont des voleurs, leurs paysans, des bons à rien, pires que les nôtres. Le parlement de Pascal Paoli est la preuve de ce qui arrive quand on donne trop de liberté aux avocats. Je vais vous donner des soldats pour vous escorter.
- Nous irons seuls, dis-je. Cela fait partie de notre accord.
Le colonel Montaubon a l'air contrarié, ouvre la bouche pour faire une objection et décide de remplir son verre de vin à la place. Aussi, je le remercie de ses conseils, fais signe à Héloïse et Armand qu'il est temps de partir et laisse le colonel à sa bouteille. Pleusieurs paires d'yeux nous regardent sortir et nous diriger vers une fontaine asséchée.
- C'est par ici, dit Armand, qui ouvre la marche.
Trois ânes et un gamin en guenilles nous attendent près de la fontaine. Au-delà, une poignée de vieux hommes se tiennent d'un côté d'une ligne tracée dans le sable et jettent de lourdes boules de bois qui décrivent un arc avant de retomber par terre, non loin d'une boule plus petite.
- Des espions, marmonne Héloïse.
- J'espérais avoir un cocher...
- Plurs tard, promet-elle. Un âne est plus pratique pour grimper dans la citadelle.
Par là, elle désigne l'immense forteresse perchée sur un promontoire rocheux qui surplombe le port.
- C'est là que nous allons Question
Elle sourit et secoue la tête.
- C'est là où nous feignons d'aller. Nous ne ferons qu'un kilomètre ou deux à dos d'âne. Ensuite, nous grimperons dans une carriole. Tout a été prévu.
- Par qui Question
- Le signore.
Je la crois sur parole. Ai-je le choix Question Lorsque je lui ai fait mes adieux, Jérôme m'a dit qu'Armand et Héloïse savaient où aller. "

PAUSE.
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 5 EmptyJeu 27 Juil - 17:28

"Mon rôle consistait simplement à impressionner Pascal Paoli par ma sincérité. Je suis un marquis, un protégé du grand et bien-aimé dauphin ; pourtant, je m'habille modestement et parle avec simplicité. Je lui ai répondu qu'il n'y avait rien de simple dans le goût, mais il m'a répété que le signore Paoli honoré de me rencontrer. De temps à autre, le gamin qui guide les ânes donne un coup de fouet à l'une des bêtes sur l'arrière-train, mais, le plus souvent, il n'a qu'à se retourner pour leur faire presser le pas. Le sunny est chaud au-dessus de nos têtes, et l'air embaume de senteurs du maquis ; thym, marjolaine, menthe, genévrier, chèvrefeuille. Même mon propre jardin aromatique n'offre pas une telle diversité. Parvenus à l'entrée de la citadelle, nous continuons à grimper au lieu de pénétrer sous la lourde arche qui mène aux quartiers généraux des forces françaises de la région.
- Nous y serons bientôt, m'assure Héloïse.
La sueur perle au front de la jeune femme, et des auréoles apparaissent sur le tissu de sa robe au niveau des aisselles. Comme personne ne nous observe, j'ôte ma perruque et la garde à la main comme un animal mort. Nous traversons une oliveraie, puis un petit pont où nous attendent un cheval et une carriole. Ils bloquent le passage, ce qui ne gêne personne ici. Autour de nous, je ne vois rien d'autre que de la terre rouge, des rochers nus, des plantes aux feuilles piquantes et des herbes drues. Je me demande jusqu'où s'étend réellement l'autorité française.
Quinze minutes plus tard, j'ai ma réponse. Au moment de prendre un virage, notre carriole heurte un rocher, et le cocher jure et lâche les rênes dans le même mouvement. La voiture s'arrête brutalement, une roue dangereusement de guingois. Trois hommes masqués se jettent en travers de notre chemin, pistolets au poing, tandis que deux autres armés de mousquets apparaissent sur la colline un peu plus haut. A l'aboiement d'un ordre, le cocher dégringole de son siège et s'allonge dans la poussière rouge, face contre terre, les mains tendues devant lui. Le chef de la bande prend la parole.
Je croyais qu'Armand allait répondre, mais c'est Héloïse qui s'en charge. Son discours est ferme et son accent, étrange. Si ce sont là les quelques mots de lingua corsa qu'elle connaît, elle en sait plus qu'elle a bien voulu me l'avouer. Elle fait signe à Armand, qui hoche la tête, puis prononce enfin deux mots que je comprends : Pascal Paoli.
L'homme m'observe, puis étudie Héloïse et Armand, et agite son arme pour leur ordonner de descendre de voiture. Comme Héloïse secoue la tête il pointe son pistolet vers elle et serre le poing.
- Attendez Exclamation s'écrie Armand.
Il traîne pratiquement se demi-soeur au bas de la voiture, ce qui fait rire le chef de la bande. Le bandit m'étudie attentivement, pose quelques questions au frère et à la soeur agenouillés sur la route, puis entame une conversation enflammée avec ses compagnons.
A l'évidence, ils ne sont pas d'accord, et, vu leurs regards féroces à mon encontre, je devine qu'ils se demandent s'ils doivent ou non me tuer. On peut être frappé, en pareil instant, par un fatalisme radical. Enfin, ce la se produit pour moi quand le monde semble sur le point de basculer. De ce moment, je me rappelle les petites fleurs rouges, telles des gouttes de sang éclaboussées sur un rocher gris."

JE REVIENS DANS 5 MINUTES. ...
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 5 EmptyJeu 27 Juil - 17:53

"Chaque rocher du maquis est surmonté d'une pyramide de pierres, peut-être en offrande aux dieux des montagnes ou en guise de mémorial.
Je suis envahi par cette même sérénité profonde que j'ai ressentie quand j'ai compris que Virginie était morte. Si je pouvais combattre ces hommes, je le ferais. Après tout, je ne manie pas si mal l'épée. Mais tous trois ont des pistolets, et les deux hommes sur la colline, des mousquets. Moi, je suis désarmé. Je n'ai pas même mon épée. Levant les yeux, je croise le regard de leur chef.
- Ton nom, me demande-t-il en français, avec l'accent très prononcé d'un aubergiste de Marseille.
Je m'incline. C'est la première chose que l'on nous enseigne à l'école. Quand vous voulez faire bonne impression, inclinez-vous.
- Jean-Marie, marquis d'Aumout. Je suis ici pour rencontrer le signore Pascal Paoli, président de la République corse.
L'homme crache. Il traduit mes paroles à ses compagnons, puis ils marmonnent entre eux. Héloïse m'observe, et son regard veut me transmette un message que je ne parviens malheureusement pas à déchiffrer.
Agenouillée par terre, les mains derrière la tête, elle est dans une posture qui expose les auréoles de transpiration de ses aisselles et fait remonter ses seins.
Elle chancelle dans la chaleur étouffante. Armand a les yeux clos et, au mouvement de ses lèvres, je devine qu'il prie. Seul notre cocher ne paraît guère troublé. Dans son étrange position, face contre terre, il reste silencieux et immobile, comme s'il dormait. A force de l'observer, je me demande s'il ne dort pas réellement et je l'envie. Le vin aigre de l'auberge m'a assommé, et je rêve d'une sieste.
- Viens ici Exclamation ordonne l'homme.
- C'est à vous de venir.
Il point son pistolet vers moi, et je regarde l'intérieur du canon. A cette distance, la balle traverserait ma tême sans encombre. Une telle mort serait instantanée, ou presque. J'inspire une grande bouffée d'air corse et en savoure les senteurs. Si je dois mourir, autant que ce soit avec les fragrances du maquis dans mes narines.
Le chant des criquets emplit l'atmosphère d'un bourdonnement constant. Un milan pousse un cri au-dessus de nos têtes. Un Falco milvus, du nomt que Linné a donné à cette variété corse dans son Systema naturae
- Jean-Marie...
Héloïse me fixe du regard.
- Quoi Question
Elle déglutit.
- Il vous tuera si vous ne lui obéissez pas.
J'allais hausser les épaules, mais ses yeux sont incroyablement bleus et, quand je regarde de nouveau le canon, le cercle noir me paraît démesurément grand. Je pourrais me rebeller, exiger de cet homme de meilleures manières et lui rappeler qu'il s'adresse à un noble français, envoyé par le roi de France. C'est ce que Charles aurait fait. Mais j'ai la migraine, et l'expression d'Héloïse me convainc d'un tragique dénouement. Je descends par conséquent de la voiture et m'avance vers le chef.
- Français Question
Je m'incline poliment.
- Vous êtes venu perler à Pascal Paoli Question
J'acquiesce, et l'homme bougonne quelques mots à ses compagnons. La dernière chose dont je me souviens, c'est qu'il crache avant de grogner :
- Traître.
Il m'assène un coup de crosse de pistolet sur le crâne, et tout devient noir."

FIN DU XXV
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 5 EmptyJeu 27 Juil - 18:51

"XXVI

Arrestation

Je me réveille dans une charrette en mouvement, le visage plaqué sur le plancher dur. Une puanteur de crotte de chien émane du talon d'une chaussure tout près de mon nez. Mes mains sont liées derrière mon dos, et ma tête est emprisonnée dans un sac qui empeste le jambon fumé. Des hommes conversent au-dessus de moi. En lingua corsa, mêlée d'italien et de termes empruntés au français. Ma blessure à la tête me fait souffrir après le coup de crosse. J'ai en plus toujours la migraine. Mon seul espoir est d'avoir été enlevé pour une rançon. J'essaie de me rappeler si cela fait partie des traditions de la Corse, à l'instar de son voisin la Sardaigne. Je m'imagine assassiné.
Quand la charrette s'arrêt brutalement, je prends une profonde inspiration et rassemble mon courage. A plusieurs mètres de là, un homme grommelle une question. L'homme assis au-dessus de moi répond d'un ton si hargneux que je comprends qu'il ne s'agit pas d'une conversation amicale. La voiture s'ébranle, mais le premier homme crie, et elle s'immobilise aussitôt. Sous la brusquerie de l'arrêt, je me cogne la tête contre le bois. S'ensuivent de nouveaux cris, puis un coup de feu. L'homme au-dessus de mo éructe, hoquette et s'écroule quand deux autres coups sont tirés. Au fumet de jambon et à la pestilence de la merde se mêle l'odeur âcre de la poudre. Enfin, le silence se fait. Puis la charrette tangue sous le poids d'un homme qui grimpe dessus.
Il jure en empoignant le corps tombé sur moi, et, d'après le roulis de pierres que j'entends, l'a jeté par-dessus bord. Deux autres corps suivent le même chemin que le premier, puis la charrette reprend sa route lancinante sous la touffeur de l'après-midi corse. A chaque arrêt, où le conducteur s'interroge sans doute sur le chemin à suivre, une symphonie de criquets et une bouffée d'herbes sauvages m'enveloppent. Nous nous arrêtons un peu plus tard. Peut-être une heure. Peut-être à peine dix minutes.
Le temps s'écoule différemment quand vous avez un sac sur la tête. J'entends alors la voix d'Armand, puis des mains me relèvent, m'assoient sur un siège et ôtent le sac de ma tête. Je me retrouve face au doux visage d'un étranger blond au regard d'un bleu saisissant. Il a une bouche pleine, un nez épaté et de petites mains aux doigts longs et aux ongles impeccables. Je vois cela en une fraction de seconde, sans doute parce qu'une heure plus tôt, je pensais affronter la mort et que cet homme a pris sa place.
- Monsieur le marquis d'Aumout Question
Je m'incline du mieux que je peux, porte ma main à mon front poisseux et palpe du sang.
Apparemment l'arrêt brutal de la charrette m'a laissé une belle entaille.
- Nous allons faire soigner cela.
Il étudie ma blessure de plus près.
- Peut-être que quelques points seront nécessaires. Je suis Pascal Paoli. Mes cousins me disent que vous avez une offre de la part du roi Question Ils voulaient m'en parler eux-mêmes, mais je préférerais l'entendre de votre bouche.
Héloïse et Armand me regardent, impassibles. Un air de famille lie ces trois personnes, assurément.
- Cousins au second degré, dit Paoli en voyant mon regard.
- Ce sont vos espions Question
- Mes amis. Ma famille. Leur père était français, une vraie brute. Heureusement, ils tiennent tous deux de leur mère. C'est leur chance de rentrer chez eux.
Il explique cela simplement, d'un ton amical, et je me demande s'ils sont ses espions depuis toujours ou s'il a eu de la chance. Certains hommes sont chanceux. Je demande :
- Qu'est-ce qui a mal tourné Question
Il comprend ma question.
- Une faction ennemie a eu vent de votre arrivée sur l'île et décidé d'interférer. Ces gens voulaient découvrir de quoi je pourrais bien discuter avec la France. Je dois reconnaître, dit-il avec un sourire, que je suis impatient de savoir ce que vous avez à me dire pour me faire changer d'avis.
- A propos de quoi Question
- De notre indépendance.
- C'est ce que vous avez Question
Il me regarde d'un air dur. Puis son regard s'adoucit, et il répond d'une voix qui se veut légère :
- Vous savez comme moi que la Corse est indépendant depuis plusieurs années.
- Gênes n'est as d'accord avec vous.
- Les Génois pourraient à peine contrôler un quart de nos côtes Exclamation Voilà pourquoi ils vous ont vendu leurs droits supposés sur mon pays. Maintenant, je dois renvoyer mes amis...
Il étreint Armand et Héloïse, qui partent dans des directions différentes. Escortés d'hommes en armes, tous deux descendent la colline par des sentiers de terre rouge.
- Mes soldats les ont trouvés au bord de la route. Mes ennemis n'ont pas osé les tuer. Je supoose que je devrais leur en être reconnaissant.
- Vos soldats Question
Il se tait une seconde et me regarde
- Je suis le président. Ainsiq ue le commandant en chef des forces corses. j'ai des généraux qui se réfèrent à moi.
Il hausse les épaules.
- C'est ainsi que fonctionne une démocratie.
- J'ai entendu dire que vos femmes votaient.
- Dans les élections locales. Le moment venu, je ne vois pas pourquoi elles ne voteraient pas dans les élections nationales ni ne siégeraient dans les assemblées provinciales. Nous avons une tradition de femmes fortes ici. Quand les hommes sont victimes de vendettas, les femmes prennent leur place.
- Et gèrent les fermes Question
- Et les boulangeries, les brasseries, les bateaux de pêche et les presses à olives. Tout en pousuivant les vendettas.
Paoli soupire.
- Je dois trouver un moyen de les arrêter. Que pensez-vous de tribunaux civils, de jugements devant un groupe de pairs et de la fixation des peines Question
- On dirait une suggestion de Voltaire .
- Nous correspondons, tous les deux. Je ne voudrais pas me vanter, mais il me semble que François Parie reprend quelques-unes de mes idées à son compte."

GROS BISOUS ET A DEMAIN. ... Very Happy


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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 5 EmptyVen 28 Juil - 14:52

"Tout en conversant, il me guide vers une oliveraie en terrasse, puis emprunte les marches de pierre qui mènent à la terrasse supérieure. Nous grimpons sous le sunny estival sans que le signore Paoli paraisse affecté par la chaleur implacable. Au bout de six ou sept terrasses, je m'arrête pour m'éponger le crâne, et Paoli me suggère d'ôter ma veste, qu'il se propose même de porter.
Elle est très lourde, et la pente, ardue. Par fierté, je porte ma propre veste et m'efforce de maîtriser ma respiration. Nous nous arrêtons enfin sur une route à flan de falaise, qui offre une vue imprenable sur les ajoncs pourpres, la citadelle de Calvi, et les flots bleus au-delà. Une vue d'une beauté brute, bien plus époustouflante que les paysages les plus sauvages du sud de la France. Ce pays mérite d'être aimé. Sur la route nous attend un attelage. Pas une calèche, mais une voiture ouverte avec des ressorts et des sièges en cuir si brûlants que je le sens à travers de mon pantalon. Le signore Paoli s'assoit plus lentement, en homme habitué à vivre par de telles chaleurs. je le soupçonne de chercher à m'impressionner, ce qui est réussi. Pour ma part, je parle peu et l'écoute tout en tentant de jauger l'homme qu'il est et de deviner sa réaction à ma proposition. Jérôme ne m'a pas dit grand-chose sur l'homme, et ce qu'il m'a dit était partial. Dans le visage de Paoli, je ne vois aucune trace du sybarite décrit par Jérôme. Il pourrait être un noble, un avocat prospère, un riche marchand qui s'est tourné vers les bonnes oeuvres, mais l'intelligence aiguë de ses yeux bleus suggère bien plus.
La maison où il m'emmmène n'est pas la ruine à laquelle je m'attendais. C'est un édifice bas adossé à la colline, dont la façade de stuc rouge se confond avec la terre rougeâtre. Les protes robustes sont ouvertes par deux gamins à la peau sombre et aux cheveux charbon, un pistolet à la ceinture. Un garçon déboule d'une écurie pour voir nos chevaux, et signore Paoli l'aide à défaire le harnais.
- Ici, nous pouvons parler, dit-il.
Je comprends pourquoi. Nous sommes entourés d'hommes armés. Les bergers dans les champs ont des mousquets dans le dos. Un gamin qui mène ses chèvres sur le sentier a un pistolet suspendu à une corde autour du cou. Deux chasseurs portent une ceinture où pendent des lapins. L'un d'eux a un mousquet en bandoulière, l'autre fixé à sa muselière. Je doute que le colonel de Calvi puisse faire venir ses hommes à moins de cinq kilomètres de cet endroit sans tomber dans une embuscade.
- Entrez, me dit Paoli. Vous devez être assoiffé.
J'ai peur qu'il ne me propose du vin, mais il me présente de l'eau fraîche, vraisemblablement tirée d'un puits profond, et boit avec moi un premier broc, puis un deuxième. Seulement ensuite, il m'entraîne dans son bureau, s'assoit sur un lourd fauteuil devant un bureau tout simple et m'invite à prendre place face à lui.
- Alors... Parlez-moi de cette offre.
Sur la suggestion de Jérôme, je commence par lui dire combien nous respectons la Corse. Que faire partie d'un grand royaume comme la France est totalement différent que d'être la colonie d'une cité étatique italique proche de la destitution. L'île bénéficierait du statut de province, avec tous les droits et privilèges qui s'y rattachent. Les Corses auraient droit à leur propre assemblée et leurs propres tribunaux. La Corse serait l'égale de la Normandie ou de la Bourgogne, deux grands pays qui appartiennent aujourd'hui à la France.
- Et pour faire passer cette proposition... à quoi pense Paris pour moi Question
- Armand et Héloïse ne vous ont vraiment rien dit Question
Pascal Paoli secoue la tête.
- Je voulais l'entendre de votre bouche. Je sais déjà que vous êtes un ami du duc de Saulx et du marquis de Caussard, et que vous parlez en leur nom, ce qui revient à dire que vous parlez au nom du roi de France. Ce que je ne comprends pas, en revanche, c'est la raison de votre venu. Enfin..., je comprends pourquoi ils vous ont choisi comme émissaire. Ce qui m'échappe, c'est pourquoi vous avez accepté.
Je lui réponds que je suis venu pour le brocciu di Donna.
Il a l'air perplexe, et, quand je lui explique de quoi il s'agit, il semble décontenancé, comme si je venais de baisser dans son estime.
- Et vous croyez que cela existe Question Vous pensez que nous fabriquons du fromage avec le lait de nos femmes et que nous le gardons caché dans des grottes pour le manger en secret Question
Il soupire.
- Héloïse m'a dit que vous étiez un homme bien. Que votre vie reflétait vos écrits. Elle dit que vous lui avez sauvé la vie un jour dans les bois, quand son cheval s'est emballé. Pour ces raisons je vous pardonne cette idée ridicule. Dites-moi ce que vous avez à m'offrir.
- Je suis là pour vous proposer le titre de marquis de Bonifacio. Si vous ne l'acceptez pas, je peux vous donner de de duc de Bastia. Voire celui de prince de Corse, qui vous donnera les mêmes droits qu'un prince français qui n'est pas de sang royal.
- Et mes hommes Question Je suis sûr que vous avez quelque chose pour eux.
- Les titres qui vous sembleront adéquats. Comtes, vicomtes, autant de barons que nécessaire. Je doute que le roi se montre très regardant sur ce point.
- Pourquoi accepterais-je cette offre Question
- Parce que c'est la seule alternative à la guerre. Le roi enverra ses soldats et, cette fois, vous combattrez la France. Ce sera très différent de votre lutte contre Gênes.
- Peut-être...
Paoli se verse un verre de vin, puis m'en verse un ensuite, comme s'il y avait pensé après coup. Il paraît perdu dans ses pensées.
- Vous attendez-vous à ce que j'accepte Question
Le silence s'étire entre nous, seulement perturbé par des bruits de pas sur le plancher au-dessus de nos têtes et les stridulations des criquets. Il existe deux réponses à cette question, qui dépendent de la personne à laquelle on s'adresse.
- A qui posez-vous la question Question A moi ou au messager du roi Question
- Y a-t-il une différence Question
- Bien entendu.
- Alors, vous vous trompez. Je suis Pascal Paoli et le président de la Corse, et tous deux sont indistincts. Leurs visions sont les mêmes. Quant à vous... Que pense le messager du roi Question
- Il espère que vous allez accepter. C'est la seule manière d'éviter la guerre. Devenir une province française est un grand honneur, et les titres qui vous sont offerts, à vous et à vos hommes, feront de vous les égaux des grands de France.
- Et qu'en pensez-vous, vous Question
- Vous allez refuser, dis-je simplement. Les titres de noblesse ne vous intéressent pas, vous ne voulez pas que votre pays soit gouverné par Louis et que vos enfants apprennent le français.
Il m'observe un long moment, puis me pose une question qui me hante aujourd'hui encore.
- Pour quoi êtes-vous prêt à mourir Question
Je lui donne une réponse évidente.
- Ma famille, mes enfants, ma femme... Mon roi..., dis-je après coup sans en être persuadé.
Mais ce n'est pas la réponses qu'il attend. Il veut savoir pour quelle cause je suis prêt à mourir. Et je réalise que je n'en sais rien. Je m'incline pour lui montrer que j'accepte sa décision et lui dis que je vais retourner à Calvi. Avec de la chance, j'arriverai à temps pour reprendre le bateau qui m'a amené sur l'île.
- J'ai bien peur que ce soit impossible.
- Pourquoi Question Le bateau est déjà reparti Question
Le signore Paoli hausse les épaules.
- Je n'en ai aucune idée. Mais je ne peux pas vous laisser partir si vite. Nous avons beaucoup à faire. Plus longtemps vous resterez ici, mieux nous seront préparés. Dans une semaine, ils se demanderont où vous êtes. Dans un moi, ils enverront un émissaire pour vous chercher, qui ne vous trouvera pas. Dans deux mois, la France commencera à s'inquiéter, et des questions seront posées par le biais d'intermédiaires, qui n'obtiendront que des réponses évasives. Dans quatre mois..., dans quatre mois, nous serons prêts.
- Vous m'avez promis un libre passage.
- C'est vrai. Mais je n'ai rien promis concernant votre retour."

FIN XXVI
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