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Détente - amitié - rencontre entre nous - un peu de couleurs pour éclaircir le quotidien parfois un peu gris...
 
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 LE DERNIER BANQUET

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Jean2
MAINGANTEE
epistophélès
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epistophélès

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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 3 EmptyVen 30 Juin - 13:38

"- Je suis désolé.
- Je ne vois pas pourquoi tu serais désolé. Ce n'est pas ta soeur.
Elise plaque les mains sur sa bouche, choquée par sa propre grossièreté, ce qui me fait sourire.
Ma bonne humeur l'apaise. Nous rebroussons chemin en silence quand j'entends la voix de Virginie, rauque et inquiète.
- Jean-Marie...
C'est la première fois qu'elle emploie mon nom de baptême.
- Attends ici, dis-je à Elise.
Les feuilles mortes craquent sous mes pas tandis que j'abandonne Elise pour me diriger vers l'endroit où devrait se trouver sa soeur aînée. Je ne sais pas ce qui se passe, mais sa voix est si étrange que je presse le pas.
Dans la clairière, Virginie est debout, à quelques mètres d'un lup énorme, le plus gros que j'aie jamais vu. Son épaule saigne et ses babines sont retroussées. Virginie est pétrifiée. A peins quelques pas la séparent de la bête. Elle lui bloque le chemin de la retraite.
- Déplacez-vous, Virginie. Vous lui barrez le passage.
Je ne suis pas sûr qu'elle m'entende. Baissant les yeux, je m'aperçois qu'Elise m'a rejoint.
- J'avais peur, murmure-t-elle.
- Reste ici. Ne bouge pas d'un pouce.
Sans vérifier si elle obéit à mon ordre, j'entre dans la clairière, les bras écartés pour attirer l'attention du loup. Virginie est blême de terreur, ses mains tremblent, ses jambes sont paralysées par la peur.
Ses yeux - bruns et obsédants - trouvent les miens, et son regard est si implorant que je déglutis. Je n'ai ni mousquet ni pistolet. Pas même un couteau de chasse.
Rien d'autre que cette veste de cuir que j'ai empruntée. Celle que je suis en train de faire glisser de mes épaules. Le loup se retourne à mon approche, puis revient à Virginie. Elle est toujours en travers de sa route. La créature fixe sur elle un regard luisant et montre les crocs.
- Cours Exclamation lui crie Elise.
- Surtout pas Exclamation dis-je. Laissez-la passer.
Virginie devrait se mettre sur le côté, au lieu de quoi elle recule à mesure que la bête progresse vers elle. Et je réalise avec horreur que, si Virginie se met à courir, elle signe son arrêt de mort.
Je hurle si fort que Virginie et le loup se tournent vers moi de concert. Virginie est sous le choc. Le loup se prépare à bondir au moment même où je m'avance vers lui et jette la veste de Charles sur sa gueule, puis m'accroche désespérément à son corps quand nous roulons par terre ensemble. Elise pousse un cri. Des bruts de voix et de branches cassées indiquent l'arrivée de plusieurs personnes. J'entends Charles crier, mais mon attention, toute mon attention, est accaparée par la bête qui se débat pour se libérer de mon emprise.
- Reculez Exclamation ordonne une voix.
Le duc, je pense. Charles crie mon nom, me dit de le lâcher pour que les chasseurs puisent tirer. Je suis trop terrifié pour relâcher le loup, terrifié à l'idée qu'ils se libère et me plante ses crocs dans la gorge. Mes bras se resserrent malgré moi et j'entends un craquement, comme celui d'une branche. Tout le monde entend e cou du loup se briser. L'animal s'immobilise, et des mains m'empoignent pour m'éloigner de lui. Le duc me flatte l'épaule.
Charles me serre dans ses bras. Elise pleure en racontant que le loup a failli tuer sa soeur. Un homme immense vêtu de verts, avec une barbe assez fournie pour abriter une chouette, fait de son mieux pour la consoler. Les voix s'amenuisent, et Virginie se tient devant moi. Nous nous observons un long moment, puis elle s'approche de moi et pose son front contre le mien.
- Merci, murmure-t-elle.
"

FIN DU VII
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 3 EmptyVen 30 Juin - 19:13

"VIII

Patronage

Marguerite me remercie chaleureusement, me propose de l'appeler "Margot" et s'excuse de ne pas m'avoir pris au sérieux. Charles a déjà ramené plusieurs de ses amis, souvent des garçons de la région, mais je ne suis pas comme eux. Sa famille et surtout sa soeur me sont redevables. Mon courage est impressionnant pour un garçon aussi jeune.
J'ai envie de lui répondre que Charles et moi ne sommes pas si jeunes (à seize ans, nous sommes presque des hommes), mais je comprends que, à ses yeux, son frère sera toujours un enfant.
Aussi lui dis-je que le loup était blessé, mourant, et que je n'ai fait que ce que Charles et mes autres camarades auraient fait. Elle sourit à mes paroles, m'embrasse brièvement sur la joue et me laisse un recueil de poèmes latins sur une table à côté de mon fauteuil à haut dossier.
A l'intérieur, elle a écrit mon nom, son nom et la date d'aujourd'hui.
Vêtu d'une chemise de nuit, bien que e ne soit que le début de la soirée, je m'assois près de la fenêtre qui donne sur la chasseresse de bronze.
J'ai une couverture autour des épaules pour plus de décence. J'étais au lit quand Margot a frappé à la porte, et je me suis prestement assis dans le fauteuil avant de l'inviter à entrer. Sa mère, la duchesse, est déjà venue et repartie. Elle était tellement agitée que j'ai enfin compris que, pour elle, la nervosité est une forme d'affection. Elle a beau se tourmenter pour le penchant de Charles pour la boisson, le peu d'appétit de Virginie et les mauvaises manières d'Elise, elle ne se serait jamais tracassée pour moi avant ceci.
Elise est la première à être venue me rendre visite, passant devant le médecin pour voir l'état de mon bras. Les crocs du loup se sont plantés dans ma veste et ont transpercé ma chair sans que je m'en rende compte.
Le médecins décrit ma brève lutte comme une bataille sans merci et explique que l'excitation et le choc m'ont rendu momentanément insensible à la douleur. Je résiste à l'envie de préciser que le nettoyage de la plaie et le bain d'alcool m'ont fait bien plus souffrir que la morsure du loup. Seule la présence d'Elise me donne le courage de supporter les soins du médecin en silence.
Si j'avais su que le duc, dans son bureau à l'étage d'en dessous, était en train de vanter ma bravoure dans une lettre au colonel, je me serais manifesté plus bruyamment. Margot est l'instigatrice de cette lettre. Elle a répété mes paroles à son père : n'importe quel élève de l'académie aurait agit de la même manière. De l'avis du duc, ce sentiment prouve la valeur des cadets et la pertinence de l'enseignement du colonel. La lettre ma vaudra les faveurs du colonel, comme le loup me vaut la reconnaissance éternelle du duc.
Après s'être assuré que j'allais m'en sortir (c'était une morsure au bras, l'ai-je rassuré, pas à la gorge), Charles a disparu. J'ai découvert par la suite qu'il est allé trouver les chasseurs de son père et leur a donné des ordres pour que le loup soit décapité, dépecé, et sa tête bouillie dans une marmite de cuivre. Cette opération devait être menée promptement pour que je puisse rapporter son crâne à l'école. Seule Virginie n'est pas encore venue me trouver. L'obscurité est tombée, et la famille est en train de dîner.
Je somnole quand un coup est frappé à ma porte. Une jeune femme de chambre entre avec un plateau, le pose à côté de mon lit, fait une petite révérence, rougit, et disparaît vivement. Elle m'a apporté du pain et du fromage frais - celui que j'aime, Elise le sait. Il y a également un verre de vin largement coupé avec de l'eau, sans doute sur ordre du médecin qui ne veut pas que je boive d'alcool tant que mon bras n'est pas guéri.
Le pain est moelleux, et le fromage, aigre. Je les savoure tous deux quand on frappe à la porte de communication entre la chambre de Charles et la mienne. Ce ne peut pas être mon acolyte, qui a l'habitude de s'engouffrer dans ma chambre sans attendre de savoir si je suis nu ou en train d'uriner.
- Entrez.
Entendant un second coup, je soupire et je glisse de mon lit pour découvrir que la porte est fermée à clé. Le verrou n'est pas tiré de mon côté, et, comme la clé est du côté de Charles, rien ne l'empêche d'entrer.
- Quelle délicatesse de ta part Exclamation dis-je en ouvrant la porte. Si je m'attendais...
Virginie se tient devant moi, paupières papillonnantes.
Je m'empourpre.
- Je croyais que vous étiez...
- Mon frère Question Non, il est en train de dîner, et sans doute de s'enivrer avec mon père pendant que ma mère se tracasse, que ma soeur aînée se moque poliment d'eux et que ma jeune soeur essaie de chiper un verre et boude parce qu'elle n'est pas autorisée à venir jouer les infirmières ici.
- Vous ne vous joignez pas à eux Question
- Je suis excusée. Maman pense que je dois me reposer.
Elle sourit timidement.
- L'émotion. Mais ce soir, je dois vous remercier. Je veux vous remercier...
Je la regarde vraiment pour la première fois. Elle a deux ans de moins que moi. Sa lèvre supérieure est légèrement incurvée d'un côté, ce qui lui donne un petit air mutin, comme si elle s'amusait de la fatuité du monde autour d'elle. D'après Charles, c'est une séquelle d'une chute quand elle était petite. C'est peut-être vrai.
- Quoi Question demande-t-elle.
- Vous êtes belle.
Ses joues rosissent et son regard se voile.
- Margot est belle et Elise est jolie. Je ne suis rien de tout cela. Et je vous défends de me dire que je serai toujours belles à vos yeux.
- L'homme qui ne vous trouverait pas belle est un idiot.
- L'homme Question
C'est à mon tour de rougir. Elle sourit.
Elle tressaille quand mes doigts caressent sa joue, puis incline la tête vers ma paume et ferme les yeux. "Tu as assez embrassé Jeanne-Marie", me dis-je. J'ai eu quelques autres expériences. Une fille lors d'un bal l'hiver précédent. La femme de chambre de l'académie.
- Votre main tremble, murmure-t-elle.
- C'est le choc. Le docteur a dit que c'était le choc.
Lentement, je me penche et embrasse le coin de sa bouche. Ses paupières papillonnent, s'ouvrent, et elle se rapproche pour que je puisse l'embrasser de nouveau. Un baiser doux, tendre, du bout des lèvres.
- Virginie...
Je goûte son nom et souris quand elle relève la tête, les yeux clos et la bouche entrouverte.
- Je n'ai jamais...
Elle s'arrête.
- Cela... Je n'ai jamais."


Vais préparer le souper. Et si vous espériez une suite osée et biengggggg vous saurez plus tard, si c'est cochon ou pas. ... Razz ... tongue
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 3 EmptyVen 30 Juin - 20:05

"Elle porte une robe de chambre en soie sur une chemise de nuit blanche. Peut-être voulait-elle se coucher tôt. Ou bien lui a-t-on ordonné de se reposer. Je n'ai aucune idée de ce qu'elle faisait dans la chambre de Charles avant qu'elle ne frappe à ma porte. Je sais seulement qu'elle est belle et que son visage s'offre au mien.
- Encore, souffle-t-elle.
Je mêle mes doigts à sa longue chevelure et lui soulève le menton pour que nos lèvres se scellent parfaitement. Je sens son souffle sur ma bouche. Le baiser est plus profond que le précédent, mais non moins languide.
C'est comme un rêve, un rêve qui see poursuit tandis que je l'embrasse dans le cou. Ma main descend vers sa poitrine et caresse la soie du vêtement. Je m'attends à être repoussé ou sommé de m'arrêter, mais elle frissonne et se mord la lèvre quand mes doigts se referment sur son sein. Nous demeurons ainsi quelques longues secondes, son téton dur sou le tissu soyeux.
- Je devrais m'en aller, murmure-t-elle.
- Pas encore.
Je tire sur la ceinture de la robe de chambre et fais glisser le vêtement de ses épaules, révélant la chemise de coton blanc boutonnée jusqu'au cou. Lorsque j'approche mes doigts des boutons, Virginie fait un pas en arrière.
- Jean-Marie.
Ma main tremble devant elle.
- S'il vous plaît...
Elle garde le silence alors que je déboutonne les quatre premiers boutons de sa chemise et l'entrebâille pour exposer deux seins lourds aux tétons sombres, entourés de cercles plus pâles. Une fragrance de savon et de fleur d'oranger m'enivre aussitôt. Sans réfléchir, je prends son téton dans ma bouche et le suce doucement. Sa main empoigne mes cheveux, et elle me serre contre elle. Elle a les yeux grands ouverts et la bouche entrouverte.
- Il ne faut pas, dit-elle.
Elle referme précipitamment le col de sa chemise et tourne les talons. La main que je pose sur son épaule ne suffit pas à la retenir.
- Pourquoi étiez-vous dans la chambre de Charles Question
Un moment, je doute qu'elle me réponde.
- Pour venir vous voir apparemment. Nos deux chambres communiquent par un escalier. Nous l'utilisions tous les jours quand nous étions... petits.
Un sentiment de regret flotte dans sa voix et je devine qu'elle voulait dire "amis".
- Ne dites rien à Charles. A propos de ceci. Ne lui dites même pas que j'étais là. Il serait jaloux. Charles est toujours jaloux quand...
Elle hésite. Une jolie hésitation, qui clore se joues de rose.
- Je veux me lier à ses amis.
- Je croyais que nous ne m'aimiez pas.
Elle se détourne pour reboutonner sa chemise, puis remet sa robe de chambre et noue sa ceinture.
- J'ai fait la bêtise de dire à Charles que vous aviez l'air plus gentil que les autres, le premier soir. Depuis, il me taquine sans relâche. Il était plus simple de vous ignorer tous les deux.
Virginie prend le livre que Margot a apporté, l'ouvre et sourit en lisant l'annotation.
- Votre nom. Son nom. La date. Pour Margot, cela suffit. Sa vision de la vie est simple.
- Et la vôtre est plus complexe.
- Plus complexe que celle de ma soeur, assurément.
Je lui reprends le livre des mains et le repose sur la petite table à côté du fauteuil. Le lit se trouve entre nous. Suis-je le seul à m'en rendre compte Question
Mais le moment est passé, s'il a jamais été là. Le fantôme du moment peut-être.

Quand Charles entre dans ma chambre, je somnole de nouveau.
- Comment te sens-tu maintenant Question
Il paraît presque inquiet.
- Désolé que le dîner ait duré si longtemps. Mère a voulu que l'on reparle des événements de la journée. Elle le fait chaque fois que quelques chose d'important se produit.
Il observe la pièce d'un air perplexe, comme si un meuble avait siqparu ou que l'un des tableaux eût été déplacé. Finalement, il hausse les épaules et se tourne vers moi pour écouter ma réponse.
- Pas trop mal.
- Ceci devrait t'aider...
Soulevant un pan de sa veste, il en sort une bouteille et un demi-poulet.
- J'ai dû supplier mère pour le vin, auquel tu n'as pas droit, mais je n'ai pas pu l'empêcher de le diluer. Dela devrait t'aider à ter remettre d'aplomb.
Il pose la bouteille sur la table et mord dans le poulet avant de me le passer.
- Mange Exclamation Tuer un loup creuse l'appétit.
Nous nous sourions.
- Que penses-tu de Virginie Question me demande-t-il.
Mon visage doit me trahir, car il fait la grimace.
- Pas si mal, n'est-ce pas Question
- Pas si mal du tout, dis-je, les joues en feu.
Sa grimace se mue en sourire.
- Tu l'aimes bien. Je le lui ai dit.
- Cela ne te dérange pas Question fais-je en me rappelant l'avertissement de Virginie et me demandant s'il veut me mettre à l'épreuve.
Charles cherche-t-il à savoir à qui va vraiment ma loyauté Question Mais son visage est ouvert, et son sourire me semble sincère.
- Bien sûr que non. Tu es mon ami et elle est ma soeur... Cela dit, continue-t-il en sortant de ses poches deux verres aux reflets émeraude et au pied d'une finesse extrême, si jamais tu blesses ma soeur, nous devrons nous battre en duel et, comme je suis meilleur escrimeur, je vais sûrement te tuer. A regret, bien sûr.
Il remplit les deux verres, m'en tend un et lèvre l'autre.
- A notre santé Exclamation Au bonheur de Virginie Exclamation
Je sens que nous venons de sceller quelques chose sans vraiment savoir quoi. Le père de Charles, néanmoins, n'est pas d'accord. Quand le duc me mande dans son bureau le lendemain, c'est pour me dire deux choses. D'abord, j'ai sauvé la vie de ses deux plus jeunes filles, ce pour quoi il me voue une reconnaissance éternelle. Il me considère désormais comme son fils et m'accorde son patronage à vie, si tant est que je ne fais rien pour démériter.
C'est un grand honneur, même en 1734, à une époque où les ducs ne parent plus en guerre ni ne combattent les rois pour préserver leur territoire. Ensuite, Virginie n'est pas pour moi. Je suis trop jeune pour comprendre le fonctionnement des femmes, mais il est évident qu'elle va confondre sa gratitude avec de l'amour. Il me fait confiance pour ne pas en tirer avantage."

FIN DU VIII
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 3 EmptyDim 2 Juil - 8:12

"IX

Anciennes recettes remises au goût du jour

Après un dîner presque aussi formel et inconfortable que celui de notre première soirée au château de Saulx, nous partons le lendemain dans le carrosse doré qui est venu nous chercher à l'académie au début des vacances. Virginie ne vient pas me dire au revoir sur le perron. Mon dernier souvenir d'elle est ses yeux rougis et son silence au dîner. Elle a peu parlé et demandé à se retirer tôt dans sa chambre. Le duc lui en a donné la permission avant que la duchesse n'intervienne.
Charles reste silencieux pendant quatre-vingts kilomètres. Comme il ne paraît pas en colère, il me faut un moment pour comprendre qu'il est embarrassé. Enfin, il se décide à prendre la parole :
- Ma mère peut se montrer très têtue. Je n'aurais pas dû te proposer de venir.
- T'a-t-elle demandé de ne plus le faire Question dis-je, pris de nausée.
Mon ami croise les bras avec humeur. Nous parcourons quelques kilomètres supplémentaires en silence.
- Ce que tu dois savoir, dit-il alors que notre voiture ralentit à l'approche d'une auberge, c'est que ma soeur peut être plutôt têtue, elle aussi.
Nous mangeons un ragoût de lapin (qui est sûrement du chat, ce que je préfère garder pour moi) et buvons une bouteille de mauvais vin rouge que j'apprécie bien plus que le bordeaux fin de la veille. Charles emmène la fille de l'aubergiste à l'étage et redescend une heure plus tard.
- Comment est-elle Question
- Mangée par les puces.
Il dessine une ligne imaginaire de l'épaule à la hanche.
- Mais... Question dis-je en voyant le sourire sur son visage.
- ...magnifique. Et volontaire. Avec des seins énormes, qui rebondissent quand on la chevauche.
Il est trop ivre pour remarquer la demi-douzaine d'hommes qui le regardent fanfaronner, parmi lesquels se trouve le père de la fille.
Je lui suggère de retourner dans le carrosse.
- Alors, dis-je en l'aidant à grimper dans la voiture, quel pourboire as-tu donné à cette merveille Question
Si le chiffre qu'il m'annonce est vrai, il pouvait probablement acheter l'auberge tout entière. Et se payer les faveurs de la jeune fille pour toute une année.
- Tu aurais dû en profiter aussi.
Je secoue la tête et m'assois sur la banquette de cuir à côté de lui.
Au-dessus de nous, le cocher fait claquer son fouet, et nos chevaux frais s'élancent dans un cliquetis de harnais et le martèlement des roues sur les pavés.
- Pourquoi pas Question demande Charles.
Quelque chose dans sa voix m'arrête, et l'avertissement de Virginie à propos de la jalousie de son frère me revient en mémoire. Je me sens déloyal de laisser les paroles d'une fille que je connais à peine ébranler ma foi envers mon ami. Mais ce que j'ai envie de dire me paraît inapproprié. "Parce que je ne verrai que le visage de ta soeur" n'est pas la chose à dire à son frère aîné. Pendant que je réfléchis à ma réponse, Charles m'observe attentivement.
- Je suis amoureux de ta soeur.
Il soupire.
- Oh mon Dieu Exclamation ... Je m'en doutais un peu.
Elle est assez jolie dans son genre. Il en existe de plus belles. Margot, pour commencer, bien que je te déconseille de tomber amoureux d'elle. Elle collectionne les coeurs comme mon père les têtes de sanglier. Dis-moi : qu'aimes-tu tant chez ma soeur Question
Son odeur, fleur d'oranger et savon, la salinité de sa sueur et un léger parfum de musc, tel l'effluve d'un morceau de truffe échappé d'une soupière. Ne pouvant pas non plus dire ces mots, je refais ma première déclaration.
- Je suis amoureux, c'est tout.
- C'est malheureux, répond Charles.
Voyant mon air triste, il me donne un petit coup de coude."


Je petit dèj. et reviens. ...
Very Happy
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 3 EmptyDim 2 Juil - 12:18

"- Idiot, ce n'est pas ce que je veux dire. C'est malheureux parce que Virginie va t'en faire baver si tu la laisses faire. Il ne suffit pas de l'aimer. Jérôme dit que les femmes sont comme les chevaux ; elles ont besoin d'être bridées.
- Charles...
Il enfouit son visage dans ses mains.
- Mon Dieu, maintenant, tu es offensé pour elle. Par chance, il est assez ivre pour être prolixe, mais pas assez pour argumenter et vouloir se battre. Or j'ai déjà vu Charles dans ces deux états, et plus d'une fois.
- Crois-moi, elle va te causer des ennuis. Je ne dis pas que tu ne dois pas l'aimer...
- Puis-je te demander quelque chose Question
Il m'observe d'un drôle d'air, et je réalise que son regard n'est pas totalement sincère.
- Pose ta question. Je peux toujours refuser de répondre.
- Pourquoi n'es-tu pas contre Question
Comme il attend la suite, je comble le silence, regrettant de ne pas avoir de questions plus simples et de devoir lui exposer la vérité toute nue.
- Nous sommes amis, et Virginie est ta soeur. Bien sûr, c'est compliqué, mais ce n'est pas le problème. Virginie est une marquise, la fille d'un duc. Pas seulement la fille d'un duc, la fille du duc de Saulx. Je ne suis personne. Ta mère ne sera pas d'accord. Ton père non plus, je suppose. Alors, pourquoi le serais-tu Question
- Tu es mon ami. Tu lui as sauvé la vie.
Ses paroles sont si sincères que les larmes me montent aux yeux.
- Et ne crois pas que mon père désapprouverait. Ma mère est très attachée à l'étiquette. Mon père peut se permettre d'être plus...
- ... plus généreux.
Bien sûr qu'il le peut. Amaury de Saulx est riche au-delà de toute mesure. Il est l'un des premiers pairs de France et a les faveurs de Louis XV. On dit même qu'il a l'oreille de la jeune maîtresse du roi. En fait, il est le parrain de la jeune femme, son protecteur et son premier cousin. Cela dit, il est intéressant de savoir que c'est la mère de Charles qui est derrière tout cela.
- Madame la duchesse change-t-elle parfois d'avis Question
- Mon père est doué pour la faire changer d'avis.
Sur ces mots, mon ami s'enfonce dans le coin de la calèche, ferme les yeux et ronfle doucement, apparemment épuisé par notre conversation, le vin consommé au déjeuner et son escapade avec la fille mangée de puces.
Nous arrivons à l'académie dans la soirée et sommes accueillis dans la cour par une salve d'applaudissements. Le colonel a lu la lettre du duc à haute voix à l'assemblée du matin. Si elle avait été mal prise par les élèves, sa lecture aurait pu être mal prise par les élèves, sa lecture aurait être un acte cruel et faire du reste de mes jours à l'académie un enfer. En fait, tout le monde nous adule et nous traite en héros.
Je me demandais si j'allais cuisiner le coeur du loup quand Virginie a frappé à ma porte. Je le cuisine donc, avec la permission amusée du colonel, après l'avoir extrait du bocal de sel dans lequel il a fait tout le voyage. Il s'agit d'une recette de mon invention qui, avec le recul, était un peu trop compliquée."

Repas du midi. ... Wink
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 3 EmptyDim 2 Juil - 17:19

"Coeur de loup au vinaigre

Prenez une demi-cuillère de graines de moutarde jaunes, une demi-cuillère de graines de moutarde noires, des grains de poivre, des clous de girofle et des branches de céleri. Plus une pincée d'aneth, de muscade, un peu de fenouil, quelques feuilles de laurier.
Ecrasez bien le tout. Rincez le coeur à l'eau, faites six entailles en diagonale et lardez-les d'une gousse d'ail. Mélangez deux tiers de vinaigre de cidre et un tiers d'eau, ajoutez un oignon émincé, les épices, écrasez bien le tout dans un mortier. Laissez mijoter jusqu'à ce que la viande soit tendre, découpez-la en tranches fines, puis remettez les tranches dans l'eau et faites-les brièvement frémir. Laissez refroidir une journée. Servez froid avec du pain et du chou vinaigré. Goût de chien.

Les élèves de ma classe dégustent le coeur comme un rituel. Un rituel de soldats du Moyen Âge, une époque où la magie gouvernait la France. Charles allume une bougie blanche et la pose sur une table qu'il a au préalable placée au milieu de la pièce. Jérôme, toujours aussi pragmatique, a apporté un broc de bière.
- Toi d'abord, dit Emile en désignant le coeur au vinaigre.
- J'en prends un petit morceau, le mâche et repense instantanément à la nuit où nous avons pendu le chien du Dr Faure.
L'ail est complexe, le vinaigre de cidre, aigre-doux, les graines de moutarde et le clou de girofle, forts. Mais en dessous, c'est le goût du chien. Impossible de se tromper.
- Bravo Exclamation dit Charles.
Il est le seul à en prendre un morceau sans accompagnement. Tous les autres, y compris Jérôme, mangent leur part sur du pain, avec du chou ou les deux. Emile le mange avec du chou, beaucoup de moutarde, et l'avale avec une grande lampée de bière. L'essentiel est qu'il l'ait mangé. Nous somme maintenant les garçons qui ont partagé un coeur de loup. Le colonel sourit. Les instructeurs nous font un signe de tête quand ils nous croisent. Nous appartenons à la maison Richelieu. Nous avons à présent une réputation.
Charles veut entrer dans la cavalerie et pense que la guerre est un art qui coule de ses veines. L'un de ses ancêtres n'a-t-il pas été maréchal de France Question
- Un grand maréchal de France Exclamation rappelle-t-il à Jérôme, dont la famille compte un général qui a perdu de trop nombreuses batailles.
Emile sera l'un de ces intendants militaires à vie si jamais il entre dans l'armée. Célèbre pour la propreté de ses camps et l'efficacité de son ravitaillement. Je dis à Charles que la guerre n'est pas un art, pas plus que la cuisine, du moins pas uniquement.
C'est aussi une science. J'ai appris la triangulation, les mathématiques théoriques, la cartographie, les guerres de siège, les forces et les faiblesses des tracés à l'italienne, la fabrication de la poudre à canon.
Charles a beau brandir son art, j'ai l'intention de gagner mes batailles grâce à la science. Et Charles trouve cela hilarant.
Nous étudions, nous nous entraînons, tous autant que nous sommes. Au final, l'enseignement du colonel peut se résumer en quelques mots : se battre jusqu'à son dernier souffle, mourir avec bravoure, encourager ses hommes à faire de même. Nous savons - comment l'ignorer Question - que tout peut être pardonné à ceux qui pèchent avec dignité, alors que la gaucherie entache la plus noble des bonnes actions. Nous nous battons donc avec nos épées comme avec notre esprit, usant des deux pareillement avec nos amis et nos ennemis. Après, nous rions, nous plaisantons et nous nous querellons, regrettant de ne pouvoir faire mieux. L'académie n'a nullement besoin de nous policer ; nous nous disciplinons seuls. Quand je regarde en arrière, je me rends compte que même nos rébellions étaient prévisibles. Seul Emile s'ennuie. Mes amis murmurent qu'il n'a pas de sang bleu dans les veines."
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 3 EmptyDim 2 Juil - 18:24

"Aujourd'hui, je me demande s'il n'était pas simplement plus intelligent que nous.
Charles et moi buvons dans des tavernes où les tables séparent les ennemis comme le vin rapproche les amis. Au Hog, une auberge si sordide que même le propriétaire n'y mange pas, Charles fraie avec des filles du coin qui partagent son dîner, son vin et acceptent de petits cadeaux pour le laisser glisser ses mains sous leurs jupons, lui promettant toujours plus la prochaine fois.
Je m'assois dans un coin (qui après plusieurs soirées devient mon coin personnel) et essaie de deviner quelle est la viande au menu du jour. Le lapin est indubitablement du chat,, le boeuf, probablement du cheval, le mouton, trop gras pour être autre chose que du mouton, quoique si coriace que la pauvre bête est manifestement morte de vieillesse.
Toutes sont atrocement cuisinées, avec des oignons frits à la hâte et une sauce aigre. Les étudiants mangent ici, concentrés sur leur philosophie et leur rhétorique. Le Hog est un repaire de voleurs, d'escrocs, de prêteurs sur gages, de bandits de grans chemins, de coupeurs de gorge et de poètes.
Les hommes prospères et les croyant évitent ce lieu gangrené par la maladie et la sédition. Evidemment, Charles l'adore.
- Allons ailleurs, dis-je suppliant.
- Qu'est-ce que tu reproches au Hog Question
- Le bruit, la puanteur, la foule, les prostituées...
Il me sourit.
- De braves filles, répond mon ami. Ne crois pas les rumeurs.
Je soupire.
- La nourriture est atroce.
Il me demande si je suis sérieux et, quand je hoche la tête, il fait grise mine.
- Mais avec qui veux-tu aller Question
- Jérôme est trop sérieux. Emile va se défiler.
Les autres sont des idiots. De plus, nous sommes des frères d'armes.
Nous continuons à aller au Hog."

FIN DU IX
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 3 EmptyLun 3 Juil - 11:32

"1736

La chasse

L'hiver venu, Charles demande à m'emmener chez lui pour Noël, mais sa mère refuse. Elle lui écrit qu'elle trouve l'idée inappropriée. Arrive le printemps, et Charles veut m'inviter pour Pâques. Même refus. Comme pour l'été suivant.
C'est le coeur lourd, me dit-il, qu'il a écrit au débute de l'été d'après pour demander la permission de renter avec moi au château de Saulx. Une réponse arrive deux semaines plus tard, de la main du duc. Charles peut inviter trois camarades, en supposant que l'un d'entre eux sera moi. Cette missive a été écrite à la hâte, avec une encre légèrement différente à la fin de la lettre, là où le duc a signé lui-même "papa".
Jérôme est le premier choix de Charles, Emile, le second. Le pauvre Emile est éberlué par l'invitation, puis embarrassé par l'effusion de ses propres remerciements ; après quoi, il se retranche dans un coin de notre salle d'étude pour écrire à ses parents. Que peut bien dire sa lettre Question Pour l'essentiel, qu'il est invité à séjourner au château de Saulx par le futur duc, ce qui est suffisant pour que son père lui envoie une bourse remplie de pièces d'or et qu'ainsi Emile puisse se vêtir correctement et payer sa part en si élégante compagnie. Charles rit et dit à Emile que nous allons garder nos uniformes et nous habiller le plus souvent en chasseurs, puisque nous allons passer notre temps à chasser et à pêcher. Mais si Emile se fait tailler une belle veste neuve, sa propre mère approuverait indubitablement la démarche.
Nous partons une semaine après l'arrivée de la lettre, tous les quatre entassés dans la voiture qui est venue nous chercher, Charles et moi, deux étés auparavant. Le cuir est légèrement usé, les dorures, un peu ternies, et le lustre des armoiries sur la porte moins brillant que dans mon souvenir. Le faste du carrosse suffit néanmoins à attirer les regards des passants. Nous nous arrêtons deux fois. Une première fois juste avant Dijon, une seconde sur la route entre Dijon et Lyon. Dans la seconde auberge, Charles cherche la fille de l'aubergiste.
Elle a un bébé dans les bras et un autre dans le ventre. Je ne saurais dire si elle le reconnaît, mais, d'un coup d'oeil, Charles m'intime de ne pas parler d'elle aux autres. Les servantes sont revêches, et l'atmosphère, désagréable. L'hiver précédent a été particulièrement rigoureux, et la peste a ravagé le sud du pays. Ceux qui travaillent la terre savent déjà que la récolte sera très mauvaise. Le braconnage s'intensifie et, comme c'est toujours le cas, les punitions de font plus sévères. Alors que l'auteur d'un premier délit était autrefois puni par le fouet, il est aujourd'hui envoyé à l'arsenal de Marseille pour servir sur une galère. Et les récidivistes autrefois condamnés aux galères sont désormais pendus. Parfois sans même un procès.
- C'est une erreur, commente Emile.
- C'est une nécessité, réplique Jérôme.
Ils se querellent pendant quelques kilomètres pour savoir si un homme qui ne possède aucune forêt a le droit d'avoir une opinion à propos d'un homme qui en a une. On ne sait comment, Emile l'emporte sur tous les points du débat et néanmoins perd la bataille. Sa bouderie ne cesse que lorsque nous approchons du château de Saulx, avec ses tourelles et ses douves féeriques.
- Nous avons trois châteaux, dit Charles. Cinq si l'on compte les petits.
Nous le pressons de se taire et sourions en dégringolant de la voiture. Le duc et sa famille sont là pour nous accueillir. Nous nous inclinons devant eux, y compris Charles, et baisons la main de la duchesse. Nous saluon les filles du duc avec déférence. Elles nous gratifient ensuite d'une révérence. Elise brise le rang et serre Charles si fort dans ses bras qu'il s'étrangle, ou du moins fait semblant. J'ai droit à la même étreinte.
- Tu a s grandi, dis-je.
Le genre d'idioties qu'un gamin de dix-huit ans dit à une fille de treize ans qu'il n'a pas vue depuis deux ans. Elle sourit.
- Pas toi.
Je lui ébouriffe les cheveux. Elle pousse un cri outré et se plain qu'il a fallu des heures à la femme de chambre de mère pour les coiffer et qu'elle va devoir tout recommencer. Charles rit et me pousse du coude vers Virginie, mais elle disparaît déjà dans la maison à la suite de sa soeur aîné et sa mère.
Cette fois, on nous attribue des chambres dans une tour."


A TOUTE... Very Happy
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 3 EmptyLun 3 Juil - 12:57

"Nous avons à notre disposition un salon attenant à nos trois chambres, un étage au-dessus des quartiers de Charles qui, je le sais, se trouve au-dessus de la chambre de Virginie. Nos bagages nous attendent, et un feu est prêt à être allumé dans l'âtre.
Par la fenêtre, j'observe le brouillard qui nappe les champs au loin. La Bourgogne est une réion de vignes et de blé, de vergers et de pâturages. Rien ne pousse sur ces terres sans le beau temps, et l'hiver rigoureux et le printemps morose ne laissent rien présager de bon.
- N'est-elle pas ... Question demande Jérôme.
Quand je me retourne, je vois mes amis en train de m'observer.
- Qui Question dis-je. N'est-elle pas quoi Question
Jérôme soupire. Il s'approche de moi et, un moment, regarde là où mes yeux se portaient une minute plus tôt. Il a l'air sérieux.
- Notre maison a été inondée, explique-t-il. Mon père m'a écrit que les récoltes étaient mauvaises. Les pommes de terre n'ont pas poussé, et les pommes commencent à pourrir. Heureusement que nous avons la mer. Au pire, nous mangerons des fruits de mer.
- N'est-elle pas quoi Question répète Emile en écho.
- Qui Question Quoi Question fais-je, agacé malgré moi.
Emile regarde Jérôme, qui fait de nouveau l'ours normand, haussant exagérément ses larges épaules.
Pendant l'hiver, il a pris du corps, mais il va mincir. Jérôme est ainsi. Affamé en hiver et les de manger en été.
- On disait que Virginie est jolie, dit Emile.
A entendre Charlot, on l'aurait crue hideuse.
- Il sont rivaux, dis-je sans réfléchir.
- Au sujet de quoi Question demande Emile, soudain intéressé.
- Au sujet de tout. Margot est trop grande pour le gêner, et Elise, trop petite. Seule Virginie est proche de lui en âge, même si elle a deux ans de moins que lui.
Emile réfléchit à ces propos et reconnaît que c'est une explication plausible.
- Je vais l'embrasser, annonce-t-il. Pour voir sa réaction.
- Elle va te gifler.
- Tu as déjà essayé, n'est-ce pas Question
Il sourit de plus belle lorsqu'il me voit rougir, et je jure qu'elle ne m'a jamais giflé.
- Eh bien, c'est à mon tour maintenant, dit Emile.
- Non, c'est au mien, intervient Jérôme
- Faisons un pari, propose Emile. Le premier lui voler un baiser. Sans que Charles soit au courant, ajoute-t-il. Le premier à l'embrasser. Et à la toucher.
Heureusement, il ne voit pas ma tête. Mes sentiments pour Virginie n'ont pas changé, et son ignorance à mon égard dans la cour m'a plongé dans des ténèbres intérieures, que le brouillard, l'inondation et le pari stupide d'Emile n'ont pas réussi à dissiper.
- Vous êtes partants Question demande Emile.
- Quel est le prix Question interroge Jérôme.
- L'honneur de recevoir un baiser de la damoiselle, répond Emile avant de glousser. Et le plaisir du toucher, bien sûr. Il ne faut pas l'oublier.
Jérôme sourit.
- Et toi Question me dit-il.
Je secoure la tête, m'excuse et vais défaire ma valise dans ma chambre. Le peu qu'elle contient a été acheté avec l'argent que le père de Charles a envoyé au colonel pour rendre mon existence à l'académie plus agréable. Mon uniforme a été taillé dans un tissu de meilleure qualité, j'ai ma propre veste de chasse en cuir, et une épée correcte en lieu et place de celle de l'école. Je déplie ma veste, la pends à un crochet et pose le recueil de poèmes que Margot m'a donné sur ma table de chevet. Puis je me débarbouille le visage, vérifie la propreté de mes ongles et descends sans attendre les autres."

5 minutes de pause. ... Wink

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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 3 EmptyLun 3 Juil - 13:38

"Au fil des semaines, nous vidons un taillis de palombes, tuons un sanglier âgé sous un immense chêne dans la forêt par-delà la rivière et pêchons autant de truites que possible. Nous échouons à trouver un cerf assez grand pour compléter notre tableau de chasse. Et lorsque nous retournons dans cette partie de la forêt quelques semaines plus tard, nous ne trouvons pas la moindre trace de cervidés.
- Les braconniers, marmonne Jérôme.
Emile fait la grimace quand il réalise qu'il s'agit d'une plaisanterie.
Le premier mois est passé à la vitesse de l'éclair, puis, quand début le second, nous parlons déjà de notre retour prochain à l'académie et de la meilleure manière de passer nos dernières semaines au château. Personne n'a volé de baiser à Virginie. Que ce soit à dessein ou non, Margot, Virginie et Elise ont passé la majeure partie de l'été chez une tante dans la Loire. Lorsque nous interrogeons Charles, il hausse les épaules et déclare que les manigances de sa mère dépassent l'entendement. Les trois soeurs finissent néanmoins par rentrer au bercail, et Charles leur propose de venir à la chasse avec nous.
Le jour dit, Margot décline l'invitation au motif que ce n'est pas convenable. Elise n'est pas autorisée à se joindre à nous, si bien qu'elle se retire dans sa chambre, furieuse. Ne reste que Virginie, qui descend les marches du château tête haute, l'air gêné et les yeux rouges, sans doute parce qu'elle est la seule fille parmi quatre jeunes gens, même  si l'un d'entre eux est son frère. Je découvre par la suite qu'elle a eu une véhémente altercation avec sa mère juste avant notre départ. Une querelle si sérieuse que son père est intervenu, demandant à Virginie de s'excuser auprès de sa mère pour son impolitesse sans néanmoins lui interdire de nous accompagner à la chasse.
On nous recommande la plus grande prudence. L'atmosphère au sein de la paysannerie est délétère.
Un manoir a été brûlé dans la province voisine. Nous recevons tant d'avertissements et d'instructions que notre plaisir s'envole avant même notre départ du château de Saulx. Nous portons nos piques comme des lances, passons du trot au petit galop et retrouvons notre bonne humeur en jouant à piquer des choux dans les champs.
L'incorrigible Charles nous entraîne dans le second bois, alors que nous ne sommes pas autorisés à aller plus loin que le premier. Apparemment, un sanglier s'y cache. Ainsi qu'un grand cerf. Charles est persuadé que nous trouverons bien plus de gibier dans cette forêt. Il nous guide le long du sentier, et Emile et Jérôme chevauchent de pair à contrecoeur quand le chemin s'élargi. A contrecoeur, car c'est à moi que revient l'honneur de côtoyer Virginie, dont le regard est rivé droit devant elle.
- Je suis désolé, dis-je.
- De quoi Question
Son visage est indéchiffrable.
- De vous avoir entraînée avec nous, ici.
Je désigne de la main la canopée des chênes au-dessus de nous, puis la litière sous les sabots de nos chevaux, sans doute sèche à cette époque de l'année, même dans les profondeurs de la forêt.
- Détrompez-vous, c'est ma plus elle journée depuis des semaines.
Son visage se durcit.
- Ma seule belle journée depuis des semaines. Avez-vous déjà rencontré ma tante Question Non, bien sûr que non...
Devant nous, Jérôme et Emile tendent l'oreille pour tenter de savoir ce qui passionne ainsi Virginie. Ils entendent son ton, mais ne distinguent pas ses paroles.
- J'ai passé l''été à recevoir les hommages d'un imbécile après l'autre...
- Pourquoi Question
Elle soupire.
- D'après vous Question  Ma tante aide ma mère à me choisir un mari. Il doit être riche, de prestigieuse lignée. Il doit avoir une position à la cour ou être en bonne voie d'en obtenir une... Quoi Question dit-elle, voyant mon expression. Pensiez-vous qu'il en serait autrement Question
Comme le sentier se rétrécit, je laisse Virginie passer devant moi, ce qui est pour le mieux, puisque je n'ai pas de réponse à sa question. Je ne peux qu'admirer la magnifique cathédrale de chênes que nous traversons. Les énormes branches enchevêtrées au-dessus de nous, les troncs tels des piliers, les plus grands soutenus par les plus petits. Quelques minutes après avoir pénétré dans la forêt, nous tombons sur des charbonnières.
De larges périmètres circulaires de terrain dégagé, où le charbon est cuit dans des meules. Des enfants nus, crasseux comme des poux, nous regardent passer. Leurs visages sont noirs de suie, leurs cheveux longs, sales et emmêlés, comme s'ils n'avaient jamais été lavés. Nous voyons des femmes s'activer, le regard sombre, avec des pelles en bois. Parfois, elles travaillent seins nus pour que leurs rejetons puissent être attachés à leur poitrine et se nourrie à l'envi. Les jeunes enfants sont assis nus devant les huttes de terre, les plus âgés, en chemises sales et trop courtes pour couvrir leur postérieur, ramassent du petit bois dans la forêt.
- Mon Dieu, murmure Virginie.
Elle ralentit pour ramener son cheval à la hauteur du mien. Emile a l'air nerveux, Jérôme semble aveugle à la misère qui l'entoure. Charles Question ... Qui sait ce qu'il pense Question  Il nous précède, fredonnant une chanson pour lui-même. Après les mines de charbon, nous atteignons une large rivière et un gué dont la profondeur et le courant me font craindre pour nos chevaux. Je commence à me demander jusqu'où Charles veut nous emmener quand il passe le gué sans encombre, remonte sur l'autre rive et se retourne vers nous en souriant.
- Nous y sommes, dit-il.
Ce sont ses premiers mots depuis notre départ du château de Saulx."


FIN DU X
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 3 EmptyLun 3 Juil - 17:18

"1736

Charles est blessé

Charles descend de cheval et laisse ses rênes traîner par terre. Nous peinons à traverser le gué et atteignons la berge avec soulagement. Le cheval de Charles attend patiemment pendant qu'il aide sa soeur à mettre pied à terre. Nous sommes en plein coeur de la forêt, à une heure de cheval du village le plus proche. Les immenses arbres qui vordent la rivière paraissent millénaires.
- Nous allons attacher nos chevaux ici, déclare Charles.
- Et rapporter ce satané gibier sur notre dos Question
- D'accord, prenons un cheval avec nous. Celui d'Emile... C'est le moins fougueux. Le mien ne supportera pas l'odeur du sang, tout comme les autres. Tu veux bien l'emmener Question
Emile acquiesce, l'air maussade. Il est moins bon cavalier que Charles et Jérôme qui montent à cheval depuis leur tendre enfance, et je ne vaux guère mieux que lui. Charles m'a tout simplement donné la meilleure monture. Cela n'a rien d'une insulte. Du moins n'était-ce pas son intention. La jument de Virginie pourrait faire l'affaire, mais Charles ne veut pas risquer d'essuyer un refus.
Virginie s'approche de moi et je lui offre mon bras. Elle hésite une seconde, puis le prend 'une main tremblante.
- Qu'y a-t-il Question dis-je
- Cet endroit. Ne sentez-vous donc rien Question
Tout ce que je sens est sa main sur mon bras. Nous avons un mousquet, deux piques, deux pistolets... et un couteau de chasse chacun. Nous avons également un panier-repas accroché à la selle de Virginie. Charles propose de le laisser, puis saisit le mousquet. Jérôme et moi prenons chacun une lance ; Jérôme empoigne aussi un pistolet, le second étant pour Emile. Virginie nous regarde partager les armes avec un sourire.
- Voulez-vous le pistolet Question Je peux donner ma pique à Emile.
- Jean-Marie..., dit Charles en riant. Ne va surtout pas armer ma soeur. Ma mère ne te le pardonnerait pas.
A ces mots, Virginie grommelle que sa mère ne me pardonnera jamais de toute façon. Jérôme et Emile me jettent des regards entendus, alors que je ne participe même pas à leur pari idiot.
- Par ici, dit Charles.
Nous pénétrons dans le sous-bois, élargissant le passage créé par les cerfs. Charles guide la troupe. Emile ferme la marche. Nous dépassons une loge charbonnière en ruine, avec sa meule de charbon abandonnée et son cercle déserté. Les ronces ont repris leurs droits, et des fougères poussent à l'entrée de la hutte. Le foyer éteint est rempli d'ossements de sanglier.
- Des braconniers.
Cette fois, Jérôme n plaisante pas. C'est une réalité. Quelques minutes plus tard, nous repérons les empreintes fraîches d'un cerf. Les traces nous entraînent au plus profond de la forêt.
- J'entends quelque chose, murmure Emile.
Charles cesse de fredonner, et nous prêtons tous l'oreille. Des bruts de branches cassées dans les ronces sur notre droite.
- Un sanglier, chuchote Jérôme.
Rapidement, Charles arme son mousquet, Jérôme baisse sa lance, et Virginie lâche mon bras, me laissant libre de mes gestes.
- Reste avec Emile, dit Charles à sa soeur.
Elle n'a pas l'air d'accord, et Emile ouvre le bouche pour protester. Mais il me regarde, jette un regard de biais à Virginie, puis de dit que finalement ce n'est pas une si mauvaise idée. Charles, Jérôme et moi nous enfonçons dans la cascade de ronces d'où provient le bruit et débouchons dans une clairière. Une douzaine de charbonniers se tournent vers nous, puis l'un d'eux tranche la gorge d'un cerf en train de se débattre. La mort de l'animal libère les hommes qui le tenaient et qui nous font maintenant face. Un vieil homme derrière eux lève son mousquet et tire sans la moindre hésitation.
La balle touche Charles, qui lâche son arme et tombe à genoux, la main crispée sur mon épaule. Jérôme plonge pour récupérer le mousquet, vise sa cible et appuie sur la détente. Le silex claque et le coup ne part pas.
Le vieil homme rit, et je projette ma lance. C'est la première et la dernière fois que je tue quelqu'un. Ce que je ne sais pas à ce moment-là. Jérôme lève sa propre lance quand un autre homme s'empare du mousquet et de la cartouche à poudre de l'homme à terre. Nous avançons vers le groupe, qui recule. Nous n'avons plus que mon couteau de chasse, mais la lance de Jérôme et la mort de leur chef les intimident. Tous fixent sur nous des regards blêmes.
Parvenus à l'endroit où gît le vieil homme, je reprends ma pique. C'est une arme effrayant. Une longue lame avec à sa base une petite barre transversale pour stopper l'animal blessé qui tenterait d'attaquer son agresseur. Jérôme poignarde l'homme qui s'est emparé du mousquet. Un coup vif, inattendu et puissant, qui aurait impressionné nos instructeurs de l'académie. Il retire la lame au moment où l'homme s'écroule. Un autre assaillant veut témoigner le mousquet, mais Jérôme le frappe à son tour.
- C'est le fils du duc Exclamation crie-t-il. Si vous osez vous en prendre à lui, le duc vous massacrera tous jusqu'au dernier. Vous et vos familles.
Ila plus de foi dans ses paroles que moi. Une foi telle qu'il pense parvenir à ses fins. Il croit donner à ces paysans une raison de nous craindre, alors que je les soupçonne d'avoir à présent une raison de nous tuer.
- Battons en retraite, dis-je.
Comme Jérôme se renfrogne, j'ajoute :
- Nous devons protéger Virginie.
- On devrait plutôt les éloigner d'elle, grogne Jérôme.
Je suis sur le point d'acquiescer quand Charles secoue la tête.
- Et la laisser sous la protection d'Emile Question Non, j'ai besoin d'un chirurgien. Nous devons renter.
Jérôme se place à la droite de Charles pour le soutenir tout en gardant sa lance dans sa main droite. La manoeuvre n'est pas aisée. Je tiens ma lance de la main gauche et me positionne de l'autre côté du blessé pour l'équilibrer.
Comme Charles déclare que nous ne pouvons pas laisser les mousquets, je fais remarquer que je ne peux pas porter les mousquets et la pique tout en nous protégeant efficacement.
- Couvre-moi, ordonne Jérôme.
Il lâche Charles, plante son couteau dans la terre, s'empare du vieux mousquet, cale son talon à la base du canon et tire dessus de toutes ses forces. Le bois se fend et le canon se détache. C'est une impressionnante démonstration de force.
Deux jeunes femmes s'agenouillent près de l'homme que Jérôme à poignardé à la gorge et qui rend son dernier soupir. Leur oncle, peut-être leur père. Les autres regardent Jérôme détruire le deuxième mousquet d'un air morne.
- Suivez-nous, gronde-t-il à leur intention, et je vous tue tous.
Reprenant sa lance, il la fait tournoyer dans sa main, puis fait mine de la projeter sur l'homme le plus proche, qui recule vivement tandis que les autres se dispersent à toute vitesse.
- Maintenant, allons-nous-en, dit-il.
Virginie arrive au même moment en courant.
- Il faut que tu ramènes ton frère au château, lui dit Jérôme.
- Cette carne ne pourra pas nous porter tous les deux, réplique Charles.
Je suggère :
- Emile devrait rentrer seul. Tu connais le chemin Question
Il hoche la tête, le visage blême.
- Alors, retourne vite au château et donne l'alerte. Dis au duc de venir ànotre rencontre avec ses chasseurs. Et aussi de faire appel à la milice.
Emile m'observe avec effroi.
- C'est une jacquerie... La rébellion est dans l'air. TU penses que cela va s'arrêter là Question
- Je veux rester, répond-il.
- Tu nous aideras davantage si tu pars.
Il se raidit et je crains un instant qu'il refuse. La fierté le dispute chez lui à la peur de s'aventurer seul dans la forêt. Mais Virginie lui touche le bras et le regarde d'un air imploRant, ce qui achève de le décider. Emile se remet en selle et s'éloigne en trottinant, sans un regard derrière lui. J'espère seulement qu'il gardera la tête baissée. La plupart des branches sont basses..."


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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 3 EmptyLun 3 Juil - 18:35

"Nous prenons la mesure du désastre quand nous constatons que nos montures ont disparu.
- Vauriens, grogne Jérôme.
- La rivière, marmonne Charles. Nous devrions suivre la berge.
- Pourquoi Question demande Jérôme.
Virginie mêle ses doigts aux miens et les serre si fort que ses phalanges blanchissent. Elle a pris ma main sans me le demander, sans rien me dire, peut-être même sans s'en rendre compte.
- Charles a raison, dis-je. Il faut qu'on trouve un bateau. Nous sommes trop loin pour retraverser la forêt à pied et nous risquons de tomber sur des campements.
- Tu penses vraiment que c'est une jacquerie Question murmure Virginie.
Je hausse les épaules.
- La dernière récolte a été désastreuse, la prochaine sera encore pire. Les impôts sont élevés. Leurs enfants crèvent de faim. Qu'ont-ils à perdre Question
Jérôme n'apprécie manifestement pas le choix de mes paroles. Il passe son bras autour de la taille de Charles pour le soutenir, puis hésite.
- Peux-tu monter sur mon dos Question On irait plus vite.
Charles ôte sa main de son épaule ensanglantée et étudie la blessure.
- D'abord, il faut bander la plaie ; après, tu pourras me porter.
Après avoir débarrassé Charles de sa veste, nous déchirons la manche de sa chemise et nous en servons pur bander sa blessure. Puis nous lui remettons sa veste et la boutonnons jusqu'au col pour maintenir le pansement en place. Jérôme s'agenouille pour le faire grimper sur son dos. Toute l'opération prend moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire. Charles supporte la douleur en silence.
- On va s'en sortir Question demande Virginie.
- Jérôme va aider Charles et je vais vous protéger.
- Ne faites pas de promesses que vous ne pouvez pa s tenir.
- Qui a dit que je ne tenais pas mes promesses Question
Elle rit, et Charles nous jette un coup d'oeil. Il se passe quelque chose entre le frère et la soeur, car Virginie rougit et baisse la tête. Pendant plusieurs minutes, elle ne dit plus rien, toute à ses pensées. Un kilomètre plus loin, nous trouvons trois bateaux sur un banc de sable, dans un méandre de la rivière. Des arbres se dressent sur l'autre rive, mais la nôtre est dégagée et nous pouvons prendre les bateaux sans encombre. j'en détache deux et perce le troisième pour le rendre inutilisable.
Virginie et moi tirons le premier sur l'eau.
- Fais-le monter, dis-je à Jérôme, qui pose Charles par terre, le soulève comme si c'était un enfant et le dépose dans l'embarcation. Maintenant, allez-y Exclamation
Jérôme regarde Virginie et hésite.
- S'il vous plaît, lui dit-elle. Mettez-le en lieu sûr.
Il ne lui en faut pas davantage. Jérôme hoche la tête, et nous poussons la barque dans l'eau, puis Jérôme saute dedans au moment où le courant l'emporte au loin.
- Dépêchez-vous, me dit Virginie.
Des cris s'élèvent des arbres derrière nous pendant que nous dégageons la barque de la rive sablonneuse. Virginie grimpe dedans en soulevant un pan de sa jupe, qui révèle une portion de peau. Je pousse l'embarcation vers les flots et saute dedans dans un même élan.
Le courant nous entraîne avec virulence à la suite de nos compagnons, sous les cris furieux des charbonniers qui viennent d'atteindre la berge. Ils s'emparent des piques que nous avons abandonnées et nous les jettent avec fureur. Elles nous manquent de peu et disparaissent dans l'eau.
La rivière se rétrécit et les rives s'élèvent, recouvertes de broussailles, d'églantines et de menthe corse, avec ça et là un immense pin qui paraît nous observer de son promontoire. Nous pourchassons le bateau de Charles en direction d'un pont de pierre. Des charbonniers sont alignés sur le pont et nous crient des injures. Je vois Jérôme brandir son pistolet et l'un des manants s'écrouler. Charles et lui passent sous le pont, et Jérôme chute quand une pierre l'atteint à la tête.
- Renversons le bateau Exclamation s'écrie Virginie.
Elle a raison. Nous faisons basculer notre embarcation et sommes aussitôt immergés dans l'eau froide. J'agrippe Virginie d'une main et m'accroche de l'autre au banc du bateau. Nous refaisons surface sous la coque retournée.
A l'approche du pont, des pierres frappent le bois au-dessus de nos têtes, et de nouveau quand nous nous éloignons. Un mousquet tire un coup de feu, puis un deuxième.
La première balle passe à côté, la seconde ricoche sur une planche de notre embarcation. La rivière s'élargit, le courant ralentit, et, par la fissure créée par la balle, nous distinguons des hommes en haillons le long de la berge. Certains armés de vieux mousquets, d'autres, de lances, d'autres encore, de haches et d'outils de la ferme. Ils sont plusieurs douzaines, peut-être même plusieurs centaines. La misère en marche. Ils progressent d'un pas traînant, le regard vide, comme s'ils cherchaient un but. Lorsque nous voyons une église en flammes un peu plus loin, nous comprenons qu'ils en ont trouvé un."

FIN DU XI


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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 3 EmptyMar 4 Juil - 11:25

"XII

Le bateau retourné

Notre coquille ballotte et bringuebale au gré du courant, puis heurte le corps d'un garde-chasse qui flotte sur le ventre. Nous continuons ensuite notre course mouvementée, nous cognant parfois les jambes à des rochers quand l'eau est peu profonde, et nous accrochons courageusement chaque fois que nous sentons l'épuisement nous gagner. Mais nous sommes toujours à l'abri des regards. Virginie ne sait pas nager, et les rives accessibles à pied semblent toujours remplies de paysans. L'intérieur de la coque nous laisse très peu d'espace, mais nous protège efficacement.
- J'ai froid, bredouille Virginie. Mes mains...
- Les miennes aussi.
Je suis terrifié à l'idée d'avoir des crampes et de lâcher le banc. Le bateau serait alors emporté avec Virginie.
- Il va falloir accoster.
- Bientôt, acquiesce-t-elle.
Des arbres bordent les berges de chaque côté de la rivière. Nous sommes de retour au coeur de la forêt, qui suit les méandres de la rivière dans une partie du domaine du duc. Les terres du duc sont si vastes qu'il serait impossible de les traverser en une journée de cheval, et Virginie, bien que certaine que cette forêt appartienne à son père, n'a aucune idée de l'endroit où nous sommes. Ce qui m'inquiète, même si je ne le dis pas, ce n'est pas de savoir où nous nous trouvons, mais combien de temps nous allons devoir rester cachés.
Seul, je me serais risqué à rejoindre le château. La présence de Virginie rend cette idée impossible.
La soeur de Charles est partagée entre la terreur que son frère s'est noyé, a été tué par les paysans ou a succombé à ses blessures, et la certitude que Charles, étant Charles, et avec l'aide de Jérôme, a réussi à se mettre à l'abri. Et à envoyer une troupe nous secourir. S'ils ne le font pas - non pas parce qu'ils sont morts, mais parc qu'ils se cachent -, Emile va forcément regagner le château. Je sens que cette dernière solution ne la convainc guère, mais elle la répète comme une évidence.
- Là, dit-elle tout à coup.
On aperçoit une berge de gravier, à un endroit où la rivière s'enroule autour d'une petite colline. C'est un lieu idéal pour accoster, bien mieux que tous ceux que nous avons dépassés. Je veux poser le pied par terre, mais ne touche pas le fond. Alors, je me propulse sous l'eau, et mes talons s'enfoncent dans le gravier stoppant net notre embarcation. Je pousse la barque vers la rive, mais le courant est si fort qu'il risque de nous emporter à tout moment.
- Trop de courant, dis-je après avoir tenté plusieurs fois de retourner notre coque.
- On devrait la laisser filer...
Virginie a raison. La traîner sur la berge nous ferait repérer. Si toutefois ils nous cherchent encore.
- Prête Question
Nous nous dégageons de la coque et la rejetons derrière nous. Elle est entraînée au loin tandis que nous gravisson la berge de gravier, lequel roule bruyamment sous nos pieds. Je scrute les alentours. Une centaine de paysans pourraient être en train de nous observer sans que nous le sachions. Mais personne ne nous crie après, ni ne nous tire dessus, et nous progressons péniblement vers le sous-bois pour nous abriter.
- Et maintenant Question demande Virginie une fois sous le couvert des arbres.
Je prends son visage entre mes mains, les doigts si froids que je sens à peine la chair de ses joues, et li embrasse le coin de la bouche. Une fois seulement, très doucement.
- Tu m'as manqué, lui dis-je, la tutoyant avec naturel. Tout l'été et les deux années passées. Tu m'as terriblement manqué.
Ses grands yeux bruns m'observent, telles deux agates, mais deux fois plus brillantes. Elle hoche la tête et regarde autour d'elle, gardant mes mots dans un coin de sa mémoire pour plus tard.
- Nous devons trouver un abri, dit-elle doucement."

A plus tard. ... Very Happy
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 3 EmptyMar 4 Juil - 13:37

"Je suis d'accord avec elle. Mais je vois mal où trouver un abri au beau milieu de cette jacquerie. Une maison de pierre, peut-être Question Même si nous en avons vu une en feu Question Une grotte dans les collines, si jamais il en existe Question
- Nous serons en sécurité ici, lui dis-je. Les arbres nous cacheront.
- Et à la nuit tombée Question
Ce n'est que le début de l'après-midi, mais la nuit tombera vite.
- Nous dormirons dans les arbres.
- Dans des arbres différents Question
- Si tu veux. Mais nous serions plus en sécurité ensemble.
Nouveau signe de tête, comme si elle économisait ses paroles. Peut-être est-ce le cas, car elle regarde autour d'elle et finit par déclarer :
-Nous allons rester ici. Et nous dormirons dans les arbres, comme les animaux.
Débouclant ma ceinture, je laisse tomber le couteau de chasse que l'on m'a confié la matin même. Puis je déboutonne ma veste, si gorgée d'eau que je m'en serais bien débarrassé quand j'étais sous la coque si j'avais pu. Après quoi, je me débats avec ma chemise mouillée pour l'enlever. Mes bottes reposent depuis longtemps dans le fond de la rivière. Comme j'ai aussi enlevé mes bas, il ne me reste plus que mes hauts-de-chausses. Ce n'est que lorsque je me tiens dans le sunny de l'après-midi, en simples hauts-de-chausses, que je réalise que Virginie me regarde fixement.
- Je suis frigorifié, lui dis-je.
Enfilant un bâton dans les bras de ma chemise, je la pends à une branche basse et en cherche une plus grosse pour supporter le poids de ma veste mouillée, déjà lourde quand le cuir est sec. Je trouve la branche idéale et suspends ma veste avec mes bas à côté.Question
- Où as-tu appris à faire cela Question
- A l'académie.
- Pourquoi vous apprennent-ils des choses aussi étranges Question
- Pour que nous puissions faire sécher nos habits dans des situations comme celles-ci. Je parle des élèves : Jérôme, Emile, ton frère...
- Retourne-toi, dit-elle simplement.
Quelques instants plus tard, d'une voix résignée, elle ajoute :
- J'ai besoin de ton aide.
Elle porte toujours sa robe trempée et frissonne, bien qu'elle soit en plein sunny
- Mes doigts...
Ses doigts sont inertes, bleuis et fripés comme ceux d'un noyé.
- Laisse-moi faire, lui dis-je.
Mes doigts tremblants de froid et de nervosité peinent à ôter le premier bouton de sa robe. Les boutons de ma veste sont gros, alors que ceux de son haut sont minuscules, se comptent par douzaines et vont par paire. Il me faut plusieurs minutes pour dénouer le corset ; puis elle se tortille en tous sens pour se libérer de sa robe sans subir l'embarras de m'en faire déboutonner davantage. Sa chemise est trempée elle aussi, mais Virginie est nue en dessous. Le vêtement de coton se plaque sur ses hanches et elle se détourne de moi.
Je pends sa robe au sunny et lui annonce que je vais chercher de la nourriture.
- Quoi QuestionQuestion
Je revines avec trois petites truites, une poignée de champignons et, glorieuse prise, une truffe blanche à la chair pâle et àla fragrance exquise. A l'aide du couteau de chasse, je vide le poisson et lève les filets, que je détache délicatement del'arête. J'ôte la peau du premier filet, prends un morceau de chair et l'offre à Virginie. Comme elle secoue la tête, je le mange et lui propose la deuxième moitié. Elle avale la chair crue si vite qu'elle l'a à peine goûtée.
- Lentement, dis-je? Mâche lentement.
- Je ne peux pas, réplique-t-elle, au bord de la nausée. Je ne peux pas manger cela.
Nous trouvons une branche noueuse fendue par un éclair. Dans le creux de la branche, le bois et si sec et si pourri qu'ils s'effrite sous mes doigts. J'ai mes silex sur moi, car qui ne voyage pas avec à notre époque Question Après avoir posé des bouts de bois vermoulu sur une pierre plate à l'abri du vent, je frotte deux silex l'un contre l'autre. Une étincelle jaillit. Je souffle dessus et ajoute une poignée de petit bois arraché aux entrailles de l'arbre mort.
- Je suppose qu'ils t'ont appris cela aussi à l'académie Question interroge Virginie.
Elle sourit. Je trouve les branches les plus sèches possible pour ne pas trop faire de fumée et lui fait tenir la truite empalée sur un bâton au-dessus des flammes pour pouvoir retourner à la rivière. Le temps que je revienne avec une plus grosse prise, elle a mangé la première truite et couve la seconde d'un regard affamé.
- Mange-la. Je vais en chercher d'autres.
Elle en prend une bouchée et sourit. Le soulagement de manger, la chaleur du sunny , la terre ferme lui ont redonné des couleurs.
- Non, dis-je avant qu'elle me pose la question. J'ai appris à pêcher seul."

Very Happy

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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 3 EmptyMar 4 Juil - 19:19

"J'aurais pu attraper un lapin, un chat sauvage ou un rat d'eau, mais, sachant que la truite lui fera davantage plaisir, je lui en apporte d'autres.
J'aimerais écrire que nous nous sommes déshabillés et que je l'ai prise dans la clairière, à l'ombre des grands arbres, ou que nous nous sommes couverts de baisers et de caresses, découvrant des secrets inconnus de nous, ou encore que nous nous sommes enlacés, nus, et nous sommes embrassés, mais la vérité est que nous n'avons échangé qu'un seul baiser, juste après avoir accosté, le plus doux des baisers, dont la caresse a embrasé mon corps tout entier.
Et si nous restons enlacés toute la nuit, nous sommes habillés, et nous nous tenons l'un contre l'autre uniquement pour nous tenir chaud. Puis elle s'endort, et je la tiens contre mon coeur pour qu'elle ne tombe pas.
Qui sait où une journée et une nuit supplémentaire dans les arbres nous auraient emmenés. Mais, le lendemain matin, avant même de pouvoir aller nous chercher un petit déjeuner, une grande barge remplie de soldats remonte la rivière, avec le duc en personne à la proue, nous implorant de nous montrer si nous l'entendons.
Emile a transmis notre appel au secours. Charles et Jérôme ont accosté un peu en aval et ont vu les soldats les premiers. Charles à l'épaule brisée, et Jérôme, une entaille à la tête, mais tous deux sont saufs.
Comme Emile nous a sauvés, je ne comprends pas pourquoi le duc prononce son prénom avec autant de dédain. J'en découvrirai bientôt la raison.
Sur le trajet du retour, nous voyons plusieurs paysans pendus à des gibets, des fermes en flammes, des charrettes remplies de prisonniers hagards, mutiques, comme les animaux avec lesquels ils partagent ces terres. Le feu qui brûlait dans leurs yeux s'est éteint à la vue des soldats et des cordes qui leur lient les mains dans le dos.
Des vaches gisent, mortes, dans les champs. Les récoltes ont été piétinées. Sur la place de la ville, une femme à demi-dévêtue est fouettée, ses haillons, arrachés, et ses seins exposés à la foule. Elle a été bâillonnée, sans doute pour éviter tout risque de sédition, car ses cris n'auraient pas gêné les soldats. A ses pieds, un petit enfant pleure toutes les larmes de son corps.
Virginie ne voit rien de tout cela. Assise à côté de son père dans le carrosse, elle a le visage enfoui dans mon cou et mêle ses doigts si fort aux miens que j'en ai des fourmillements dans la main.
Malgré le regard désapprobateur de son père, elle refuse de me lâcher et de s'écarter de moi. Lorsque nous entrons dans la cour du château, elle se blottit contre moi et me serre contre elle comme si elle craignait de me laisser partir. Mais elle finit néanmoins par le faire et est la première à descendre de la voiture et à saluer sa mère d'un baiser.
- C'est la deuxième fois qu'il me sauve la vie.
Le duc de Saulx se tourne vers mois.
- Nous avons à parler.

Pendant que Virginie est emmenée dans une direction, le duc et moi nous dirigeons vers le jardin à la française que le duc a fait aménager au début de son mariage. En chemin, il me raconte la genèse de ce jardin. Je me doute que ce récit ne sert qu'à meubler le silence jusqu'à ce que nous atteignions le milieu du jardin, où se trouve un étang circulaire empli de poissons rouges.
- D'Aumout...
Ce n'est pas dans ses habitudes de prononcer mon nom aussi formellement.
- Avez-vous parié avec vos amis lequel d'entre vous serait le premier à embrasser ma fille Question Et lequel ferait plus que l'embrasser Question
- Non Exclamation fais-je avec tant de véhémence qu'il cligne des paupières.
- Je veux votre parole sur ce point.
- Vous avez ma parole. Je n'ai pas pris part à un tel pari. Et ne le ferai jamais.
- Vous aimez ma fille, n'est-ce pas Question
- Je l'ai aimée au premier regard.
Le duc de Saulx soupire.
- Et depuis que vous l'avez sauvée de ce loup, elle vous aime...
- Avant même, peut-être.
Il me regarde d'un drôle d'air, ce qui me fait rougir.
- Charles l'a taquinée quand elle lui a avoué que je lui plaisais, le premier été où je suis venu. Avant le loup.
- C'est mon fils qui vous a dit cela Question
- Non, votre fille.
Je lui tais le moment de cette confession et ne précise pas qu'elle se trouvait alors dans ma chambre pendant que le reste de sa famille dînait. Il croit que je parle de la journée et la nuit précédentes, et je le laisse réfléchir. Le duc hoche pensivement la tête et se tourne vers un homme qui s'approche de nous. Je le reconnais ; c'est le médecin qui m'a soigné de la morsure du loup.
- Attendez ici, me dit le duc.
Les deux hommes échangent quelques mots à voix basse, puis tous deux s'inclinent, et le médecin se retire pendant que le duc revient vers moi.
- Ma fille a été examinée. Sa mère a insisté et je ne sais pas si Virginie le lui pardonnera jamais, ni moi d'avoir accepté. Le docteur dit que son honneur est sauf. Donc, je vous le demande franchement, avez-vous...
Il choisit ses mots avec soin.
- ... été proche de ma fille Question
- Nous nous sommes embrassés. Une fois, quand nous avons regagné la rive. Un petit baiser.
Je touche le coin de ma bouche.
- Là.
Le duc sourit.
- Oh Exclamation Être jeune de nouveau Exclamation
- Puis-je vous demander... Question A propos de ce pari Question
- J'ai surpris une conversation entre Emile et Jérôme. Ils se plaignaient de n'avoir plus aucune chance de gagner. Virginie ne sait pas qu'ils lui ont manqué de respect. Un garçon comme Emile, je n'en attendais guère mieux. Mais j'ai honte dela conduite de Jérôme. Bien qu'il se soit racheté en sauvant mon fils.
Mais Emile est venu vous avertir. Je garde cette pensée pour moi, toujours fâché contre lui à cause du pari et manquant du courage de le défendre."

FIN DU XII
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 3 EmptyMer 5 Juil - 19:20

"XIII

La maîtresse du Roi

Nos fiançailles débutent par une querelle. Bien sûr, je ne sais pas encore qu'il s'agit de nos fiançailles. Après le dîner, le duc et la duchesse quittent la salle à manger, suivis de Margot. Virginie fond alors vers moi et me donne une gifle vertigineuse.
- Comment as-tu osé Question dit-elle d'une voix blanche.
Au bord des larmes, elle semble sur le point de perdre tout contrôle d'elle-même. Jérôme s'interrompt, Emile nous observe avec intérêt, et Charles sourit.
- C'est ma soeur tout craché, commente-t-il.
Virginie jette à son frère un regard qui aurait transformé n'importe quel autre homme en pierre. Charles étant Charles, il se contente de pinter du doigt son épaule bandée et de dire :
- Tu ne frapperais pas un homme blessé, n'est-ce pas Question
Virginie se rue hors de la pièce. Je demande :
- Qu'est-ce qui lui prend Question
Charles regarde Jérôme, qui rougit, et d'un regard ordonne à Emile de quitter la pièce, ordre tacite qu'Emile feint de ne pas remarquer.
- Aucune idée, dit-il en me regardant. Eh bien, cours-lui après, si tu es complètement idiot...
Je rattrape Virginie dans le couloir.
- Qu'est-ce que j'ai fait Question
Elle fait volte-face et lève la main. j'agrippe son poignet avant qu'elle ne me gifle de nouveau.
- Tu le sais parfaitement Exclamation
Elle se détourne de moi et se précipite vers la porte au bout du couloir qui débouche sur la terrasse. Je la poursuis jusqu'aux marches de pierre qui mène à la pelouse. Nous arrivons dans le jardin à la française où j'ai discuté avec son père un peu plus tôt.
- Va-t-en Exclamation
- Pas avant que tu ne m'aies dit ce que j'ai fait de mal.
Elle me foudroie du regard, ses yeux immenses dans l'obscurité.
- Comment as-tu pu Question
- Virginie, explique-toi Exclamation
- Comment as-tu pu parier avec ces... Question (la vache, y z'étaient susceptibles à cette époque. Une baffe pour un pari sur un baiser Exclamation ... Rolling Eyes ... Razz )
- Je ne l'ai pas fait, dis-je avec force. Je n'aurais jamais fait une chose pareille. Je l'ai dit à ton père.
- Ma mère dit que... Pourquoi Charles ne les a-t-il pas arrêtés Question
- Il n'en savait rien.
- Don, il y a bien eu un pari Exclamation
- Jérôme et Emile ont parié sur le premier qui te volerait un baiser.
- Et toi Question
- Je ne pouvais pas te le dire Exclamation
Mais ce n'est pas la question qu'elle me pose. Solidement campée devant moi sur le gravier du jardin, elle me confronte.
- Jure-le. Jure-moi que tu n'as pas participé à cette infamie.
- Je te le jure. Je n'aurais jamais fait un tel pari.
- Pourquoi pas Question
- Parce que je t'aime...
La vérité vient à point nommé, et je sens que ma vie est sur le point de basculer pour toujours, là, sous le ciel nocturne voilé.
- Parce que je t'aime depuis ce fameux été.
- Tu m'avais à peine remarquée Exclamation Tu n'avais d'yeux que pour Margot Exclamation
- Parce que je n'osais pas te regarder.
- Un pieux mensonge, dit Virginie, avec un sourire en coin.
- Une pieuse vérité.
Un peu plus tard, quand notre baiser s'approfondit et que nous cessons de nous demander si les autres nous cherchent, je glisse la main vers le bas de sa robe et referme ma paume sur le doux renflement entre ses cuisses. Virginie ouvre de grands yeux et se mordille la lèvre.
Une minute plus tard, elle soulève sa jupe pour que je puisse la toucher de nouveau, mais cette fois, elle la maintient en place d'une main et plaque l'autre sur sa bouche pur étouffer ses gémissements;
- Voilà pour mon honneur sauf Exclamation glousse-t-elle."

Dîner Exclamation


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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 3 EmptyJeu 6 Juil - 9:30

"Le duc réprime sévèrement la rébellion. Après avoir mobilisé les régiments locaux, il a ordonné aux tribunaux de siéger jour et nuit pur juger les fauteurs de trubles arrêtés pendant et après les émeutes. Les sentences sont plus sévères qu'avant, bien plus sévères que pour les crimes équivalents jugés une année plus tôt.
Certains servent d'exemples. Des jeunes hommes sont fouettés dans les rues, des jeunes femmes, misses au pilori sur les places de villages pendant des jours. Les meneurs sont pendus haut et court, leurs seconds, envoyés à Marseille pour servir d'esclaves dans les galères ou pour travailler toute leur vie enchaîné ensemble à l'arsenal.
La vengeance personnelle du duc est sans pitié. Le charbonnier accusé d'avoir mené la révolte a été jugé pour trahison et reconnu coupable, même s'il jure sur son âme qu'il est innocent. Il a été fouetté, attaché à un cadre de bois, let les os longs de son corps ont été brisés à l'aide d'une barre de fer. Ensuite, il a été traîné sur les pavés par ue corde nouée autour de son cou. Seul le duc a assisté au spectacle. Selon lui, la foule a été respectueuse et maussade. Ce qui n'est pas une surprise.
- C'était une nécessité.
C'est le seul commentaire qu'il me fait à son retour. Jérôme et Emile ont été renvoyés à l'académie.
Charles et moi ne nous joignons pas à eux. Charles doit remplir ses devoirs au château de Saulx.
Quant à moi, j'attends d'être présenté à Louis, la maîtresse du roi qui a l'âge de Margot et est encore plus belle. Virginie est furieuse. Elle vitupère tellement que, lorsqu'elle se radoucit enfin, c'est à mon tour de bouder. Nous nous réconcilions peu avant l'arrivée de Louise, d'une manière qui nous est devenue habituelle.
- Tu as l'air essoufflé, me dit laconiquement Charles.
- Il fait chaude. Je suis nerveux.
- C'est ma soeur, me rappelle-t-il. Tu as de la chance que je t'aime bien.
Nous attendons Louise dans la cour. Elle arrive dans son cortège royal et félicite le duc de la part du roi pour sa répression efficace de la sédition. Ensuite, elle va se rafraîchir, puis passe un long moment avec le duc dans son bureau. Environ une heure plus tard, elle entre dans le salon, sourit à l'assemblée et s'adresse à moi :
- Ferez-vous quelques pas avec moi Question
Elle me le demande avec douceur, comme si je pouvais refuser. Ou que j'aie mieux à faire. La maîtresse du roi est magnifique. Elle est un peu plus âgée que Virginie ; or je suis encore à un âge où quelques années d'écart signifient beaucoup. Je m'incline et lui offre mon bras. Elle me sourit comme si j'étais un gamin intelligent.
- Par ici, je vous prie.
Nous sortons et marchons vers un petit lac, puis cheminons au bord de l'eau, abrités par de grands saules. Nous faisons halte pour observer des foulques en formation sur l'eau, telle une bataille navale miniature, et voyons passer une énorme truite, sans doute monstrueuse aux yeux des insectes qui la nourrissent.
- A quoi pensez-vous Question
Sa question me surprend.
- Je me demande si une grosse truite a meilleur goût qu'une petite.
- Sûrement pas, répond-elle avec fermeté. Les vieilles choses ont toujours moins de goût que les nouvelles.
Quelques exceptions me viennent à l'esprit, mais je ne la contredis pas.
- Vous ne cessez de me regarder, dit-elle quelques mètres plus loin. Pourquoi Question
- Vous êtes plus jeune que je ne le pensais.
Elle s'arrête à l'ombre d'un saule et tournoie sur elle-même avec un sourire mutin. Elle porte une robe de brocard crème, au décolleté si généreux qu'il est difficile d'ignorer la rondeur plaines de ses seins. Une fragrance d'eau de rose et de musc se dégage de son élégante personne.
- Vous aimez ce que vous voyez Question
- Comment pourrait-il en être autrement Question
- Hélas..., certains hommes sont plus exigeants que vous.
Son visage s'assombrit, comme frappé de tristesse.
- Me trouvez-vous belle Question
Je rougis et acquiesce d'un signe de tête.
- Virginie est-elle plus belle que moi Question
Je hoche de nouveau la tête. Elle rit et me serre la main. Nous marchons un moment, et elle m'explique ce que le duc, son cousin, attend d'elle. C'est alors que je comprends que le duc a l'intention de me donner la main de sa fille.
- Connaissez-vous le marquis d'Aumout Question
- Non, milady.
- Comme vous êtes cérémonieux Exclamation Nous sommes amis maintenant. Vous pouvez m'appeler "cousine"... D'Aumout est vieux. Et n'a que des bâtards qu'il n'aime pas. Vous appartenez à sa famille.
Elle me regarde d'un air de doute.
- Sa famille éloignée. Le duc en est certain. Pour plaire à mn oncle, je vais demander au roi la permission pour le marquis de vous adopter.
- Pourquoi ferait-il cela Question
Elle s'arrête et pose la main sur mon épaule.
- Vous ne savez donc rien de ce monde Question Le marquis est pauvre, le duc est riche. Pourquoi refuserait-il Question Vous deviendrez marquis d'Aumout le moment venu. Le marquis vit à Paris, mais il possède un château dans le sud, probablement hideux. Mais il sera à vous.
- Et je serai un parti convenable pour Virginie Question
- Vous l'êtes déjà, dit-elle avec le plus grand sérieux. Aux yeux du duc, vous êtes digne de Virginie. Cela fait de vous un parti acceptable pour le reste du monde.
- Même pour la duchesse Question
Louise hoche la tête.
- Même pour la duchesse. Maintenant, allez le dire à votre promise, qui me foudroie du regard depuis tout à l'heure.
Je fais volte-face et vois Virginie nous observer depuis la terrasse, l'air furieux. Quand je me retourne, Louis est déjà partie.
- Tu lui as pris la main Exclamation s'écrie Virginie dès que je la rejoins. Elle t'a posé la main sur l'épaule. Elle a même fait une pirouterre pour que tu l'admires. Vus avez parlé pendant une éternité Exclamation De quoi avez-vous parlé Question
- Elle m'a demandé si elle était plus belle que toi.
Virginie se fige. Jusqu'à ce que je lui dise que ma réponse a été non. A ces mots, elle se radoucit, et quand je lui annonce que son père m'autorise à l'épouser dans l'année, elle me serre dans ses bras à m'étouffer."

FIN DU XIII

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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 3 EmptyJeu 6 Juil - 13:12

"XIV

1738

Mariage

Quoique stupéfait que les cuisiniers du sud de la France aient su préparer un mets aussi élaboré, Charles examine le pigeon en croûte, ôte une langue de pâte feuilletée, fine comme du parchemin, et choisit le plus gros morceau de viande.
- Tu possèdes un taureau primé. Tes pommiers ont été correctement élagués. Tes domestiques portent des chaussures. J'ai vu des carpes dans les douves...
Je le crois surpris de découvrir un Sud aussi civilisé, jusqu'à ce que je réalise qu'il se moque de moi pour masquer son étonnement.
A l'école, il considérait les gens du Sud comme à peine plus propres et plus éduqués que les Maures.
Le sunny est aveuglant et le ciel a le bleu profond de la bannière royale.
- C'est un grand jour pour la France, dit Charles. Le château d'Aumout a un nouveau seigneur. Et le nouveau seigneur a une nouvelle épouse pour entretenir sa force.
Comme toujours, le discours de Charles hésite entre brillance et stupidité. Impossible de savoir s'il le pense vraiment ou joue seulement avec les mots.
- Je déteste les au revoir, ajoute-t-il.
- Charles, j'épouse ta soeur.
- Justement.
Il m'agrippe l'épaule.
- Adieu à l'enfance. Adieu à notre ancien monde. Adieu à la liberté.

Nous sommes au printemps 1738. Virginie a dix-huit ans, et moi, presque vingt et un. Charles est mon meilleur ami et mon témoin. Derrière moi se dresse le clocher solitaire de l'église du village, à côté d'un pin aux branches rabougries. Sous mes pieds, la terre est fine comme de la poudre, d'un rouge vermillon.
Un bref instant, j'observe mon domaine à travers les yeux de Charles : une terre ravagée et désolée, loin de la richesse de la Bourgogne et du coeur de la France, Versailles. Ici, loin du coeur battant d'un roi ambitieux, on entend le claquement des sabots des mules sur les routes désertes et le croassement des corbeaux qui survolent des champs caillouteux, tels de sombres présages. Charles rit lorsque je lui décris cette vision.
- Il y a une place pour les rêveurs dans ce royaume qui est le tien.
Si je rends sa soeur heureuse, j'aurai l'amitié de sa famille pour la vie. Cela n'est pas rien, l'amitié de la famille de Saulx. Le duc a l'oreille du roi, et surtout de sa maîtresse. Voilà pourquoi nous sommes ici au bout de la route pavée, à attendre le carrosse qui va déposer Virginie devant l'autel.
De notre mariage lui-même, je ne me rappelle presque rien. Les prières, les hymnes, les voeux... Virginie dans une robe toute simple, plus proche d'un ange que d'un être humain. Ensuite, la fête, puis nous nous sommes retirés dans notre chambre et avons laissé nos invités à leurs quolibets et leurs rires.
Comme je l'ai dit, il ne me reste guère de souvenirs de cette journée. Du lendemain matin, en revanche, je me souviens de tout. A mon réveil, Virginie me sourit, ses lèvres tout contre les miennes et son souffle sur mon visage. Elle se recule et se fige quand ma main caresse son épaule. Ses doigts effleurent ma main, puis elle glisse de sous les couvertures, et j'entrevois la blancheur de sa chemise de nuit dans les premières lueurs de l'aube. Elle entre dans le cabinet de toilette, referme la porte derrière elle, et, après plusieurs secondes d'hésitation, vide sa vessie.
La vessie pleine d'une jeune fille en bonne santé qui a bu plus de vin que de raison la veille, même si sa gouvernante ne cessait de le couper avec de l'eau.
Nous avons un pot de chambre sous le lit, mais je comprends au rouge de ses joues qu'elle est trop embarrassée pour l'utiliser. Je me demande si je serais gêné d'uriner devant elle si tôt après notre union, et me félicite de m'être réveillé avant l'aube pour me soulager."

Pause. Exclamation
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 3 EmptyVen 7 Juil - 19:01

"Se rallongeant à côté de moi, elle a un mouvement de recul quand mes doigts se glissent entre ses jambes et en palpent l'humidité. Son urine a le même goût que la mienne, le goût des mets qu'elle a consommés la veille, avec les fragrances des herbes aromatiques utilisées dans la cuisine. Du moins dans la perle que j'ai pu goûter. Elle m'observe d'un regard à la fois surpris et douteux.
- Tu es belle.
Elle sourit instinctivement et secoue la tête pour balayer le compliment. Margot a la beauté et la perfection d'une figurine de Limoges taillée dans la plus fine des porcelaines.
Elise promet d'être tout aussi belle si elle s'épanouit dans le corps que la nature lui a donné. Mais ma chère Virginie Question ... Ses cheveux brus, légèrement ondulés, sont épais comme une crinière. Son corps ressemble à celui qu'Elise est en train de perdre. Ses seins sont pleins, son estomac, tendre, ses hanches, larges, et son postérieur imposant. Je ne l'ai pas encore vue nue, et cette nuit de sommeil n'a fait que repousser le moment où nous allons nous regarder l'un l'autre en pleine lumière.
- Comment te sens-tu Question
- Mieux que je ne le devrais.
- Bois un peu d'eau. Cela fait du bien quand on a la migraine.
La carafe d'eau se trouve sur sa table de chevet. Je me penche au-dessus de Virginie et sens ses seins contre ma poitrine. Elle rougit jusqu'aux oreilles quand je lu tends le verre d'eau.
- Bois.
Elle m'obéit et avale de petites gorgées sans me quitter du regard, guettant mon approbation.
Notre lit est immense, incurvé à ses deux extrémités, et incrusté de bois sombre venu des indes, et de bois clair de Malacca. L'élégance du moderne se mêle à la robustesse et la simplicité de l'ancien. Il est à 'image du père de Virginie, l'homme qui nous l'a offert, en sus d'une douzaine de draps fins et d'une tapisserie des Gobelins pour notre chambre. Il est l'homme dont elle recherchait l'approbation avant. A présent, je suis cet homme, et, à la regarder siroter son verre d'eau, je sais que je veux son approbation en retour.
Elle me laisse lui prendre le verre des mains set le poser délicatement sur la table de chevet. Puis elle rit nerveusement quand je la repousse contre l'oreiller et l'embrasse fougueusement.
- Mon haleine...
-... est douce...
Nous nous embrassons de nouveau. Je sens ses lèvres s'attendrir et les points de ses seins se durcir quand je les touche à travers le tissu de sa chemise. J'ai envie de déchirer son vêtement, de goûter son corps, de la voir nue et d'explorer la moindre parcelle de peau avec mes doigts et ma langue. Mais elle tremble, et ses baisers sont déjà moins fervents. J'ôte mes mains de ses seins et je roule sur elle, retenant mon poids sur mes bras;
- Je t'aime.
Je le pense sincèrement. Elle m'a apporté des titres, des terres, le patronage de son père et le respect de mes amis. Je suis l'égal de Jérôme, le compagnon et l'ami de Charles, le frère bien-aimé de Margot, le chevalier imaginaire d'Elise... Mais, surtout, Virginie s'est offert à moi. Et c'est ce que je désirais le plus au monde. Elle et moi, ensemble pour créer une personne meilleure.
Elle sourit.
- Je t'aime aussi.
Remontant sa chemise jusqu'à ses hanches, j'observe le triangle sombre entre ses jambes et l'éclat de son sexe, me remémorant les paroles de Charles quelques années plus tôt : la salive facilite la pénétration. Il ne parlait pas de sa soeur à l'époque, bien sûr, mais d'une bonne qu'il affirmait avoir culbutée. Les yeux de Virginie s'arrondissent lorsqu'elle me voit cracher sur mes doigts et les glisser là où je viens de goûter son urine.
Je crache de nouveau, discrètement cette fois, et goûte l'intimité de Virginie sur mes doigts avant de les insérer entre ses jambes. Je les enfonce en elle jusqu'à ce qu'elle ouvre les genoux sans que je le lui demande. Je me presse contre elle.
- Doucement. Margot a dit que je devais te demander de faire doucement.
Me baissant, j'essaie d'entrer en elle. Elle est tendue et nerveuse, et il me faut encore un peu de salive et l'assurance qu'elle se sent bien qu'elle n'a pas peur, avant de presser mon braquemart dur contre son sexe."

A table Exclamation ... Bon appétit Exclamation ... Very Happy
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 3 EmptySam 8 Juil - 14:40

"Elle se soulève légèrement et réprime un hoquet quand je m'insère un peu en elle. Nous restons ainsi un moment, moi suspendu au-dessus d'elle, et tous deux suspendus dans le temps, puis elle finit par sourire.
- Encore, souffle-t-elle.
Je me retire, la sens se détendre et presse mes hanches contre les siennes, lui arrachant un cri quand je suis presque entièrement en elle. Nous nous embrassons du bout des lèvres, l'air frais du matin entre nos deux corps. C'est un baiser doux, aussi parfait qu'on peut l'imaginer. Elle bouge légèrement pour que je puisse glisser lentement hors d'elle, puis remonte le bassin pur m'accueillir pleinement. Nous sommes désormais soudés, mon sexe dans son vagin, et mon corps couvrant entièrement le sien.
Quand je la regarde, elle pleure.
- Qu'y a-t-il Question
Virginie tourne la tête, gênée, et glousse quand je l'embrasse sous l'oreille. Comme j'aime son rire, je lui butine de nouveau l'oreille, et elle me serre dans ses bras pendant que je m'enfonce lentement dans son sexe, un peu plus ouvert à chaque poussée. Enfin, plus tôt que je ne l'aurais voulu, mais ce qui est naturel pour tout homme avec sa nouvelle épousée, je sens mon corps convulser.
- Eh bien..., dit-elle quand j'en ai terminé.
Son sourire est plus épanoui que jamais. Plus tard, elle me dira que Margot l'avait prévenue que la première fois, c'est généralement douloureux et que les hommes sont brutaux, ce qui en dit plus long sur le mari de Margot, le prince de Ligney, que sur la nature humaine.
Sa mère lui a conseillé de tenir bon, puis de se retrancher du devoir conjugal avec des mots d'amour pour avoir le temps de se remettre de ses émotions. La mère lui a suggéré que trois jours suffiraient.
Virginie me raconte tout cela assise sur moi quelques heures plus tard, les jambes repliées devant elle et les mains sur les genoux. Tout son poids repose sur mes hanches, et je suis profondément inséré en elle.
Avant cela, je me suis allongé entre ses cuisses, les mains sur ses hanches pour l'empêcher de gesticuler, et j'ai taquiné le coeur de sa toison de ma langue pendant qu'elle se mordait le poignet pour étouffer ses cris d'excitation. Notre lutte amoureuse s'est terminée par une lèvre si enflée qu'on aurait dit qu'elle m'avait frappé.
- Enlève ta chemise.
Elle fait la moue et cesse de se balancer.
- Je veux voir ton corps. Il est magnifique.
Virginie secoue vigoureusement la tête.
- Non, c'est faux. Il est horrible.
- Non, crois-moi, tu es belle.
Elle s'irrite, et ce qui était un jeu se transforme en réel ressentiment.
- Je suppose que tu as vu un tas de fille nues Question
Je secoue la tête.
- Ce n'est pas beau de mentir.
- J'en ai eu quelques-unes. Aucune aussi belle que toi.
- Charles m'a dit...
- Ton frère en a eu plus de quelques-unes. Il aurait du mal à les compter sur les doigts de ses mains. Je me fiche de ce qu'il t'a dit. Ce n'est pas mon cas. Et tu dois me croire quand je te dis qu'aucune n'était plus belle que toi.
- Charles m'a dit que tu m'aimais.
- Bien sûr que je t'aime. Pourquoi t'aurais-je épousée, sinon Question
Son regard se voile de tristesse.
- Parce que mon père est le duc de Saulx Question Parce que tu as eu ces terres grâce à lui Question Parce que monsieur Duras dit...
- Que dit Emile Question
Les avis de Jérôme et de son frère peuvent être embarrassants, malveillants, voire les deux. Mais les propos d'Emile peuvent s'avérer dangereux pour mon bonheur, ma sécurité et mon mariage, si jamais Virginie décide de croire que j'ai pris par à ce pari.
- Que tu m'as épousée par appât du gain.
- Cet homme est idiot et aveugle. Je t'ai épousée parce que je t'aime.
- Tu me le jures Question
- Sur ma vie et mon âme, sur ma foi. Sur mon bonheur.
Elle se penche et m'embrasse doucement sur les lèvres, ouvre la bouche et prend ma lèvre enflée entre ses dents. Mes doigts se mêlent à ses cheveux, et je l'embrasse à pleine bouche jusqu'à ce qu'elle se recule et se redresse, toujours à moitié sur mes genoux et à moitié sur mes hanches, et se met à se balancer. Pendant le premier mois, elle refuse d'^ter sa chemise de nuit. Quand je la vois lever les yeux au ciel avec ce regard d'extase, je sais que je ne peux être plus heureux et que je ne le serai peut-être jamais plus. La jouissance nous submerge simultanément, et nous recouvrons lentement notre souffle avec tendresse dans les bras l'un de l'autre.
Jean-Pierre est conçu ce jour-là. Virginie en est certaine. Pas la première fois, quand je me suis allongé entre ses cuisses, mais la seconde, lorsqu'elle s'est agenouillée sur moi, dans une aura de communion et de spiritualité.
- Je t'aime, répète-t-elle inlassablement, comme si elle oubliait qu'elle vient de me le dire. Je t'aime.
Je hoche la tête, reconnaissant.

Notre premier fils naît neuf mois plus tard. Nous l'adorons, parce qu'il est à nous, parce que nous l'avons conçu dans la fraîcheur du soir, après une journée dans les bras l'un de l'autre. Le corps de Virginie est celui d'une femme du moins je le pense alors.
Quand je regarde en arrière aujourd'hui, je ne vois qu'une enfant. Même si, à l'époque, je sais que le visage souriant qui me regarde a seulement l'expérience - et l'innocence - d'une enfant. Nous prénommons notre fils Jean-Pierre et nous considérons comme comblés."

FIN DU XIV
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 3 EmptyDim 9 Juil - 17:26

"XV

1740

La chèvre de barbarie

Emile est le deuxième à se marier, avec une bourgeoise aux anglaises blondes, au teint de porcelaine et yeux azur, et un père si riche qu'il possède deux châteaux dans la Loire, une grande partie de la vallée du Lot et tant de vignobles dans le Bordelais que sa production se compte en milliers de bouteilles. Le mariage est célébré à l'église Saint-Séverin de Paris, non loin de la Sorbonne et de la Seine. Quel que soit le chemin par lequel on entre dans Paris, on est aussitôt frappé par l'atmosphère sordide de la ville. La rue Saint-Jacques est remplie d'immondices, l'église est froide, et la fiancée d'Emile, si gracile qu'elle à l'air en sucre.
L'église Saint-Séverin est l'archidiaconé du diocèse de Paris, et sa chaire de marbre, un cadeau de la duchesse de Montpensier. Emile me relate ces deux faits sans me préciser en quoi ils sont importants. Nous nous tenons devant l'autel, Emile et moi, tremblants de froid, tandis que sa fiancée en sucre vient à côté de lui. Je me recule pour lui céder la place. Charles et Jérôme occupent le premier rang. La mère d'Emile a insisté pour leur donner sa place et celle de son mari, sans doute sans même consulter ce dernier. Je suis surpris de voir Charles, et le visage d'Emile se crispe quand je lui transmets les excuses de Virginie. C'est la seconde année de notre mariage, et elle vient de perdre notre deuxième enfant. Heureusement, Jean-Pierre s'épanouit, et elle est restée avec lui au château d'Aumout.
- Comment va ma soeur Question murmure Charles.
Il devrait se concentrer sur la célébration du mariage. Jérôme est absorbé par la cérémonie, quoique je le soupçonne d'être avant tout intéressé par la jeune future mariée sous ses yeux. Sa robe cintrée à la taille déverse une cascade de plis derrière elle. La jupe est droite sur le devant, mais ce n'est pas ce qui intéresse notre ami Jérôme.
- Plutôt bien, étant donné les circonstances.
- Mais pas assez pour voyager Question
- Elle est faible et éplorée. Nous avons eu de la chance.
Je me demande si je dois raconter cela à son frère. Elle a perdu le bébé plusieurs mois avant le terme. Si cela s'était produit un mois ou deux plus tôt, nous n'aurions même jamais su qu'elle était enceinte.
- Enfin, peut-être pas tant que cela.
- Ahhh...
Charles observe Emile, debout à côté de Thérèse, et hoche la tête. Il comprend que la décision de sa soeur ne tient pas seulement à la fatigue. Elle n'a pas encore pardonné à Emile son pari et détestera sa jeune épousée, j'en suis persuadé.
- En blanc, grommelle Charles."

JE REVIENS... Wink

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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 3 EmptyDim 9 Juil - 18:23

"Le mépris perce dans sa voix. Virginie s'est mariée dans une robe de soie verte piquetée de roses, avec une traîne toute simple. La robe de Thérèse est blanche et dépourvue de traîne. Si elle en avait eu une, Jérôme aurait trouvé moins d'intérêt à la scène.
- Un peu de discrétion, dis-je à Jérôme, qui tourne vers moi un visage radieux.
Avec ce regard brillant que les filles trouvent si irrésistible.
- Je suis sérieux, dis-je.
- On peut toujours rêver...
- Rêve plutôt cela...
Il suit mon regard et sourit à l'un des cousines de la jeune mariée, assise sur un banc de l'aile, qui rougit aussitôt et détourne les yeux. Pendant le reste de la cérémonie, tous deux se jettent des regards furtifs, dès que l'autre a le dos tourné. Le soir venu, au dîner, leurs deux chaises restent vides, et personne ne sait où ils se cachent. Quatre mois plus tard, Jérôme épouse la jeune femme brune et mince dans une église du Mont-Saint-Michel. La taille d'Eugénie s'épaissit déjà, et Jérôme est convaincu qu'elle aura un garçon.
Sa grossesse est un secret, me dit-il. Il l'annonce aussi à Charles, qui me le répète et se fâche quand il comprend que j'étais au courant avant lui. Emile le sait déjà par le biais de son épouse, le frère d'Eugénie ayant marié l'une des cousines de Thérèse.
Eugénie appartient à une vieille famille, Jérôme tient beaucoup à me le dire, noblesse d'épée et noblesse de robe. Et il est fou d'elle. Charles et moi doutons que son inclination empêche ses yeux et ses mains de vagabonder, en particulier quand le ventre d'Eugénie s'arrondit. Mais elle le regarde avec une telle tendresse que nous pensons qu'elle est du genre à pardonner.
L'abbaye du Mont-Saint-Michel se dresse sur un promontoire rocheux, que l'on peut atteindre à marée basse par une voie pavée. Les murs de pierre qui entourent la base de l'île en font une forteresse. Autrefois, elle a résisté à un siège anglais et était riche et célèbre à une époque. Depuis, presque toutes ses richesses ont été dilapidées, et seule subsiste une poignée de moines, qui errent dans la cathédrale comme des fantômes. La famille de Jérôme patronne de l'abbaye depuis des siècles, et, quand le père de Jérôme est mort au printemps, notre ami a hérité du titre que son frère aîné aurait dû recevoir s'il n'avait été tué durant le siège de Prague l'hiver précédent.
Jérôme est à présent le comte de Caussard et le meilleur espoir du Mont-Saint-Michel de renflouer ses caisses, de reconstruire le toit de l'abbaye et de voir brûler des cierges devant l'autel. Une chaire a été empruntée à la cathédrale de Rennes et acheminée par bateau. L'évêque de la région vient y officier. Nous assistons à la cérémonie, partageons un festin et dormons sur l'île.
- les traditions, dit Jérôme.
- Certaines sont si anciennes que personne ne s'en souvient, marmonne Charles.
Jérôme se renfrogne, mais Eugénie se précipite aussitôt vers lui pour savoir ce qui ne va pas.
- Nous le taquinons, dis-je.
Elle semble effrayée que Jérôme sourit et retrouve sa bonne humeur. Et sa complicité avec nous. Puis il se laisse entraîner de l'autre côté de la pièce par Eugénie pour perler à l'abbé. Le seul moment délicat est la rencontre de Virgine et Emile, l'accueil de Virginie étant si glacial qu'Emile a les joues en feu.
- Pourquoi moi Question me demande-t-il peu après.
- C'est toi qui as lancé ce pari.
- Et vous l'avez tous relevé Exclamation
- Pas moi. Et pas Charles, bien sûr.
Emile fait la grimace, mais, en voyant mon regard fixé sur lui, il détourne les yeux et comprend que Virginie l'observe, ce qui le contrarie encore plus.
- Jérôme l'a relevé.
- Jérôme ne changera jamais."

PAUSE REPAS. ...
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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 3 EmptyMer 12 Juil - 10:03

"C'était idiot de ma part de répondre cela. Je devrais être en colère contre Jérôme. En réalité, j'aurais dû être furieux au moment du pari, ressentir la colère d'un jeune homme qui pense que personne ne doit toucher, ni avoir l'idée de toucher la femme qu'il aime.
Mais Jérôme ne changera jamais. Même aujourd'hui, le jour de son propre mariage, il remarque les femmes qui l'entourent. Pas avec concupiscence, mais avec ravissement, comme un lion se prélasse dans la savane, convaincu d'avoir à portée de lui un nouveau repas.
Je suis Emile de l'autre côté de la pièce.
- Présente-lui tes excuses. Ce n'est pas si difficile. Dis-lui que tu étais jeune. Et stupide. Tu es désolé et tu espères qu'elle laissera le passé là où il est. Nous faisons tous des erreurs...
Au lieu de se montrer compréhensif, il me répond sèchement :
- As-tu fais la même suggestion à Jérôme Question
- Il n'a pas lancé ce stupide pari.
Le visage d'Emile se fige.
- Non. Il l'a seulement relevé. Apparemment, cela fait toute la différence. Bien entendu, tu ne peux pas espérer qu'un homme comme moi puisse le comprendre.
Cette fois, il s'éloigne et je ne cherche pas à le retenir. Je le vois rejoindre Thérèse. Elle observe par ne fenêtre l'océan qui s'assombrit. Sa robe est légèrement plus étoffée et plus tapageuse que celles des autres convives. Le mariage a fait d'Emile un homme riche. Un beau jour, au décès de son beau-père, il sera encore plus riche.
- Tu as bien fait de le laisser partir...
Charles me met un verre dans la main. J'en bois une gorgée et suis surpris par son goût, ce qui fait rire mon ami.
- Brandy à la pomme. Plus fin que le meilleur cognac.
Sa voix imite parfaitement Jérôme.
- Pour accompagner le plus somptueuse des fêtes."

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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 3 EmptyMer 12 Juil - 10:56

"Au vu du repas servi par Jérôme à ses invités, on croirait être cent cinquante ans en arrière. Peut-être est-ce la cas en Normandie Question Louis XIV aurait été consterné, alors qu'Henri IV aurait reconnu tous les plats. Je suis surpris que Jérôme nous laisse utiliser des fourchettes et ne nous oblige pas à manger avec nos couteaux et nos morceaux de pain imbibé de jus de viande. Le manque de finesse de la nourriture est compensé par la quantité. Un boeuf entier rôti au feux de bois est apporté, toujours sur sa broche, sur une charrette fabriquée spécialement pour l'occasion. Sont servis ensuite des sangliers entiers, un cerf, d'innombrables brochets dans de long plats en argile et des hérons sur des plateaux de bois. C'est un festin à l'ancienne, sans aucun goût et très mal cuisiné. C'est la première fois depuis mon départ de l'académie que je mange aussi mal.
- Tu verrais ta tête, plaisante Charles.
- Ne l'encourage pas, intervient Virginie.
- Le pain est bon, dis-je.
Elle me regarde.
- C'est tout ce que tu as à dire Question Le pain est bon Question
- Frais, avec de la bonne levure et pas trop de sel. Ainsi qu'un arrière-goût d'hile, comme l'écho d'une note de musique.
Virginie soupire et Charles sourit.
- Vous allez si bien ensemble.
Nous regardons Charles sortir discrètement par une porte qui donne sur la cour.
Peut-être se rend-il dans les latrines ou bien a-t-il besoin de prendre l'air.
- Ce sera bientôt son tour, dis-je.
- Son tour Question
- Je suis marié, Emile est marié, et maintenant Jérôme. C'est le tour de Charles, non Question
- Quand mon père sera mort...
Elle paraît pensive, comme sur le point d'ajouter un commentaire. Nous sommes mariés depuis deux ans, presque trois. Nous nous entendons à merveille au lit et apprécions la compagnie l'un de l'autre. Nous sommes assez heureux ensemble pour laisser à l'autre des moments de solitude. Je soupçonne Virginie d'être de nouveau enceinte, mais elle doit encore me l'annoncer, et, après sa dernière fausse couche, je préfère attendre plutôt que de poser la question.
- Charles est difficile à déchiffrer.
- Je le connais mieux que personne, dis-je, blessé.
- Mieux que moi Question
- Mieux que personne après toi.
- Eh bien, je ne le connais pas du tout.
Virginie hausse les épaules.
- Je doute parfois qu'il se connaisse lui-même. Mon frère ne fera pas un bon mari. Et il ne fera son choix qu'après la mort de mon père. Ce sera leur dernière bataille. Le premier souhait de mon père que Charles n'exaucera pas."

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MessageSujet: LE DERNIER BANQUET   LE DERNIER BANQUET - Page 3 EmptyMer 12 Juil - 13:00

"- Ton père a quelqu'un en tête Question
Une lueur d'amusement traverse son regard.
- Bien sûr qu'ila quelqu'un en tête. Il avait probablement choisi l'épouse parfaite avant même la naissance de Charles. La revanche de mon frère est son refus de se marier tant que mon père sera en vie.
- Une revanche sur quoi Question
Elle hausse les épaules comme si ma question était sans intérêt, à moins qu'elle ne considère la réponse comme évidente et croie que je l'ai devinée. Elle est enceinte de trois mois et souhaite retourner au château d'Aumout plus lentement qu'à l'aller, car le voyage la rend malade et elle craint pour l'enfant.
Cette nuit-là, nous faisons l'amour tendrement, comme le médecin lui en a fait la suggestion durant sa grossesse précédente, après qu'elle a écarté l'idée que je prenne une maîtresse et la laisse tranquille jusqu'à la naissance. Cela ne fait aucune différence; Nous perdons le bébé à cinq mois, comme la fois d'avant. Nous perdons le suivant à six mois, et je commence à me demander si Jean-Pierre ne sera pas notre seul enfant. Le médecin insiste pour dire que le corps de Virginie a besoin de repos, et, cette fois, nous le prenons au mot. Dans l'intimité de mon cabinet, le médecin ouvre sa sacoche et en sort un morceau de cuir, qu'il laisse sur le bureau devant moi.
- C'est l'un des mieux faits.
Prenant son cadeau, je le déroule et examine le ruban en bas et la couture grossière en haut. Mon visage reflète sûrement mes pensées, comme souvent, ce qui m'a valu bien des déconvenues à l'école et continue de le faire.
- Je peux vous assurer qu'il n'en existe pas de meilleure qualité.
Je le remercie de sa gentillesse, lui assure que mon comptable lui paiera promptement ses gages et le raccompagne à la porte. Il s'incline, puis se retire. L'homme trouvera son chemin seul. Il est venu ici assez souvent. Le soir même, à la fin du dîner, je dis à Virginie que je vais passer une semaine à Paris et lui demande si elle veut que je lui rapporte quelques chose. Elle réagit comme si je lui avais annoncé que je partais pour toujours. Elle repousse sa chaise et court se réfugier dans notre chambre, où ses sanglots s'entendent de l'autre côté de la porte.
- Virginie, ouvre la porte.
- Pas question. Tu ne peux pas m'y obliger.
Je pense à enfoncer la porte d'un coup d'épaule, puis décide que le bois est trop épais, et les charnières, trop solides pour que je réussisse à entrer sans blesser mon corps et ma fierté. Il serait absurde de mander un domestique avec un marteau et je me sens honteux de penser à cette éventualité.
- Virginie, s'il te plaît, laisse-moi entrer.
Un silence épais s'installe quand j'entends la clé tourner dans la serrure. Elle entrebâille la porte.
- Je te déteste Exclamation
- Dis-moi au moins pourquoi.
- Tu sais pourquoi.
- Tu veux venir à Paris avec moi Question
- Et t'aider à trouver une putain Question Marseille doit en être remplie. Pourquoi dois-tu aller à Paris Question Jérôme et mon frère t'ont confié leurs sales petits secrets, n'est-ce pas Question T'ont-ils dit où trouver les meilleurs bordels et maisons de jeux Question
- C'est stupide...
- Ne t'avise pas de m'insulter.
Elle bourre mon torse de coups de poing, mais me laisse l'approcher, et, après une faible résistance, finit par s'abandonner contre moi. Sa bouche et son visage se muent en un masque hideux pendant qu'elle pleure son mon torse. Comme tous ses moments d'humeur, la tempête est violente, mais brève. Le visage qu'elle lève sur moi est brillant de larmes mais apaisé.
- Si tu le dois vraiment.
- Si je dois vraiment quoi Question
C'est mon obstination qui la convainc que je n'ai aucune idée du motif de son courroux. Si ce n'est qu'au moment où elle lève son visage rasséréné vers moi pour m'embrasser doucement les lèvres, je sais ce qui la préoccupe. Le Dr Albert a, semble-t-il, informé Virginie qu'elle ne doit plus porter d'enfants.
Malheureusement, la réaction de mon épouse à la suggestion qu'une maîtresse pourrait la décharger de ce fardeau a dissuadé le médecin de lui dire comment parvenir à ce but tout en continuant à partage le lit de son mari. Elle a supposé que j'allais prendre mon plaisir ailleurs. Je lui demande :
- Que suis-je donc censé faire Question
La poussant sur le lit, je soulève ses jupons, glisse la main de Virginie entre ses cuisses et insère son doigt en elle.
- Je crois que ceci est efficace.
Virginie me rappe de sa main libre, puis m'agrippe pour m'attirer vers elle et m'embrasser.
Elle ferme les yeux pour ne pas me voir la regarder et finit par mordre mon épaule pour étouffer ses cris. Quand elle en a terminé et qu'elle a recouvré son souffle, elle ouvre les yeux et me frappe de nouveau à cause de mon sourire. Puis elle m'autorise à prendre son doigt et le sucer. Elle a un goût de sel et de larmes, et je peux dire ce qu'elle a mangé ces deux derniers jours.
- Et toi Question demande-t-elle.
Je la fais rouler sur le ventre et la chevauche avec ardeur. Lorsque j'ai terminé, je me recroqueville sur elle et passe un bras sous son corps pour prendre en coupe l'un de ses magnifiques seins.
- Je t'aime, dit-elle. Je t'aimerai toujours."

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