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Détente - amitié - rencontre entre nous - un peu de couleurs pour éclaircir le quotidien parfois un peu gris...
 
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 Clovis et Clotilde

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MARCO
Martine
epistophélès
Jean2
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epistophélès

epistophélès


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Clovis et Clotilde  - Page 3 Empty
MessageSujet: Clovis et Clotilde   Clovis et Clotilde  - Page 3 EmptyMar 15 Fév - 20:25

Pendant ce temps, au Louvre, que se passait-il entre Blanche et Thibaut .

Bien malin, en vérité, qui aurait pu le dire sans se tromper, car si la reine se montrait toujours extrêmement gentille avec son trouvère, rien de prouvait que leurs relations fussent aussi intimes que Hues de la Ferté voulait le laisser entendre.
Elle se montrait avec en tout lieu ; mais le jeune roi les accompagnait généralement. Elle lui souriait tendrement, mais personne ne les avait jamais vus se tenir par la main. Elle restait de longues heures en tête à tête avec lui, mais pas une demoiselle de la suite ne les avait tout de même surpris au lit...


Une seule chose était certaine. Les chansons que composait Thibaut n'étaient plus tristes ; au contraire.
Et l'une d'elles semblait même donner raison à ceux qui clignaient de l'oeil. La voici :

Alors je me mis à lui demander
Tout doucement
Qu'elle daignât me regarder
Et me faire autre visage.
Elle commence à pleurer
Et dit à l'instant :
Je ne puis vous écouter,
Ne sais ce qu'allez chantant.
Près d'elle m'approche et dis :
Hé belle, pour Dieu, pitié,
Elle rit, et répondit :
N'en dites rien à personne
.


Ce :"N'en dites rien à personne" en dit long; mais constitue-t-il une preuve ? Non. C'est pouquoi, depuis sept cents ans, les amours de Blanche et de Thibaut font l'objet de contreverses passionnées.
De nombreux historiens se portent garants de la vertu de Blanche avec une fougue qui pourrait laisser croire qu'il s'agit de leur propre fille.
D'autre soutiennent, sans apporter plus de preuves, mais aussi furieusement, que la reine Blanche n'était qu'une vicieuse et qu'une hypocrite.

Devant tant de partialité, on nous permettra de nous anger à l'avis du grave Paulin Paris, qui écrit dans son Romancero François :
"Je chercherai donc ici la vérité historique dans toute sa libre nudité ; persistant à voir dans Blanche de Castille une princesse dont la sagesse et l'habilité ne peuvent être sérieusement contestées, mais que les plus admirables qualités n'ont peut-être pas entièrement exemptée des faiblesses de son sexe.


Cet historien, que l'on ne peut vraiment suspecter de légèreté, ajoute d'ailleurs, quelques pages plus loin :
"Après tout, notre grande reine eût-elle été si coupable, quand même elle n'eût pas désespéré l'amant qui, tant de fois, lui avait sacrifié ses plus chers intérêts ? N'était-elle pas maîtresse d'elle-même après la mort de son mari qu'elle avait aimé, qu'elle avait tant regretté ? Et puis la France eût-elle à se plaindre de voir, par cette passion, ses intérêts abandonnés ou négligés ?".

Certes non ! Et ce dernier point devrait bien mettre tout le monde d'accord.


Le 11 juillet 1230, un fait vint troubler de façon paradoxale les amours de la reine : Thibaut perdit sa femme.
Bien qu'il n'ait jamais ressenti pour elle une grande passion, il en eut quelque chagrin et s'en fut à Provins pour organiser les funérailles. Le lendemain de la cérémonie, il reçut une visite inattendue : Pierre Mauclerc, comte de Bretagne, qui voulait à toute force et par tous les moyens le rallier au parti des barons, venait lui proposer la fille Yolande.

Thibaut, malgré son amour pour la reine, fut ébloui. Il savait que Yolande était une belle adolescente aux cheveux blond cendré, gracieuse de visage et agréable de formes. Il se souvenait que tous les barons, lorsqu'ils parlaient d'elle, avaient des flammes dans le regard. Et il se laissa convaincre sans trop de difficultés.

- Ma fille est à l'abbaye de Val Secret, près de Château-Thierry, dit Mauclerc, elle vous attend.

Et il s'en alla, ravi du bon tour qu'il venait de jouer à la reine.
Le lendemain, à l'aube, Thibaut, en grand équipage, prenait la route de Château-Thierry. Le soir, il fut rejoint par un envoyé de Blanche, qui lui remit la lettre suivante :


Sire comte Thibaut, ai entendu que vous avez convenancé et promis au comte Pierre de Bretagne de prendre à femme sa fille. Partant, vous mande que si vous aimez le royaume de France, ne le fassiez point. Car vous savez que le comte de Bretagne a pis fait au roi que nul homme qui vive.


La reine, qui pourtant devait souffrir de la trahison de son ami, ne laissait pas échapper aucune plainte, ne montrait aucune amertume. Cette discrétion toucha Thibaut. Les larmes aux yeux, il déclara au messager qu'il serait le lendemain au Louvre.
Puis il envoya, sans plus attendre, une lettre à Mauclerc pour lui annoncer qu'il refusait la main de Yolande.
La reine avait gagné la partie.



Tandis que Thibaut se faisait pardonner par Blanche, le comte de Bretagne, furieux de l'affront qu'il avait reçau au Val Secret, décidait de se venger. Quelques semaines plus tard, tous les grands vassaux amis de Mauclerc pénétraient en Champagne et ravageaient les domaines de Thibaut.

Blanche de Castille n'avait pas de rancune. Elle envoya immédiatement les armées royales au secours de son cher trouvère, ce qui permit à celui-ci de conclure une paix honorable.


Pendant cette guerre, qui dura assez longtemps, des gens malveillants firent courir le bruit que la reine était la maîtresse du légat du pape, le cardinal Frangipani.
Blanche commença par hausser les épaules.
Mais quand les rumeurs devinrent plus précises, elle s'alarma. Son respect pour la religion était si grand qu'elle ne pouvait supporter des accusations aussi odieuses. Et le jour où elle apprit qu'on allait jusqu'à affirmer qu'elle était enceinte du cardinal, elle se résigna à paraître devant une sorte de jury, vêtue d'une simple chemise.
Hélas ! d'autres accusations plus terribles allaient bientôt l'atteindre
.

Les étudiants n'étaient pas les derniers, on le pense bien, à conter des anecdotes grivoises sur les "amours" de la reine et du cardinal. Celui-ci eut même, un jour, entre les mais, quelques couplets fort orduriers que les écoliers chantaient en choeur, le soir, quand ils avaient bu, et il en conçut une violente fureur.

- Madame, dit-il à la reine, les garçons qui fréquentent l'Université s'efforcent, en des chansons malhonnêtes, de ternir votre honneur. Je ne puis le supporter, d'autant que je suis mis en cause. Il faut prendre des mesures sévères...

Blanche connaissait toutes les calomnies qui couraient sur son compte.

- Il serait malhabile, dit-elle, de donner à penser que ces chansons ignobles nous atteignent. Attendons un prétexte pour sévir.

Elle savait qu'avec les étudiants (qui se livraient à tous les excès, enlevaient les femmes, tuaient et volaient les bourgeois) l'occasion ne pouvait manquer de se présenter rapidement.


Or, à quelque temps de là, un incident fâcheux se produisit dans le quartier des écoles. Un étudiant, ayant essayé, à la suite d'un pari, de violer sur une table la fille d'un tavernier, reçut un coup de couteau qui lui troua la poitrine. Aussitôt, ses camarades voulurent le venger et bondirent sur le tavernier qui appela à l'aide.

Tous les marchands du voisinage accoururent à son secours, armés de bâtons, de dagues et d'épées. Ce fut une mêlée horrible. On se roua de coups pendant plusieurs heures et les écoliers durent battre en retraite, laissant sur le pavé trois cent vingt des leurs, tués par les marchands.

Ceux-ci furent, d'ailleurs, subitement pris de panique à la vue des corps sanglants qui jonchaient la chaussée, et, traînant par les pieds les "pauvres escholiés occis", ils allèrentles jeter dans la Seine.


Pourtant, le lendemain, les hommes du guet furent fortement intrigués par le désordre qui régnait dans la rue du tavernier. Au milieu de flaques de sang, on trouvait des débris de cercelles, des paquets de cheveux et, par-ci par-là, un cadavre. Finauds, ils en déduisirent qu'il s'était passé quelque chose, et ils interrogèrent les bourgeois.

Ceux-ci répondirent en choeur :

- Ce sont les écoliers de Paris qui violaient nos filles, qui abusaient de nos femmes et qui nous volaient, le soir, quand nous passions près d'eux. Hier, ils nous ont provoqués, alors, nous les avons tués.

Pendant que les hommes guet, perplexes, faisaient leur rapport, les maîtres de l'Université se rendaient auprès de la Reine Blanche pour lui demander justice d'une pareille hécatombe de clercs.


- Il faut bien que jeunesse se passe, dirent-ils.
Ce n'est pas parce qu'un jeune homme un peu fougueux a voulu prouver sa virilité à une jeune fille que les marchands doivent tuer trois cent vingt de nos élèves.
Sinon, mieux vaut fermer tout de suite l'Université.

Blanche, poussée par le cardinal Frangipani, déclara sèchement qu'elle donnait raison aux bourgeois contre les étudiants. Alors, les maîtres de l'Université décidèrent de quitter Paris.
Certains s'installèrent à Angers, à Orléans, à Toulouse, d'autres allèrent même jusqu'en Angleterre où Henri III les reçut avec l'empressement qu'on devine.


Les étudiants suivirent naturellement leurs maîtres ; mais avant d'abandonner la capitale, ils firent circuler des deux vers latins qui mirent le comble à la fureur du légat :

Heu morimur strati, vincti, mersi, spolliati
Mentula legati nos facit ista pati


Ce qui veut dire : "Hélas, nous mourons, on nous abat, on nous enchaîne, on nous noie, on nous dépouille. C'est la lubricité du légat qui nous vaut tous ces maux !"

Le départ des étudiants fit un grand vide dans Paris.
Bien des gens les regrettèrent - en particulier les demoiselles oppressées par leur vertu et les femmes de bourgeois qui s'ennuyaient auprès de leurs maris.
On en vit à accuser la reine de s'être montrée injuste envers les turbulents garçons, et le légat fut encore une fois l'objet de chansons cruelles.


Puis le peuple se lassa de parler des prétendues nuits chaudes de la reine et de son favori. Certains chansonniers essayèrent alors de reprendre les attaques contre Thibaut ; mais le trouvère était dans son château de Troyes, où il se préparait à partir en croisade, et leurs nouvelles calomnies firent long feu.
Alors, des gens, qui ne manquaient ni de méchanceté ni d'imagination, accusèrent le roi Louis IX, âgé de dix-neuf ans, d'avoir des maîtresses et "de s'abandonner avec elles aux plaisirs les plus criminels"

Naturellement, quelques personnes se disant bien renseignées donnèrent des "détails". Le scandale fut énorme. Tout Paris ne parla que des orgies du roi.


- C'est le mauvais exemple de la reine, disaient les commères.

D'ailleurs, le bruit courut bientôt que Blanche approuvait ces désordres, et même qu'elle en était l'instigatrice...

"Ces bruits étaient si publics, nous dit Dom Charles Bevy, qu'un religieux en fit de vives réprimandes à la reine, qui lui répondit, avec la douceur dont l'innocence est toujours accompagnée, que, bien loin d'approuver ces désordres, elle aimerait mieux voir mourir son fils, malgré toute la tendresse qu'elle avait pour lui, que de le voir encourir la disgrâce de son Créateur par un seul péché mortel."

Cependant, Blanche était fort ennuyée. Et, pour soustraire le jeune roi à des calomnies aussi ignobles, elle résolut de le marier.


Aussitôt, elle envoya des religieux à la recherche de princesses nubiles qui devaient remplir deux conditions : être vertueuses et n'être point trop jolies.
Blanche, en effet, désirait que le jeune roi ne s'attachât pas excessivement à sa fuure épouse et q'uil ne tombât pas, à cause d'un minois trop gentil, dans les pièges de l'amour sensuel, c'est-à-dire dans le péché...

Et puis, la reine craignait qu'une jolie femme ne prît sur le roi trop d'ascendant. .. Or elle voulait continuer à régner sur le coeur et l'esprit de son fils comme par le passé.


Marguerite, fille aînée de Raymond Béranger, comte de Provence, âgée de quatorze ans, répondait exactement - d'après le religieux qui l'avait vue - aux désirs de la reine. Blanche envoyé à Aix-en-Provence l'évêque de Sens avec mission de demander la main de Marguerite.
Celle-ci lui ayant été accordée, il emmena immédiatment la princesse et fit prévenir la reine qu'il arrivait.

Blanche annonça alors à Louis IX qu'il avait une fiancée et qu'ils allaient partir au-devant de cette jeune personne.

- Comment est-elle ? demanda-t-il

- Comme doit être une épouse, déclara Blanche : dévote et effacée.


Il serait faux de dire que la perspective de vivre avec une telle femme mit l'eau à la bouche du jeune roi.
Aussi garda-t-il un air plutôt bougon pendant tout le voyage.
La rencontre eut lieu à Sens.


En voyant Marguerite, la reine fronça les sourcils et pensa que le religieux qu'elle avait envoyé en Provence n'avait pas une grande connaissance des femmes.
En effet, la jeune princesse était ravissante.

Si ravissante même que Louis IX, en toute innocence, la considérait avec un plaisir évident. La reine s'en aperçut et, furieuse, lança à son fils un regard qui lui fit prendre un air indifférent.

Ainsi, Blanche n'avait pas encore parlé à sa future belle-fille que, déjà, elle la haïssait..


Le mariage eut lieu le lendemain, 12 mai 1234 à Sens.

Pendant toute la journée, la reine montra une très mauvaise humeur, ce qui attrista les invités et assombrit la fête. Le repas fut lugubre. Les trouvères, par ordre, ne chantèrent que des refrains fort convenables, et l'après-midi fut consacré à des jeux d'esprit qui ennuyèrent tout le monde.
Enfin, le soir tomba à la satisfaction générale et vers neuf heures, alors que les seigneurs les mieux élevés bâillaient à s'en décrocher la mâchoire, Marguerite de Provence fut conduite en grande pompe jusqu'à sa chambre. Avec une impatience mal dissimulée, elle se coucha et attendit son époux...


Comme deux heures après, il n'était pas encore là, elle envoya une dame de sa suite voir ce qu'il faisait.
La dame revint, effarée :

- Le roi est à la chapelle, en prière.

A l'aube, Louis n'étant pas venu, Marguerite s'endormit en pleurant.

Le lendemain soir, nouvelle attente vaine. Le roi priait toujours. Cette fois, Marguerite griffa son oreiller et déchira un drap.
Le surlendemain, elle eut une véritable crise de nerfs lorsque sa suivant lui anonça que Louis était encore dans la chapelle à minuit...

Enfin, le quatrième soir, Louis reçut de Blanche l'autorisation d'aller replir ses devoirs d'époux.

- Allez ! dit-elle d'un ton aigre, et songez à votre descendance !

Puis elle se plaça dans le couloir et attendit en faisant les cent pas.

Quand les choses lui semblèrent terminées, elle entra dans la chambre nuptiale :

- En voilà assez pour ce soir ! dit-elle. Mainteant, Louis, relevez-vous !

Et, sans un mot pour Marguerite, elle ordonna au roi d'aller finir la nuit, tout seul, dans une pièce voisine
...
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MAINGANTEE

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MessageSujet: Re: Clovis et Clotilde    Clovis et Clotilde  - Page 3 EmptyVen 18 Fév - 10:08

Ouuuuuhhh pas commode la belle doche !
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epistophélès

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MessageSujet: Clovis et Clotilde   Clovis et Clotilde  - Page 3 EmptyVen 18 Fév - 15:45

LOUIS IX DEVAIT SE CACHER DANS L'ESCALIER POUR AIMER MARGUERITE DE PROVENCE



Les duretés que la reine Blanche fit à la reine Marguerite furent telles que la reine Blanche ne voulait pas souffrir, autant qu'elle le pouvait, que son fils fût en la compagnie de sa femme, si ce n'est le soir quand il allait coucher avec elle. - JOINVILLE -



Rentrés à Paris, Louis et Marguerite vécurent sous la surveillance constante de Blanche. Or la reine mère était à ce point jalouse du coeur de son fils qu'elle ne pouvait supporter de voir les jeunes époux deviser ensemble, et ceux-ci devaient faire des prodiges pour parvenir à se rencontrer dans le palais du Louvre. Ils se cachaient entre deux portes, grimpaient dans les combles ou se glissaient dans les passages étroits qui menaient sous le manteau des hautes cheminées.
Mais la reine mère, sans cesse à leurs trousses, finissait toujours par les découvrir. Son regard noir devenait alors terrible et, d'un ton sévère, elle réprimandait le roi de France :

- Que faites-vous ici, disait-elle, vous employez mal votre temps. Sortez !

Et, sans même adresser un mot à la pauvre Marguerite qui tremblait comme une coupable, elle prenait Louis par le bras et le menait vers des occupations plus sérieuses à son gré.


- Vous ne devez voir votre femme que le soir, dans votre appartement, affirmait Blanche, lorsqu'elle était seule avec son fils. Tout autre genre de tête-tête conduit fatalement à des attouchements interdits, donc au péché...

Le jeune roi, accoutumé à se plier aux volontés de sa mère, ne songeait même pas à protester. Mais, comme il aimait Marguerite, et qu'il se plaisait en sa compagnie, il continua à ne pouvoir attendre le soir pour lui parler et la serrer dans ses bras.
Alors, il se fit suivre constamment d'un petit chien qu'il avait dressé et qui grognait quand la reine mère arrivait. Ainsi prévenu, Louis IX avait le temps de se séparer prestement de Marguerite qui s'enfuyait dans une autre pièce.


Malgré ces ruses et ces précautions, la vie au Louvre fut bientôt intenable pour les jeunes époux, et le roi décida de trouver une résidence plus adaptée à ses besoins conjugaux. Après quelques recherches, il s'aperçut que son hôtel de Pontoise faisait adminrablement l'affaire. En effet, dans cette maison, sa chambre était située au-dessus de celle de Marguerite, et toutes deux communiquaient par un escalier en vis où il pouvait enfin rencontrer sa femme en toute liberté et lui prouver sa tendresse à n'importe quel moment.

L'endroit, certes, était inconfortable, mais du moins Louis et Marguerite étaient-ils sûrs d'être tranquilles.


D'autant plus que des gardes, habilement placés, étaient chargés de leur signaler l'approche de la reine Blanche qui passait son temps à rôder dans les couloirs.
Voici d'ailleurs ce que nous conte le sire de Joinville à ce sujet :
"Quand les huissiers voyaient venir la reine en la chambre de son fils, ils battaient les portes de leurs verges, et le roi s'en venait courant en sa chambre pour que sa mère l'y trouvât. Et ainsi refaisaient les huissiers de la chambre de la reine Marguerite quand la reine Blanche y venait pour qu'elle y trouvât la reine Marguerite."
.

Blanche de Castille était naturellement bien loin de se douter d'une pareille organisation. Ne trouvant plus Louis caché dans les coins sombres en compagnie de sa bru, elle en conclut que l'ardeur impure des jeunes époux s'était calmée. Et cela lui fit grand plaisir ; car elle craignait que Marguerite de Provence, qui avait été élevée dans une cour "où le plaisir était roi", ne pervertisse son cher fils.
Cette jeune princesse était venue, en effet, avec toute une suite de troubadours galants et de demoiselles aux yeux trop chauds pour être honnêtes, qui déconcertaient par leurs verts propos les habitués du Louvre.
De tels gens, toujours occupés à des jeux frivoles, risquaient non seulement de jeter le trouble au palais, mais encore de donner un exemple funeste au peuple de la capitale. Cette pensée faisait trembler la reine Blanche
.

Or les troubadours ne se contentaient pas de s'amuser à la Cour ; ils traînaient dans Paris à la recherche d'aventures singulières. On les trouvait dans tous les mauvais lieux, et la reine en était fâchée. Aussi, malgré sa grande piété, ne put-elle s'empêcher d'être fort satisfaite en apprenant que le cadavre d'un de ces ménestrels - nommé Catelan - avait été découvert un matin au milieu de la forêt de Rouvray (l'actuel bois de Boulogne), dans un pré auquel on a d'ailleurs donné son nom...
Car ce meurtre d'un débauché en un lieu où - déjà - on se conduisait mal prouvait à Blanche qu'il existait une justice immanente.


La famille royale ne pouvait rester toujours à Pontoise. Lorqu'elle revint à Paris, Blanche de Castille, qui était parvenue à faire régner la paix dans le royaume et qui avait par conséquent quelques loisirs, recommença à patrouiller dans les couloirs. Naturellement, elle finit par découvrir, un jour, son fils et sa belle-fille enlacés derrière une tenture... Elle en eut un tel saisissement qu'on put croire un moment qu'elle allait défaillir. Pourtant, elle parvint à reprendre ses esprits et à dire à Louis IX ce qu'elle pensait de sa conduite. Les termes qu'elle employa furent vifs. Sous la semonce, le roi et la reine, fort penauds, baissaient la tête comme des enfants coupables.
Enfin, quand elle fut à bout d'insultes, Blanche entraîna son fils dans sa chambre et lui fit un peu de morale. Elle lui expliqua que l'union de deux époux ne visait qu'à la procréation des enfants, et lui conseilla de ne remplir dorénavant son devoir conjugal qu'en récitant quelque prière....


On ne sait si Louis IX suivit cette curieuse suggestion ; en tout cas, personne ne le retrouva plus jamais dans les encoignures en train d'embrasser sa femme à la sauvette.
Blanche n'en continua pas moins à se montrer cruelle à l'égard de la malheureuse Marguerite, et six années passèrent ainsi.


Un jour, la reine annonça qu'elle attendait un héritier. Loin de s'en réjouir, Blanche prit un air pincé et chercha quelles tracasseries elle pourrait faire à cette bru qui se permettait de donner la plus grande des joies à son fils.
Le destin l'aida. La jeune femme étant tombée malade, la reine mère l'enferma dans une chambre et lui interdit toute visite. Un soir, bravant la défense maternelle, Louis IX vint au chevet de Marguerite. Il s'assit sur le lit, prit les mains de sa femme et commençait à lui parler doucement, lorsque soudain Blanche entra. Elle fut scandalisée et furieuse de voir que son fils lui avait désobéi :

- Venez-vous-en, lui dit-elle durement, vous n'avez rien à faire ici !
Et elle l'entraîna au-dehors.

Marguerite, dans son lit, se mit à sangloter :

- Hélas ! madame, vous ne me laissez donc voir mon seigneur ni morte, ni vive !

Puis elle se pâma et on eut le plus grand mal à la faire revenir à elle
.

L'attitude de Blanche en cette occasion fut fortement blâmée au Louvre, où son austérité commençait d'ailleurs à ennuyer tout le monde.

- Elle était moins prude avec Thibaut de Champagne, murmurait-on.
- Et moins hypocrite avec le Frangipani !
- Elle craint donc que notre jeune reine ensorcelle notre gentil roi ?
- Elle craint surtout, disaient les gens qui connaissaient bien Blanche, que la reine Marguerite ne prenne suffisamment d'autorité pour se mêler des affaires de l'Etat..


Et c'était vrai, Blanche redoutait par-dessus tout de se voir retirer le pouvoir. Car, si Louis IX était roi en titre, c'était toujours elle qui régnait. Au point que, sur certains actes officiles, le nom de Louis IX n'était même pas mentionné.
Blanche, qui se souvenait de sa jeunesse auprès de Louis VIII et de Philippe Auguste, était anxieuse. Elle craignait que Marguerite ne cherchât à jouer un rôle politique ou, tout au moins, ne poussât Louis IX à s'occuper seul des affaires de l'Etat.
Certains évènement allaient d'ailleurs justifier en partie les craintes de la reine mère
.
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epistophélès

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MessageSujet: Clovis et Clotilde   Clovis et Clotilde  - Page 3 EmptyVen 18 Fév - 20:39

Aliénor de Provence, une soeur de Marguerite, avait épousé le roi Henri III d'Angleterre. intelligente et ammbitieuse, elle avait sur son mari une influence considérable. Elle s'intéressait aux affaires du royaume, prenait des décisions importantes, conseillait les ministres.
Toutes les lettres qu'elle écrivait à Marguerite étaient pleines de ses explits. Emerveillée et quelque peu jalouse, la reine de France eut alors envie de jouer, elle aussi, un rôle politique.


Comme elle savait bien que Blanche s'opposerait toujours à ses désirs, elle résolut d'agir secrètement,et Hilaire Enjoubert nous dit qu' "elle reçut plusieurs fois, en grand secret, des ambasadeurs d'Angleterre et qu'elle se mêla - habilement du reste - à diverses intrigues".
Hélas ! Blanche de Castille ne tarda pas à en être informée, ce qui lui permit de triompher auprès de Louis IX :

- Mon fils, lui dit-elle, vous n'avez épousé qu'une ambitieuse qui rêve de vous supplanter dans le gouvernement du royaume. Voyez que j'avais raison de m'en méfier.

Le roi ne répondit rien. Placé entre sa mère et sa femme, il lui était difficile d'agir selon sa volonté. Après avoir promis à Blanche d'être sévère avec Marguerite, il se contenta de demander à celle-ci de se tenir tranquille à l'avenir et l'incident fut clos.


Mais Louis commençait à être fatigué de ces disputes continuelles, de cette guerre entre bru et belle-mère, et de cette atmosphère de haine qui empoisonnait le Louvre.

Parfois, il s'en ouvrait à Marguerite.

- Ah ! si l'on pouvait partir en croisade tous les deux, soupirait celle-ci, comme on serait heureux !

Partir en croisade ? Echapper au vacarme des discussions ? Aux scènes ? Aux criailleries ? A la surveillance constante ? Et pourquoi pas ?

Un jour, Louis IX s'enhardit jusqu'à en parler à Blanche de Castille.
Celle-ci sursauta :

- Vous n'y pensez pas, mon fils. Votre place n'est pas sur les chemins aventureux, mais au coeur de votre royaume.

Et comme le roi insistait, disant qu'il voulait aller délivrer le Saint-Tombeau et faire benoîtement un grand carnage d'Infidèles, elle lui cita l'exemple de Thibaut de Champagne qui avait organisé deux ans auparavant une croisade avec Philippe de Nanteuil, et dont on était sans nouvelles.

Louis IX, baissant la tête, regagna ses appartements.
Or, à quelque temps de là, un messager vint apporter au Louvre, une nouvelle qui réjouit tout le monde ; le comte Thibaut, fatigué mais sain et sauf, venait de rentrer en France.


La reine mère en eut des larmes dans les yeux. Il y avait bien longtemps que ses amours avec Thibaut étaient finies ; mais elle ne pouvait oublier les heures ardentes qu'il lui avait données.
Thibaut, maintenant, était marié avec la princesse Marguerite de Bourbon ; il allait rentrer à Provins, où sa femme l'attendait, et sans doute ne reviendrait-il jamais au Louvre ; pourtant, Blanche était heureuse de le savoir viant. Tandis qu'elle remerciait Dieu en pleurant doucement, Louis IX entra dans sa chambre.

Lui aussi était heureux du retour de Thibaut.

- Voyez, madame, dit-il à Blanche, le comte de Champagne est rentré de Terre Sainte. Messire Jésus protège ceux qui l'aiment. Laissez-moi croiser.

Blanche, qui venait secrètement de trembler pendant deux ans pour Thibaut, ne voulait pas connaître de nouvelles inquiétudes.

- Non, mon fils, je ne vous autoriserai jamais à partir ; car ce serait commettre une folie. Renoncez à ce projet. Je comprends votre soif d'aventures mais vous devriez être heureux de gouverner un pays où règne la paix.


En effet, depuis quelques années la France - un moment troublée par l'approche des Tartares - vivait un véritable âge d'or.
L'agriculture et le commerce étaient prospères, tout le pays respirait l'ordre et la force, on voyageait en sécurité et les finances royales étaient si bien gérées qu'elles montraient à chaque bilan de fin d'année un excédent qui permettait à Louis IX de supprimer certaines taxes et de diminuer les impôts...
Hélas ! cette paix magnifique allait être troublée - encore une fois, par une femme.


En juin 1241, Louis IX réunit à Saumur la noblesse et le clergé du royaume pour la remise des apanages qui revenaient à son frère Alphonse, lequel venait d'atteindre sa majorité. Il lui conféra l'ordre de chevalerie et l'investiture du comté de Poitou au cours de fêtes dont Joinville a décrit le faste extraordinaire.

Les cérémonies terminées, le roi conduisit Alphonse à Poitiers pour y recevoir l'hommage de ses vassaux aquitains, parmi lesquels se trouvait Hugues X de Lusignan, comte de la Marche.


Après avoir prêté serment de fidélité à son nouveau suzerain, celui-ci retourna dans son château où sa femme, Isabelle d'Angoulême, le reçut fort mal. Jalouse et ambitieuse, cette princesse aurait voulu être comtesse de Poitiers et ne dépendre de personne. Elle reprocha amèrement à son mari d'avoir fait hommage au frère du roi e le harcela de tant de plaintes et de récriminiations qu'il finit par s'énerver. Ayant réuni une importante armée, il fit savoir à Louis IX, qui était encore à Poitiers avec son frère, qu'il était prêt à attaquer l'ost (l'armée) royal si certains privilèges ne lui étaient pas accordés.
Louis IX n'avait amené avec lui qu'une faible escorte, il jugea prudent de se rendre à Lusignan pour y connaître les conditions de Hugues
.

Après deux jours de conversation fort courtoise, le roi s'en retourna à Poitiers, ayant accordé au comte de la Marche tout ce que celui-ci demandait.

Hugues, fort satisfait de sa victoire, se rendit immédiatement auprès de sa femme dans l'espoir de recevoir quelques compliments. Il la trouva furieuse et comme "enflammée de haine", nous disent les chroniqueurs.
Lorsqu'elle eut appris que les négociations étaient terminées, elle courut vers l'appartement qu'avait occupé Louis IX, et, comme pour purger la ville des souillures du séjour royal, elle fit enlever meubles, vêtements, ustensiles de cuisine, ornements de la chapelle, et envoya le tout à Angoulême.
Le comte, interdit et fort affligé, la regardait faire sans comprendre. Avec beaucoup de précautions, il lui demanda pourquoi elle dépouillait ainsi le château.


La réponse fit trembler les murs :

- Sortez ! hurla Isabelle. Sortez de ma présence, homme vil entre tous, abjection et opprobre de tout le peuple, qui avez honoré ceux qui vous déshéritent. Sortez, je ne veux plus vous voir.
Et elle partit pour Angoulême.


Comme elle n'était pas revenue au bout de deux jours, Hugues alla la rejoindre. Mais elle lui fit défendre l'entrée du château qu'elle habitait, et pendant trois jours entiers il mangea et coucha chez les Templiers.
Enfin, il obtint, par l'intermédiaire d'un moine, un entretien avec sa femme. Sur un ton humble et doux, car il était fort amoureux d'elle, il lui demanda la raison de sa haine profonde pour le roi Louis IX.
Isabelle, alors, s'expliqua en pleurant de colère.


- Comment ? N'avez-vous pas vu à Poitiers, où j'ai attendu trois jours pour rendre honneur à votre roi et à votre reine, que, lorsque j'ai comparu devant eux dans la chambre, le roi était assis sur une moitié du lit, et la reine sur l'autre avec la comtesse de Chartres ? N'avez-vous pas vu qu'ils ne m'ont pas appelée pour me prier de m'asseoir ? N'avez-vous pas vu qu'ils ne se sont même pas soulevés de leurs sièges à mon entrée et à ma sortie ? Je n'en puis dire plus de douleur et de honte. Mais Dieu ne voudra pas qu'ils soient impunis, ou bien je perdrai tout ce que j'ai et mourrai à la peine.

Hugues tenta de démontrer à Isabelle qu'elle pouvait s'estimer vengée en considérant les privilèges qu'il avait obtenus de Louis IX. Ce fut en vain. Elle voulait une révolte, une guerre, une tuerie...

Voyant qu'il hésitait encore, elle lui déclara fermement qu'elle le chassait de son lit jusqu'au jour où il aurait pris le commandement de la rebellion poitevine.

Hugues, qui avait un désir constant de sa femme, réunit aussitôt quelques barons et forma une ligue dont il devint le chef.

- Ce n'est pas tout, dit alors Isabelle. Maintenant, il faut faire la guerre.
Et elle s'enferma à clé dans sa chambre.


Alors Hugues convoqua sa chevalerie, se rendit à Poitiers et demanda à être reçu par son seigneur. Lorsqu'il fut devant le comte Alphonse, il s'écria, en présence de tout le baronnage stupéfait :


- Sire comte, je vous renie pour seigneur et je reprends ma foi.

Puis sortant du palais, il monta à chaval au milieu de ses hommes qui l'attendaient, arbalète tendue, alla mettre le feu au logis où il avait été reçu et courut à toute bride vers Lusignan.
Cette fois, c'était la guerre désirée par Isabelle.


Les Anglais, qui avaient promis leur concours aux rebelles, débarquèrent bientôt à Royan, et des combats sanglants eurent lieu entre la Ligue et les vingt-cinq mille soldats que commandait Louis IX en personne.
Les troupes royales, mieux organisées, eurent rapidement le dessus. Ce que voyant, Isabelle, rendue folle par la rage, envoya vers Louis IX des assassins munis d'un excellent poison qu'elle avait préparé avec soin.
Fort heureusement, le complot fut découvert
.

L'annonce de cette perfidie décupla l'ardeur des hommes qui se battaient sous les ordres du roi, et la bouillante comtesse de Lusignan dut accepter de voir la situation des conjurés s'aggraver chaque jour. Finalement, le roi d'Angleterre comprit que la partie était perdue. Sans l'ombre d'une hésitation, il abandonna les barons rebelles et réembarqua avec célérité.
La conjuration se disloqua aussitôt, et Louis IX vit, un jour, Hugues et Isabelle venir se traîner à ses genoux et implorer son pardon.
La guerre des barons était finie
.
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MORGANE

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MessageSujet: Re: Clovis et Clotilde    Clovis et Clotilde  - Page 3 EmptySam 19 Fév - 3:19

Bon je suis là
vraiment tu sais c'est difficile
déja je avoue je ne connais rien à vos rois !
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MessageSujet: Clovis et Clotilde   Clovis et Clotilde  - Page 3 EmptySam 19 Fév - 9:53

Ce n'est pas grave Morgane. Je trouve courageux de ta part d'essayer de déchiffrer les difficultés littéraires françaises.......... Wink Very Happy

Je peux te suggérer, si tu en as le temps et l'envie, un truc : chaque soir, bien tranquille dans ton lit, avant de t'endormir, tu t'imposes de lire pendant quelques jours, la même page. Une fois que tu en as bien compris le sens, tu passes à la page suivante, etc....... king Wink
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MessageSujet: Clovis et Clotilde   Clovis et Clotilde  - Page 3 EmptySam 19 Fév - 19:56

Hélas ! en revenant de cette campagne, Louis fut terrassé par une mauvaise fièvre. Les médecins se penchèrent sur lui tandis que, dans toutes les églises du royaume, des prières étaitent dites.

Au bout de huit jours, le roi fut déclaré perdu. On le plaça, selon sa volonté, sur un lit de cendres et l'on attendit son dernier soupir.

Soudain, ses yeux se fermèrent, ses membres crispés se détendirent, sa tête roula sur le côté.

- Il est mort ! murmurèrent les assistants
.

On alluma des cierges, on recouvrit le roi d'un drap, et les prêtres vinrent entonner des chants funèbres.
Tout à coup, les veilleuses entendirent un soupir. Elles soulevèrent le drap : Louis IX vivait...


Quelques jours plus tard, il était au Louvre, et Blanche de Castille se penchait à son chevet.

- Au moment où j'ai cru mourir, lui dit-il, j'ai fait un voeu.

- Lequel ?
- J'ai promis à Dieu d'aller en croisade si je guérissais.

La reine mère crut défaillir. Malgré sa foi, elle tenta de dissuader le roi d'accomplir son voeu. Pour toute réponse, Louis se fit coudre la croix sur sa chemise.


Alors Blanche chargea un évêque de le raisonner :

- Sire, dit celui-ci, déposez la croix pour ne pas bouleverser la France. Vous étiez en délire ; vous n'aviez point l'usage de vos sens. Votre voeu ne vous lie donc pas.

Louis, qui attendait depuis longtemps cette occasion de partir avec Marguerite, se garda bien de changer d'avis.


Il fit fortifier le port d'Aigues-Mortes, commanda des galères à des armateurs génois, réunit l'argent nécessaire à l'expédition et en juin 1248, après avoir remis à Blanche la régence du royaume, il quitta Paris en compagnie de sa femme, de ses deux frères et d'une foule de chevaliers qui se croisaient avec lui.

La reine suivit les pèlerins jusqu'à l'abbaye de Cluny. C'est là qu'elle fit en pleurant ses adieux à Louis IX. Après quoi, la troupe, précédée de l'oriflamme de Saint-Denis, prit la route de Lyon...

- Enfin seuls ! soupira Marguerite de Provence qui, jusqu'au dernier moment avait subi la jalousie de sa belle-mère.

Elle ajouta en souriant :

- Comme nous allons être heureux ...
Hélas
!
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MessageSujet: Clovis et Clotilde   Clovis et Clotilde  - Page 3 EmptyMar 22 Fév - 20:40

Lorsque les Croisés arrivèrent en Provence, Marguerite éprouva une joie très vive. Il y avait près de dix-huit ans qu'elle n'avait pas revu son pays et son soleil.

- Ecoutez le chant des cigales, disait-elle à Louis IX, il a bercé mon enfance...

Souriante, heureuse, elle oubliait les couloirs sombres du Louvre, hantés par la silhouette terrible de Blanche de Castille. Il lui arrivait même parfois de fredonner une sautillante chanson de troubadour.

De son côté, Louis IX, qui, pour la première fois de sa vie, goûtait à la liberté, se sentait le coeur léger et considérait Marguerite avec une tendresse nouvelle.


se trouva enceinte.

Louis IX craignit que la reine ne pût supporter les incoLe soir, ils se retrouvaient dans des chambres dont les fenêtres restaient ouvertes sur les nuits chaudes de juillet, et leurs étreintes les laissaient essoufflés jusqu'au matin.

Ils firent dans ce domaine, tant d'imprudentes prouesses, qu'avant d'arriver à Aigues-Mortes, où devait avoir lieu l'embarquement, Margueritenvénients d'un voyage en mer. Comme l'époque n'était pas à la vitesse et qu'on prenait facilement son temps pour faire les choses, il lui demanda si elle préférait qu'on attende qu'elle ait accouché pour quitter la France.

- Non, non, dit Marguerite, vous êtes bien bon, mon seigneur, mais je ne veux pas retarder cette expédition et, de plus, j'ai grande hâte d'aller avec vous dessus la mer.


L'embarquement eut donc lieu, et Joinville, qui suivait le roi, nous conte les péripéties de son départ avec une naïveté savoureuse :
"Nous entrâmes au mois d'août en la nef (le bateau) et fut ouverte la porte pour faire rentrer nos chevaux, ceux que nous devions mener outre-mer. Et, quand tous furent entrés, la porte fut reclose et estoupée ainsi comme l'on voudrait faire d'un tonneau de vin parce que, quand la nef est en grande mer, toute la porte est dans l'eau.
Alors le maître de la nef s'écria à ceux qui étaient au bec (à la proue) : "c'est votre besogne preste. Sommes-nous à point ?" Et ils dirent que oui vraiment.
Et quand les prêtres et clercs furent entrés, il les fit tous monter au château de la nef et leur fit chanter au nom de Dieu
, qu'il nous voulût bien conduire. Et incontinent le vent s'entonna dans la voile, et bientôt nous fit perdre la terre de vue. Si tant que nous ne vîmes plus que le ciel et la mer. Et, chaque jour, nous nous éloignâmes du lieu dont nous étions partis."


La plupart des Croisés qui s'étaient embarqués sur les cinquante bateaux de la flotte royale n'avaient jamais navigué. Les roulis et le tangage leur causèrent une grande frayeur qui les rendit malades et honteux.

Louis IX et Marguerite, eux-mêmes, n'étaient pas très rassurés.
Quant à Joinville, il nous dit :
"Celui-ci est bien fol qui a quelque péché mortel en son âme et qui se boute en un tel danger. Car, si on s'endort au soir, l'on ne sait si on ne se trouvera le lendemain au fond de la mer."

Au bout d'une semaine, Marguerite s'habitua aux mouvements du bateau et prit plaisir à contempler les vagues, aux côtés du roi.


Un jour, la flotte arriva en vue de Chypre où Louis IX avait fait accumuler des tonneaux de vin et des tas de blé. Cette île devant constituer une dernière étape avant les pays peuplés d'Infidèles, tous les Croisés mirent pied à terre ; et, comme l'endroit était agréable, ils s'y attardèrent plus de six mois...
On était toujours en voyage de noces
...
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MessageSujet: Clovis et Clotilde   Clovis et Clotilde  - Page 3 EmptyLun 28 Fév - 20:48

De temps en temps, dans les palais que le roi de Chypre avait mis à sa disposition, Louis réunissait les hauts barons qui l'accompagnaient en Terre Sainte et étudiait avec eux quelque détail de l'expédition. Marguerite, assistait toujours à ces "conseils" et donnait parfois très librement son avis.
Les grands seigneurs s'en étonnèrent. Eux qui, pour la plupart, tenaient leurs femmes pour d'agréables passe-temps, ne pouvaient comprendre la déférence du roi à l'égard de la reine.

- Elle est ma dame et ma compagne, leur expliqua Louis, et elle mérite trop mieux mon estime et ma confiance.


Enfin, après avoir passé un hiver confortable, les Croisés, qui avaient été rejoints par de nombreux retardataires, réembarquèrent et mirent le cap sur l'Egypte. Cette fois, la flotte royale était considérable.
"Il semblait, dit Joinville, que toute la mer, tant comme l'on pouvait en voir à l'oeil, fût couverte des voiles des vaisseaux, qui furent nombrés dix-huit cents, tant grands que petits."

Au bout de trois semaines de navigation, Louis IX était devant Damiette, située à l'une des bouches du Nil.
Aussitôt, la cloche de cuivre sonna dans la ville, et une multitude d'indigènes accourut sur le rivage pour en défendre l'approche.


Louis IX appela Marguerite :

- Venez, ma dame, et voyez les Infidèles qui nous contemplent.

Puis il tint conseil et décida qu'on attendrait le lendemain matin pour débarquer. La nuit fut une extraordinaire veillée d'armes. Des torches brûlaient à la fois sur les navires et sur le rivage, éclairant la rade du Nil de lueurs féeriques.


Après l'aube, le roi, le légat du pape, Joinville et mille chevaliers sautèrent dans des barques et s'approchèrent de Damiette.

Lorsqu'ils furent à quarante toises de la terrre, les archers criblèrent les sarrasins de flèches, ceux-ci répondirent immédiatement avec une telle vigueur que les Français stoppèrent leurs embarcations.
Louis IX, comprenant que la moindre hésitation pouvait faire tourner la chance, se jeta à la mer, le bouclier au cou et la lance à la main. Bien que l'eau li arrivât jusqu'aux épaules, il marcha vers la plage, suivi bientôt de tous les chevaliers qui ne voulaient pas laisser leur roi s'exposer seul au danger.


En voyant sortir de l'eau ces hommes bardés de fer, les Infidèles furent pris de frayeur et reculèrent. Sans même reprendre souffle, les Croisés les poursuivirent, et un combat terrible s'engagea qui dura toute la journée. A la nuit, les Musulmans, se voyant perdus, quittèrent discrètement Damiette et s'enfuirent à toutes jambes.
Le lendemain, Louis et Marguerite entraient solennellement dans la ville.

- Ma dame, je vous fais cadeau de Damiette, dit le roi. Vous y passerez les derniers mois de votre attente, et c'est là que vous me donnerez un nouveau fils.


La reine s'installa dans une ravissante maison arabe dont le patio tout bruissant de fontaines lui donna, nous dit-on, "l'illusion d'être en paradis".
Tandis qu'elle y passait les jours les plus heureux de sa vie, les Croisés, devenus oisifs, sombraient dans le péché. Ils festoyaient honteusement, s'enivraient et occupaient tout leur temps à s'échanger leurs épouses, ce qui fait dire à un chroniqueur que "les chrétiens, à Damiette, abusèrent des dons de Dieu..."


Le roi, lui-même, pendant des semaines, fut incapable de réprimer ces désordres navrants.
Il est vrai qu'il était toujours en "voyage de noces" et que Marguerite occupait tout son temps. On les voyait se promener doucement au bord du Nil en se tenant par la main, ou deviser sur des terrasses.


Un jour, Louis comprit que cette inaction était dangereuse. Il convoqua ses barons et leur annonça qu'une armée partirait le lendemain sous sa direction pour prendre Mansourah, ville située sur la route du Caire.
Cette campagne fut désastreuse. Les Croisés s'étant trouvés, dès le début, arrêtés par le débordement du Nil, Louis fit installer un camp près du fleuve et décida de construire une digue. On vit alors les chevaliers, et le roi lui-même, quitter leur armure et se transformer en terrassiers.


Mais les Sarrasins vinrent les attaquer et utilisèrent pour la circonstance une arme que les Français ne connaissaient pas et qui les terrifia : le feu grégeois.
C'était une préparation de soufre et de bitume enfermée dans de petits pots de terre qui était lancée au moyen d'une arbalète et qui s'enflammait immédiatement en laissant derrière elle une longue traînée lumineuse.
"Il semblait, dit Joinville, qui relate un de ces "bombardements" nocturnes, qu'un dragon volât par l'air et tant jetait clarté qu'on voyait parmi l'ost (l'armée) comme s'il fut jour."

Louis IX était moins lyrique que son sénéchal. Il se contenta de juger "discourtoise" cette arme qui jetait la terreur dans les rangs français...


Avant que la chaussée à laquelle travaillaient les Croisés ne fût terminée, les eaux du Nil baissèrent, et une partie de l'armée put se lancer sur les Sarrasins qui prirent la fuite. Une folle poursuite s'engagea jusqu'à Mansourah, où de sanglants combats eurent lieu, au cours desquels le comte d'Artois, frère du roi, trouva la mort.

Alors, Louis IX songea à retourner à Damiette où l'attendait Marguerite. N'était-ce pas pour être près d'elle qu'il était parti de France ?

Par un facheux contretemps, les Croisés, qui se nourrissaient de poissons engraissés par les cadavres que l'eau ne cessait de charrier, tombèrent malades, et la retraite fut interrompue. Le roi, l'un des premiers, épuisé par la dysenterie, dut s'aliter. La colonne s'arrêta dans un petit village nommé Kiarcé, où les Sarrasins ne furent pas longs à apparaître.
Incapables de combattre, les Chrétiens se rendirent...
Saint Louis, pour avoir voulu connaître la liberté d'aimer sa femme, était prisonnier des Infidèles.



Je reviens avec la suite après mon film de la soirée. Bibizzzzzzzcinéphiles... Very Happy Wink
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MAINGANTEE

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MessageSujet: Re: Clovis et Clotilde    Clovis et Clotilde  - Page 3 EmptyMar 1 Mar - 12:51

Et alors ?? tu t'es endormie dans le divan ????
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Jean2

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MessageSujet: Re: Clovis et Clotilde    Clovis et Clotilde  - Page 3 EmptyMar 1 Mar - 15:11

J'attends depuis hier soir, devant mon PC .. Suis tout ankylosé ! Twisted Evil
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Martine

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MessageSujet: Re: Clovis et Clotilde    Clovis et Clotilde  - Page 3 EmptyMar 1 Mar - 15:50

Very Happy
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MessageSujet: Clovis et Clotilde   Clovis et Clotilde  - Page 3 EmptyMar 1 Mar - 20:16

Non, DOmi, des potes ont débarqué.



Pendant ce temps, à Damiette, la reine, qui était tout près du terme de sa grossesse, vivait dans la terreur et croyait voir à tout moment les Sarrasins entrer dans la ville. La nuit, on l'entendait s'écrier :
"A mon aide ! A mon aide !", car dans l'excès de sa frayeur il lui semblait au plus léger bruit, que l'ennemi pénétrait dans le palais. Pour la rassurer, on fit veiller près d'elle un chevalier, moult âgé et ancien qui avait bien quatre-vingts ans, et, quand la reine s'écriait : "Les Sarrasins ! Les Sarrasins !" - " Dame, lui disait-il, n'ayez pas peur, je suis là."
Un soir (on savait alors depuis trois jours que le roi était captif), la reine fit sortir tous ceux qui étaient dans sa chambre et se mit à genoux auprès du bon chevalier :

- Sire chevalier, lui dit-elle, j'ai une grâce et un don à requérir de vous, c'est que, si les Sarrasins entrent, vous me coupiez la tête.
- Madame, répondit gentiment le chevalier, le cas y échéant, je le ferai, car déjà j'y ai songé.


Le lendemain, la reine mit au monde un enfant né au milieu des craintes et des larmes et que l'on prénomma Jean-Tristan, à cause du triste temps où elle se trouvait. Presque aussitôt, on vint lui dire que les Croisés
italiens, qui étaient restés dans Damiette pour assurer la garde de la ville, parlaient de se retirer.
Toute la cité était en tumulte. Marguerite, qui voulait utiliser Damiette comme monnaie d'échange pour libérer le roi, fut affolée. Elle convoqua les chevaliers italiens dans sa chambre et leur parla :

- Seigneurs, on me dit que vous voulez vous en aller; pour Dieu, je vous en supplie de ne pas laisser cette ville; car vous êtes seuls pour la défendre et mon seigneur le roi serait perdu, lui et tous ceux qui sont avec lui, si Damiette était abandonnée.
Les Croisés promirent de rester dans la cité tant qu'il y aurait des vivres.
Alors Marguerite quitta son lit et, pendant plusieurs semaines, elle dut véritablement faire des prodiges pour que rien ne manquât dans la place.


Au bout de deux mois, grâce à son énergie et à son courage, Damiette pouvait être remise aux Sarrasins en échange de Louis IX.
Lorsque les deux époux se retrouvèrent, ils s'embrassèrent fougueusement en pleurant.

- Vous m'avez sauvé, ma dame, d'une mort horrible, dit le roi. Sans vous, les Infidèles m'auraient écrasé les jambes, puis coupé le cou lentement avec un cimeterre...

A cette pensée, Marguerite s'évanouit.


La prudence la plus élémentaire eût exigé que le roi rentrât en France.
Mais Saint Louis n'était pas prudent.
Heureux d'être libre, il s'installa avec Marguerite en Palestine et y demeura quantre ans. Rien ne le pressait de revenir à Paris. Certes, il pensait bien souvent à Blanche de Castille qui les attendait au Louvre en pleurant, mais il se disait que la solitude n'avait pas dû améliorer son caractère, et il ne pouvait se décider à reprendre le bateau.

Il avait retrouvé Marguerite avec une joie infinie, et, malgré les privations qu'il avait endurées chez les Sarrasins, sa tendresse était toujours aussi efficiente.
C'est ainsi que la reine mit au monde, à Jaffa, une fille qui fut nommée Blanche "pour l'amour de la reine mère".


Privé d'armée et ne pouvant par conséquent, se rendre jusqu'à Jérusalem, qui était entre les mains des Infidèles, le roi se contentait d'aller dans quelques uns des lieux saints où le Christ avait vécu (notamment à Nazareth) pour y prier en compagnie de Marguerite et des quelques chevaliers qui n'avaient pas été massacrés à Damiette et à Mansourah.

Ces pèlerinages étaient fort émouvants et offraient un grand dérivatif aux Croisés. Malgré tout, Marguerite s'ennuyait un peu. Elle rêvait parfois de Paris, de la Cour, des robes qu'elle aurait pu porter, et elle était triste... Alors le roi s'en affligea et, devinant les désirs secrets de son épouse, envoya un jour le sénéchal de Joinville à Damas chercher cent pièces de camelot (étoffe superbe faîte avec du poil de chameau) pour offrir aux seigneurs de France à son retour, et dix pièces destinées à Marguerite.
Ayant accompli sa mission, Joinville fit porter les dix ballots d'étoffe dans la chambre de la reine.

- Qu'est ceci ? demanda Marguerite.
- On ne sait, répondirent les suivantes, mais cela vient de Damas, et c'est messire Joinville qui l'a rapporté pour vous.
- Alors ce sont de saintes reliques, dit la reine, habituée aux cadeaux qui se faisaient généralement en Terre Sainte. Mesdames, il faut les vénérer.
Et elle s'agenouilla devant les ballots d'étoffe, aussitôt imitée par ses suivantes.


Elles étaient en prière depuis fort longtemps lorsque Joinville, qui désirait savoir ce que la reine pensait de ses achats, entra dans la chambre. Il fut très surpris de trouver Marguerite à genoux devant les paquets d'étoffe de chameau.

- Madame, s'écria-t-il, à quoi pensez-vous donc, de vous agenouiller devant ces ballots ?
- Ne sont-ce point de saintes reliques ?
Joinville éclata de rire.

- Ce sont des pièces de camelot que j'ai rapportées pour vous, Madame, au nom du roi qui vous les offre.
Alors Marguerite se releva en riant à son tour et s'en fut raconter sa méprise au roi.


Comme le séjour à Jaffa n'était pas fertile en drôlerie, l'incident amusa les Croisés pendant des semaines.
Puis on se lassa d'y faire allusion, et la vie morne reprit son cours.


Marguerite, drapée dans des robes de camelot, soupirait tristement et se demandait si elle reverrait jamais la France, lorsqu'un jour un messager vint annoncer aux Croisés que la reine Blanche de Castille était morte.

Louis IX fut écrasé de chagrin. Pendant deux j ours, il ne put parler à personne. Enfin, il envoya des ordres pour que des prières fussent dites dans tout le royaume et il se prépara à rentrer en France.


De son côté, Marguerite parut très affectée et "mena grand deuil". Un matin, Joinville la trouva en larmes. Il ne put s'empêcher de s'étonner et dit :

- Comment ! Vous pleurez la mort de la reine Blanche. Mais c'était la femme que vous haïssiez le plus !

A quoi Marguerite lui répondit très franchement que ce n'était pas pour la reine mère qu'elle pleurait, mais pour le chagrin qu'avait le roi...

Quelques semaines après, la flotte royale quittait la Palestine.


Les premiers jours de traversée furent heureux,mais à la hauteur de Chypre, le vaisseau sur lequel se trouvaient Louis IX et Marguerite donna sur un banc de rocher. Le coup fut si violent qu'on crut, sur le moment, que la nef allait s'ouvrir. Une grande panique s'ensuivit. Les nourrices coururent demander à la reine ce qu'il fallait faire des enfants royaux qui dormaient.

- Ne faut-il pas les éveiller et les lever ? dirent-elles en pleurant.

Marguerite, fort émue, eut une très belle réponse :

- Non, dit-elle, vous ne les éveillerez ni ne les lèverez, mais les laisserez aller à Dieu dormant.

Fort heureusement, l'avarie fut moins grave qu'on ne craignait, et le bateau put continuer sa route.


Trois mois plus tard, après de nombreuses émotions, les Croisés arrivèrent en vue des côtes de France.
Louis IX et Marguerite, qui avaient quitté leur pays depuis six ans, se mirent à pleurer, et la reine demanda que le débarquement eût lieu tout de suite.

- J'avais prévu de revenir par Aigues-Mortes, dit le roi.
- Je vous en prie, messire, dit Marguerite, je n'en peux plus.

Les bateaux se trouvaient alors devant Hyères.
Louis IX donna des ordres, et pour plaire à la reine, le débarqueemnt eut lieu dans ce port.


Après quoi, la caravane prit le chemin de Paris.
Tout au long de la route, le menu peuple se pressait pour acclamer son roi qui lui revenait pâle, fatigué et amaigri. Mais bientôt les braves gens constataient qu'il avait conservé la croix (ce qui indiquait son intention de retourner un jour en Terre Sainte), et ils en étaient profondément peinés
.
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MessageSujet: Clovis et Clotilde   Clovis et Clotilde  - Page 3 EmptyMar 1 Mar - 20:49

Aussitôt arrivé à Paris, Louis IX décida de quitter le Louvre où il n'avait que de mauvais souvenirs, et de transporter la Cour au château de Vincennes qui lui semblait plus riant.

Pendant quelque temps, Marguerite vécut heureuse, choyée par son mari et entourée de ses enfants... Un jour, pourtant, ce bonheur faillit être brisé de curieuse façon : le roi vint trouver la reine, l'air grave, et lui annonça qu'il avait conçu la pensée de laisser le trône à son fils aîné et d'embrasser l'état religieux. Marguerite fut atterrée. Elle appela les petits princes et leur dit :

- Mes fils, voici que les moines ont persuadé au sire roi votre père, qu'il ferait chose agréable à Dieu en quittant la couronne et en se faisant moine ; or lequel voulez-vous être appelé, fils de roi ou fils de moine ?


D'une seule voix, les princes répondirent qu'ils préféraient être appelés fils de roi. Après quoi, ils s'agenouillèrent devant leur père et le supplièrent de renoncer à prendre l'habit ecclésiastique. Marguerite elle-même se traîna à ses pieds.
Bref, ils firent, les uns et les autres, tant et si bien que Louis IX renonça à son projet.
Et de nouveau la joie régna à Vincennes.

Mais Marguerite craignait que Louis ne repartît pour la Terre Sainte, et elle s'inquiétait.

"Il faudrait, pensait-elle, qu'une tâche importante le retînt en France.


Cette tâche, Saint Louis allait bientôt la trouver, grâce à la reine, à qui il arriva une curieuse aventure alors qu'elle entendait la messe.

A cette époque, lorsque le prêtre avait prononcé à l'issue de l'office ces paroles :
"Que la paix du Seigneur soit avec vous",
l'usage voulait que chaque fidèle se penchât vers son voisin de droite et lui donnât un baiser.

Or la reine Marguerite ayant reçu ce baiser de paix le rendit à une fille publique (une prostituée) dont l'habillement était celui d'une femme de condition honnête.
Informée de sa méprise, après la cérémonie, la reine fut vivement offensée, et elle alla demander au roi de rédiger sur-le-champ, une ordonnance défendant aux doureuse d'aiguillettes de poret "robes à queues, à collets renversés et une ceinture dorée".
Lorsque Louis IX eut édicté cette ordonnance, Marguerite lui demanda d'étudier le problème de la prostitution à Paris et de supprimer les lieux de débauche.


Les "filles amoureuses" pullulaient alors dans les rues de la capitale et vivaient dans un état de prospérité inouï dont tous les chroniqueurs nous parlent avec une grande tristesse. Elles formaient, d'ailleurs, une corporation sous la juridiction du roi des Ribauds.
Toutes s'accordaient à honorer la Madeleine comme leur patronne. Elles se rendaient fréquemment à la chapelle de la rue de la Jussienne (qui s'appelait alors rue de la Gippecienne) - corruption de l'Egyptienne), paroisse attitrée des femmes publiques depuis sa fondation au XIIè siècle.
Elles y faisaient brûler des cierges devant un curieux vitrail représentant Sainte Sara sur un bateau, relevant sa robe. Dans le verre était gravée cette étrange inscription :
"Comment la Sainte offrit son corps aux bateliers pour son passage"

Louis IX, scandalisé en apprenant ces faits, défendit aux habitants de Paris de louer leurs maisons aux ribaudes sous peine de poursuites et ordonna que ces filles fussent chassées de ville, dépouillées de leurs vêtements et mises dans des maisons de force pour y être punies de leurs débordements.


Naturellement, l'ordonnance ne fut jamais exécutée, car les femmes, grâce à de nombreuses complicités, parvinrent à se cacher et à exercer leur métier en secret. De ce fait, il y eut bientôt deux fois plus de prostituées qu'avant la promulgation de l'ordonnance.

Alors Louis IX se vit dans la nécessité de modérer la rigueur de son édit et d'en rendre un autre par lequel il fut ordonné que toutes "les folles femmes de leur corps et communes" seraient "boutées et mises hors de toutes les bonnes cités et villes ; spécialement qu'elles fussent boutées hors des rues qui sont au coeur des dites bonne villes, et mises hors des murs loin de tous lieux saints comme églises et cimetières".


Il était prévu, en outre, que ceux qui loueraient leurs maisons aux ribaudes devraient payer un impôt spécial. Ce qui était de la part de Saint Louis une manière détournée - et adroite - d'admettre la prostitution.
Presque toutes les filles publiques quittèrent donc la capitale pour s'installer dans de petites logettes dont les Parisiens connurent vite le chemin et qu'il baptisèrent du nom saxon de bord (petite loge) auquel on donna rapidement un diminutif qui subsiste encore de nos jours.

C'est ainsi que, sans la reine Marguerite, aussi curieux que cela p uisse paraître, le mot bordel n'eût sans doute jamais existé
...

La lutte contre les filles amoureuses et la réglementation de la prostitution avaient demandé près de dix ans à Saint Louis, et la reine se félicitait d'être à l'origine d'une occupation qui retenait le roi en France.Hélas ! un jour de 1268, Louis IX annonça qu'il organisait une nouvelle Croisade.

Quelques mois plus tard, sourd aux prières de Marguerite, il quittait Vincennes, laissant la charge du royaume à deux de ses conseillers et la tutelle de ses enfants à la reine qui le vit partir "le coeur navré".

Elle ne devait jamais le revoir.

Louis IX mourut, en effet, de la peste sous les murs de Tunis, le 25 août 1270.


Quant à Marguerite, elle se retira dans une résidence qu'elle avait fait construire près de Paris et vécut encore vingt-cinq ans, évoquant avec mélancolie l'heureux temps où son mari n'était pas encore appelé le roi "Saint" Louis ; l'heureux temps où elle se cachait avec lui dans un escalier de Pontoise...
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MessageSujet: Clovis et Clotilde   Clovis et Clotilde  - Page 3 EmptyMer 2 Mar - 20:36

LA REINE MARIE DE BRABANT A-T-ELLE FAIT PENDRE UN INNOCENT ?


On disait alors que la reine avait envoyé vilainement à Montfaucon celui qui était jaloux de ses amours. - C. LENIENT -


Un jour de 1259, Louis IX convoqua son second fils en entretien particulier.

- Philippe, lui dit-il en souriant, je vous réserve une agréable surprise.

Le prince, qui venait d'avoir quatorze ans, pensa que son père voulait lui offrir une épée, et il en fut grandement réjoui.

A l'avance, il remercia le roi.

- Ne me remerciez point avant de connaître les choses, dit celui-ci. Voici de quoi il s'agit : je vous ai fiancé à la princesse Isabelle d'Aragon.

Philippe fut stupéfait. L'oeil brillant, il demanda :

- Quel âge a-t-elle ?
- Onze ans, dit Louis IX.

Le prince eut l'air fort déçu. Dans l'ardeur de ses quatorze ans, il ne lui aurait pas déplu de prouver sa virilité naissante à quelque dame plus âgée.
Souvent, il y avait pensé, et son regard s'était attardé à maintes reprises ssur les charmes un peu mûrs des suivantes de la reine, sa mère.


Il lui parut donc que le cadeau que lui faisait son père était insignifiant, et il eut une moue très significative.

- Vous avez tort. Votre fiancée est charmante. En outre, sachez que vous ne l'épouserez pas avant trois ans d'ici.

Cela rassura Philippe, qui, oubliant la petite fiancée aragonaise, continua de lorgner les dames de la cour.


Trois ans plus tard, le jeune prince, en compagnie de la reine Marguerite, sa mère, et du roi, son père, se rendit à Clermont-Ferrand où il devait rencontrer Isabelle et le roi d'Aragon. Il était inquiet et de fort méchante humeur, car il savait que, même si sa fiancée était un affreux laideron, il ne pourrait refuser de l'épouser.
Son mariage avait, en effet, d'importantes conséquences politiques. Par cette union, qui était une des conditions d'un traité, Jacques Ier d'Aragon donnait à Louis IX les comtés de Forcalquier et d'Arles, ainsi que les villes de Marseille, de Béziers et de Milan.
Il recevait en échange les comtés de Barcelone et de Catalogne.


Un soir, un grand fracas de trompettes rententi dans les rues de Clermont. C'était l'avant-garde du roi d'Aragon qui arrivait.
Aussitôt, Louis IX, Marguerite et Philippe allèrent se placer devant la cathédrale et attendirent leurs hôtes.

Le bruit ayant couru rapidement que la rencontre allait avoir lieu en cet endroit, plus de dix mille personnes vinrent se masser sur le parvis pour voir la jeune fille que l'on destinait au prince royal.


Le roi Jacques parut le premier, chevauchant un destrier blanc. Il fut longuement acclamé. Puis un chariot déboucha sur la place. La princesse Isabelle y souriait gentiment. Son apparition déchaîna un enthousiasme considérable.
C'était une jolie brune, fort appétissante, dont les yeux chauds se fixèrent avec gourmandise sur Philippe.
Celui-ci, troublé, oublia immédiatement ses craintes et se sentit devenir amoureux.


Le mariage eut lieu le lendemain, 28 mai 1262, avec beaucoup d'éclat, car depuis la mort du prince Louis, son frère aîné, survenue en 1260, Philippe était héritier du trône de France.
La plupart des grands vassaux étaient donc présents à la cérémonie.


Lorsque les fêtes furent terminées, les nouveaux époux quittèrent l'Auvergne sous les acclamations et allèrent s'installer à Vincennes où, pendant six ans, ils vécurent très heureux.
On manque de détails sur cette période de leur existence.
Toutefois, on sait que, ayant à plusieurs reprises "oeuvré charnellement", le ciel, en récompense, leur donna trois enfants
.
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MessageSujet: Clovis et Clotilde   Clovis et Clotilde  - Page 3 EmptyJeu 3 Mar - 20:52

En 1269, lorsque Saint Louis partit, pour la seconde fois en croisade, il emmena avec ses fils Philippe, Jean et Pierre. Isabelle suivit son époux.
Elle supporta avec beaucoup de courage les fatigues de cette malheureuse expédition, trouvant même la force de soigner les chevaliers minés par la fièvre.
Son héroïsme fait encore l'admiration de tous les historiens, car jamais elle ne se plaignit ; pourtant, lorsque, sous les murs de Tunis, Louis IX mourut de la peste, les Croisés souffraient de tant de maux qu'un chroniqueur a pu écrire "qu'ils étaient nombreux ceux qui eussent voulu suivre en Paradis le saint roi".


A la mort de son père, Philippe, devenu roi de France, voulut d'abord poursuivre la Croisade. Pendant plusieurs mois, il tenta de prendre Tunis.
Comprenant finalement qu'il perdait son temps, il décida de quitter cette terre maudite et de rentrer en France.
Ce retour fut tragique.


Tout d'abord, au large de la Sicile, la flotte royale fut prise dans une violent tempête. Plusieurs vaisseaux furent engloutis, et cinq mille hommes périrent. Après avoir franchi le détroit de Messine, Philippe soupira :

- Maintenant, nos malheurs sont finis !

Hélas ! trois jours plus tard, en Calabre, la reine Isabelle, qui était alors enceinte de six mois, voulant passer un fleuve à gué, tomba de cheval et se blessa grièvement. Malgré les soins des médecins du roi, la jeune femme, transportée immédiatement dans la ville de Cosenza, mourut après dix-sept jours de souffrances atroces, en mettant au monde un enfant mâle qui ne vécut que quelques heures. Elle avait vingt-quatre ans.
La douleur de Philippe fut d'autant plus grande qu'il dut, pour ramener en France les restes de sa femme, se soummettre à un effroyable usage qui avait alors cours en Italie : le corps d'Isabelle fut confié à un spécialiste qui le fit bouillir. Après quoi, les chairs furent seules ensevelies, tandis que le squelette était mis en bière pour être rapporté à Paris.


Philippe rentra donc chez lui avec les cercueils de son père, de sa femme et de son fils, ce qui fit dire au peuple que "le roi ne rapporta de Croisade que des coffres vides et des tombeaux pleins d'ossements".

Au bout de trois ans, le roi, qui approchait de la trentaine, constata que le veuvage commençait à lui peser.
Il se mit en quête d'une autre épouse et arrêta son choix sur Marie, fille de Henri III, duc de Brabant, qui était âgée de quatorze ans.
Il l'épousa au mois d'août 1274, et leur mariage fut célébré dans le bois de Vincennes.


Marie de Brabant était belle, élégante, instruite et spirituelle. Son père, qui était ami de Thibaut le Chansonnier et poète lui-même, lui aviat donné le goût des Lettres. Elle était, malgré son jeune âge, l'inspiratrice et la protectrice de nombreux trouvères.
Elle aimait les réceptions brillantes, les fêtes et les bals.
Aussi, son arrivée à Vincennes rendit-elle un peu de gaieté à la Cour
.

Le roi se montrait tellement amoureux d'elle que certains grands seigneurs pensèrent qu'elle pouvait avoir sur lui une influence bénéfique et l'aider à se débarrasser d'un individu de moralité plus que douteuse, qui avait réussi à capter sa confiance.
Cet homme, nommé Pierre de La Broce, était un ancien barbier (c'est ainsi qu'on appelait les chirurgiens) dont Philippe avait fait son chambellan et son premier ministre. Comblé d'honneurs et de largesses, il s'enrichissait scandaleusement aux dépens du Trésor royal, et l'aveuglement du roi à son égard dépassait toutes les bornes.


Il se forma donc bientôt autour de la jeune reine une coterie, qui n'eut de cesse que le favori ne fût abattu. Mais celui-ci était malin.
Voici ce que nous en dit Guillaume de Nangis :
"Comme la reine gagnait tous les jours davantage la faveur du roi et son amour, Pierre de La Broce, chambellan de Philippe, qui vivait en si grande familiarité avec son seigneur,que chacun lui rendait plus d'honneur qu'à aucun autre, commença à s'affliger fort, à ce qu'on assur, de l'amour du roi pour la reine ; car c'était un homme envieux et qui maigrissait du bonheur d'autrui.
Il craignit que cette femme trop subtile n'arrivât à le "connaître" et à lui faire perdre la faveur royale. Dès lors, à ce que quelques-uns ont dit, il conçut l'iniquité dans son coeur et il chercha de jour en jour comment il pourrait séparer le roi de la reine."
Un évènement imprévu allait lui fournir l'occasion qu'il cherchait.


Un soir, en sortant de la chambre de Marie où il avait bu un verre d'eau, le prince Louis, aîné des fils que Philippe avait eus d'Isabelle d'Aragon, tomba malade et mourut en quelques heures.
Aussitôt, on parla d'empoisonnement et Pierre de La Broce accusa la reine d'avoir fait disparaître le jeune prince, ajoutant même qu'il avait la certitude que cette "intrigante" voulait se débarrasser de tous les enfants du premier lit pour assurer aux siens l'accès au trône.
Cette accusation épouvantable arriva rapidement aux oreilles du roi qui en fut très ému, mais ne put croire à la culpabilité de la femme qu'il aimait.
Il mit au courant Marie de Brabant qui accusa aussitôt le chambellan :

- C'est lui, dit-elle, qui a empoisonné votre fils dans le but de me perdre. Il faut le faire pendre.


Le faible Philippe fut très embarrassé. Ne sachant que faire, il envoya l'évêque de Bayeux consulter une béguine de la ville de Nivelle qui passait pour être inspirée et recevoir du ciel des révélations.

Or cet évêque était le beau-frère de Pierre de La Broce. Ayant pris conseil du favori, il se rendit à Nivelle et revint vers le roi pour annoncer qu'il avait rempli sa mission.

- Alors, lui demanda anxieusement Philippe, que vous-a-t-elle dit ?
L'évêque prit un air hypocrite :

- Monseigneur, dit-il en baissant les yeux, je ne puis répondre car j'ai entendu la béguine en confession et, par la loi divine, je suis tenu de garder le secret.

- Cela est fort mal à vous répondit le roi, furieux.
Je ne vous ai pas envoyé pour la confesser.
Et tournant le dos à l'évêque, il fit appeler un chevalier du Temple.


- Courez à Nivelle, lui dit-il, et interrogez cette béguine sur la mort de mon fils et sur les accusations abominables que l'on propage.

Le Templier partit immédiatement et, malgré les embûches de toutes sortes que Pierre de La Broce dressa sur son chemin, il parvint à rencontrer la béguine ; celle-ci sourit en le voyant arriver.

- Il était bon que vous veniez, murmurat-t-elle en lui prenant les mains.

Puis elle le chargea de dire à Philippe "qu'il eût à ne rien croire de ce que l'on voulait insinuer contre sa femme ; qu'elle était bonne et fidèle et qu'elle l'aimait de tout son coeur, lui et les siens".


Cette réponse tranquillisa le roi.

- Maintenant que vous êtes sûr de mon innocence, dit Marie, je vous demande la tête de celui qui voulait me faire perdre votre amour.

Quelques jours plus tard, Pierre de La Broce était condamné à être pendu. Il fut exécuté le 30 juin 1278, au gibet de Montfaucon, devant une foule considérable.
Avant de lui mettre la corde au cou, le bourreau lui demanda s'il voulait parler.

- Je n'ai rien à dire, répondit l'ex-chambellan, très calme.

Alors, le bourreau retira l'échelle et le laissa aller dans le vide.

En apprenant sa mort, la reine eut un sourire. Mais sa joie disparut curieusement lorsqu'elle sut que tout Paris refusait de croire à la culpabilité de Pierre de La Broce.

- On a pendu un innocent, murmurait-on. D'ailleurs, sur quelles preuves l'a-t-on condamné ? Il n'y en avait aucune !

Certains allaient jusqu'à parler d'un crime politique, et l'opinion en fut remuée pendant quelque temps.

- Mais alors, disaient les bonnes gens, si le favori du roi est innocent, qui donc a empoisonné le prince Louis ?

C'est une question que les historiens se posent depuis sept cents ans
...
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MessageSujet: Clovis et Clotilde   Clovis et Clotilde  - Page 3 EmptyVen 4 Mar - 10:33

A LA TOUR DE NESLE, LA REINE JEANNE RECEVAIT DES ETUDIANTS



Elle avait plus d'un sac dans sa tour - G. B. -



Un matin de 1273, sur le balcon du château de Pampelune, un homme et une femme s'amusaient par manière de délassement, à un jeu curieux. Ils se lançaient et "se renvoyaient en les bras de l'un et de l'autre" nous dit un chroniqueur, un bébé complètement nu.
Ils le rattrapaient au vol comme un ballon et prenaient grand plaisir à ce divertissement. Soudain, l'un des joueurs commit une maladresse. Ayant eu une distraction, il laissa passer l'enfant, qui continua sa trajectoire, franchit le balcon et alla s'écraser dix mètres plus bas sur le sol
.

... Thibaud, héritier du royaume de Navarre, venait de mourir à l'âge de quinze mois, par la faute d'un gouverneur et d'une nourrice stupides.

Cet évènement allait déterminer le destin d'une petite fille née quelques semaines auparavant, à Bar-sur-Seine. ( Le roi de Navarre était également comte de Champagne).
En effet, lorsqu'il fut informé de l'accident qui le privait de son fils, le roi Henri de Navarre appela ses barons et leur dit :

- Le prince Thibaud est mort. Je vous demande de considérer désormais sa soeur, la princesse Jeanne, qui est âgée de deux mois, comme la future reine de Navarre.

Puis il ajouta :

- Je ne suis pas en bonne santé, si je mourais, je veux que ma succession ne fasse l'objet d'aucune discussion.

A quelque temps de là, le roi Henri eut une entrevue à Bouloc, près de Bayonne, avec Edouard Ier d'Angleterre. Au cours de leurs entretiens, les deux souverains s'entendirent si bien qu'avant de se quitter ils décidèrent de marier leurs enfants.


C'est ainsi que la future reine de Navarre, qui vagissait dans son berceau à Provins, devint, sans le savoir, la fiancée d'un prince d'Angleterre.

Ces fiançailles ne furent d'ailleurs pas de longue durée, car le prince, qui était âgé de six mois, les rompit en mourant subitement, et la princesse Jeanne recouvra sa liberté.


Quelques mois plus tard, Henri de Navarre, étant mort d'un excédent d'embonpoint, la reine Blanche, sa femme, qui craignait que les rois de Castille et d'Aragon ne voulussent s'emparer de son royaume, entreprit des négociations dans le but de transformer l'un de ses adversaires en allié. Elle se rendit auprès du roi Pierre d'Aragon.

- Que me proposez-vous en échange de mon aide ? lui demanda celui-ci.

- Je vous donne ma fille. Elle fera une épouse parfaite pour votre fils aîné.

Pierre d'Aragon, ravi à la pensée que son fils, qui avait pour l'heure dix mois, serait un jour roi d'Aragon et de Navarre, accepta.

Et Jeanne put, de nouveau, dormir tranquille en suçant son pouce. Elle avait un fiancé !


Rendu furieux par cette manoeuvre diplomatique, les Castillans déclarèrent aussitôt la guerre aux Aragonais, et de sanglants combats eurent lieu. Or les gens de Castille montrèrent dans ces batailles une telle ardeur guerrière que la reine Blanche prit peur et demanda l'aide du roi de France, Philippe III, son cousin germain.

- Les Aragonais vont se faire battre, lui dit-elle, venez à mon secours.

Philippe III était réaliste.

- Que me proposez-vous en échange de mon soutien ? Demanda-t-il.

- Je vous donne ma fille, dit la reine, qui avait peu d'imagination. Vous la marierez à votre fils aîné.
Philippe, pour les mêmes raisons qui avaient décidé Pierre d'Aragon, accepta, et la princesse Jeanne, qui allait maintenant sur ses quinze mois, fut fiancée pour la troisième fois.

Mais le roi de France, qui savait avec quelle facilité la reine Blanche donnait sa fille, exigea que la jeune princesse lui fût immédiatement remise.

- Je la ferai élever avec mes enfants, dans mon palais à Vincennes, dit-il.

Jeanne fut donc amenée à la cour de France. Après quoi, - et après quoi seulement - Philippe envoya une armée défendre le royaume de Navarre qui avait été abandonné par Pierre d'Aragon, fâché du manque de parole de la reine Blanche.


Malgré le très jeune âge du fiancé, on commença bientôt à penser au mariage qui devait avoir lieu douze ans plus tard.
Rien ne déplaisait tant à Philippe le Hardi que l'improvisé.


Tout d'abord, il demanda au pape Grégoire X une dispense pour l'union des deux cousins. Cette démarche faillit d'ailleurs priver une troisième fois la jeune princesse d'un fiancé ; car le souverain pontife, qui ne voulait pas favoriser le rattachement de la Navarre à la France, hésita longtemps.
Finalement, il crut résoudre le problème de façon habile en accordant une dispense non pour Louis, le prince héritier de la couronne de France, mais pour son frère cader, Philippe.
Il ne pouvait prévoir que Louis mourrait l'année suivante et que ce serait son frère qui monterait sur le trône.Pendant douze ans, Jeanne vécut au château de Vincennes, où elle reçut une instruction soignée. Elle voyait quotidiennement son fiancé, qui était de quatre ans son aîné, et elle ne cachait pas l'amour qu'elle avait pour lui.

- C'est le plus beau de tous les hommes du monde, disait-elle à qui voulait l'entendre.

De fait, Philippe avait des traits fort réguliers et une noble prestance qui, d'ailleurs le faisaient déjà surnommer "le Bel" par le peuple de Paris.


Jeanne eût aimé monter sur ses genoux, caresser ses longs cheveux roux et l'embrasser ; mais l'adolescent avait un maintien sévère et un regard froid qui retiraient toute audace à la fillette.
Enfin, le 16 août 1284, leur mariage eut lieu à Paris.
Il avait seize ans, elle allait en avoir douze.

Après la cérémonie, Jeanne, qui pensait au moment où elle aurait enfin le droit de se blottir dans les bras de son mari, vit que celui-ci avait un air satisfait qu'elle ne lui connaissait pas.

- Il m'aime, pensa-t-elle, et il est heureux comme moi.


Sans doute il l'aimait. Mais sa satisfaction avait, à ce moment, une autre cause ; l'ambitieux Philippe se délectait secrètement à la pensée qu'il portait maintenant les titres de roi de Navarre et de comte palatin de Champagne et de Brie...

L'année suivant, le 5 octobre 1285, Philippe III mourut, et son fils lui succéda sur le trône de France.
Le sacre du nouveau roi et de la reine Jeanne eut lieu à Reims le 6 janvier 1286.

Devant la cathédrale, le peuple acclama sa petite reine, et chacun trouva, avec raison, que c'était la plus gracieuse fillette qui se puisse imaginer
.

Avec l'âge, la beauté de Jeanne s'affirma et devint éblouissante. A dix-huit ans, la jeune souveraine avait un charme qui subjuguait littéralement tous ceux qui l'approchaient et qui fit écrire à l'historien Mézeray :
"Cette petite reine tenait tout le monde enchaîné par les yeux, par les oreilles, par le coeur, étant également belle, éloquente, généreuse et libérale
".
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MessageSujet: Clovis et Clotilde   Clovis et Clotilde  - Page 3 EmptyVen 4 Mar - 12:09

Hélas ! Jeanne ne tarda pas à s'ennuyer aux côtés de l'austère Philippe qui l'abandonnait des soirées entières pour s'occuper des affaires de l'Etat.
Elle, qui eût désiré un mari fougueux et tendre, allait le plus souvent dormir seule dans sa chambre.
Parfois, au milieu de la nuit, énervée par sa solitude, elle se levait et regardait la Seine qui coulait sous sa fenêtre.
Depuis que la Cour était revenue au Louvre, ce fleuve l'attirait. Elle y voyait passer au petit matin de beaux bateliers râblés dont la peau brune et les muscles la faisaient rêver.
Elle ne pouvait s'empêcher d'y penser à longueur de journée, en soupirant, et tout le monde, sauf Philippe, bien entendu, remarquait son air mélancolique.


Un jour, elle cessa de soupirer. Son regard était toujours aussi brillant ; mais elle était plus calme, plus sûre d'elle-même, plus réservée aussi.
On ne la voyait plus saisir, en jourant, les mains du roi pour les poser sur ses lèvres ou venir, de façon un peu trop câline, se serrer contre lui.
Elle était digne et presque aussi sévère d'aspect que Philippe.


C'est alors que des bruits étranges commencèrent à courir dans Paris.
On racontait à voix basse que la reine Jeanne, par certaines nuits sombres, quittait furtivement le Louvre, traversait la Seine et s'en allait à la Tour de Nesle, qui était située en face.
On assurait qu'ellle y avait fait aménager, au premier étage, par des personnes de confiance, une grande salle où les soldats ne montaient jamais, et que l'on ne pouvait atteindre que par un escalier indépendant.
Cette salle, au dire des commères bien renseignées, était régulièrement approvisionnée en vin et en victuailles.
Deux ou trois fois par semaine, la reine y faisait, paraît-il, monter des étudiants ou des bateliers, qu'une mystérieuse entremetteuse lui envoyait, et elle se livrait avec eux, jusqu'au petit jour, à la plus scandaleuse des débauches.
Lorsque, enfin, sa fingale amoureuse était assouvie, on disait que la gracieuse et prudente reine appelait des gardes, faisait enfermer ses amants, las et repus, dans un sac lesté d'une grosse pierre et donnait l'ordre de les jeter dans le fleuve.
Et l'on citait le nom du jeune escholier(étudiant) qui était sorti vivant de l'aventure grâce à un sac mal ficelé, et qui avait dévoilé l'infamie de la reine.

Ces bruits étaient naturellement parvenus aux oreilles du roi Philippe.
Pourtant, il feignait de n'en rien savoir et n'y fit jamais allusion.


Après sept siècles, que faut-il penser de ces accusations - qui seront d'ailleurs, en grande partie, reprises vingt ans plus tard à propos de Marguerite de Bourgogne et de ses belles-soeurs ?

Il est difficile de la savoir. Sans doute, le peuple a-t-il, avec son imagination coutumière, un peu noirci les faits. Mais il est probable que la reine Jeanne a bien eu quelques galants rendez-vous dans une pièce haute de la Tour de Nesle.
Il y a rarement de fumée sans feu.


Cela expliquerait, d'ailleurs l'attitude du roi, peu soucieux de faire éclater un scandale qui eût risqué de rendre publique l'inconduite de la reine et d'entraîner sa condamnation à la prison perpétuelle.
Car Philippe, malgré sa froideur, aimait Jeanne.
A aucun moment, il ne cessa de lui montrer de l'estime.
Et pour faire taire les commères du royaume, il s'ingénia toujours, au contraire, à lui faire partager sa gloire.
C'est ainsi qu'après la conquête de la Flandre, ils allèrent tous deux visiter les régions nouvellement rattachées au domaine royal.
Il se passa là, d'ailleurs, un fait significatif.


Pour recevoir dignement les souverains, les habitants de Gand, d'Ypres et de Bruges mirent leurs plus beaux vêtements, étalèrent tout leur luxe. Mal leur en prit. En voyant les bourgeoises de Bruges en toilettes somptueuses et couvertes de bijoux, la reine Jeanne, qui était orgueilleuse et vindicative, se sentit blessée dans sa vanité de femme. Elle devint rouge de colère et s'écria :

- Je croyais qu'il n'y avait qu'une reine de France ; j'en vois six cents
!

Et elle obtint du roi Philippe, décidément bien faible devant son épouse, que la rançon des malheureux habitants de Bruges fût augmentée...
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MessageSujet: Clovis et Clotilde   Clovis et Clotilde  - Page 3 EmptyVen 4 Mar - 14:12

Vers 1294, Philippe le Bel connut de graves ennuis d'ordre financier. Comme il se trouvait dans l'impossibilité de frapper le peuple de nouveaux impôts - les lois féodales étant, à cet égard, très strictes - il dut prendre la décision de réduire son train de vie, ce qui déplut énormément à la reine Jeanne, habituée aux robes élégantes, aux bijoux, aux tissus rares et aux pâtisseries fines.

Elle se plaignit au roi :

- Pourquoi devrais-je me priver seule, quand toutes les femmes du royaume continueront, comme par le passé, à se vêtir somptueusement et à se nourrir à leur guise ? C'est insupportable.

Philippe le Bel posa sur elle son regard doré :

- L'exemple a d'autant plus de force, Madame, qu'il vient de plus haut. Toutes les femmes de France voudront, dès demain, connaissant votre sacrifice, mener une existence aussi austère que la vôtre, et le pays tout entier fera des économies.


- Si c'est là votre but, dit la reine, alors, Messire, faites une loi ; car je connais les femmes, elles imiteront peut-être mon luxe, mais jamais mes restrictions.
Or je ne veux pas être seule à me vêtir pauvrement.
Si je suis touchée par la mauvaiseté de vos finances, que tout le royaume soit frappé avec moi.

Puis ayant dit, elle rentra dans ses appartements.


Docile, Philippe le Bel, quelques jours plus tard, promulgua sa fameuse loi somptuaire, destinée à régler le train de vie de chaque sujet, du haut prélat au "manoeuvre léger"...

Cette loi indiquait la quantité de mets que l'on pouvait servir sur les tables, le nombre de robes auxquelles on avait droit par an, et le prix qu'on pouvait y mettre selon son état, sa naissance et ses facultés.


Elle défendait, par exemple, de servir au souper (qui était alors le grand repas) plus de deux mets et un potage au lard ; au dîner (qu'on nommait petit repas ou petit manger), un mets et un entremets. On ne devait servir qu'une seule espèce de viande dans un plat ou une seule espèce de poisson.
Le deuxième article de cette loi précisait que les ducs, les comtes et les barons, qui avaient six mille livres de terrres, ne pouvaient s'offrir plus de quatre robes par an (il en était de même pour leurs femmes) ; que les prélats et les chevaliers n'avaient droit qu'à deux robes, et que les dames ou demoiselles qui avaient deux mille livres de terres, ne pouvaient en acheter qu'une - à moins qu'elles ne fussent châtelaines -


Le troisième article déclarait que nul prélat ou baron ne pouvait mettre plus de vingt-cinq sols tournois à l'aune de Paris pour sa robe. Et, si les femmes des barons avaient droit à trente sols, le châtelain ne devait pas dépasser dix-huit sols à l'aune ; l'écuyer, fils de baron, quinze ; l'écuyer qui se vêtait de pourpre, dix ; le clerc en dignité ou fils de comte, seize ; le chanoine d'église-cathédrale, quinze ; les femmes de bourgeois, seize (à condition toutefois que leurs maris aient la valeur de deux mille livres tournois de bien) ; quant aux autres, ils n'avaient droit qu'à douze sols au plus.

L'article quatre défendait aux bourgeoises "d'avoir des chars, de se faire accompagner, la nuit, avec des torches de cire et de porter du petit-gris, de l'hermine, du menu-vair, de l'or et des pierres précieuses".

Cette loi interdisait donc toute fantaisie vestimentaire, ce qui ravit la reine.

- Ainsi, dit-elle en riant, tout le monde sera vêtu semblablement.


On l'aura reparqué, aucun article de la loi somptuaire ne concernait les chaussures. C'est donc dans ce domaine que les sujets du roi Philippe cherchèrent à se singulariser.
Un soulier étrange, inventé par un sieur Poulain, eut bientôt la faveur du public.
On l'appela pouline ou poulaine.
Il s'agissait d'une chaussure qui finissait en pointe plus ou moins longue, suivant la qualité des personnes qui la portaient ; car, sous l'influence de la loi somptuaire, il s'était établi tout naturellement une hiérarchie du costume que tout le monde respectait.
Ainsi, la poulaine était de deux pieds de long pour les princes et les grands seigneurs, d'un pied pour les riches, et d'un demi-pied pour les gens du commune. (C'est de là, d'ailleurs, qu'est venue l'expression "vivre sur un grand pied")


Cette chaussure, que l'on ornait de cornes, de griffes ou de figures grotesques, finit par attirer l'attention des évêques, qui fulminèrent contre elle sans succès.
Certains faillirent même en déclarer l'usage hérétique.
Mais des sujets plus graves allaient bientôt occuper l'Eglise
.
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MessageSujet: Clovis et Clotilde   Clovis et Clotilde  - Page 3 EmptyVen 4 Mar - 19:29

Si elle se mêlait parfois des affaires du royaume de France, la reine Jeanne n'acceptait pas que Philippe le Bel s'immisçât dans celles du comté de Champagne qu'elle gérait personnellement avec sa mère.
Elle le prouva en s'occupant seule d'une affaire curieuse qui fit quelque bruit et se termina bien mal.

La reine douairière de Navarre ayant soupçonné un trésorier, le chanoine Jean de Calais d'avoir détourné des fonds, celui-ci prit la fuite et se réfugia en Italie, près de la Cour romaine.

Jeanne, furieuse, accusa sans grande preuve, semble-t-il, Guichard, homme de mauvaise réputation bien qu'évêque de Troyes et membre du Conseil du roi, d'avoir facilité la fuite du chanoine. Outré, le prélat protesta de son innocence ; ce qui n'empêcha pas Jeanne de le faire chasser du Parlement.


Or, quelques jours plus tard, le 2 mai 1302, la reine mère de Navarre, dont la santé était cependant florissante, mourut subitement d'un mal mystérieux.
Aussitôt, le peuple accusa Guichard, qui se livrait, disait-on, à des pratiques de sorcellerie, de l'avoir empoisonnée ou envoûtée par effet de charmes maléfiques.
Naturellement, la reine Jeanne, qui voulait à toute force la perte de l'évêque, se déclara certaine de sa culpabilité et ordonna aux chefs de la police de faire mener sur lui une enquête serrée.
Celle-ci n'était pas terminée (peut-être était-elle sur le point d'aboutir) lorsque, le 2 avril 1304, la reine Jeannne, dans l'éclat de ses trente-deux ans, mourut à son tour subitement au château de Vincennes.

Philippe le Bel, profondément affligé, suivit le convoi funèbre jusqu'à l'église des Cordeliers, sourd aux propos de la foule qui ne se gênait pas pour accuser Guichard d'avoir fait mourir la reine par envoûtement.


Pendant quatre ans, le roi refusa de prêter attention à ces bruits. Mais un jour de 1308, un vieil homme vêtu misérablement se présenta au Louvre.

- Je voudrais parler au confesseur du roi, dit-il.
C'est très important.
On le fit entrer, et un dominicain le reçut.
Visiblement impressionné par le regard froid du religieux, l'étrange visiteur bredouilla :

- Je suis l'ermite de Saint-Avit. Je viens faire des révélations au sujet de la mort de la reine Jeanne.
- Je vous écoute.
- La reine, Dieu ait son âme, est bien morte par sorcellerie et sortilège, comme on l'a dit. Je connais l'homme qui l'a envoûtée, pour avoir été son complice : c'est messire Guichard, abbé de Moutier-la-Celle, évêque de Troyes.
Et, dans ce cabinet silencieux, l'ermite conta à voix basse comment il avait été mêlé à ce crime.


- Un soir, dit-il, dans la cabane que j'occupe au milieu des bois, je reçus la visite de l'évêque. Il me remit une fiole et me demanda d'aller à Paris empoisonner les trois fils du roi. Horrifié, je refusai.
Alors, il m'injuria, menaça de me tuer et, finalement, se retira en me maudissant.

Quelques mois plus tard, Guichard était revenu voir l'ermite en compagnie d'une sorcière nommée Margueronne de Bellevillette.
Sous la menace, tous deux l'avaient obligé à participer à une impressionnante cérémonie. L'évêque ayant modelé une petite poupée de cire à la ressemblance de la reine, avait allumé des cierges et prononcé quelques formules incompréhensibles, aussitôt répétées par la sorcière.
Puis l'ermite avait dû dire des prières dont il n'avait pas compris le sens et, finalement, Guichard, s'étant saisi d'une longue aiguille, avait percé la poupée en différents endroits.
Le lendemain, la reine Jeanne était morte à Vincennes d'une étrange maladie.


Dès qu'il connut la déposition de l'ermite, Philippe le Bel fit arrêter Guichard et Margueronne de Bellevillette.
Tous deux nièrent énergiquement les faits rapportés par celui qui se disait leur complice, et l'affaire traîna pendant des années.
Au bout de huit ans, on dut relâcher l'évêque, faute de preuves.
Néanmoins, un doute subsista dans l'esprit du peuple.

- Guichard a bénéficié des circonstances, disait-on.
Si le roi Philippe n'avait pas été préoccupé par l'affaire des Templiers, l'enquête ouverte à la suite des révélations de l'ermite de Saint-Avit aurait été menée avec plus de zèle...


C'était vrai. Le roi, toujours à court d'argent, avait engagé contre le très puissant et très riche Ordre du Temple, dont il convoitait les richesses, un procès qui occupait tout son esprit.
La lutte était d'une importance considérable qui échappait, bien entendu, au menu peuple.

- Le roi fait passer ses intérêts et sa politique avant le culte dû aux défunts, murmurait-on. Il aime mieux prendre le trésor des Templiers que venger la mort de notre reine.

Quelques commères, il est vrai, ricanaient (rigolaient) :

- A moins que notre gentil sire n'ait aucune envie de punir l'assassin d'une femme qui l'a, paraît-il, si effrontément trompé...
Mais on les faisait taire.


D'ailleurs, ces commères pouvaient bien reprendre haleine et ménager leur salive. Elles allaient en avoir grand besoin.

Le 14 mars 1314, Jacques de Molay, grand maître de l'Ordre des Templiers, et quatre moines accusés d'hérésie et de sodomie furent brûlés vifs dans l'île aux Vaches, devenu aujourd'hui le terre-plein du Vert-Galant.
Philippe le Bel, impassible, assista à leur supplice d'un balcon du Louvre.
Lorsque les dernières flammes furent éteintes, sans doute le roi pensa-t-il que ses ennuis prenaient fin.
Or, au même balcon que lui, il y avait également trois jeunes princesses
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La plus âgée s'appelait Marguerite de Bourgogne
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MessageSujet: Clovis et Clotilde   Clovis et Clotilde  - Page 3 EmptySam 5 Mar - 20:31

LES DEBAUCHES DE MARGUERITE DE BOURGOGNE FIRENT EXCLURE LES FEMMES DE LA COURONNE




Le royaume de France est si noble qu'il ne peut aller à la femelle. - FROISSART -





PHILIPPE LE BEL aimait beaucoup ses trois brus, car, grâce à elles, le Louvre était devenu un endroit presque gai. Elles organisaient des réjouissances, des bals fort animés, des soirées consacrées à quelque trouvère en vogue ou de passage à Paris, et leur vie ressemblait à une fête.
On les rencontrait, à chaque instant, riant et tourbillonnant dans les couloirs, suivies de jeune filles chuchoteuses et d'adolescents moqueurs.


La plus âgée des trois, je l'ai dit, se nommait Marguerite ; elle avait vingt-trois ans. C'était elle que le roi préférait, pour sa grâce, son sourire et sa façon hardie de dire à chacun ce qu'elle pensait.

Elle était la fille de Robert II de Bourgogne, et Philippe le Bel l'avait fait épouser, en 1305, par son fils aîné, Louis, alors qu'elle n'avait pas quinze ans.
Il la trouvait jolie et intelligente et se plaisait à penser qu'un jour elle serait reine de France.

Parfois, le regard malicieux de Marguerite rencontrait celui du roi. Alors, le visage habituellement impassaible s'animait et, sur les lèvres minces de Philippe, flottait un sourire.

- Pour faire sourire le roi, disaient les graves conseillers qui le connaissaient bien, il faut que cette princesse soit joliment habile.


Habile, certes, elle l'était. Et, si Philippe avait su ce qui se passait dans la tête de sa bru préférée, sans doute eût-il cessé de sourire.
Lorsqu'elle s'était mariée, Marguerite, qui était fort précoce et d'un tempérament très au-dessus de la moyenne, avait cru pouvoir apaiser sa soif de caresses.
Hélas ! le jeune Louis préférait les plaisirs grossiers du jeu de paume aux agréments plus délicats et plus variés de l'alcôve.
Quand il avait joué toute la journée avec ses camarades, il s'endormait lourdement auprès de sa femme, sans même lui faire une de ces petites gentillesses qui témoignent d'une bonne éducation.
D'ailleurs, le chanoine de Saint-Victor n'hésite pas à dire de lui :

"qu'il était prodigue et dissipateur et n'avait que les goûts de l'enfance, quoiqu'il eût été, à plusieurs reprises, châtié, pour ce sujet, par son père."


Marguerite, que la lecture de vers légers composés par les ménestrels, émoustillait chaque jour davantage, devint bientôt aussi mélancolique que la reine Jeanne l'avait été jadis, et son esprit s'emplit d'idées que la morale réprouve généralement.
Elle rêva d'étreintes brutales et de rendez-vous secrets.

Or, depuis qu'elle avait le titre de reine de Navarre (depuis la mort de sa mère, Louis portait le titre de roi de Navarre et de comte de Champagne), elle possédait une cour indépendante et jouissait de ce fait d'une extrême liberté
.

Elle en profita pour s'entourer de jeunes femmes et de jeunes chevaliers plus intéressés que son mari aux jeux intellectuels, et organisa des débats sur des sujets qui la passionnaient.
La petite cour s'entretenait ainsi, pendant des heures, de poésie gaillarde, de philosophie et d'amour.
Après quoi, Marguerite entraînait tout le monde dans un jeu de cache-cache qui lui permetait de se retrouver dans quelque placard en compagnie du plus beau des chevaliers de l'assemblée et d'attendre en frissonnant qu'il se passât quelque chose...
Il faut bien le dire, la belle était chaque fois déçue.
Aucun des vigoureux adolescents qu'elle attirait dans ses cachettes n'osait lui manquer de respect.
Quelques-uns lui murmuraient bien à l'oreille de jolis compliments ; mais cela n'allait pas plus loin...


Pendant deux ans, la jeune reine vécut ainsi de façon relativement sage. Ces intrigues dans aboutissement et tous ces simulacres galans pourtant l'épuisaient.
Elle finit par se séparer de ces garçons trop vertueux ou trop prudents, et on la vit, à son tour, s'accouder le soir à la fenêtre qui s'ouvrait sur la Seine, et rêver en considérant les robustes bateliers...


Cette existence déprimante avait cessé en 1307, après que Philippe le Bel eut marié coup sur coup ses deux autres fils, Philippe et Charles, avec deux cousines de Marguerite : Jeanne de Bourgogne et sa soeur Blanche.

Immédiatement, la jeune femme avait repris espoir.
Ce qu'elle n'osait faire avec des compagnes qui n'étaient point de son rang, et à qui elle ne pouvait confier ses intimes désirs, lui parut dès lors réalisable avec la complicité de ses jeunes belles-soeurs.
Et, comme celles-ci n'avaient pas tardé à se plaindre également de la froideur de leurs époux, une entente spéciale, fondée sur des griefs communs, s'établit bientôt entre les trois femmes.
Les fils du roi aimaient décidément trop le jeu de paume.
Cela ne devait pas leur porter chance
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MessageSujet: Clovis et Clotilde   Clovis et Clotilde  - Page 3 EmptyDim 6 Mar - 15:19

Marguerite commença par reformer sa cour, où fut admise toute la jeunesse du palais. Puis les trois princesses organisèrent des fêtes, ce qui ne s'était pas fait depuis l'époque où la reine Jeanne, délaissée par le roi, chercheait, elle aussi, à s'amuser...
Elles se livrèrent à mille excentricités, commirent quantité d'imprudences qui eussent inquiété n'importe quel mari moins aveugle que les fils du roi et recherchèrent les compliments pour faire comprendre qu'il n'était pas interdit de porter les yeux sur elles.
Philippe le Bel assistait impassible, à cette dangereuse exubérance.
Pourtant, tout ne devait pas lui plaire dans le comportement de ses brus.


Un jour, celles-ci inventèrent - tant était grand leur désir de troubler les hommes de la cour - une mode nouvelle et singulièrement audacieuse.
Elles se firent confectionner des robles dont la jupe était fendue d'un côté, jusqu'à la hanche, et qui laissait voir, à chaque pas qu'elles faisaient, beaucoup plus qu'il n'est convenable pour des princesses.
De nombreux chevaliers furent éblouis par les rapides visions qu'offrait la démarche des trois rouées.
Et, dans tout le château du Louvre, le bruit se répandit bientôt que les brus du roi n'étaient pas seulement jolies, mais qu'elles étaient admirablement faites
.

L'attitude résolument provocante qu'avaient adoptée les trois princesses privées d'amour, finit par donner quelque hardiesse à certains jeunes gens de leur suite.
Et l'on parla à voix basse de baiser échangés furtivement dans l'ombre des escaliers, et même d'étreintes rapides entre deux portes.
Toutefois, personne ne pouvait donner de précisions, et bien des gens considéraient ces histoires comme de vulgaires ragots inventés de toutes pièces.


Pourtant, il est quelqu'un qui s'y arrêta.
C'est Jehan de Meung, le continuateur du Roman de la Rose.
Ayant fait une petite enquête, il acquit rapidement la certitude que ces bruits étaient fondés et que les gracieuses brus du roi de France n'étaient pas des modèles de vertu.
Un soir qu'il était convié à la cour de la reine de Navarre pour y dire ses oeuvres, il s'amusa à chanter une chanson de sa composition dans laquelle se trouvaient plusieurs allusions fort claires aux aventures galantes des trois princesses.
Il espérait les faire rire. Il les fâcha.


Sans rien montrer de leur colère, elles lui demandèrent de demeurer dans leur chambre, puis elles se rendirent dans une pièce voisine afin de convenir de la punition qu'elles devaient lui infliger pour son indiscrétion.
Après un court débat, elles décidèrent qu'ill serait frappé de verges. Rentrées dans leur chambre, elles mirent au courant le pauvre Jehan de Meung de ce qui l'attendait.

- Pour vous apprendre à trop parler, lui dit Marguerite de Bourgogne, nous allons vous lier les bras et, tandis que notre huissier de chambre veillera à la porte, nous vous frapperons à tour de rôle à coups de verge.
Le poète était loin de s'attendre à une chose pareille.
Ahuri, il allait se laisser ligoter lorsqu'il eut une idée.


- Fort bien, mesdames, dit-il respectueusement. J'ai en effet, cent fois mérité cette punition. Toutefois, je requiers une grâce à genoux : ce n'est pas pour éviter le châtiment, mais pour y mettre une juste et raisonnable condition : c'est que celle de vous qui est la plus coupble, donc la plus offensée par mes vers, me frappe la première.

Alors les princesses changèrent de ton, rangèrent leurs verges et déclarèrent en souriant que tout ceci n'était qu'une aimable plaisanterie...


Après cet incident, Jehan de Meung et les autres poètes se tinrent désormais sur leurs gardes, et personne ne parla plus des amours clandestines des trois jeunes femmes.
Pourtant, le scandale n'allait pas tarder à éclater
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MessageSujet: Clovis et Clotilde   Clovis et Clotilde  - Page 3 EmptyDim 6 Mar - 15:40

De tout temps, il a suffi d'un beau soleil, de carillons et de draps piqués de fleurs aux façades des maisons pour qu'une ville ait un air de fête.
Boulogne avait tout cela en ce jour de juin 1309, et les Boulonnais souriaient, heureux de vivre des heures inhabituelles.
Depuis le matin, des hérauts (officiers publics chargés de porter des messages ou d'ordonnacer les cérémonies) parcouraient les rues, annonçant au peuple hilare des réjouissances multiples, qui devaient avoir lieu jusqu'au surlendemain, et les tavernes ne désemplissaient pas.
Bref, on fêtait comme il se devait, le mariage de la princesse Isabelle, fille de Philippe le Bel, avec Edouard II, roi d'Angleterre, dont la cérémonie s'était déroulée le matin, en la cathédrale.

Quelques commères, pourtant ricanaient (rigolaient) :

- Ce jeune roi anglais, disaient-elles, n'a pas l'air d'un homme. On croirait plutôt une jeune fille, tant sa voix est câline et ses gestes délicats... Notre princesse aurait-elle épousé un "faux semblant" ?


Hé oui ! les commères boulonnaises avaient vu juste.
Le jeune roi Edouard II était bien plus attiré par les damoiseaux (les jeunes gens) que par les demoiselles.
La pauvre Isabelle allait bientôt s'en apercevoir.


Pour l'instant, elle n'avait aucun soupçon. D'ailleurs, elle était bien trop occupée par les préparatifs de son départ pour remarquer quoi que ce fût d'anormal dans le comportement de ce mari qu'elle ne connaissait pas la veille encore.
Elle faisait porter vers le bateau des coffres emplis de cadeaux et de robes élégantes, comme on n'en faisait déjà qu'à Paris, et veillait à l'embarquement des cassettes de bijoux dont elle voulait éblouir les dames d'Angleterre.
Quant vint l'heure des séparations, elle embrassa tous les membres de sa famille et remit un présent à chacun.

- Pour vous souvenir de moi lorsque je serai à Londres, dit-elle, car je ne sais quand je reviendrai.

A Marguerite et à Blanches, ses belles-soeurs, elle donna deux mignifiques bourses qu'elle avait brodées elle-même.
Ravies, les deux princesses accrochèrent immédiatement l'objet à leur ceinture.


- Que ces bourses vous portent bonheur, dit Isabelle.

Puis accompagnée de son époux, elle s'embarqua sur la plus belle nef, celle dont le château (habitacle situé à l'arrière des bateaux) était tendu de drap d'or...
Qui donc aurait pu prédire que ces cadeaux anodins causeraient, un jour, la perte des trop légères brus du roi de France
?
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MessageSujet: Clovis et Clotilde   Clovis et Clotilde  - Page 3 EmptyDim 6 Mar - 16:59

C'est peu de temps après le départ d'Isabelle que Marguerite remarqua, parmi les nouveaux chevaliers de l'hôtel royal, un très beau garçon dont le regard lui donnait l'impression d'avoir des pelotes d'aiguilles au creux des mains.
Elle demanda son nom et apprit que ce séduisant jeune homme s'appelait Philippe d'Aulnay.
Pendant plusieurs nuits, elle dormit for mal. Pourtant, elle hésitait à convier ce beau chevalier à ses réunions littéraires et à ses jeux de cache-cache si particuliers.
Elle craignait qu'avec lui les choses ne restassent pas sur le plan de la bagatelle, mais prissent un tour dangereux...


En vérité, elle avait peur de tomber amoureuse pour la première fois de sa vie.
Elle pensait en effet - avec quelque ingénuité - qu'une femme mariée pouvait prendre du plaisir avec de vigoureux partenaires sans que cela pût être considéré comme une faute grave, mais que l'amour était un péché.


Pendant des semaines, elle s'efforça de ne plus penser à Philippe. Elle s'y efforça même avec une telle passion qu'elle finit par tomber éperdument amoureuse de lui.
Elle s'alanguit, perdit ses couleurs, se désintéressa de la poésie et s'enferma pendant des heures dans sa chambre pour y pousser des soupirs qui inquiétaient les dames de sa suite.

Enfin, par un après-midi trop chaud de juillet, incapable de résister plus longtemps à son désir, elle fit appeler le chevalier.

Ils eurent un long entretien, pendant lequel l'huissier de chambre de Marguerite jugea discret de s'éloigner.


Devenue la maîtresse de Philippe d'Aulnay, la jeune princesse retrouva son équilibre, son entrain et ses couleurs.
Pourtant, les rencontres des deux amants n'étaient pas faciles dans ce palais où le moindre fait était rapporté à Philippe le Bel par une police vigilante.
Il leur fallait prendre d'incessantes précautions...

Bientôt, pur plus de sécurité, l'huissier de chambre fut mis dans le secret ainsi que les deux belles-soeurs de Marguerite.


Celles-ci, tout heureuses d'être mêlées à un telle aventure, montaient la garde dans les couloirs et chassaient les importuns.
En échange, de leur complicité, elles exigeaient que Marguerite leur fît ses confidences et leur relatât par le menu tous ses "entretiens" avec son amant.


Dans ce but, presque chaque matin, les trois jeunes femmes se réunissaient en grand secret, soit dans la chambre de Jeanne, soit dans celle de Blanche. Et ce que leur racontait à voix basse l'ardente reine de Navarre faisait briller d'envie les yeux des deux soeurs.

Elles aussi auraient bien voulu connaître les joies profondes d'un grand amour.
Les étreintes furtives dont elles se contentaient jusqu'alors ne leur suffisaient plus, et c'est pourquoi elles furent dans un état d'exaltation peu commun le jour où elles apprirent que Philippe d'Aulnay avait un frère aussi beau que lui, qui se nommait Gautier.

- Il sera pour moi, décida Blanche.

Jeanne, qui était timide, ne protesta point. Et, le lendemain, Philippe fut prié d'amener son frère.


Celui-ci plut aussitôt à Blanche qui le retint dans sa chambre pour une conversation particulière dont il ne sortit qu'au petit matin, haletant, les jambes molles et le regard vague.

Dès lors, Jeanne put se régaler de deux confidences...
Aussi montait-elle une garde vigilante auprès des amants, épiant l'arrivée possible des maris, facilitant parfois les fuites précipitées, allant jusqu'à cacher les chevaliers dans des coffres de sa chambre.
Grâce à elle, pendant trois ans, personne ne soupçonna au palais ce qui se passait la nuit dans les appartements des princesses.
Malheureusement, une faute impardonnable allait tout compromettre.


En 1313, en effet, une inconcevable imprudence fut commise par Blanche et Marguerite. Sans doute, l'atmosphère grisante des fêtes qui se déroulaient alors à Paris leur avait-elle quelque peu tourné la tête.

Philippe le Bel ayant solennellement armé ses fils chevaliers, toute la capitale était en liesse. Les chroniqueurs qui relatent ces festivités nous disent que "les princes et les seigneurs du royaume qui étaient venus assister à la cérémonie étalaient, à l'envi, la magnificence de leurs harnais et de leurs habits, dont ils changeaient jusqu'à trois fois par jour.


Le roi, qui avait convié son gendre, Edouard II d'Angleterre, et Isabelle, donna dans les jardins de Saint-Germain-des-Prés un festin où les convives installés sous des tentes de soie brodées d'or, étaient servis par des domestiques à cheval.

Les rues de la capitale furent illuminées pour que l'on pût danser et boire toute la nuit.
Des fontaines de vin coulèrent aux carrefours.
Bourgeois et gens du peuple se déguisèrent de plaisante manière, et des ribaudes en profitèrent pour se montrer presque entièrement dévêtues, sous le prétexte de représenter notre mère Eve avant le péché.


La première journée de fête se termina par un incident fâcheux. A peine les souverains anglais étaient-ils couchés dans l'hôtel que Philippe le Bel avait mis à leur disposition, qu'un incendie se déclara dans leur chambre.
Ils n'eurent que le temps de se sauver en chemise, ce qui donna matière à mille plaisanterie.

Est-ce cette aventure qui mit Isabelle de mauvaise humeur ? C'est fort possible.
Quoi qu'il en soit, le lendemain, la jeune femme, qui était d'un caractère vindicatif, se montra fort désagréable avec tout le monde, et particulièrement avec ses trois belles-soeurs.


Bouche pincée, l'oeil mauvais, elle les considérait avec amertume, les enviant de pouvoir montrer cet air heureux de femmes comblées que son efféminé de mari ne parviendrait sans doute jamais à lui donner.
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MAINGANTEE

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MessageSujet: Re: Clovis et Clotilde    Clovis et Clotilde  - Page 3 EmptyDim 6 Mar - 17:14

study Merci Miss !
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