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 LE PULL-OVER RUOGE

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epistophélès
JeanneMarie
MARCO
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MessageSujet: LE PULL-OVER RUOGE   LE PULL-OVER RUOGE EmptyMar 10 Oct - 14:11

De GILLES PERRAULT

Aux neuf jurés d'Aix-en-Provence



Ils étaient trois à marcher à pas lents sur le quai du Vieux-Port. La défaite, comme le succès, est rarement absolue ; la vie transige. Ces trois-là étaient absolument vaincus, et sans espoir de revanche, car aucun triomphe ne compenserait jamais l'insupportable défaite qu'ils venaient de subir. Une demi-heure plus tôt, dans une cour de la prison marseillaise des Baumettes, on avait guillotiné devant eux un garçon de vingt-deux ans, leur client Crhistian Ranucci.
L'aurore mettait à peine un peu de rose sur Notre-Dame-de-la-Garde mais le quai de la criée au poisson était à son heure la plus animée. Contrairement à ses deux cadets qui auraient souhaité rouler en voiture dans les rues désertes, le plus âgé des trois avocats avait voulu venir à la criée comme on va à un feu pour s'y réchauffer. Il lui fallait des vivants autour de lui et, aux petites heures de l'aube, c'était sur ce quai braillard que battait le coeur de la ville.
Les trois avocats marchaient en silence. Il n'y avait plus rien à dire, plus rien à faire. La souffrance viendrait, puis la colère. Ils n'éprouvaient pour l'heure qu'une sorte d'hébétude et aussi un sentiment de solidarité dont la force les surprenait. Ils avaient peu de choses en commun. L'affaire même les avait conduits à s'affronter durement sur le choix d'une stratégie. Mais ce qui'ls venaient de vivre faisait tout le reste minuscule. Le cadet, qui avait à peine cinq ans de plus que son client décapité, songea que quoi qu'il arrive, ils resteraient tous les trois indissolublement liés : ils avaient communié dans la mort d'un homme. Car Christian Ranucci était mort. Le jeune avocat acceptait mal cette évidence. Deux années durant, il était allé deux fois par semaine visiter le prisonnier aux Baumettes. La mère exceptée, personne ne le connaissait aussi bien que lui, au moins pour l'ultime étape de sa courte vie. Les deux jeunes gens, l'avocat et son client, observaient par accord tacite un certain formalisme dans leurs rapports : ils ne manquaient jamais de se donner du "Maître" et du "Monsieur". Parfois, l'empois fondait à la tiédeur d'un après-midi printanier et le prisonnier de vingt ans plaisantait et riait avec son avocat de vingt-cinq ans comme s'ils n'avaient pas été assis face à face dans un parloir de prison ; puis ils réintégraient leur personnage officiel. Jean-François Le Forsonney avait tutoyé pour la première fois Christian quelques minutes avant son exécution, dans l'interminable corridor souterrain reliant le quartier des condamnés à mort à la cour où était dressé l'échafaud. Car Christian Ranucci était mort.
Pour le jeune avocat, il y avait le scandale inacceptable de cette vie tranchée net, mais aussi un sentiment qu'il ne pouvait surmonter, tout en le sachant dérisoire par rapport au reste : celui d'avoir été maltraité par le destin. Rares sont les condamnations à mort, et plus rares encore les exécutions capitales. La plupart des avocats, fussent-ils spécialistes des affaires criminelles, parviennent à la retraite sans avoir eu à accomplir le matinal pèlerinage. Et voici qu'au seuil de sa carrière, on lui éclaboussait de sang sa robe noire toute neuve. On venait de couper en deux son premier vrai client.
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MessageSujet: LE PULL-OVER ROUGE   LE PULL-OVER RUOGE EmptyMar 10 Oct - 16:43

Un bar était ouvert. Les trois avocats entrèrent et burent un café, puis ils se séparèrent. Paul Lombard avait une affaire à plaider à neuf heures. André Fraticelli ignorait encore que le cadavre du décapité allait l'occuper toute la journée. Jean-François Le Forsonney rentra chez lui : il se sentait littéralement à bout de force.

Longue et athlétique, Monique était sous la douche quand son transistor, branché sur Radio Monte-Carlo diffusa le premier bulletin d'information de cinq heures et demie. Il débuta par l'annonce que Christian Ranucci, l'assassin de Marie-Dolorès Rambla, avait été guillotiné à quatre heures treize à la prison des Baumettes. Elle éclata en sanglots incoercibles. Amis d'enfance, compagnons de jeux puérils, ils s'étaient redécouverts en leur adolescence et avaient fait l'amour. C'était la première fois pour elle comme pour lui. Christian avait seize ans ; Monique, dix-neuf. Splendide mulâtresse, éclatante de vitalité, Monique avait rompu un an plus tard mais cette séparation ne lui avait pas fait oublier pour autant son premier amour. Fidèle au rendez-vous du malheur, elle avait renoué avec le prisonnier des Baumettes et ses lettres, d'abord affectueuses, avaient tout naturellement retrouvé le ton ancien. Depuis le procès, auquel elle avait assisté, Monique était convaincue que Christian serait exécuté. Pourtant, l'annonce de cette exécution la stupéfiait et la bouleversait si fort qu'elle se demanda si elle ne conservait pas au fond du coeur, et sans même le savoir, une infime espérance.
Il lui fallait aller à son travail, qui commençait à sept heures. Là-bas, personne ne savait ses liens avec Christian. "J'ai pleuré, dit-elle. Après, je me suis maquillée pour que ça ne se voie pas trop. Mais comme je n'ai pas pu me retenir de pleurer encore, le résultat était pire. J'ai pleuré toute la matinée. J'entendais mes collègues parler autour de moi, ils étaient heureux que Christian ait été guillotiné. C'était comme une fête pour eux. Je pleurais et je pensais : "Il y a beaucoup de haine, sur cette terre, beaucoup "de haine..."

C'est également vers cinq heures et demie que Micheline Deville, journaliste, et Albert Botti, photographe de presse sonnèrent à la porte de l'appartement des Rambla, au dernier étage d'une H.L.M. juchée sur les hauteurs de Saint-Barnabé et dominant tout Marseille. Ils arrivaient de la prison des Baumettes, où il avaient assuré le difficile reportage de l'exécution. Albert Botti avait pu photographier le départ des avocats et la sortie du fourgon transportant les reste de Ranucci. S'ils obtenaient une déclaration des parents de la petite Marie-Dolorès, elle paraîtrait le jour même dans Le Soir, seul journal vespéral publié à Marseille, pour lequel ils travaillaient tous les deux.
Les quotidiens régionaux et nationaux n'allaient pas manque de rapporter le lendemain la nouvelle de l'exécution mais elle risquait d'être éclipsée par la possible victoire de Guy Drut aux Jeux Olympiques de Montréal : il s'alignerait dans quelques heures au départ de la finale du 110 mètres haies, porteur des ultimes espérances françaises. S'il gagnait, l'or de sa médaille recouvrirait le sang répandu sur l'échafaud des Baumettes.
Personne ne répondant à leur coup de sonnette, ce qui n'était guère surprenant à une heure si matinale, les visiteurs redescendirent l'escalier et sortirent de l'immeuble, résignés à attendre. Le bruit d'une fenêtre qu'on ouvre leur fit lever la tête. Micheline Deville reconnut le visage creusé de Pierre Rambla, qu'elle avait interviewé plusieurs fois. Penché à la fenêtre, il fit une mimique interrogative tout en se passant le tranchant de la main sur le cou. C'était clair : "Décapité ?..." Les deux journalistes acquiescèrent. M. Rambla leur fit signe de monter et referma la fenêtre.

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MessageSujet: LE PULL-OVER ROUGE   LE PULL-OVER RUOGE EmptyMar 10 Oct - 17:56

Il es reçut en pyjama. D'une maigreur presque squelettique, le visage marqué par l'épreuve impitoyable qui lui avait été imposée. Pierre Rambla avait cinquante ans et en paraissait dix de plus. Dès avant l'assassinat de sa fille, son métier d'ouvrier-boulanger l'avait prématurément usé et il était atteint d'une maladie professionnelle chronique causée par la poussière de farine qu'il respirait à longueur de temps. Le drame l'a achevé. Il souffre d'insomnie. Quand il parvient enfin à glisser dans un sommeil fragile, le visage de sa fillette martyrisée vient hanter ses rêves et il se réveille en croyant entendre Marie-Dolorès l'appeler à son secours. Physiquement incapable de reprendre son travail, moralement détruit, il tient sa propre existence pour achevée et dit ne plus survivre que pour assurer l'éducation des ses trois autres enfants.
Dans son français fruste et rocailleux, Pierre Rambla d'origine espagnole, ne cacha point à ses visiteurs que la mort de Ranucci le satisfaisait. Il espérait qu'elle lui apporterait l'apaisement. Depuis deux ans, sa femme et lui-même vivaient dans l'obession que l'assassin de leur enfant mangeait, buvait, lisait et dormait sans remords. Ce qui les avait par-dessus tout scandalisés, c'était l'attitude arrogante adoptée par Christian Ranucci lors de son procès. Il avait nié le crime et s'était donc abstenu d'exprimer un quelconque repentir. M. Rambla affirma à Micheline Deville que si le garçon s'était comporté autrement, s'il avait imploré son pardon, il le lui aurait accordé. Ce n'avait pas été le cas et "un tel monstre ne méritait pas de vivre". A présent qu'il avait payé, Pierre Rambla, bon catholique, voulait bien lui pardonner. Mais il devait expier son crime.
Mme Rambla, comme d'habitude, laissait parler son mari. Elle a quinze ans de moins que lui et use d'un français encore plus malaisé. Son visage à l'expression très douce ne porte point les mêmes stigmates de la souffrance. C'est un beau visage de mère méditerranéenne comme on en voit de Naples à Séville. Tout le malheur s'est concentré dans le regard infiniment triste et qui s'embue chaque fois qu'est prononcé le nom de son enfant assassinée.
Elle aussi se déclara satisfaite de l'exécution : "Ma fille est vengée." La perversité de Ranucci lui paraît d'autant plus haïssable qu'il exerçait une profession qui, selon elle n'est pas à la portée de tout le monde : "C'était un représentant de commerce ; il faut de la tête pour ça."
La salle de séjour était comme de coutume impeccablement rangée et astiquée. Dans un coin, deux valises toutes prêtes. Les Rambla partaient le jour même passer des vacances en Espagne. Simple coïncidence, car ils ne savaient pas en prenant leurs billets que Christian Ranucci serait guillotiné à l'aube de ce 28 juillet 1976. Leur avion décollerait à midi de Marignane et les mènerait à Madrid ; de là, ils gagneraient Malaga,où ils passeraient le mois d'août.
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MessageSujet: Re: LE PULL-OVER RUOGE   LE PULL-OVER RUOGE EmptyMar 10 Oct - 20:33

L'avocat JL de Forsenney est mort jeune ( 60 ans ?)
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MessageSujet: LE PULL-OVER ROUGE   LE PULL-OVER RUOGE EmptyMar 10 Oct - 20:40

Tu as raison, Marco, il est décédé le 21 décembre 2009. Il était né au Maroc. Toute sa vie, il avait essayé de faire réhabiliter Christian Ranucci.
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MessageSujet: LE PULL-OVER ROUGE   LE PULL-OVER RUOGE EmptyMar 10 Oct - 21:17

Héloïse Mathon, mère de Christian, se réveilla en sursaut juste avant sept heures du matin. La veille, elle avait dû prendre une forte dose de somnifère pour parvenir à s'endormir. Depuis la condamnation à mort de son fils, quatre mois plus tôt, elle ne tenait qu'à force de tranquillisants et de somnifères qui lui faisaient des réveils pâteux. Elle appuya sur la touche de son transistor pour capter le bulletin d'information de sept heures et apprit ainsi la mise à mort de Christian. De ce qui suivit, elle ne devait conserver qu'un souvenir confus. Elle se rappelle que son coeur battait à se rompre, qu'elle avait l'impression d'étouffer, qu'elle répétait sans cesse "ce n'est pas possible" et qu'il lui fallut se précipiter dans le cabinet de toilette pour vomir.
Le tumulte physique apaisé, elle accepta l'affreuse évidence mais continua de dire à haute voix : "Ce n'est pas juste." Elle était certaine de l'innocence de son fils. Puis elle fit sa toilette, s'habilla et quitta le petit logement qu'elle avait loué à Toulon après l'arrestation de Christian. Elle put joindre Paul Lombard au téléphone. L'avocat lui dit que Christian, tout en protestant jusqu'au bout de son innocence, avait accepté la mort avec un grand courage et qu'il n'avait certainement pas souffert.

Micheline Théric et son mari apprirent la nouvelle dans un camping d'Alsace où ils passaient leurs vacances. Fidèles à Radio Monte-Carlo, ils captèrent le bulletin d'information de huit heures et demie qui débutait lui aussi par l'annonce de la décapitation de Christian Renucci. Les Théric étaient voisins des Rambla au moment de l'enlèvement de Marie-Dolorès et, comme tous les habitants du quartier, ils avaient été profondément émus par le drame. Leur fille avait le même âge que la pitoyable victime. Plus tard, Micheline Théric avait eu la surprise de trouver chez sa marchande de journaux, puis chez son boucher, une pétition réclamant la mort pour Ranucci. Les deux feuilles étaient couvertes de signatures. Micheline Théric, catholique militante, avait été bouleversée par cette campagne qui lui paraissait incompatible avec l'idée qu'elle se faisait de la justice. Aussi avait-elle voulu assister au procès. Arrivée à Aix convaincue de la culpabilité de l'accusé, elle avait été ébranlée par les arguments de la défense. Son mari présent au deuxième jour, partageait ses doutes. Ni l'un ni l'autre n'avait cru à une condamnation à mort. Ils étaient en tout cas persuadés que Christian Ranucci serait gracié, de sorte que l'annonce de son exécution les suffoqua : "On ne s'y attendait vraiment pas, disent-ils, il y avait trop de choses invraisemblables dans ce procès, trop de doutes. Nous ne pensions pas qu'on pourrait l'exécuter."
Il ne leur restait plus qu'à prier.

La mère de Christian prit le train pour Marseille à neuf heures et demie et se rendit directement au cabinet de Paul Lombard, cours Pierre-Puget. Elle fut reçue par son collaborateur, Jean-François Le Forsonney. Le bref repos qui'l venait de prendre n'avait pas lavé l'avocat des épreuves de la nuit. Elle lui trouva un visage qu'elle ne lui avait jamais vu.
D'une voix rauque et entrecoupée de silences au cours desquels il s'efforçait de maîtriser son émotion, il répéta à Mme Mathon les dernières paroles de son fils. Christian avait affirmé jusqu'au bout son innocence et demandé à ses avocats de se battre pour sa réhabilitation posthume. Sa marche au supplice avait été sans faiblesse. Il était mort très courageusement.Maître Le Forsonney exprimait ainsi son opinion sincère mais il savait - et ne dit pas à Mme Mathon - que son confrère et aîné Paul Lombard avait au contraire vu "toute la peur du monde" concentrée sur le visage de Christian.
La mère exposa alors l'objet de sa visite : elle voulait récupérer immédiatement le cadavre de son fils.
L'avocat n'avait plus la force de s'étonner, mais il n'avait pas davantage celle de s'occuper des formalités que supposait cette démarche, dont l'issue lui paraissait d'ailleurs très aléatoire : il croyait bien se rappeler que la dépouille mortelle des suppliciés devait rester enfouie dans un carré de terre anonyme. Il conseilla néanmoins à Héloïse Mathon d'aller voir son confrère Fraticelli, qui avait son cabinet à quelques centaines de mètres.
Lily Dumas était arrivée entre-temps au bureau. Secrétaire de Paul Lombard, elle s'était prise de sympathie pour la mère de Christian, dont elle aimait la douceur et qu'elle avait reçue chez à plusieurs reprises. C'était la première fois qu'il lui arrivait d'établir des relations privées avec un client du cabinet. Comme Mme Mathon et comme son patron, Lily Dumas croyait à l'innocence de Christian. Elle s'était effondrée en larmes en apprenant à la radio, aux informations de spet heures et demie, qu'il venait d'être guillotiné. Elle se jeta en pleurant dans les bras d'Héloïse Mathon, qui l'étreignit et la supplia : "Ne m'abandonnez pas !..." Lily Dumas décida de l'accompagner chez maître Fraticelli.
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MessageSujet: LE PULL-OVER ROUGE   LE PULL-OVER RUOGE EmptyMar 10 Oct - 23:05

Âgé de trente-quatre ans, ancien rugbyman et motard passionné, André Fraticelli s'était déjà acquis une place de choix dans le barreau marseillais. Ses compatriotes corses notamment, dont certains exerçaient des activités multiples et prospères, quoique officieuses, lui faisaient toute confiance lorsque l'infortune les mettait en contact avec l'appareil répressif. Il avait joué dans l'affaire Ranucci un rôle singulier. L'instruction était close lorsqu'il avait pris rang parmi les défenseurs de Christian, de sorte qu'il n'avait eu aucune part dans cette phase essentielle. Persuadé de l'impossibilité de plaider l'innocence (il ne prétendait pas que l'accusé fût coupable, mais estimait que son innocence ne paraîtrait pas vraisemblable), il souhaitait plaider l'irresponsabilité, le coup de folie, l'acte de démence subite, de manière à obtenir les circonstances atténuantes et à sauver la tête de Christian Ranucci. Mais ses confrères Lombard et Le Forsonney avaient choisi de plaider l'innocence. Il n'était évidemment pas possible que la défense se divisât sur un choix stratégique aussi fondamental : un plaidoyer admettant la culpabilité annulerait la possible efficacité de ceux qui soutiendraient le contraire. André Fraticelli décida donc de ne point plaider. Il avait voulu cependant s'asseoir au banc de la défense et avait accompagné Christian jusqu'au bout du chemin. Son utilité, obscurem ais essentielle, avait surtout tenu à l'assistance qu'il avait apportée à Héloïse Mathon au cours du procès et après le verdict de mort. Elle n'avait dû qu'à la force physique de l'avocat et à sa détermination d'échapper, sinon au lynchage, du moins aux pires sévices de la part de la foule déchaînée qui venait d'applaudir le verdict. Maître Fraticelli, couvert de crachats, l'avait dégagée à coups de poing.
Il ne s'attendait pas à la voir ce matin-là. "Je vous assure, dit-il, que recevoir ainsi la mère d'un garçon de vingt-deux ans qu'on vient de guillotiner, c'est la pire des sales besognes. " Il lui répéta les pauvres phrases d'apaisement qu'avaient déjà eues ses confrères. Lily Dumas le trouva infiniment émouvant.Mme Mathon l'écouta en posant quelques questions, puis demanda quand on lui restituerait la voiture de Christian. Il s'agissait du coupé Peugeot 304 censé avoir servi à l'enlèvement de Marie-Dolorès Rambla et que la police avait saisi. Maître Fraticelli connaissait assez Mme Mathon pour ne pas s'étonner de sa question, et il était trop intelligent pour s'en offusquer. Après le verdict d'Aix, et alors qui'l la ramenait en voiture à Marseille pour qu'elle y prenne le train de Toulon, elle lui avait demandé à plusieurs reprises d'accélérer : "Dépêchez-vous, il faut que je rentre donner à manger à mes chats !" Il savait cette femme profondément perturbée. Le calvaire qu'elle vivait la jetait dans l'incohérence. Il éluda donc la question sur la voiture mais resta pétrifié quand sa visiteuse lui dit qu'elle voulait entrer en possession du cadavre de son enfant pour le faire inhumer en Avignon, où elle comptait s'installer.
L'avocat savait aussi que cette exigence était dans la logique d'une longue histoire. Héloïse Mathon, divorcée du père de Christian alors que l'enfant n'avait pas quatre ans, s'était mis en tête à tort ou à raison que son ex-mari avait dessein de lui enlever l'enfant. Quinze ans durant, elle avait vécu dans cette obsession. Son existence et celle de Christian avait été déterminée par la hantise de soustraire l'enfant aux entreprises du père. Ainsi avait-elle déménagé plus de trente fois pour brouiller sa piste. Elle avait placé Christian dans des écoles privées plutôt que dans des établissements publics dont les liens avec les services administratifs officiels auraient multiplié les chances de retrouver sa trace. Elle s'était abstenue systématiquement de donner son adresse et se faisait envoyer son courrier poste restante. "J'avais l'impression, dit André Fraticelli, de vivre une scène biblique, l'une de ces terribles histoires de fatalité et de malédiction. Cette femme qui avait eu peur toute sa vie de perdre son unique enfant... Et on venait de le lui enlever... Et de cette façon !"
Il lui répondit que sa demande serait repoussée : le corps devait rester enseveli dans le carré des suppliciés - c'était la règle. Héloïse Mathon insista : Christian était son fils et, même mort, elle voulait l'avoir bien à elle ; personne n'avait le droit de l'en priver.
Conformément à son habitude, elle parlait sans hausser le ton, d'une voix douce et obstinée. Elle avait cinquante-trois ans. Son visage fortement charpenté pourrait paraître dur s'il n'était éclairé par le regard chaleureux des yeux bruns. La voix surprend chez cette femme dont émane une indéniable expression de volonté têtue.
L'avocat, pour la convaincre, ouvrit son code pénal. L'article 14 fut une surprise : "Les corps des suppliciés seront délivrés à leurs familles, si elles les réclament, à la charge pour elles de les faire inhumer sans aucun appareil." Maître Fraticelli téléphona immédiatement au procureur de la République pour lui faire part de la demande de Mme Mathon. Le magistrat partageait l'opinion commune en la matière et répondit d'abord par la négative. Invité à consulter les textes, il s'étonna à son tour et reconnut que rien ne s'opposait à ce que le cadavre de Ranucci fût remis à sa mère. Pour la bonne règle, celle-ci aurait à introduire une requête à laquelle il donnerait son assentiment immédiat.
André Fraticelli rédigea la requête, la fit signer à Mme Mathon et lui demanda de repasser à son bureau le lendemain : il était midi moins le quart et l'exhumation ne pourrait pas avoir lieu le jour même. Elle en marqua de l'irritation.
Lily Dumas l'invita à déjeuner chez elle. Quand elles arrivèrent, elles trouvèrent le fis de Mme Dumas en train de regarder le journal télévisé de treize heures. Un film d'archives faisait revivre Christian à l'écran. Puis il y eut une image fixe montrant la guillotine. Lily Dumas se précipita pour éteindre le poste. Mme Mathon resta silencieuse.
Elles passèrent l'après-midi ensemble. Mme Dumas observa que sa compagne se gavait de tranquillisants. Malgré cela, elle avait des crises de larmes subites, des moments de faiblesse. "Je me demande, dit Mme Dumas, si elle réalisait vraiement que tout cela était bien vrai." Le soir venu, elle insista beaucoup pour que Mme Mathon passe la nuit chez elle mais se heurta à un refus : les chats à Toulon, attendaient leur nourriture.
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MessageSujet: LE PULL-OVER ROUGE   LE PULL-OVER RUOGE EmptyMer 11 Oct - 0:05

Le lendemain matin, les deux femmes passèrent prendre chez maître Fraticelli l'ordonnance du procureur autorisant la restitution du corps. Elles se rendirent l'après-midi au cimetière Saint-Pierre. L'accueil du conservateur fut insolite : "Il nous a dit, raconte Mme Dumas, qu'il avait vu le cadavre de la petite Marie-Dolorès et aussi celui de Christian, et que les deux spectacles étaient également horribles. J'ai trouvé cette déclaration bizarre." Le conservateur ajouta que l'ordonnance du procureur ne changeait rien aux règlements administratifs : pour des raisons d'hygiène évidentes, aucune exhumation n'était pratiquée à Marseille en juillet et août. Seul le maire pouvait autoriser une dérogation.
Les deux femmes s'en furent vers la tombe de Christian. C'était, dans un coin écarté, un simple tumulus de terre dans lequel était fiché, non pas une croix, mais un bâton portant le chiffre treize. Héloïse Mathon tomba à genoux en pleurant et en priant à haute voix. Puis elle sortit de son sac une image pieuse qu'elle enfouit dans la terre. Elle avait inscrit au dos : "Repose en paix. Je te jure sur ma vie que je te réhabiliterai." Convaincue que l'exhumation aurait lieu le jour même, elle avait également apporté des ciseaux, de l'eau de Cologne et des serviettes pour procéder à la toilette funèbre de son fils, ainsi qu'une paire de draps pour lui servir de linceul.
La petite Marie-Dolorès reposait dans le même cimetière Saint-Pierre, à quelques centaines de mètres du tumulus de Christian.
Maître Fraticelli, mis au fait de la nouvelle difficulté, effectua les démarches nécessaires à la maire de Marseille et obtint un arrêté municipal autorisant l'exhumation.Mais celle-ci ne pourrait pas avoir lieu avant la mi-août.
Ce soir-là comme la veille, Héloïse Mathon voulut absolument rentrer à Toulon pour nourrir ses chats.
Le lendemain matin, 30 juillet, les deux femmes allèrent à la prison des Baumettes récupérer les affaires de Christian. Lily Dumas attendit à la porte et aida son amie à porter les deux valises et le sac. Elles trouvèrent un taxi à quelque distance. Il faisait un temps magnifique.Le chauffeur, bonhomme, chargea les bagages dans le coffre et lança gaiement : "Alors, Mesdames, on part en vacances ?" Mme Mathon répondit doucement : "Non, Monsieur, nous en revenons." Elle oscillait entre les périodes de calme et des crises de larmes, malgré un recours constant aux tranquillisants. De retour chez Mme Dumas, elle commença le tri des affaires. Le fils de Mme Dumas reçut le transistor de Christian et une paire de chaussures.
Les trois jours suivants, elle continua le tri, emportant chaque fois un paquet d'affaires. Le soir du troisième jour, bien après son départ, Mme Dumas reçut un télégramme de Toulon : "Il faut absolument soigner le chat blessé. Vous rembourserai tous les frais." D'abord stupéfaite, Mme Dumas se rappela qu'elles avaient vu l'après-midi, à proximité de son propre domicile, un chat qui avait une patte cassée. Elle décida de satisfaire au voeu de son amie et sortit à la recherche du chat. Elle eu la chance de le retrouver mais écouha à l'attraper : la bête se sauvait dès qu'elle l'approchait. Elle rentra donc bredouille. La veille ou l'avant-veille, au cours deleurs pérégrinations, elle avait vu Héloïse Mathon s'apitoyer sur un chaton abandonné et affamé, le prendre et l'emporter à Toulon. Cet intérêt pour les félins semblait atteindre avec le télégramme un caractère excessif, presque délirant. Lily Dumas ignorait que Christian, quelques semaines avant son arrestation, avait soigné l'un de ses chats blessé à la patte avec une tendresse dont le vétérinaire s'était émerveillé. Le spectacle d'un chat pareillement blessé avait évidemment ravivé ce souvenir chez Héloïse Mathon.
Enfin arriva le jour de l'exhumation. Il faisait une chaleur torride. Elles se rendirent au cimetière Saint-Pierre au tout début de l'après-midi. "Le cercueil était déjà dans le fourgon, raconte Lily Dumas, à l'intérieur du hangar. Un employé nous a accueillies en disant : "Venez, madame Mathon, il est à vous."
Elle a dit d'un voix que je n'oublierai jamais : "Il "est à moi, enfin !" Et elle a éclaté en sanglots. Le chauffeur a ouvert les portes du fourgon. L'odeur nous a tous suffoqués. C'était épouvantable."
Le cadavre avait été enterré dans le cercueil de l'administration mais la mère avait obtenu qu'après exhumation, ce cercueil fût doublé d'une enveloppe d'aluminium et placé lui-même dans un second cercueil de meilleure qualité. Un problème inattendu s'était cependant posé. Il n'était pas question de céder gratuitement à la mère le cercueil administratif, mais il était d'autre part impossible de lui demander de rembourser son prix à l'état neuf puisqu'il lui était fourni d'occasion. André Fraticelli avait pu régler cette délicate affaire.
Le concours d'un prêtre avait été refusé à Héloïse Mathon : on avait considéré que sa présence constituerait une infraction à l'article 14, qui interdit tout appareil. "Elle a fait elle-même le prêtre, raconte Lily Dumas. Elle avait pourtant apporté une plaque funéraire, en forme de livre ouvert, et de l'eau bénite de Lourdes. Elle en a aspergé le cercueil pendant qu'elle récitait des prières. Le chauffeur du fourgon était avec nous, très gentil, très compatissant. Quand elle lui a dit que Christian était innocent, il a répondu : "Si c'est pas lui, ça se saura un jour ou l'autre."
"Elle a tenu à faire le voyage à l'arrière, à côté du cercueil, malgré l'odeur. Moi, je e suis installée à l'avant, avec le chauffeur. Je n'aurais pas pu supporter cette odeur absolument épouvantable. Personne ne peut savoir ce que c'était. Moi-même, je n'imaginais pas qu'une odeur pareille puisse exister. C'était irrespirable. Elle n'a d'ailleurs pas pu la supporter. Sur la route d'Avignon, elle a demandé au chauffeur de s'arrêter un moment et elle est descendue. Elle suffoquait. J'ai même cru qu'elle allait s'évanouir. Puis elle est remontée à l'arrière.
"En arrivant à Avignon, le chauffeur nous a gentiment offert à boire. Il faisait très chaud. Un commissaire de police et deux ou trois employés des Pompes funèbres nous attendaient au cimetière. Ils ont été très corrects. Là encore, au bord de la tombe, elle a refait le prêtre : aspersion d'eau bénite et prières. Puis il y a eu cet incident affreux. Quand les employés ont commencé à descendre le cercueil dans la tombe, on s'est aperçu qu'il était trop grand et qu'il n'y tiendrait pas. Il a fallu casser sur place le deuxième cercueil. Et là, malgré le premier cercueil, malgré la feuille d'aluminium, du sang a coulé sur le sol et a formé une flaque. Nous étlons tous horrifiés. J'avais des chaussures à semelle de corde qui en ont été imprégnées. Et cette odeur, cette odeur atroce... Je dis que c'était du sang, mais ce n'était pas exactement du sang : c'était un liquide visqueux, épouvantable. Elle a ramassé deux ou trois éclats de bois provenant du grand cercueil et les a trempés dans ce liquide, puis elle les a rangés dans son sac.
"Nous sommes rentrés à Marseille avec le fourgon et elle m'a quittée à la gare Saint-Charles : toujours ses chats qui l'attendaient à Toulon. Je suis rentrée chez moi, je me suis déshabillée immédiatement et j'ai jeté mes chaussures à la poubelle. Ma fille m'a dit : "Mais qu'est-ce que tu sens ? C'est "infect !"
Le conservateur du cimetière d'Avignon refusa de laisser graver sur la tombe le prénom et le nom du mort. Le procureur de la République, saisi par les avocats, envoya au conservateur une lettre indiquant que cette interdiction ne reposait sur aucun texte légal et qui'l devrait par conséquent la lever. Il fut obéit.
Héloïse Mathon apporte régulièrement sur la tombe des fleurs blanches symbole de l'innocence. Mais des mains inconnues ne se lassent point d'y déposer des fleurs rouges, et elle suppose que c'est pour lui rappeler que son fils est un assassin.


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Martine

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MessageSujet: Re: LE PULL-OVER RUOGE   LE PULL-OVER RUOGE EmptyMer 11 Oct - 7:21

Héloïse Matton était une femme très digne, j'avais vu des émissions où elle témoignait. une grande dame .

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MessageSujet: LE PULL-OVER ROUGE   LE PULL-OVER RUOGE EmptyMer 11 Oct - 19:59

PREMIERE PARTIE


LE CRIME



Marseille est vide. La chaleur et les trois jours de vacances de la Pentecôte ont drainé sa population vers les plages. Ce lundi 3 juin 1974, le soleil brille et un vent chaud balaie la ville. Marie-Dolorès Rambla, dont on a fêté la semaine précédente le huitième anniversaire, joue avec son frère Jean, six ans, dans une cour de la cité Sainte-Agnès. Leurs parents n'ont pas de voiture. La cité Sainte-Agnès, située dans le quartier des Chartreux, est constituée par un ensemble de bâtiments moroses. Elle donne sur la rue Albe. A moins de cent mètres, c'est la rocade du Jarret, l'une des principales artères d'accès à Marseille.
Comme la plupart des cités populaires de la ville, celle-ci est dépourvue de terrains de jeux ou de sport. Les enfants doivent s'ébattre dans les cours. Une pancarte comminatoire indique que les patins sont interdits, de même que les jeux de ballon et, d'une manière générale, les jeux bruyants. En cas d'infraction, le gardien assermenté verbalisera.
Mme Rambla est dans son logement, au premier étage du bâtiment C-7, avec ses deux plus jeunes enfants. Elle sait que les aînés s'amusent dans la cour avec deux petits voisins, compagnons de jeux habituels. Vers onze heures, elle jette un coup d'oeil par la fenêtre de la salle à manger. Marie-Dolorès et Jean sont seuls. Elle se penche et leur demande de remonter. Marie-Dolorès répond : "Encore un petit moment..." Quelques minutes plus tard, et regardant cette fois par la fenêtre de la cuisine, qui s'ouvre sur l'autre côté du bâtiment, elle aperçoit Jean et lui demande où est sa soeur. "Elle cherche le chien", répond l'enfant. Mme Rambla ignore de quel chien il peut s'agir et croit à un jeu. Encore quelques minutes et elle aperçoit de nouveau le petit Jean par la fenêtre de la cuisine. Elle lui demande où est Marie-Dolorès. L'enfant répond : "Je ne la trouve pas."
Pierre Rambla rentre chez lui vers onze heures vingt. Ouvrier-boulanger au "Pompon rouge", boulevard Notre-Dame, il est en congé de maladie depuis quinze jours. Il aperçoit son fils errant entre les bâtiments. Jean explique qu'il est à la recherche de Marie-Dolorès. Le père se joint à lui et apprend ce que le petit Jean racontera bientôt aux policiers chargés de l'enquête :
"Je jouais avec ma soeur aînée, Marie-Dolorès, devant les bâtiments de la résidence où nous habitions. Nous nous amusions d'ailleurs devant le premier bâtiment de la cité, là où il y a trois garages. Nous étions seuls. Deux amis de ma soeur, et qui habitent la cité, venaient de nous quitter pour partir avec leurs parents.
"Un homme en voiture est arrivé. Il a garé son auto devant un des garages. Il est descendu et nous a parlé. Il m'a d'abord demandé de chercher son gros chien noir, qu'il venait de perdre. Il a demandé à ma soeur de rester auprès de lui.
"Je suis parti derrière le bâtiment et j'ai fait le tour de la cité pour chercher le gros chien noir. Je ne l'ai pas trouvé et je suis revenu à l'endroit où ma soeur et le monsieur m'attendaient. Il n'y avait plus personne,ni ma soeur ni le monsieur, et la voiture était partie. j'ai recherché ma soeur partout dans la cité et je ne l'ai pas retrouvée.
"Le monsieur avait une voiture grise. C'était un homme jeune, pas vieux. Il avait un costume gris. Il parlait comme les gens d'ici. Il était grand et il avait des cheveux noirs et courts.
"C'est la première fois que je voyais ce monsieur. Je pense que je pourrais reconnaître ce monsieur."
Pierre Rambla, très inquiet, élargit le cercle de ses recherches et interroge plusieurs voisins. Personne n'a vu ni Marie-Dolorès ni l'inconnu qui a abordé les deux enfants. Il se décide alors à alerter la police.
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MessageSujet: LE PULL-OVER ROUGE   LE PULL-OVER RUOGE EmptyMer 11 Oct - 20:47

Vincent Martinez, vingt-six ans, maître d'internat, roule sur la nationale 96 en compagnie de sa fiancée, Claude Bonafos, vingt-trois ans. Ils viennent d'Aix-en-Provence et se dirigent vers Toulon. Leur voiture, une R 16 blanche, aborde le lieu-dit La Pomme vers midi et demi. La nationale 96 croise ici la nationale 8 bis, menant à Marseille. Le croisement se situe à vingt kilomètres de Marseille.
Vincent Martinez aperçoit le croisement sur sa droite mais il a priorité : un panneau "stop"impose l'arrêt aux conducteurs venant de Marseille. Un coupé 304 Peugot gris métallisé, arrive précisément de cette direction. Son conducteur ne respecte pas le "stop". Malgré le coup de frein de M. Martinez, le choc est inévitable. Sa Renault 16 percute contre l'arrière du coupé Peugeot et fait pivoter le véhicule. Le coupé, après un tête-à-queue complet, se retrouve face à la direction d'où il venait. Le chauffeur appuie sur l'accélérateur et disparaît dans cette direction, c'est-à-dire vers Marseille. Ni M. Martinez ni sa fiancée ne sont blessés mais leur voiture est immobilisée : l'aile gauche est profondément enfoncée. Ils ne peuvent poursuivre le chauffard.Mais voici qu'arrive une Renault 15 bleue occupée par un couple. Le conducteur accepte de se mettre en chasse. Il disparaît à son tour en direction de Marseille. Quelques minutes plus tard, il revient avec le numéro minéralogique du coupé 304, qu'il a retrouvé stoppé à environ un kilomètre de là. Vincent Martinez note le numéro - 1369 SG 06 - ainsi que l'identité du conducteur de la Renault 15 : Alain Aubert, demeurant à Toulon.
M. Martinez réussit à redresser son aile et peut redémarrer. Il emprunte à son tour la route de Marseille. Le coupé 304 a disparu. Il poursuit jusqu'à la gendarmerie de Gréasque, porte plainte et fait sa déposition. Il est une heure un quart. M. Martinez décrit les circonstances de l'accident et dresse l'inventaire des dégâts subis par sa voiture. Il déclare à propos du chauffard : "Le conducteur paraissait seul à bord. Je ne puis vous donner son signalement. Il me semble qu'il était jeune, mais je n'ai aucune idée du reste."

A la même heure, Pierre Rambla fait sa déposition à l'hôtel de police, que tous les Marseillais appellent l'Evêché. Il raconte l'enlèvement de Marie-Dolorès tel que le lui a rapporté son fils Jean. L'inspecteur l'interroge vainement sur les motivations possibles du ravisseur. M. Rambla ne se connaît point d'ennemi. Sa situation conjugale exclut toute péripétie consécutive à un divorce. Marie-Dolorès, qui va à l'école communale du quartier, ne s'est jamais plainte d'avoir été abordée par un inconnu. Les Rambla ne sont d'ailleurs installés à la cité Sainte-Agnès que depuis quatre mois. Quant à une éventuelle demande de rançon, elle est peu concevable s'agissant d'une famille aux si maigres ressources.
Pierre Rambla donne enfin un signalement précis de Marie-Dolorès. C'est une enfant mesurant environ un mètre trente, plutôt mince, le teint clair, avec des cheveux longs châtain clair. Elle a une petite cicatrice sur l'aile droite du nez et une plaie au coude droit - souvenir d'une chute récente à l'école. Elle portait un short blanc, une chemisette blanche à manches courtes, des socquettes blanches et des sabots marrons à bandes vertes.
La machine policière se met en branle.
Pierre Rambla rentre chez lui. Sa femme se ronge d'inquiétude. Le petit Jean livre une indication supplémentaire : la voiture grise du ravisseur était une Simca. L'enfant est formel. Il précise même : une Simca 1100. Le père est d'autant plus enclin à le croire qu'il le sait passionné de voitures : à six ans, Jean est capable d'identifier la plupart des modèles.
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MessageSujet: LE PULL-OVER ROUGE   LE PULL-OVER RUOGE EmptyMer 11 Oct - 22:00

Cinq heures de l'après-midi. Mohamed Rahou, cinquante-quatre ans, prend le frais devant sa maison en compagnie de sa femme. Celle-ci est restée fidèle au costume traditionnel arabe. Mineur de profession, M. Rahou s'est reconverti dans le champignon : la colline à laquelle s'adosse sa maison est truffée de galeries de mines désaffectées où l'on pratique la culture du champignon. Il y faut beaucoup de fumier, de sorte qu'une puissante odeur règne alentour. On s'y habitue puisque les Rahou ne la remarquent même plus. Ce lundi de Pentecôte, l'entreprise ne travaille évidemment pas et les galeries sont vides. La colline elle-même est inhabitée, exception faite de la maison des Rahou, située à proximité des hangars où est entreposé le matériel d'exploitation. Le croisement de La Pomme est à deux kilomètres.
Un jeune homme proprement vêtu, l'air très calme, débouche du chemin menant aux hangars et salue poliment le ménage Rahou, puis il explique : "J'ai ma voiture bloquée dans la galerie et je n'arrive pas à sortir. Est-ce que vous pouvez m'aider ?" Mohamed Rahou se récuse : sa propre voiture est en panne et seul le contremaître, M. Guazzone, a le droit de se servir du tracteur de l'entreprise. Surpris, il ajoute : "Mais où elle est, votre voiture ? - en bas. - Comment ça, en bas ? Je ne comprends pas..." Pour en avoir le coeur net, M. Rahou se décide à accompagner l'inconnu.
Trois cents mètres plus loin. Ils parviennent à une galerie. Le sol descend en pente raide jusqu'à l'entrée du tunnel. Ce sol est gras, malgré la sécheresse ambiante, et il doit l'être en permanence car la galerie exhale une humidité considérable. Cette bouche noire ouverte dans une végétation touffue est d'apparence extrêmement sinistre. M. Rahou pénètre dans la galerie avec l'inconnu. Quoique familier des lieux, il ne peut réprimer une sourde crainte tant cette histoire qui lui paraît singulière. Vingt à trente mètres plus loin, il découvre la voiture. C'est un coupé Peugeot 304, de couleur grise, garé en marche arrière.
Ahuri, M. Rahou demande à l'inconnu comment il est venu se fourrer là. Le jeune homme répond qu'il était garé à l'entrée de la galerie, que son frein à main a lâché et que l'auto a glissé toute seule. M. Rahou est aussitôt convaincu que l'explication est mensongère : la galerie, bien loin d'être creusée en ligne droite, s'enfonce sous la colline selon un tracé sinusoïdal. Si la voiture avait glissé toute seule, elle aurait donc heurté une paroi et se serait immobilisée beaucoup plus tôt.
M. Rahou s'abstient de relever le mensonge. Il s'éprouve partagé entre l'inquiétude où le plonge cette histoire abracadabrante et le calme apaisant qui émane de l'inconnu. Celui-ci allume ses phares. Mohamed Rahou constate que la voiture est endommagée. L'autre explique qu'il a eu un accident. Des branches d'arbuste fraîchement coupées ont été glissées sous les roues arrière pour les empêcher de patiner. M. Rahou repère enfin, posée dans la galerie, une grosse nourrice blanche pouvant contenir dans les trente litres. L'inconnu déclar qu'elle lui appartient et qu'il l'a sortie du coffre pour alléger au maximum sa voiture.
Ensemble, ils font une nouvelle tentative pour désembourber le coupé. M. Rahou trouve du sable et le répand sous les roues. L'inconnu s'installe au volant, met le moteur en marche et tente de s'arracher à la boue. Echec total : les roues patinent toujours.
C'est alors que survient M. Guazzone.


Henfi Guzzone, cinquante ans, est contremaître de la champignonnière. De taille moyenne, assez gros, le teint coloré, c'est un homme jovial et bourru. Il habite le village tout proche et a décidé de faire une tournée dans la colline, histoire de surveiller ses chantiers.
La voie d'accès qu'il emprunte n'est pas celle qui passe devant la maison des Rahou. Il arrive par la nationale 8 bis, c'est-à-dire par cette route que suivait le coupé Peugeot qui a, cinq heures plus tôt, heurté la voiture de Vincent Martinez. Le croisement de La Pomme, lieu de l'accident, est situé à quinze cents mètres de la voie d'accès choisie par Henri Guazzone.
C'est un simple chemin de terre s'enfonçant entre des buisson d'épineux. L'entrée est en principe fermée par un portail rudimentaire ; une simple barre de fer qui se lève comme une barrière de passage à niveau. M. Guazzone constate que le portail est ouvert. Il ne s'en étonne pas outre mesure car il sait que la champignonnière est très fréquentée, notamment la nuit. Des couples viennent s'ébattre dans les nombreuses galeries dont la colline est truffée. C'est un peu étrange car ces antres humides et ténébreux sont véritablement lugubres. " C'est pourtant comme ça, nous dira M. Guazzone, et si vous ne me croyez pas, vous n'avez qu'à aller compter les capotes anglaises qui traînent là-dedans." Elles sont en effet très nombreuses. "Il y vient de tout, précise M. Guazzone, des hommes avec des femmes, des hommes avec des hommes - de tout ! On a eu beau mettre une barrière à l'entrée de la nationale : ça n'a rien empêché. Ils sont enragés."
La barrière est donc levée. Henri Guazzone suit le chemin de terre et, arrivé à l'entrée d'une galerie, entend du bruit. Il pénètre dans la galerie et aperçoit très vite la lueur de deux phares. Deux hommes s'agitent autour d'une voiture. Il reconnaît Mohamed Rahou. Le second personnage est un homme jeune dont il distingue mal les traits. M. Guazzone le questionne sans ambages : "Qu'est-ce que vous faites là ?" L'homme répond qu'il pique-niquait à l'entrée de la galerie et que sa voiture a glissé au fond, le frein à main ayant lâché. L'explication paraît aussi peu vraisemblable à M. Guazzone qu'à M. Rahou, et pour la même raison. Mais l'histoire du pique-nique lui semble tout aussi incohérente : "Vous aimez pique-niquer dans le fumier, vous ?" L'entrée de la galerie est en effet à proximité immédiate d'un dépôt de fumier pestilentiel et il est singulier de choisir cet endroit pour un pique-nique alors que les collines offrent tant de plaisantes clairières. L'inconnu ne répond pas. Henri Guazzone repère les branchages sous les roues, la nourrice posée près de la voiture et enregistre le numéro d'immatriculation. Surpris, il s'exclame : "Dites donc, je vois que vous avez un numéro des Alpes-Maritimes : qu'est-ce que vous venez faire par ici ? Je crois que je vais prévenir les gendarmes. Parce qu'ici, figurez-vous, c'est une propriété privée !" Le jeune homme ne se démonte pas. "Il était très tranquille, nous dira M. Guazzone. Un sang-froid terrible. Je voyais bien qu'il était jeune et, normalement, je l'aurais tutoyé.Mais quelque chose m'en empêchait. Son côté réservé, tranquille, sûr de lui. Quand je l'ai menacé des gendarmes, il m'a répondu sans élever la voix, sans montrer la moindre inquiétude : "Prévenez-les si vous voulez, Monsieur. Je suis chez vous, c'est vrai, mais je n'ai rien fait de mal."
Rassuré par cette réaction qui lui paraît de bon aloi, Henri Guazzone grommelle : "Bon, je vais essayer de vous tirer de là avec mon tracteur." Ils sortent ensemble de la galerie, suivis de M. Rahou qui va regagner sa maison. Le tracteur est garé à quelques centaines mètres. M. Guazzone examine l'inconnu à la lumière du jour. Il lui attribue une trentaine d'années. C'est un homme d'un mètre soixante-quinze environ, de corpulence moyenne, portant une chemise claire, un pantalon anthracite et des chaussures noires. Ses vêtements sont d'une propreté impeccable.
Les deux hommes reviennent à la galerie avec le tracteur. Au moment de fixer le câble de remorque au véhicule immobilisé, Henri Guazone a un réflexe de prudence. Songeant qu'a genouillé, tête penchée, il sera à la merci de l'inconnu, il lui dit : "Hé jeune ! Accrochez-le vous-même, le câble..."

Tout est en place.L'inconnu soulève sa lourde nourrice et la range dans le coffre. Il répète l'explication déjà donnée à Mohamed Rahou : "Je l'avais enlevée pour alléger ma voiture." M. Guazzone constate qu'elle est plaine d'un liquide clair - essence ou eau. Il remarque également, posé sur la banquette arrière, un sac de sport Adidas à petits carreaux noir et blanc.
Le tracteur extrait sans difficulté la voiture de la galerie. A la lumière du jour, M. Guazzone s'aperçoit qu'elle a été accidentée : la carrosserie est froissée sur tout le côté gauche, depuis la porte jusqu'à l'aile arrière. Le choc paraît récent. L'inconnu s'emploie d'ailleurs à redresser l'aile arrière gauche, qui touche la roue. " C'est dans la galerie que vous vous êtes fait ça ?" demande M. Guazzone. L'inconnu dément : il a été victime d'une collision. "Mais vous êtes seul ? - Oui, et heureusement. D'ailleurs, cela m'arrive toujours quand je suis seul..." M. Guazzone est étonné : il aurait parié qu'il y avait une femme quelque part, et que le couple faisait partie de la faune bizarre qui hante les galeries. L'inconnu ajoute que le responsable de la collision lui remboursera les dégâts, et il termine de manière énigmatique : "Je lui ferai payer ça et le reste..."
Les deux hommes se séparent. L'inconnu s'installe au volant et démarre. Il stoppe devant la maison des Rahou et descend les saluer. Mme Rahou lui offre une tasse de thé. Il accepte sans hésiter. On échange des banalités. L'inconnu boit son thé, remercie avec beaucoup de gentillesse, puis se lève en disant :" Je vais retourner là-bas pour dire au revoir au contremaître. Tout à l'heure, je l'ai à pine remercié". Il remonte dans sa voiture, fait demi-tour et disparaît. Quelques minutes plus tard, les Rahou le voient revenir. Il s'arrête à leur hauteur et dit : "Je ne l'ai pas trouvé. Remerciez-le de ma part." Et il redémarre, cette fois définitivement, en criant : "Au revoir !"
Après avoir remisé son tracteur, Henri Guazzone a poursuivi son inspection des diverses galeries sans rien noter d'anormal. Il arrive chez M. Rahou alors que l'inconnu a déjà pris la route. Les deux hommes échangent des considérations perplexes sur la présence, à trente mètres au fond d'une galerie ténébreuse, d'une voiture embourbée conduite par un chauffeur solitaire.

Le soir tombe sur la cité Sainte-Agnès. Chaque coup de sonnette ranime l'espérance des Rambla, et la sonnette ne cesse de retentir.M ais c'est un voisin qui, rentré de la plage et mis au courant du drame, vient exprimer sa compassion ; c'est encore un journaliste qui fera répéter au petit Jean le récit qu'il a déjà donné dix fois ; c'est un policier navré qui n'a rien à dire, sinon que les recherches continuent.
Mme Rambla, effondrée, ne cesse de répéter : "Porque ?... Porque ?..." Elle ne comprend pas. Des ennemis ? Ils n'en ont pas. Un inconnu ? Marie-Dolorès n'a pas l'habitude de parler à des inconnus. Elle est réservée, timide. Pierre Rambla, le visage creusé de rides, reçoit tous les visiteurs avec une force d'âme qui suscite leur admiration.
Les deux jumeaux, Noël et Carine, sont au lit depuis longtemps. Jean en impose à tous les journalistes par son sérieux et une maturité inattendue chez un enfant de six ans. Très brun, le visage ovale, le regard intelligent et réfléchi. Il n'affabule pas et répète sans varier son témoignage : le monsieur était jeune, grand, bien habillé ; sa voiture était une Simca 1100 de couleur grise.
Les visiteurs s'esquivent l'un après l'autre. On couche Jean, qui titube de fatigue, à côté du lit vide de Marie-Dolorès, que ses parents appelaient Marie-Do, et les deux jumeaux, Marie-Adorée.
Le père et la mère entament leur première nuit blanche.

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MessageSujet: LE PULL-OVER ROUGE   LE PULL-OVER RUOGE EmptyMer 11 Oct - 22:06

Bon, il est 22 h 03, et j'ai un coup de barre. Je continuerai demain. Le roman contient 468 pages. Alors ne vous précipitez pas pour lire par à-coups Exclamation ....... geek

Bonne nuit Exclamation .......
Sleep
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JeanneMarie

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MessageSujet: Re: LE PULL-OVER RUOGE   LE PULL-OVER RUOGE EmptyJeu 12 Oct - 14:54

Moi je lis par à coup ...
Je mets un petit  study ainsi je reconnais où je dois recommencer  Very Happy
horrible cet histoire de cercueil
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MessageSujet: LE PULL-OVER ROUGE   LE PULL-OVER RUOGE EmptyJeu 12 Oct - 19:17

Au matin du 4 juin, des manchettes énormes barrent le première page des quotidiens régionaux. Le drame des Rambla devient celui d'une population prompte à s'émouvoir, et d'autant plus que la vie d'un enfant est en jeu. Le visage souriant de Marie-Dolorès, dont la photographie est partout publiée, bouleverse et angoisse. Marseille tout entière adopte l'enfant perdue.
La police redouble d'efforts. Son chef,le commissaire central Jacques Cubaynes, conduit l'offensive sur deux fronts. Le premier est celui de l'enquête classique, avec exploitation des témoignages et de tous les éléments traditionnels - fichiers par exemple - en possession de la police. Le second, qu'il appelle "recherche en surface", consiste notamment en un quadrillage géographique serré.
Le seul témoignage disponible reste celui du petit Jean. Les inspecteurs qui sonnent systématiquement à toutes les portes de la cité Saint-Agnès échouent à recueillir le moindre indice. La veille, la plupart des locataires étaient à la plage ; les autres avaient fermé leurs volets ou tiré les stores pour se protéger du soleil.
On retrouve les deux enfants qui ont joué avec les petits Rambla avant de partir avec leurs parents pour la plage. Ils n'ont rien remarqué, ni voiture ni individu suspect. Une voisine a croisé Marie-Dolorès et Jean alors qu'ils se dirigeaient vers la rue D'Albe : personne ne semblait s'intéresser à eux.
La "recherche en surface" repose essentiellement sur trois chiens policiers, Prince, Wolf et Hugo. Ils sillonnent les rues du quartier, fouillent les terrains vagues et les chantiers. Deux hélicoptères prennent l'air et survolent les calanques entre Marseille et Cassis. Toutes les gendarmeries ont la photo de Marie-Dolorès et le signalement du suspect.
En désespoir de cause, la Sûreté urbaine lance un appel au public par l'intermédiaire de la presse écrite et parlée : "Aidez-nous à découvrir le moindre indice, même s'il est peu important. Toutes discrétion est assurée aux éventuels informateurs." Les renseignements doivent être téléphonés au 91-90-40, poste 611. On demande de signaler tout individu qui achèterait des bonbons, des bananes, un jouet d'enfant...
Les Rambla restent cloîtrés dans leur appartement. En fin de matinée, Pierre Rambla fait une brève apparition, mais supplie les journalistes de le laisser en paix.

Henri Guazzone, le contremaître de la champignonnière, est passé à la gendarmerie de Gréasque à dix heures et demie et a signalé aux gendarmes, avec lesquels il entretient d'excellents rapports, l'épisode de la veille. On prend note de l'immatriculation du véhicule, 1369 SG 06, et aussi du fait que "l'automobiliste était seul, très calme, décontracté".
A cette heure de l'après-midi, M. Guazzone apprend en écoutant la radio qu'un rapt d'enfant a été commis la veille à Marseille. Il fait un rapprochement avec l'incident de la galerie et téléphone à la gendarmerie. Son interlocuteur lui répond : "Putain, ne nous emmerde pas ! Tu nous parles d'une Peugeot et nous, on cherche une Simca !"

Vers deux heures et demie, Pierre Rambla quitte la cité Sainte-Agnès à vélomoteur avec le petit Jean sur le siège arrière. Les policiers, qui ont besoin de l'enfant, ont proposé de le conduire à l'Evéché mais Jean s'est refusé à monter dans une voiture. Il est bouleversé. La veille, l'énervement général et l'intérêt dont il était l'objet l'avaient protégé de la réalité. Il en a pris conscience aujourd'hui. Il sait q'une terrible menace pèse sur sa soeur.
A l'Evéché, les policiers de la Sûreté urbaine enregistrent sa déposition. Puis ils mettent son témoignage à l'épreuve. L'enfant déclare depuis la veille que la voiture du ravisseur était une Simca. On lui présente "ne nombreux types de véhicules automobiles" et on lui demande s'il reconnaît la voiture. Il désigne une Simca.
Il est alors conduit au "fichier Canonge" qui contient les photographies d'une centaine de maniaques et détraqués sexuels de la région marseillaise. Jean est invité à examiner attentivement les visages.
A trois heures dix, et tandis que le frère de Marie-Dolorès est plongé dans ses photos, la gendarmerie de Roquevaire reçoit un appel téléphonique d'Alain Aubert, cet automobiliste toulonnais qui a accepté de prêter assistance à Vincent Martinez après son accident. M. Aubert signale que "la veille, vers douze heures trente, il avait poursuivi l'auteur en fuite d'un accident de la circulation et que ce dernier, abandonnant son véhicule Peugeot gris métallisé, immatriculé 1369 SG 06, en bordure de la R.N. 8 bis, s'était enfui dans les bois en transportant un paquet assez volumineux. M. Aubert, ayant eu connaissance ce jour du rapt d'enfant à Marseille, pensait que les faits don til avait été témoin pouvaient avoir un rapport avec l'enlèvement.
La gendarmerie de Roquevaire transmet l'information à celle de Gréasque, territorialement compétente.

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MessageSujet: LE PULL-OVER ROUGE   LE PULL-OVER RUOGE EmptyJeu 12 Oct - 20:40

Jean Rambla achève de consulter les photos vers quatre heures. "Il a démontré beaucoup d'intelligence, dira un spécialiste de l'Identité judiciaire. Pendant plus d'une heure, il a regardé avec une attention toute particulière et avec beaucoup d'intérêt tous les portraits, mais aucun n'a éveillé particulièrement son attention." C'est un échec. En quittant l'Evéché avec son fils, Pierre Rambla dit néanmoins aux journalistes : "Il a pu convaincre les policiers que c'était bien dans une Simca grise que sa soeur est partie."

La gendarmerie de Gréasque a diffusé une demande de recherches dans le cadre de l'enquête ouverte pour délit de fuite. Le véhicule a été identifié au fichier et, à trois heures cinquante-cinq, un message est transmis à la brigade de recherches de Nice, territorialement compétente puisque la voiture en cause est immatriculée dans les Alpes-Maritimes.

Comme toujours en pareille circonstance, services de police et salles de rédaction sont submergés d'appels. Le soupçon prospère ; la dénonciation s'épanouit. De mystérieux correspondants affirment détenir Marie-Dolorès. Certains réclament des rançons exorbitantes. L'un d'eux est assez adroit pour convaincre de son sérieux le reporter d'une station de radio qui sera licencié après s'être engagé à fond sur cette fausse piste. Mais la police elle-même refuse d'exclure totalement l'hypothèse d'une demande de rançon, encore que l'acte d'un déséquilibré ou d'un sadique lui paraisse d'heure en heure plus plausible. C'est en tout cas ce qu'elle déclare à la presse. Le malheureux Pierre Rambla dit aux journalistes qui attendent devant sa porte : "Je n'ai pas un sou, mais s'il le faut, je travaillerai jour et nuit pour rembourser."
Les chiens policiers reviennent bredouilles au chenil. Les hélicoptères rallient leur base. Les hommes de la Sûreté urbaine se retrouvent à l'Eveché après une longue journée de vaines recherches. Ils sont pessimistes, convaincus que le temps joue contre eux.
En ville, l'émotion est si profonde que le commissaire Cubaynes, croit devoir faire une déclaration apaisante : "Cette affaire est traitée en priorité absolue et nous avons bon espoir qu'une solution intervienne rapidement. Il n'y a aucune raison pour qu'une psychose d'insécurité s'installe chez les mères de familles marseillaises."
Les Rambla entament leur deuxième nuit blanche.

Le lendemain, 5 juin, quarante-huit heures après l'enlèvement, un exhibitionniste est appréhendé dans la quartier Saint-Louis, en face d'une école communale. L'homme est propriétaire d'une Simca grise mais son signalement ne correspond pas à celui donné par Jean Rambla. Il est conduit à l'Evêché pour interrogatoire.
Au même moment, deux policiers arrêtent un second suspect dans le quartier Notre-Dame Limite. L'homme est également conduit à l'Evêché.
Mais alors que l'enquête piétine à Marseille, elle connaît à Gréasque des développements inattendus et foudroyants.
A dix heures, la gendarmerie reçoit un appel téléphonique de Vincent Martinez. Indiquant qu'il vient d'apprendre l'enlèvement perpétré à Marseille une heure et demie avant son accident, il estime qu'un lien existe peut-être entre les deux événements : "Contrairement à ce qu'il avait déclaré dans sa plainte, il pensait qu'un enfant avait pu se trouver dans le véhicule tamponneur."
Le chef de la brigade de Gréasque conclut à la nécessité d'obtenir des précisions sur l'endroit où le coupé Peugeot s'est arrêté en bordure de la nationale 8 bis, abandonné par son conducteur qui, aux termes de la communication téléphonique de M. Aubert reçue la veille, s'est enfui dans les bois "en transportant un paquet assez volumineux".
A dix heures et demie, la gendarmerie de Gréasque alerte celle de Toulon et lui demande d'entrer en contact avec Alain Aubert pour que celui-ce appelle Gréasque dans les meilleurs délais.
M. Aubert téléphone à midi et demi. Il raconte dans quelles conditions il a été amené à prendre en chasse le coupé Peugeot responsable de l'accident, puis la gendarmerie de Gréasque note : "A environ un kilomètre du carrfour, à partir de la sortie d'un virage, il apercevait à environ cent mètres le véhicule gris arrêté en bordure de la route, tandis qu'un homme jeune gravissait le remblai et s'enfonçait dans les fourrés en tirant un paquet assez volumineux. L'homme était vêtu d'un pantalon foncé et d'une chemise ou d'un vêtement de couleur claire. M. Aubert avait arrêté son véhicule à proximité de la Peugeot 304 grise, immatriculée 1369 SG 06, et interpellé sans le voir le conducteur dissimulé dans les fourrés, lui indiquant que l'accident n'avait pas de conséquences graves, qu'il s'agissait d'une affaire simple, et lui demandait de revenir sur la chaussée. N'ayant obtenu aucune réponse, entendu aucun bruit et constaté que personne ne se trouvait dans le véhicule Peugeot, il repartait en direction du carrefour et indiquait au conducteur accidenté le numéro d'immatriculation du véhicule Peugeot."
Le capitaine Gras, commandant la compagnie de gendarmerie d'Aubagne, dont dépend hiérarchiquement la brigade de Gréasque, est informé à une heure un quart de ces nouveaux développements. Maurice Gras est un homme de haute taille, à forte carrure, et apparemment doté d'un système nerveux à toute épreuve. Il mesure aussitôt l'importance des informations qui lui sont soumises pour la première fois et met en branle un dispositif important. Dix-huit gendarmes de sa compagnie sont dépêchés au croisement de La Pomme, où ils sont rejoints par un peloton de gendarmerie mobile et deux patrouilles motocyclistes. Deux patrouilles supplémentaires de gendarmes arriveront bientôt pour participer aux recherches, ainsi que le chien policier de la compagnie d'Arles.



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MessageSujet: LE PULL-OVER ROUGE   LE PULL-OVER RUOGE EmptyJeu 12 Oct - 21:38

Le ratissage de la bordure nord de la route nationale 8 bis commence à deux heures cinq. Du croisement de La Pomme,lieu de l'accident, au chemin de terre donnant accès à la champignonnière, il y a mille quatre cent soixante-quinze mètres. La route, très sinueuse, est taillée à flanc de colline. Du croisement à la champignonnière, elle est bordée à gauche par une ravine et à droite par un talus de hauteur variable par lequel on accède à la colline. Celle-ci est une garrigue foisonnante où dominent les buissons d'épineux. Aucune construction, aucune habitation. Le paysage, admirable, est composé de collines du même type, dont certaines aux pentes assez raides, qui se découpent sur le ciel bleu. Il fait très chaud. Le ratissage ne sera pas aisé car certains fourrés sont très épais, hérissés d'épines, quasi impénétrables.
A trois heures un quart, le capitaine Gras est informé de l'identification du propriétaire du coupé Peugeot impliqué dans l'accident. Il s'agit de Christian Ranucci, représentant de commerce, demeurant à Nice, avenue des Terrasses-de-la-Corniche-Fleurie, bâtiment Les Floralies.
Cinq minutes plus tard, à trois heures vingt, un indice est découvert dans la galerie où s'était embourbé le coupé Peugeot et que fouillent, en compagnie de M. Guazzone, le capitaine Gras et quelques gendarmes. Ils trouvent, dissimulé derrière quatre portes en bois posées contre la paroi, un pull-over rouge.
A trois heures trente-cinq, un message radio est envoyé à la gendarmerie de Nice, lui enjoignant d'entendre Christian Ranucci dans le cadre de l'enquête ouverte pour délit de fuite.
A trois heures quarante, le chien policier de la compagnie d'Arles arrive à la champignonnière. On lui donne à flairer le pull-over rouge et on le met en piste à partir de l'entrée de la galerie.
A trois heures quarante-cinq, l'un des gendarmes motocyclistes détachés en renfort pour participer aux recherches, pénètre dans un buisson d'épineux et sent sous son pied quelque chose de mou. Il se penche, écarte un amas de branchages fraîchement coupés, et découvre un cadavre d'enfant. La vision est si horrible que le gendarme, pourtant rompu au spectacle sanglant des accidents de la circulation, est pris de violentes nausées et doit s'écarter pour vomir. On s'emploie à dégager le petit corps, soigneusement dissimulé sous les branchages. C'est celui d'une fillette. Ses vêtements sont identiques à ceux que portait Marie-Dolorès lors de son enlèvement, deux jours plus tôt.
A trois heures cinquante, le procureur de la République de Marseille est informé de la découverte. Le juge d'instruction, Mlle Ilda Di Marino, prescrit au capitaine Gras de laisser les lieux en l'état jusqu'à son arrivée.
A trois heures cinquante-cinq, le commandant de la compagnie de gendarmerie de Nice reçoit l'ordre d'appréhender Christian Ranucci, auteur d'un délit de fuite et soupçonné du meurtre de Marie-Dolorès Rambla.
Cinq minutes plus tard, à quatre heures précises - et sans aucune corrélation avec ces développements - l'inspecteur divisionnaire Jules Porte, de la Sûreté urbaine de Marseille, enregistre à l'Evêché la déposition d'un témoin inattendu et capital, Eugène Spinelli. De taille moyenne, vigoureux, énergique, cet homme de trente-six ans est garagiste-carrossier. Son garage est situé 4, impasse Albe. La cité Sainte-Agnès borde cette impasse. Le matin du lundi de Pentecôte, M. Spinelli ne travaillait pas mais se trouvait à son garage. Et il a assisté à l'enlèvement.
"Je tiens, déclare-t-il, à vous rapporter certains faits dont j'ai été le témoin. Sur le moment, je n'y avais pas prêté une attention particulière. C'est seulement en apprenant qu'une fillette avait été enlevée à la cité Sainte-Agnès que je prends conscience de l'importance de ce que j'ai vu... A onze heures moins dix, je suis sorti sur le trottoir. Je me souviens bien de l'heure car je me rendais chez ma mère. J'ai aperçu au bas de la traverse Albe une voiture de marque Simca 1100 de couleur gris clair. Une fillette prenait place côté passager avant, tandis qu'un homme âgé d'une trentaine d'années prenait place au volant du véhicule. Cet homme correspond au signalement suivant : il pouvait mesurer un mètre quatre-vingts environ. Il était de corpulence mince et avait des cheveux châtain clair. Ces derniers ne lui couvraient pas le haut des oreilles. Le visage de cet homme était plutôt de forme allongée. Il ne portait pas de moustache, de barbe ou de favoris. Il était vêtu d'une veste claire et d'un pantalon de couleur foncée (tout au moins plus foncée que la veste).
"Je ne suis pas en mesure de vous fournir de plus amples détails sur cet homme que j'ai vu de quarante à cinquante mètres environ. Je ne pense pas pouvoir être formel quant à l'identification de cet individu pour le cas où il me serait présenté.
"Je tiens à vous préciser que la fillette est montée d'elle-même dans le véhicule alors que l'homme lui parlait et lui souriait. A aucun moment je ne l'ai vu forcer la petite fille à faire quoi que ce soit. Cet homme m'est totalement inconnu. C'est la première fois que je le vois dans le quartier. Je n'ai pas relevé le numéro minéralogique de cette voiture Simca 1100.
"C'est tout ce que je puis vous dire sur ces faits."
Invité à examiner le "fichier Canonge", Eugène Spinelli sort deux clichés du lot de photographies. Scrupuleux, il souligne son incertitude : "M. Spinelli nous précise toutefois que ces deux individus ne ressemblent que par la forme générale du visage à l'homme qu'il a vu monter dans le véhicule Simca en compagnie d'une fillette. M. Spinelli déclare ne pourvoir être formel quant à l'identification précise de cet inconnu."
A quatre heures vingt, le chien policier mis en piste à la sortie de la galerie arrive à la hauteur du fourré où l'on a retrouvé trente-cinq minutes plus tôt le petit cadavre. Il a suivi le chemin de terre, long de quatre cent quarante-trois mètres, et remonté la route nationale 8 bis sur sept cent soixante-quinze mètres. Il dépasse de trente mètres le lieu de la macabre découverte et s'arrête. Le gendarme qui le tient en laisse le ramène à la perpendiculaire du fourré. Il s'immobilise de nouveau et ne reprend plus la piste.
A quatre heures trente, trois hommes en civil sonnent à la porte du petit appartement qu'Héloïse Mathon et son fils occupent sur les hauteurs de Nice.
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MessageSujet: LE PULL-OVER ROUGE   LE PULL-OVER RUOGE EmptyJeu 12 Oct - 23:13

L'exécution du 28 juillet 1976 n'a pas seulement amputé Héloïse Mathon de son avenir : elle a remodelé son passé. De toute existence, il est plusieurs lectures possibles. De celle-ci, il n'en est désormais qu'une seule. Mme Mathon, jusqu'à sa mort, ne sera plus que la mère d'un enfant guillotiné, et elle évoque sa vie comme s'il avait été écrit dès le jour de sa naissance que son destin se résumerait à mettre au monde Christian, à l'élever, à l'aimer, puis à le perdre. La mère a oblitéré la femme. Nous saurons peu de choses de ses amours. Ce n'est point qu'elle les dérobe ; elles sont comme englouties. Sur cette vie, codée comme toutes les autres, la tragédie a posé une grille de déchiffrement si impérieuse qu'on ne peut plus y lire qu'un message univoque.
Avait-elle déjà cette phénoménale mémoire de son enfant, ou bien est-ce le traumatisme du 28 juillet qui a fait refluer pareille masse de souvenirs minutieux, comme si le passé devait désormais pourvoir à la défaillance de l'avenir, de sorte qu'elle raconte à quinze ans de distance le détail, heure par heure, d'une journée avec son fils, le menu de leur repas, le parfum de la glace qu'il a choisie, le jouet qu'elle lui a acheté ? Ses souvenirs même sont-ils innocents, au sens psychanalytique du terme, ou bien l'horreur et l'angoisse braquent-elles sans qu'elle le sache les noirs projecteurs de l'inconscient sur tel épisode qui n'eût point émergé à la surface de sa mémoire avant le 28 juillet ? Pour illustrer le peu d'affection que le père témoignait à Christian, elle avait le choix entre mille exemples puisqu'elle affirme la constance de la froideur paternelle. Voici celui qu'elle sélectionne entre tous : Christian voit son père prêt à partir au volant de la voiture qu'on vient d'acheter, qui est la première et dont on s'émerveille ; il demande la permission de s'installer à côté de lui. Le père répond : "Non. Je n'ai pas besoin de toi." Et comme l'enfant insiste, il l'empoigne et le porte dans la cuisine en demandant qu'on l'en débarrasse. Christian sanglote de déception et de chagrin. Il a trois ans.
Héloïse Mathon est née à Avignon le 16 septembre 1922. Ses parents, originaires de Lozère, étaient issus de familles paysannes pauvres. Le père est employé municipal. La mère subit un tel choc en lisant le télégramme lui annonçant la mort de son propre père qu'elle éprouve des troubles de la vision aboutissant bientôt à la cécité complète. Héloïse, âgée se sept ans, doit pouvoir aux soins du ménage en attendant qu'une grand-mère, puis une tante, viennent tenir la maison désormais désolée. Une lueur dans cette tristesse : la mère aveugle avait été élevée avec une enfant de l'Assistance publique recueillie par ses parents et restée chez eux jusqu'à l'âge de treize ans ; or, cette Andréa, enfant empruntée, allait restituer à sa famille d'adoption tout l'amour qu'elle en avait reçu. Mariée, mère de famille, elle vient à Avignon s'installer à trois cents mètres des Mathon pour aider l'aveugle et la réconforter.
A dix-huit ans, Héloïse s'enfuit. Elle étouffe entre un père aigri, rigoriste, et une mère enfermée dans sa cécité. Elle travaillait comme vendeuse dans une boutique de la ville mais elle brûle de franchir ses remparts et de découvrir le monde. Elle se sait séduisante. Elle a le goût du bonheur.
Nîmes, Agen, Toulouse, Bordeaux. Elle voyage en auto-stop, procédé qui n'est guère d'usage à l'époque chez les filles mineures. Petits travaux ici et là. Des cartes postales à ses parents, mais toujours au moment de quitter une ville: elle a lu dans la presse les avis de recherche la concernant. Paris enfin, où une maie d'Avignon lui apprend que sa mère est gravement malade. Elle rentre par le premier train, est reçue sans reproche. C'est un cancer. Mais une opération réussie laisse espérer une rémission. Elle sera longue.
Pour rester près des siens, Héloïse s'engage comme serveuse dans un café de Marseille.Puis, sa mère allant décidément mieux, elle part pour la Belgique avec une amie et trouve du travail dans une auberge. Retour à Marseille où elle se fait embaucher dans une fabrique de jouets. La guerre éclate. La fabrique de jouets périclite et finit par fermer ses portes. Héloïse survit en assurant la garde d'enfants dont les familles sont dispersées par les événements. C'est la découverte d'une sorte de vocation. Elle adore les enfants et sait s'en faire aimer par sa douceur, sa patience, l'affection qu'elle leur voue comme s'ils étaient siens. Est-ce le souvenir d'Andréa, la soeur adoptive aimante-aimée de sa mère ? Pour Héloïse, l'amour n'est pas forcément enfermé dans les cloisons familiales : il est aussi bien dans ces auberges espagnoles ouvertes à tous vents où l'on trouve toujours ce qu'on apporte.
A la Libération, nouveau départ pour la Belgique avec l'amie ancienne. Elles s'embauchent comme serveuses dans une auberge tenue par des immigrés polonais. Le fils des patrons tombe follement amoureux d'Héloïse. Il a dix-huit ans ; elle, vingt-trois. C'est un gentil garçon qui apprend l'ébénisterie. Héloïse hésite à s'engager. Sa mère est au plus mal. Elle va lui fermer les yeux. Au retour, le garçon la presse de l'épouser. Elle décide, d'accord avec ses parents, de lui imposer une mise à l'épreuve et part pour Toulon prendre avec sa fidèle amie la gérance d'un bar.
La gérance ne sera pas un succès, mais le séjour à Toulon est marqué par un événement inattendu : Héloïse adopte un enfant. C'est, pense-t-elle, le plus sûr moyen d'en avoir un, et peut-être le seul car elle craint de ne pouvoir être mère. Le petit fiancé belge ? S'il l'aime vraiment, il acceptera. S'il renâcle, elle rompra. Un enfant lui importe plus qu'un mari.
Elle entame la longue série des démarches administratives, subit une visite médicale, fait l'objet d'une enquête approfondie, est enfin admise dans une salle où on lui donne à choisir entre une vingtaine d'enfants. Son choix se porte sur Gilbert, bébé métis de quatre mois.
Le fiancé apprend la nouvelle sans broncher.
Le mariage est célébré en Belgique. Naturellement, Héloïse refuse un voyage de noce qui la forcerait à se séparer du bébé. Le mari se fait une raison. Mais nul doute que l'accumulation des contraintes et l'amour passionnément exclusif d'Héloïse pour l'enfant entament rapidement la sérénité ce et excellent garçon dont l'âge tendre résiste mal à pareille avalanche. Les beaux-parents, craignant le naufrage du couple et constatant qu'Héloïse s'étiole au climat belge, conseillent un établissement dans le Midi. On trouve un logement à Marseille ; le mari s'embauche dans une menuiserie. Mais cela ne va décidément plus et l'on décide de rompre. Ce sera une séparation à l'amiable, sans heurts ni ressentiment. On se quitte bons amis et on le restera.
Sa nouvelle solitude n'en est point une pour Héloïse : elle a Gilbert.
Puis elle rencontre Jean Ranucci. Mince, brun, taciturne, il est le contraire du petit mari belge. Ce marin de trente ans, dont la famille est d'origine romaine, a combattu sous le pavillon de la France Libre, servi en Indochine, navigué sur tous les océans du globe. Bien qu'ayant mis sac à terre, il n'aime que la mer et les bateaux, et passe des heures à écouter des disques exotiques. Il incarne enfin l'aventure. Et il fait bon accueil à Gilbert.
Le mariage est célébré le 20 mai 1952. Jean Ranucci travaille comme manutentionnaire dans un dépôt de pharmacie. Héloïse est réceptionniste dans un hôtel. Gilbert va à l'école.
Deux années passent et c'est la naissance de Christian, le 6 avril 1954. Héloïse est littéralement folle de joie. A trente et un ans, elle n'espérait plus la venue de cet enfant, que son mari tenait de son côté pour superflu : "On a déjà Gilbert." Ce dernier, qui a maintenant sept ans et demi, accueille avec bonheur le petit frère. Héloïse engage, pour s'occuper du bébé, une jeune fille qui viendra naturellement de l'Assistance publique et deviendra bien entendu membre à part entière de la famille. La jeune fille ne fera d'ailleurs pas la découverte du bonheur, car orpheline à sept ans, elle avait été placée dans une ferme de l'Ardèche dont les patrons l'avaient entourée de tendresse.
Mais si notre histoire semble à l'envers du mélodrame de boulevard qui fait pleurer Margot, puisque les enfants orphelins ou abandonnés y trouvent leur bonheur dans des familles de hasard, voici le coup du sort qui va soumettre enfin les personnages à la loi du genre. Gilbert à neuf ans quand Héloïse reçoit du directeur de l'Assistance publique du Var une lettre lui annonçant que la vraie mère de l'enfant veut le reprendre, et que la loi l'y autorise. Héloïse est foudroyée. Elle ignorait jusqu'à l'existence de cette mère. Neuf ans anéantis par une simple lettre. Neuf années de soins constants, de soucis, d'affection, pour aboutir à cet arrachement. Que Gilbert ne fût pas né de sa chair, elle n'y pensait même plus. Il est son fils tout autant que Christian. Il est à elle. Et voici qu'on lui demande de le "préparer" à la séparation prochaine.
Cette femme fut ici admirable. Car s'il est peut-être aisé d'aimer un enfant adopté, il est sublime de consentir à le laisser partir sans éclats pour ne point mutiler sa sensibilité. La malheureuse, atrocement blessée, ne veut pas que Gilbert ait sa part de cette souffrance. Doucement, progressivement, elle le "prépare" selon le voeu de l'Assistance publique. Elle lui explique qu'il est un enfant chanceux : contrairement aux autres, il a deux famille, deux mamans, dont l'une lui est encore inconnue parce qu'elle était à l'hôpital. Il va bientôt faire sa connaissance. Ainsi ne va-t-il pas perdre sa famille : il en gagnera une seconde. L'enfant, d'abord perplexe, est bientôt gagné par ce tendre sacrifice.
Au jours fixé, Héloïse revêtit Gilbert de ses plus beaux habits et le conduisit à l'Assistance publique de Toulon, où sa vraie mère viendrait le chercher. Elle confia aux employés deux valises de linge, deux cartons remplis de jouets et le petit vélo du garçon. Puis, à bout de force, elle se réfugia dans un jardin public et, dissimulée derrière un arbre, pleura à longs sanglots. Elle croyait alors touche le fond de la détresse humaine.
On venait de lui reprendre son premier enfant.
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JeanneMarie

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MessageSujet: Re: LE PULL-OVER RUOGE   LE PULL-OVER RUOGE EmptyVen 13 Oct - 10:53

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epistophélès

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MessageSujet: LE PULL-OVER ROUGE   LE PULL-OVER RUOGE EmptyVen 13 Oct - 17:32

Elle ouvre la porte. Trois policiers en civil sont sur le seuil. L'un d'eux exhibe sa carte et demande
"M. Christian Ranucci ?
- Il est encore au travail. Il ne rentrera pas avant six heures un quart.
- Bon. On va faire un tour et on reviendra...
- Mais c'est à quel sujet ?
- Un petit accrochage qu'il a eu avec sa voiture. Ce n'est pas grave.
- Il y a eu des blessés ?
- Non, aucun."
Héloïse Mathon, inquiète, referme la porte. Christian est fou de vitesse et collectionne les accidents depuis son premier vélomoteur. Elle lui a offert une voiture pour son vingtième anniversaire, deux mois plus tôt, le 6 avril 1974. Et déjà un accrochage. Elle ne se demande pas pourquoi trois policiers se dérangent à propos d'un accrochage sans gravité. Un coup d'oeil à la fenêtre : ils font les cent pas devant l'immeuble.
Au-delà, la vue est superbe. Bâtie sur les hauteurs de Nice, la résidence se situe dans l'axe de l'aéroport, avec le lent ballet silencieux des avions réduits aux dimensions de jouets d'enfant. Somptueux paysage où s'inscrivent successivement la montagne, la ville et la mer... La résidence elle-même n'est pas indigne du site. C'est un semis de constructions aux couleurs pastel enfouies dans la végétation, éclairées par de vastes baies. Héloïse Mathon et son fils occupent un appartement de trois pièces s'ouvrant sur un petit jardin en terrasse où Christian a planté des rosiers et des massifs de fleurs. Hormis quelques mois d'hiver, cette terrasse exposée au midi est en fait la pièce principale : on y prend ses repas face à la baie des Anges. Le calme est absolu. Un centre commercial inclus dans la résidence, au bord de la route d'accès, fait l'approvisionnement commode.
Héloïse Mathon vient de donner leur goûter aux deux enfants qui lui ont été confiés pour la journée. Cette garderie d'enfants à domicile est désormais sa seule activité professionnelle. Elle a été officiellement agréée par l'Assistance sociale après avoir subi deux visites médicales et une inspection des lieux. Les revenus qu'elle en tire l'aident à régler les traites de l'appartement.
Les parents viennent chercher les deux petits. Mme Mathon bavarde avec eux, puis sort faire quelques courses. A son retour, vers six heures vingt, elle trouve deux gendarmes chez elle. Christian, rentré entre-temps, leur a ouvert la porte. Il dit à sa mère : "J'arrive tout juste. Ils disent que je dois aller avec eux, qu'il y a des rapports à taper. Je me lave les mains et je voudrais bien boire quelque chose." Il passe dans la salle de bains. Un gendarme se plante devant la porte. Christian ressort et se rend dans la cuisine, où il boit un verre d'eau minérale. Les gendarmes ne manifestent aucune impatience. Christian, très calme lui aussi, regarde sa mère avec une mimique éloquente : "Qu'est-ce qu'ils sont embêtants !" Il part enfin entre les deux gendarmes après avoir dit : "Ne t'inquiète pas, ce n'est pas grave. Je vais revenir dans une heure."
C'est un garçon athlétique mesurant un mètre soixante-quinze pour soixante-neuf kilos. Ses cheveux châtain clair ont tendance à boucler. Le nez, fort et arqué, lui fait un profil un peu tourmenté, mais la face est harmonieuse avec une bouche bien dessinée et des traits qui ont encore le délié de l'adolescence. Ses yeux sont marron clair. Il porte constamment des lunettes en raison d'une myopie accentuée. Les médecins lui trouveront une pilosité d'implantation nettement masculine, des organes génitaux normalement constitués, un fois se situant dans les limites habituelles, une rate ni percutable ni palpable, des masses musculaires bien développées, un indice céphalique l'apparentant aux brachycéphales, un biotype morphologique harmonieux, médioligne, avec une certaine prédominance des caractères athlétiques et respiratoires. En somme, un beau garçon de vingt ans.
Il est six heures et demie.

Dix minutes plus tard, un cortège de voitures officielles s'arrête au bord de la route nationale 8 bis, face au fourré où l'on a retrouvé le petit cadavre. Les gendarmes ont bouclé le secteur. COnformément aux directives du juge d'instruction, le capitaine Gras a laissé les lieux en l'état.
Le juge d'instruction, Ilda Di Marino, est une célibataire d'une quarantaine d'années, le cheveu noir et court, dont on sait à Marseille le caractère extrêmement affirmé. Son greffier est une femme. Elle est accompagnée du procureur adjoint et d'un substitut, mais c'est à elle que revient la direction de ce transport sur les lieux et c'est d'elle qu'émanent les instructions au médecin légiste, aux gendarmes et aux spécialistes de l'Identité judiciaire qui lui font cortège.
Le groupe des magistrats et des spécialistes franchit le fossé bordant la route et escalade le talus qui la surplombe. Une vague trouée permet la progression dans la garrigue. Dès le fossé, le capitaine Gras a signalé au juge la présence d'une empreinte de talon. A dix-sept mètres soixante-cinq de la route, on trouve un petit sabot à bande marron dont le talon correspond à l'empreinte précédente. Puis c'est une pierre à peu près rectangulaire et à bord tranchant ; elle est tachée de sang. Un peu plus loin encore, une pierre ovale et une branche de pin longue de soixante-dix-huit centimètres, l'une et l'autre tachées de sang. Enfin, à vingt et un mètres cinquante-cinq de la route, le cadavre dissimulé dans un buisson et recouvert de branchages fraîchement coupés.
Avant de faire dégager le corps, Mlle Di Marino le fait photographier par les spécialistes de l'Identité judiciaire. La petite victime repose sur le dos, le bras gauche replié et la main gauche touchant la tempe : le bras droit est allongé le long du tronc. Les jambes sont légèrement écartées. Elle est vêtue d'un short et d'un polo blanc. Son pied gauche est chaussé d'un sabot identique à celui qu'on a trouvé un peu plus bas. Le visage tuméfié, couvert de sang.
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MessageSujet: LE PULL-OVER ROUGE   LE PULL-OVER RUOGE EmptyVen 13 Oct - 20:03

Puis on dégage le corps. Les branchages ôtés, on constate de nombreuses blessures à la hauteur du cou et une plaie à la tempe gauche. D'évidence, le meurtrier a poignardé l'enfant ; il s'est même acharné sur elle. Par contre, la fillette ne semble pas avoir subi de violences sexuelles : sa tenue vestimentaire est relativement ordonnée. Les photographes opèrent de nouveau. Lorsqu'ils ont terminé, Mlle Di Marino fait transporter le corps dans une ambulance stationnée sur la route. La procédure exige qu'il soit identifié. On va chercher Pierre Rambla, qui attend dans une voiture de police garée à proximité.
Ce fut atroce. Quatre ans plus tard, des témoins dont le métier a pourtant bronzé le coeur nous raconteront la scène avec une émotion intacte. Le commissaire Alessandra et ses adjoints avaient eu la lourde tâche d'aller annoncer aux parents la macabre découverte. Convaincus quant à eux de l'identité de la victime, ils s'étaient efforcés de laisser au père un ultime espoir : "Rien ne dit qu'il s'agit de votre fille..." La mère était dans un état nerveux si pitoyable qu'il n'avait pas été question de l'emmener.
Le médecin légiste, aidé du capitaine Gras, a rapidement nettoyé à l'alcool le visage de la petite morte. "Nous avons tout fait pour la rendre présentable, nous dira le capitaine Gras. Nous lui avons même mis des tampons de coton dans les joues. Mais que voulez-vous, elle était là depuis plus de deux jours, et avec la chaleur, les insectes..."
Le père s'approche de l'ambulance, blême, les traits ravagés par deux nuits blanches d'angoisse, pressant un mouchoir sur ses lèvres. Un gendarme soulève la couverture. "Oui, c'est ma petite ! C'est ma petite !" Les cris pétrifient tous les témoins. Mlle Di Marino a les larmes aux yeux. Pierre Rambla se jette sur le corps sans vie de sa fillette avec un hurlement déchirant. Il faut l'en arracher. Il titube et s'effondre, évanoui. On le porte jusqu'à une voiture. "Une scène abominable, dit le commissaire Alessandra. Je suis certain qu'il avait gardé espoir jusqu'au bout. Ce fut réellement abominable." Et le capitaine Gras : "Aussi longtemps que je vivrai, je me souviendrai du désespoir de ce pauvre homme."
C'est fini. La cohorte judiciaire regagne ses voitures. Le juge d'instruction fait un bref arrêt à la champignonnière, inspecte la galerie et pose quelques questions au contremaître, M. Guazzone. Le médecin légiste fait transporter la dépouille de Marie-Dolorès à la morgue de Marseille, où il pratiquera une autopsie. Le capitaine Gras achève de procéder aux formalités d'usage, telles que saisie des pièces à conviction et moulage des empreintes de roues dans la galerie. A sept heures et demie, il rassemble tout son monde et ordonne un dernier ratissage de la zone où a été retrouvé le corps. Les cinquante gendarmes engagés dans l'opération ne découvrent aucun indice supplémentaire.
Mlle Di Marino notera dans son procès verbal de transport sur les lieux : "Il nous a été indiqué qu'un pull-over rouge, propre, ne portant aucune trace de moisissure, avait été découvert à proximité des traces de pneus les plus éloignées de l'entrée de la galerie."
Il est sept heures et demie.
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MessageSujet: LE PULL-OVER ROUGE   LE PULL-OVER RUOGE EmptyVen 13 Oct - 20:43

"J'étais très inquiète, raconte Mme Mathon. Cela faisait plus d'une heure que Christian était parti. J'ai préparé des sandwiches, j'ai pris une bouteille d'orangeade et un paquet de cigarettes - il fumait des Dunhill - et je suis allée à la gendarmerie, qui était tout près de la maison. On m'a permis de le voir, mais deux ou trois minutes seulement. Il avait l'air fâché. On venait de lui annoncer qu'on ne le relâchait pas tout de suite. Il m'a dit "Franchement, ils exagèrent ! Ils auraient bien pu me convoquer demain. Passer la nuit à la gendarmerie pour une histoire comme ça !..."Les gendarmes écoutaient sans rien dire. Après, ils l'ont emmené et j'ai été heureuse parce qu'il avait retrouvé son sourire. Je lui ai demandé d'être patient et de ne pas s'inquiéter pour son travail, car il se tourmentait à ce sujet. Je lui ai dit que je préviendrais son patron qu'il avait un empêchement. C'était facile parce que le frère de ce patron habitait notre immeuble."
Christian a déjà été interrogé. Sa déposition, enregistrée par un lieutenant de gendarmerie, concerne le seul délit de fuite :
"Il est exact que j'ai eu un accident matériel de la circulation le 3 juin 1974, je pense vers seize heures, alors que je venais d'Aix-en-Provence et que je me rendais à Nice, mais je ne puis préciser le lieu exact. Je venais de démarrer en deuxième vitesse d'un "stop" lorsqu'une voiture m'a percuté sur le côté gauche. J'ignore le genre de voiture avec laquelle j'ai eu l'accident. Je me suis affolé et je suis parti droit devant moi. Payant très cher l'assurance, j'avais peur de l'augmentation de celle-ci et de la suppression du permis.
"Je ne me souviens pas d'avoir été poursuivi par un témoin.
"Après avoir roulé environ un kilomètre, ayant un pneu qui touchait la carrosserie, je me suis arrêté sur le bord de la route pour réparer. A cet endroit, un chemin se trouvait sur ma droite, fermé par une barrière (tube en fer de couleur blanche et rouge). Je suis descendu de voiture pour ouvrir cette barrière et, après être remonté en voiture, j'ai dirigé celle-ci dans le chemin. Après avoir parcouru quelques centaines de mètres, je me suis arrêté pour effectuer la réparation que je n'avais pu faire au bord de la route.
"La réparation effectuée, j'ai voulu repartir mais j'ai constaté que j'étais embourbé. Je me trouvais dans une sorte de trou ou bas-fond de terrain. Ayant aperçu des personnes, j'ai demandé de l 'aide et ces personnes m'ont aidé à sortir la voiture. Elles m'ont même invité à boire une boisson chaude avec du citron. Je précise que ces personnes m'ont semblé être des des Nord-Africains. Je précise aussi que ces personnes qui étaient employées dans une champignonnière nem'ont aidé qu'à l'arrivée de leur patron.
"J'ai quitté cet endroit vers dix-huit heures. Je tiens à préciser que je ne puis être affirmatif sur les heures, n'ayant pas de montre en ma possession ce jour-là. Je suis rentré directement à Nice, où je suis arrivé vers vingt-deux heures.
"Je n'ai rien d'autre à dire sur cette affaire, ma déclaration reflétant la vérité."
Les gendarmes placent Christian Ranucci en garde à vue à compter de six heures un quart et le conduisent dans les locaux de la police de Nice, rue Gioffredo.
Sa mère, sortant de la gendarmerie, a été accostée par un homme en civil qui lui a dit : "Il est tard, je ne vais pas vous laisser remonter toute seule."
Désemparée, elle a accepté l'offre, croyant que l'inconnu était le père ou le frère d'un gendarme. La caserne Vasseur, où a été conduit Christian, est un vaste complexe de locaux administratifs et de bâtiments d'habitation situé à quelques centaines de mètres au-dessous de la résidence des Terrasses de la Corniche fleurie. Un raccourci, simple sentier de terre battue, réduit encore le trajet.
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MessageSujet: LE PULL-OVER ROUGE   LE PULL-OVER RUOGE EmptyVen 13 Oct - 21:20

Accompagnée de l'inconnu, elle passe au garage de la résidence pour jeter un coup d'oeil au coupé Peugeot qu'elle n'a pa revu depuis le retour de Christian, quarante-huit heures plus tôt. Les dégâts sont sérieux - la carrosserie est froissée sur le côté gauche - mais n'imposent pas l'idée d'une collision dramatique. Elle s'en trouve rassurée. L'inconnu exhibe alors un appareil photographique et prend plusieurs clichés. C'est un reporter photographe de Nice-Matin, Gilbert Castiès. Elle est étonnée qu'un accident de la circulation suscite tant d'intérêt.
Le journaliste Paul-François Léonetti arrive un peu plus tard : il avait envoyé son photographe en éclaireur. Mme Mathon est assise devant sa télévision, en train de regarder le film de la deuxième chaîne, "La Charge de la huitième brigade". Elle éteint le poste et lui demande de but en blanc : "Vous pensez que cet accident va lui faire perdre sa place ?" Paul-François Léonetti comprend qu'elle ignore les terribles soupçons pesant sur son fils, ce qui n'est pas surprenant à la réflexion car elle se trouvait à la caserne Vasseur au moment des informations télévisées qui en ont fait mention.
Héloïse Mathon trace de Christian un portrait qui, en d'autres circonstances, serait reçu comme l'expression banale de l'amour d'une mère pour son fils unique,m ais dont le décalage avec la réalité ambiante crée chez l'interlocuteur un malaise redoutable. Christiant est un bon petit, serviable, aimé de tous, adorant les enfants. Et bricoleur : il a tapissé lui-même la cuisine. "Il est très gentil, explique-t-elle, mais vous savez, lorsqu'il fait des petites bêtises, il essaie de me le cacher, de peur que je le gronde. C'est encore un enfant." Elle espère qu'il ne va pas perdre sa place pour un banal accrochage : "L'accident n'a pas dû être si grave que cela. La carrosserie est à peine enfoncée sur la portière gauche... Venez voir..." Elle conduit le journaliste jusqu'au garage et remarque : "C'est drôle, les gendarmes n'ont même pas eu la curiosité de regarder la voiture..."
Paul-François Léonetti note qu'un paquet de biscuits est posé sur le siège arrière et qu'une carabine à plombs repose sur le plancher, enveloppée dans une serviette-éponge. Mme Mathon explique : "C'est une carabine d'enfant. Il l'avait déjà à l'âge de onze ans, pour s'amuser à tirer sur les oiseaux." Elle constate que la portière gauche de la voiture (qui, comme tous les coupés n'a que deux portes) est complètement bloquée : la serrure a été enfoncée lors de la collision et ne fonctionne plus.
Le journaliste se retire sans avoir trouvé le courage de révéler à la pauvre femme que son fils est soupçonné d'un crime effroyable. Les voisins et les amis d'Héloïse Mathon qui arrivent pour la réconforter éprouvent sans doute la même incapacité. S'ils savent, ils ne disent rien. On se borne à épiloguer sur ce mystérieux accident pour lequel la police juge nécessaire de retenir Christian une nuit entière.

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MessageSujet: LE PULL-OVER ROUGE   LE PULL-OVER RUOGE EmptyVen 13 Oct - 22:36

Jean-François Le Forsonney, jeune avocat stagaire du barreau de Marseille, dîne chez ses parents. Il a appris en voiture, par son autoradio, la découverte du cadevra de Marie-Dolorès. La nouvelle l'a d'autant plus frappé qu'il connaît parfaitement les lieux pour pratiquer l'équitation chaque semaine dans un manège tout proche. L'un des palefreniers est même apparenté aux Rahou, qui ont offert une tasse de thé à l'automobiliste embourbé. A l'annonce de l'arrestation du meurtrier présumé, il pense : "Dieu merci, il est hors de question que je sois choisi pour le défendre !" A table, on parle de l'affaire, comme font tous les Marseillais ce soir-là. Sa mère, particulièrement bouleversée, stigmatise le criminel et s'exclame : "Je ne vois vraiment pas ce qu'un avocat pourra trouver à dire pour le défendre !" Jean-François Le Forsonney acquiesce : "Franchement, moi non plus..."

A la cité Sainte-Agnès, une passion vengeresse a succédé à l'angoisse de l'attente. Ses habitants éprouvent pour la première fois un sentiment communautaire. Les groupes n'ont cessé de se faire et de se défaire depuis le matin, et la tension montait à mesure que s'amenuisait l'espoir. Chacun était à l'écoute des transistors. A cinq heures trente-cinq, un flash de Radio Monte-Carlo annonçait la découverte du cadavre d'une petite fille non loin de Marseille. Puis c'était l'arrivée des policiers venus chercher le père pour l'identification. Sourde aux pauvres mots qui voulaient entretenir une espérance devenue chimérique, Mme Rambla hurlait sa douleur dans l'escalier et s'effondrait, terrassée, devant cinquante témoins révulsés d'horreur. On lui a fait absorber une dose massive de tranquillisants et elle est veillée par des voisines.
Dehors, les groupes ne se sont pas disloqués. La colère flambe. Des femmes accusent : les cours d'immeubles sont insuffisantes pour les enfants, qui doivent aller dans la rue où ils sont exposés à tous les dangers. L'une d'elles lance à un journaliste : "Si un jardin d'enfants avait été aménagé devant les bâtiments, comme nous l'avions demandé, un tel drame aurait eu peu de chance de survenir. Les gosses, ici, n'ont que la possibilité d'aller jouer sur la route. Déjà en septembre dernier, un drame avait failli se produite lorsqu'un homme avait tenté d'entraîner deux enfants dans sa voiture." On rappelle l'insécurité générale, les agressions, les vols, les viols. Ceux qui ont connu Marie-Dolorès évoquent sa gentillesse, sa gaieté, son sourire que tous les Marseillais ont découvert après qu'il se fut effacé pour toujours. L'annonce de l'arrestation d'un jeune Niçois soupçonné du crime déclenche une sombre allégresse et le souhait unanime d'une justice prompte. Mais quelle justice ? Un homme lance, aussitôt approuvé : "Nous devrions tous nous entendre pour être sur place le jour de la reconstitution. C'est à nous de rendre justice.

Christian Ranucci a été incarcéré dans la salle des gardés à vue du commissariat central de Nice. On lui a ôté sa ceinture et passé les menottes. A dix heures et demie, des policiers venus de Marseille le prennent en charge. Ils sont conduits par le commissaire Gérard Alessandra, à qui l'enquête a été confiée. C'est un Pied-Noir de quarante et un ans, originaire de Constantine. Le teint mat, le cheveu noir mais rare, le regard extrêmement attentif, calme et courtois, il peut donner une impression de bonhomie anodine. Ainsi le gardé à vue lui trouve-t-il au premier abord "l'air d'un Français moyen". C'est probablement une erreur de jugement.
Ranucci s'admet toujours coupable d'un délit de fuite mais nie absolument le rapt d'une fillette et son assassinat. Gérard Alessandra s'insiste pas : c'est à l'Evêché que commenceront les choses sérieuses.
Menottes aux mains, Christian Ranucci est embarqué dans une Mercedes ; le commissaire Alessandra s'assied à sa gauche. Il est onze heures. La voiture prend la direction de la Corniche fleurie et s'arrête devant le garage collectif de l'immeuble qu'habitent Christian et sa mère. Les policiers font descendre leur prisonnier. En sa présence, ils fouillent minutieusement le coupé Peugeot. Cette fouilel permet de saisir les objets suivants ; "Un couteau de marque Opinel ; quatre lanières de cuir longues d'environ un mètre, entrelacées à une extrémité et portant un élastique ; une paire de jumelles ; un trousseau de quatre clefs ; un pantalon d'homme de couleur sombre ; un tuyau en plastique long d'un mètre soixante ; une paire de lunettes de soleil ; un parapluie ; une carabine à air comprimé enveloppée dans un peignoir de bain de couleur bleue à bandes blanches ; une seringue hypodermique en plastique usagée ; une boîte de plombs à air comprimé ; une bouteille d'alcool dans un étui portant l'inscription "My Drink" ; deux cheveux."
Le pantalon a été trouvé dans le coffre arrière. Il présente des taches sombres, notamment à la hauteur de la poche droite. L'un des cheveux est foncé et raide ; l'autre, de teinte claire, est bouclé et fin comme un cheveu d'enfant.
Un policier se met au volant du coupé Peugeot et prend le sillage de la Mercedes. Les deux voitures roulent vers Marseille quand s'achève ce mercredi 5 juin 1974.
Lorsqu'on l'a mis en présence de Ranucci, le commissaire Alessandra a été frappé par l'aspect de ses mains. Elles sont égratignées et couvertes de piqûres semblables à celles que pourrait causer une végétation épineuse.
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MessageSujet: LE PULL-OVER ROUGE   LE PULL-OVER RUOGE EmptyVen 13 Oct - 23:24

L'Hôtel de police de Marseille est situé sur le port, à proximité immédiate de la gare maritime. Il se compose d'un vieil hôtel particulier dépourvu de charme auquel s'accotent des bâtiments fonctionnels prématurément vétustes ; l'ensemble est d'une laideur remarquable. En face se dressent les coupoles d'une cathédrale drôlement byzantine à laquelle tourne judicieusement le dos la statue de l 'évêque de Belsunce, célèbre pour son courage lors de la grande peste de 1720 qui tua cinquante mille Marseillais. Coincée entre ces deux laideurs, une très belle église romane, la Major.
Le commissaire Alessandra et son adjoint, l'inspecteur divisionnaire Porte, entament l'interrogatoire du suspect à une heure trente du matin. Jules Porte, vétéran de la police, est un colosse renommé pour sa capacité à briser les criminels les plus récalcitrants. Une demi-douzaine de jeunes inspecteurs sont présents dans le bureau tout en longueur, sommairement meublé. Les journalistes piétinent de l'autre côté de la porte. Le commissaire Cubaynes, chef de la Sûreté urbaine, leur a dit sa certitude de tenir le meurtrier. Ranucci nie l'enlèvement avec vigueur mais il reconnaît l'accident et son délit de fuite. Et pour le commissaire Cubaynes : "A partir du moment où il reconnaît avoir pris la fuite, le reste coule de source..."
Ranucci continue cependant de nier : "Je vous affirme que je suis totalement étranger à l'enlèvement de la fillette, laquelle me dites-vous, a été enlevée à Marseille le lundi 3 juin 1974. Je suis donc encore plus innocent de la mort de celle-ci, qui a été découverte dans les bois. Je n'ai rien à me reprocher, sauf le délit de fuite pour lequel, ainsi que je vous l'ai précisé, je me suis expliqué devant les gendarmes. Ainsi que je l'ai précisé à ceux-ci, bien que je sois parfaitement en règle tant au point de vue des pièces afférentes à ce véhicule qu'à sa conduite. J'ai pris la fuite car j'ai eu peur. C'est la seule raison. Je maintiens qu'il n'y avait personne dans mon véhicule.
Les policiers lui opposent en vain le témoignage de ses poursuivants : "Vous me précisez que deux témoins ont affirmé m'avoir vu par la suite sortir de mon véhicule avec une enfant. Je vous affirme que j'étais seul à bord de mon véhicule. Je n'ai même pas remarqué que j'étais poursuivi par une voiture."
Questionné sur son emploi du temps, il déclare : "Dimanche 2 juin 1974, jour de la Pentecôte, j'ai quitté mon domicile vers quatorze heures avec ma voiture. Je me suis rendu dans la région de Draguignan. Je suis arrivé en fin d'après-midi à Salernes. Je me suis promené dans cette ville jusqu'à la tombée de la nuit. A ce moment, j'ai décidé de passer la nuit dans ma voiture." Mais le lendemain, jour de l'enlèvement et du meurtre ? "Le lundi 3 juin 1974, je me suis réveillé vers neuf heures. J'ai aussitôt pris la direction d'Aix-en-Provence. Avant d'arriver dans cette localité, j'ai changé d'avis et j'ai fait demi-tour. Je voulais en effet rentrer à Nice par des voies secondaires. C'est ainsi que, me trouvant à Peypin. J'ai eu l'accident de la circulation dont j'ai déjà parlé." Les policiers insistent. Il persiste : "Je suis bien formel, je n'ai passé qu'une seule nuit dans ma voiture. Je ne me suis jamais rendu à Marseille."
Le commissaire Alessandra l'interroge alors sur le pantalon qu'on a trouvé dans le coupé et que les policiers ont examiné dès leur arrivée à Marseille. "Le pantalon de couleur bleue qui se trouvait dans ma voiture est bien celui que je portais au moment de l'accident. Les taches (que vous me dites être des taches de sang) qui se trouvent sur la poche sont inexplicables en ce qui me concerne. Je pense que ce sont des taches de terre." Possède-t-il un pull-over rouge ? "Je n'ai jamais porté de pull-over de couleur rouge. Je suis bien certain de ce fait."
Il signe sa première déposition à deux heures trente du matin. L'interrogatoire se poursuit dans désemparer mais Christian Ranucci maintient les termes de ses premières déclarations. Oui à l'accident et au délit de fuite, non à tout le reste. Il était seul dans la Peugeot. Si des témoins affirment l'avoir vu sortir avec une fillette, ils se trompent.
A cinq heures du matin, les journalistes voient sortir un commissaire Alessandra aux traits marqués par la fatigue. "Christian Ranucci n'a pas avoué, déclare-t-il, mais de très fortes charges pèsent sur lui." Et le policier de renter à son domicile pour prendre quelque repos avant les confrontations prévues pour la matinée et dont il a annoncé qu'elles seraient décisives. Deux témoins ont vu le ravisseur de Marie-Dolorès : Jean Rambla et le garagiste Eugène Spinell
i.
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