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 D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET

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MORGANE
epistophélès
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MessageSujet: Re: D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET   D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET - Page 7 EmptyMer 1 Fév - 15:56

"Le visqueux état de putain" pale Laughing
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MessageSujet: D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET   D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET - Page 7 EmptyMer 1 Fév - 19:13

.........., les prophéties s'accomplirent : les combattants se précipitèrent l'un vers l'autre, et la lance de Montgoméry se brisa sur le casque du roi avec une telle violence que la visière s'ouvrit.
Un cri s'éleva de la foule, et la reine s'effondra sans connaissance.
Henri II, le visage en sang, se cramponnait à son cheval. On se précipita : l'extrémité de la lance lui avait crevé l'oeil droit et défoncé le crâne.

- Je suis mort, murmurat-t-il.

Les gardes le transportèrent rapidement aux Tournelles, et il passa sans la voir devant Diane de Poitiers qui, debout, hébétée, le contempla, sans le savoir, pour la dernière fois
...
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MessageSujet: D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET   D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET - Page 7 EmptyMer 1 Fév - 19:47

Lorsque Catherine de Médicis entra dans la chambre où le roi reposait sans connaissance, une douzaine de personnes affolées, piétinaient inutilement autour du lit. Elle alla prendre la main de son mari, sentit que le pouls battait encore, et ses traits se détendirent.

- Est-ce que la duchesse de Valentinois est venue ? demanda-t-elle.
- Pas encore, lui répondit-on.

Elle eut l'air soulagé et dit simplement :

- Eh bien ! je lui interdis d'entrer ici.


Puis elle fit appeler Ambroise Paré, chirurgien ordinaire du roi.
Une demi-heure plus tard, l'illustre praticien était là. Il regarda, en connaisseur, le trou qu'avait fait la lance de Montgoméry, se fit conter par le menu les circonstances de l'accident et attira la reine près de la fenêtre :

- Avez-vous quelques condamnés à mort, actuellement, dans vos prisons ?

Catherine eut l'air étonnée.

- Oui, sans doute.
- Parfait. Qu'on en exécute immédiatement quatre et qu'on les apporte chez moi. Je veux me livrer à quelques expériences avant d'opérer le roi.

La reine aussitôt donna des ordres, et un garde courut à la Bastille, tua quatre prisonniers qui moisissaient dans un cachot, chargea leurs corps sur un chariot et conduisit le tout chez Ambroise Paré.
Le chirurgien, sur le pas de la porte, attendait, entouré de ses élèves.

- Entrez, dit-il, et mettez ces cadavres sur la table.

Lorsque tout fut en place, Ambroise Paré s'arma d'un grand bâton pointu, de la même grosseur que la lance de Montgomery, et, d'un coup sec, voulut l'enfoncer dans l'oeil droit du premier cadavre. Mais, dans sa hâte, il visa mal, et le morceau de bois entra dans la bouche.

- Raté ! dit-il d'un ton irrité.

On jeta le corps inutilisable dans un coin de la pièce, et Ambroise Paré se précipita, bâton levé, sur le second. Plus heureux cette fois, il lui creva l'oeil. Seulement, le bâton avait un peu dévié vers le milieur du crâne au lieu de se porter vers l'oreille, comme l'avait fait l'arme de Montgomery.
Tout était donc, de nouveau à recommencer.

Agacé, le chirurgien passa au troisième cadavre. Mais, rendu nerveux par ses premiers échecs, il agit avec trop de hâte et enfonça le bâton dans la tempe. Le coup arracha l'oreille et le troisième cadavre, comme les deux autres, fut gâché.
Déjà, le garde qui assistait à cette curieuse scène se demandait s'il n'allait pas devoir retourner à la Bastille abattre d'autres prisonniers, quand le chirurgien envoya son bâton dans l'oeil du quatrième "defunct".
Cette fois, il réussit magnifiquement : la blessure était exactement celle du roi. Il prit un air modeste, mais ses élèves l'applaudirent.
Sans se laisser troubler, Ambroise Paré se pencha sur le visage qu'il venait d'éborgner, glissa un doigt à l'intérieur de l'orbite vide, tâta longuement les aspérités de la déchirure (ce qu'il n'aurait osé faire dans la tête du roi), ramena quelques lambeaux de chair, quelques débris d'os et fit la grimace.

- Il y a bien peu d'espoir, dit-il.

Puis, s'étant muni d'un maillet, d'une scie et d'une paire de tenailles, il retourna aux Tournelles pour tenter une opération délicate.


Pendant que le plus grand chirurgien du siècle essayait de trépaner le roi de France avec des outils de tonnelier, Diane de Poitiers, à qui on avait rapporté les paroles de la reine, roulait vers Anet en compagnie de François de Guise. Muette, crispée, elle devait penser sans doute que ce voyage un peu précipité ressemblait fort à la fuite de Mme d'Etampes pendant l'agonie de François Ier, douze ans auparavant...
Pourtant, elle espérait encore, faisant confiance à Ambroise Paré qu'elle savait au chevet de son amant....
Hélas ! le chirurgien avait finalement renoncé à l'opération. S'étant penché sur la plaie, il avait constaté une "altération en la substance du cerveau qui estoit de couleur flave ou jaunâtre, environ la grandeur d'un pouce, auquel lieu estoit un commencement de putréfaction".
Ecoeuré, il rangea ses outils et prescrivit quelques remèdes propres à atténuer la douleur.

- Il n'y a plus qu'à attendre dit-il.


Alors, Catherine de Médicis oublia un peu son chagrin pour songer à sa haine, et chargea un messager d'aller à Anet réclamer à Diane les joyaux de la couronne.
La favorite reçut avec morgue l'envoyé de la reine.

- Le roi est-il mort ? demanda-t-elle.
- Non, Madame, mais il ne saurait passer la nuit.
- Eh bien ! je n'ai donc point encore de maître, et je veux que mes ennemis sachent que, même quand ce prince ne sera plus, je ne les craindrai point. Si j'ai le malheur de lui survivre, ce que je n'espère pas, mon coeur sera trop occupé de sa douleur pour que je puisse être sensible aux chagrins et aux dégoûts qu'on voudra me donner. (Dreux du Radier, op. cit. tomme IV)
Le messager revint les mains vides, et les jours passèrent.


Enfin, le 10 juillet, le roi, qui n'avait pas repris connaissance, expira doucement. (Ces dix jours d'agonie ont semblé suspects à de nombreux auteurs. Certains historiens modernes s'appuyant sur des études faites par des médecins, prétendent que le roi n'a pu survivre au-delà du 3 ou 4 juillet ; mais que l'annonce de sa mort fut retardée par Catherine de Médicis pour des raisons politiques.)

Le lendemain, une lettre humble parvenait à Catherine de Médicis. Elle était signée Diane de Poitiers.
Pour la première fois de sa vie, l'ex-favorite baissait le front et s'humiliait. Elle, qui, quelques semaines plut tôt, disait : "Nous" en parlant de la famille royale, qui mettait son nom à côté de celui du roi sur les lettres officielles, qui commandait aux ministres et aux généraux, n'était plus rien qu'une vieille femme angoissée dont l'avenir se trouvait entre les mains de celle qui la haïssait le plus au monde.
Alors elle demandait pardon à la reine de ses offenses et "offrait ses biens et sa vie...". Un coffret accompagnait cette lettre. Il contenait les joyaux de la couronne
....
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MessageSujet: D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET   D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET - Page 7 EmptyJeu 2 Fév - 20:40

Catherine de Médicis, sachant quelle force représentait encore la duchesse de Valentinois, amie des Guise, se montra généreuse.

- Je désire seulement que "la Mère Poitiers" ne reparaisse jamais à la Cour, dit-elle.

Et elle lui laissa tous ses biens, sauf le château de Chenonceaux qu'elle lui échangea contre celui de Chaumont.
Haïe du peuple, abandonnée de presque tous ses amis, Diane de Poitiers s'enferma dans son palais d'Anet et vécut dès lors dans un exil doré.
Rassuré sur ce point, Catherine de Médicis s'occupa de faire sacrer son fils François, âgé de quinze ans.
La cérémonie eut lieu à Reims, le 18 septembre 1559.
Le nouveau roi de France, qui avait épousé l'année précédente la gracieuse reine d'Ecosse Marie Stuart, était chétif, boutonneux et atteint de végétations adénoïdiennes qui l'obligeaient à tenir sans cesse sa bouche ouverte. En outre, il possédait un abcès suintant derrière l'oreille...
Cet état maladif tourmentait Catherine qui accusait en secret Marie Stuart, pourtant guère plus âgée que François II, d'avoir un tempérament trop exigeant pour le débile roitelet.


En réalité, la jeune Ecossaise ne parvenait point, malgré des efforts constants, à se faire manquer de respect par son époux. Non que celui-ci fût candide au point d'ignorer ce qu'il convient de faire pour être poli avec sa femme, mais parce que, nous dit un chroniqueur, "il avait les parties génératrices constipées".
Aussi, la pauvre petite reine, bien que mariée depuis un an, était-elle encore jeune fille.
Parfois, le jeune roi, sentant se manifester l'amorce d'une promesse, entraînait bien vite Marie Stuart sur un lit ; mais, au premier obstacle, ses forces se dérobaient et tout retombait dans l'insignifiance.
De tels efforts naturellement, le laissaient épuisé et Catherine s'alarmait.
Son inquiétude allait croître brusquement.
En effet, le jeune roi, que ses défaites rendaient malheureux, se mit à faire des exercices violents dans le but de se fouetter le sang et de gagner cette virilité dont rêvait l'infortunée petite reine.
Et un jour, on ne sait ni où, ni quand, Marie Stuart connut l'apaisement tant désiré. A partir de ce moment, François II, assez satisfait de lui, se crut un homme et s'intéressa aux affaires de l'Etat. Imprudence qui allait le mettre à deux doigts de sa perte.


Ignorant tout de la politique, peu intelligent, crédule, il se lia aveuglément aux Guise qui demeuraient en relations étroites avec la grande sénéchale.
Car Diane, dont les protestants s'étaient crus débarrassés après le coup de lance de Montgomery, continuait la lutte du fond de son exil. Et, par l'intermédiaire des Guise, elle parvint à inciter le jeune roi à redoubler de rigueur dans la poursuite des réformés.
De nouveaux bûchers s'enflammèrent dans toute la France...
C'est alors qu'excédés, les protestants décidèrent d'enlever le jeune souverain afin de le soustraire à l'influence des Guise et de Diane.
Le prince de Condé était le chef secret de ce complot qu'on appela par la suite "la Conjuration d'Amboise" ; mais l'entreprise devait être conduite par un homme de main, nommé La Renaudie, qui avait pour mission de se rendre à Blois, où se trouvait la Cour, et de s'emparer de François II.
L'attaque du château avait été prévue pour le 10 mars 1560, et tout était prêt, lorsqu'un avocat protestant, Pierre des Avenelles, qui avait eu vent du complot, alla révéler ce qui se tramait à François de Guise.
Affolé, le duc mena la Cour à Amboise, qui était alors une puissante forteresse, et, loin de se douter qu'il créait une situation digne d'un vaudeville, demanda au prince de Condé de venir se mettre au service du roi
.

Le chef protestant était un homme prudent. Ne sachant comment allaient tourner les évènements, il se rendit à l'invitation de Guise et se déclara prêt à défendre le château contre toute attaque.

- Si des ennemis du roi ont des intentions belliqueuses, qu'ils viennent, dit-il avec un joli mouvement de menton. Nous saurons les recevoir ! ...

Le 17 mars, La Renaudie, qui avait dû modifier son plan, marcha sur Amboise. Il n'alla pas loin : un soldat l'abattit dans la forêt ... Aussitôt, le duc de Guise fit battre en tous sens les bois environnants et ramassa les conjurés fugitifs. Interrogés et "mis à la question", la plupart d'entre eux avouèrent qu'ils avaient pour chef le prince de Condé.

- Attendons d'avoir des preuves, dit le duc de Guise au jeune roi, que ces aveux avaient bouleversé.

Mais François II était impulsif. Il courut dans le salon où pérorait Condé et lui cria :

- Il y a des gens qui me courtisent et me trahissent. Un jour, s'il plaît à Dieu, je leur en ferai repentir.

Et il donna un violent coup de poing sur la table.
Le prince de Condé était prêt à toutes les trahisons ; pour montrer ses bons sentiments, il désigna un groupe de conjurés qui traversaient le jardin, encadrés par des gardes, et dit d'un ton ferme :

- Il faut tous les pendre, sire !


Dès le lendemain, les exécutions commencèrent.
Les protestants furent décapités à la hache, pendus par grappes aux merlons du château ou jetés dans la Loire avec des pierres aux chevilles... Toute la Cour, y compris M. de Condé, assista à ces massacres, jusqu'au moment où l'odeur du sang et des cadavres incommoda la délicate Marie Stuart :

- C'est intenable ici, allons ailleurs !

Et l'on partit sur-le-champ s'installer à Chenonceaux, tandis que des sous-ordres finissaient rapidement et sans entrain de tuer les derniers conjurés...


Cette terrible répression stupéfia le royaume, mais plut beaucoup au pape. Dans une lettre fort affectueuse, le Saint-Père félicita chaleureusement le cardinal de Lorraine et lui envoya, en témoignage de reconnaissance, un tableau de Michel-Ange représentant la Vierge tenant son Fils dans ses bras.
Ce cadeau fut cause d'une savoureuse mystification qui ne fit d'ailleurs qu'envenimer un peu plus les rapports entre catholiques et protestants.


Rien ne serait arrivé si le courrier, porteur de la toile, n'était tombé malade en route et n'avait chargé de sa mission un marchant lucquois qui se disait de la maison du cardinal de Lorraine. Or ce Lucquois était luthérien. Arrivé à Paris, il fit faire, par un peintre de ses amis, un tableau de même grandeur que celui de Michel-Ange, "mais, nous dit un chroniqueur, d'une piété moins grande".
En effet, le cardinal de Lorraine, la reine Marie Stuart, sa nièce, la reine mère et la duchesse de Guise "estoient peints au vif, nus, ayant les bras au col et les jambes entrelacées, l'un avec l'autre.
Soigneusement empaqueté, ce nouveau tableau fut porté, avec la lettre du pape, chez le cardinal de Lorraine qui était, pour lors, en train de déjeuner avec le cardinal de Tournon, le duc de Montpensier et le duc de Guise. Après avoir lu à haute voix la lettre du Saint-Père, il fit défaire le paquet.
Alors "apparut la représentation diabolique de ces entrelacements sensuels qui n'avaient rien de commun avec la Vierge envoyée par le chef de la cour romaine".
Les convives, les yeux hros de la tête, considérèrent ce tableau "avec une colère à peine tempérée par l'intérêt du sujet".
Puis, lorsque tout le monde s'en fut bien rassasié, un valet alla brûler le sur l'ordre du cardinal de Lorraine. "Lequel, cuidant que ce fussent les huguenots qui lui eussent joué ce tour, leur a causé beaucoup de maux qui leur sont depuis survenus", nous dit un auteur du temps
.
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MessageSujet: D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET   D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET - Page 7 EmptySam 4 Fév - 14:03

Le complot d'Amboise avait complètement dégoûté François II de la politique. Il se consacra dès lors, avec une fougue maladive, à la volcanique Marie Stuart.
Hélas ! en essayant d'éteindre l'ardeur dont brûlait son épouse, c'est lui qui se consumma. Et, le 5 décembre 1560, il mourut, complètement épuisé, à Orléans, d'un abcès au cerveau. ("François II est mort de cette grande chamelle rousse de Marie Stuart", dit Michelet.)


Folle de douleur, la jeune reine s'enferma, conformément à l'étiquette de la Cour de France, pendant quarante jours dans son appartement tendu de noir et éclairé par des cierges. Lorsqu'elle reparut à la lumière, elle espéra vivre au Louvre comme auparavant ; mais la haine de Catherine de Médicis la fit fuir. Elle gagna d'abord la Lorraine, où était son oncle, puis, le 15 août 1561, elle s'embarqua pour l'Ecosse, pleurant le royaume de France et pleurant sa jeunesse, ayant peut-être au coeur l'obscur pressentiment du destin tragique qui l'attendait...

(Marie Suart était accompagnée dans son voyage d'une longue suite de gentilshommes, parmi lesquels se trouvaient Brantôme et Chastellard qui "nourrissoit pour elle un très tendre sentiment." Un soir, ilo poussa la témérité jusqu'à s'introduire dans la chambre de Marie. Elle lui pardonna. Enhardi, l'amoureux revint la nuit suivante. Alors "la reyne pour son honneur et pour ne pas donner occasion à ses femmes de penser mal, voire à son peuple, s'il le sçavoit, perdit patience, le mit entre les mains de la justice, qui le condamna aussitôt à avoir la tête tranchée".
Le lendemain, il était décapité. Vingt-six ans plus tard, Marie Stuart tendait à son tour, le cou au bourreau.)


Le nouveau roi, Charles IX, n'ayant que dix ans à la mort de son frère, Catherine de Médicis se déclara régente, et Diane de Poitiers dans son château d'Anet, se reprit à trembler. Mais la Florentine affectait de n'attacher plus aucune importance à l'ex-favorite.
Quand elle en parlait, c'était pour laisser entendre que la pauvre avait sombré dans le gâtisme.
Ce qui était faux, car le temps ne semblait avoir aucune prise sur Diane. En 1565, Brantôme lui rendit visite. Bien qu'elle eût alors soixante-cinq ans, il fut ébloui et la trouva "si belle que même un coeur de rocher s'en fût ému". "Elle avait, dit-il, une grande blancheur et sans se farder aucunement, mais on dit bien que tous les matins elle usait de quelques bouillons composés d'or potable et autres drogues que je ne sais pas comme les bons médecins et subtils apothicaires. Je crois que si cette dame eût vécut cent ans, qu'elle n'eût jamais vieilli, fût-ce de visage, tant il était bien composé, fût-ce de corps caché et couvert, tant il était de bonne trempe et belle habitude. C'est dommage que la terre couvre ces beaux corps."


Or, six mois plus tard, Diane, dont la santé semblait solide, succombait à une brusque maladie, et la terre dont parle Brantôme recouvrit ce corps dont la trop éclatante beauté était cause de la grande pitié dans laquelle se trouvait le royaume de France... (Son arrière-petite-fille, Marie-Adélaïde de Savoie, épousa en 1697 Louis de Bourbon, père de Louis XV. Ce roi, ainsi que Louis XVI, Louis XVIII et Charles X furent donc des descendants de la favorite de Henri II. Et l'actuel comte de Paris a, par conséquent, dans les veines, un peu du sang de la Dame aux Cerfs.)

Alors, Catherine de Médicis, qui s'était tue pendant trente ans, osa enfin dire ce qu'elle pensait de sa rivale :

Je faisais bonne chère à Mme de Valentinois, c'était le roi, écrivit-elle à Bellièvre. Encore je lui faisais toujours connaître que c'était à mon très grand regret, car jamais femme qui aime son mari n'aima sa putain.

Elle concluait avec humour :

Car on ne la peut appeler autrement ; encore que ce mot soit vilain à dire à nous autres
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MessageSujet: D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET   D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET - Page 7 EmptySam 4 Fév - 14:56

CATHERINE DE MEDICIS CREE SON ESCADRON VOLANT DE JOLIES FILLES GALANTES




C'est souvent par les filles de son cortège qu'elle attaquait et soumettait ses plus rudes ennemis. Et pour ce l'appelait-on "la grande bordelière du royaume"... - Henri ESTIENNE -


LE premier acte de Catherine de Médicis régente fut d'augmenter le nombre de ses demoiselles d'honneur. Elle en avait quatre-vingts, elle en eut deux cents.
Les observateurs superficiels pensèrent peut-être que la reine mère n'était qu'une femme frivole qui ne s'intéressait quéà des futilités. En réalité, elle venait de se forger une arme secrète extrêmement puissante qui allait lui permettre de mener ministres, ambassadeurs et adversaires "par le bout du chalumeau", ainsi que nous le dit un peu crûment un chroniqueur du temps.

Ayant fait don de leurs charmes à l'Etat, toutes ces demoiselles, "parées comme des déesses, mais accueillantes comme des mortelles (Brantôme, Vies des Dames Galantes), étaient utilisées, en effet, à des fins politiques. Plus jolies, plus effrontées et plus coquettes les unes que les autres, elles avaient pour mission de retirer toute espèce de lucidité aux hommes qui leur étaient désignés par Catherine de Médicis.

Ces jeunes et gracieuses personnes que les diplomates étrangers, de passage à Paris, trouvaient dans leur couche, constituaient ce qu'on appelait l'escadron volant de la reine. Il leur suffisait souvent d'une nuit d'amour pour désarmer de farouches ennemis de la France... Voici ce que nous en dit Brantôme, qui en connut plusieurs fort intimement :
"Ces filles d'honneur étaient toutes bastantes pour mettre le feu par tout le monde ; aussi en ont-elles brûlé en bonne part autant de nous autres, genstilshommes de cour, que d'autres qui ont approché de leurs feux."

La conduite de certaines de ces demoiselles ne tarda pas à faire scandale, et la reine reçut d'Italie une lettre de semonce :
Vous devriez, lui écrivait-on, vous contenter d'un petit train de filles et veiller à ce qu'elles ne passent pas et ne repassent pas par les mains des hommes, et à ce qu'elles soient plus pudiquement vêtues
.

Catherine, naturellement, ne tint aucun compte de ces conseils et continua à lancer son escadron dans de galantes manoeuvres qui lui permettaient de connaître les plus secrètes pensées des princes, prélats et seigneurs du royaume, ou d'amener à ses vues des personnages qui pouvaient lui être utiles.
Cette persévérance lui procura de précieux atouts, et jamais le lit n'eut autant d'importance qu'à cette époque...
Il y a lieu de préciser toutefois que, si les filles "d'honneur" pouvaient se livrer aux vices les plus éhontés, il était un point sur lequel la reine était intransigeante. Il fallait "qu'elles eussent de la sagesse, de l'habileté et du savoir pour se garder de l'enflure du ventre..."
Celles qui revenaient au palais avec "un petit souvenir" étaient immédiatement chassées
...
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MessageSujet: D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET   D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET - Page 7 EmptySam 4 Fév - 20:49

Dès son accession au pouvoir, la régente eut l'occasion d'utiliser l'un des plus beaux éléments de son escadron galant : la belle Melle de Rouet.
Catherine se trouvait alors en face de trois familles, qui la haïssaient, et dont elle devait éviter à tout prix la coalition : les Guise, les Montmorency et les Bourbons, descendants de Saint-Louis.
Les Guise avaient perdu de leur morgue depuis le départ de Marie Stuart, et le connétable de Montmorency, relégué à Chantilly, vivait en disgrâce.
Restaient les Bourbons, dont le chef, Antoine, roi de Navarre, marié à Jeanne d'Albret, protestait hautement contre l'immixtion de Catherine dans les affaires politiques et prétendait - avec quelques droits, d'ailleurs, - à la régence.

Il fallait faire taire ce bouillant personnage
, l'amadouer et, si possible, le transformer en allié. Une femme allait, par la seule vertu de son charme, réaliser ce tour de force.
Elle s'appelait Louise de la Béraudière. Mais, fille du seigneur de Sourches et de l'Isle-Rouet, on l'avait surnommée à la cour : la belle Rouet.


Catherine l'avait choisie à cause de ses yeux chauds, de ses seins fermes et de sa croupe émouvante, trois qualités que le roi de Navarre, grand coureur de jupons, aimait trouver chez une femme.
Chargée de consignes précises, la belle mit une toilette fort décolletée, et partit à l'attaque, tous charmes dehors, si j'ose dire. L'adversaire était facile à vaincre, et le premier soir les trouva dans un lit.


La nuit fut bien employée. La belle Rouet connaissait des manoeuvres exquises et de savantes agaceries qui enthousiasmèrent tant le roi de Navarre qu'au matin il était ébloui, épuisé et amoureux fou.
Alors Louise, qui s'était montrée superbe dans son déchaînement, parut soudain "se réveiller à la pudeur". Se serrant contre Antoine, elle éclata en sanglots :

- La reine est sévère, gémit-elle. Si elle apprend ce que nous avons fait, je serai chassée de la Cour. Et je crains qu'elle ne reporte sur vous sa colère.

Le roi de Navarre, qui ne voulait point perdre une aussi fougueuse partenaire, promit de tout faire pour que Catherine lui soit redevable.

- Ainsi, vous n'aurez rien à craindre, dit-il.

Et comme elle tremblait encore, il ajouta :

- Je la verrai tout à l'heure.


La reine mère le reçut avec un air mi-figue, mi-raisin qui lui donna à penser qu'elle savait peut-être déjà quelque chose.
Il se montra aimable, conciliant, ne parla point de ses droits et "eût offert son royaume de Navarre pour peu qu'on l'en eût prié", tant il désirait entrer dans les bonnes grâces de Catherine et protéger ainsi sa nouvelle maîtresse.
La Florentine prononça quelques paroles ambiguës et considéra Antoine de ses yeux mi-clos :

- Soyons amis, dit-elle soudain.

Et comme Antoine souriait :

- Je vous donne la lieutenance générale du royaume, ajouta-t-elle.

Se courbant respectueusement, il accepta, ce qui signifiait qu'il renonçait à réclamer la régence et reconnaissait du même coup la souveraineté de Catherine.
La belle Rouet avait gagné la partie
.
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MessageSujet: D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET   D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET - Page 7 EmptyDim 5 Fév - 11:25

Bonjour ! Avec un temps pareil, je pense que la journée est propice à la lecture.... Very Happy


La liaison d'Antoine de Bourbon fut rapidement connue dans les milieux protestants. Les chefs huguenots, comprenant le jeu de la reine mère, tremblèrent à la pensée que le roi de Navarre risquait d'être enlevé à leur parti. Et Calvin, affolé, écrivit à son confident Bullinger : Il est tout à Vénus. La matrone (Catherine), qui est expérimentée dans cet art, a extrait de son harem ce qui pouvait attraper l'âme de notre homme dans ses filets.

Au bout d'une semaine, Catherine demanda à Louise de réaliser la seconde partie du plan qu'elle avait imaginé. "Elle commanda donc à sa demoiselle d'entretenir cet amoureux, nous dit Henri Estienne, et lui complaire en tout ce qu'elle pourroit, afin qu'oubliant les affaires il mécontentât chacun ; comme de fait, elle en vit à bout par ce moyen."

Quelques jours plus tard, Calvin, de plus en plus inquiet, écrivait à Antoine de Navarre lui-même :


On murmure que quelques folles amours vous empêchent ou refroidissent de faire votre devoir en partie et que le diable a des suppôts, qui ne cherchent ni votre bien, ni votre honneur, lesquels par tels allèchements tâchent de vous attirer à leur cordelle ou bien vous adoucir en sorte qu'ils jouissent paisiblement de vous en leurs menées et pratiques. Je vous prie donc, sire, au nom de Dieu, de vous éveiller à bon escient.


Mais les objurgations du chef protestant n'eurent aucun effet sur l'amant de la belle Rouet. Rien au monde n'aurait pu, d'ailleurs, le faire renoncer à cette fille qui semblait trouver chaque nuit, de nouvelles subtilités propres à chatouiller sa moelle épinière.

Alors, la régente ordonna à Louise de réalier la troisième partie du plan. Et, un soir, ce que Calvin redoutait tant se produisit. La belle Rouet dit à Antoine qu'il fallait qu'elle l'aimât vraiment beaucoup pour accepter d'être sa maîtresse, alors qu'il était protestant et elle catholique.
Elle le regardait dans les yeux avec toutes les apparences de la passion, et il fut touché.
Le lendemain, pour l'amour de Louise, il abjurait le protestantisme et entrait au parti catholique.


La reine mère en fut si heureuse qu'elel montra un grand sourire pendant plusieurs jours et qu'elle ne se fâcha pas lorsque la belle Rouet lui annonça qu'on pouvait s'attendre à lui voir bientôt une "enflure du ventre".
Car, dans le feu du déduit, Louise, Louise, ne pensant qu'à sa mission, avait omis de se protéger par une de ces "bons engins" que Catherine de Médicis donnait à ses filles d'honneur pour leur éviter les "surprises de Vénus".
Aussi eut-elle, en souvenir de cette "campagne", un gros garçon, le bâtard Charles de Bourbon qui devait, à dix-sept ans, devenir évêque de Comminges
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MessageSujet: D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET   D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET - Page 7 EmptyDim 5 Fév - 12:02

Catherine de Médicis allait bientôt s'attaquer à une autre tête de la Réforme : à Condé lui-même...
Trois mois après le massacre d'Amboise, le chef protestant avait été arrêté sous l'inculpation de haute trahison, le duc de Guise ayant pu prouver qu'il conspirait avec l'appui des luthériens allemands.
Jugé, condamné, il eût été pendu si François II n'était mort pendant son procès, ce qui avait fait suspendre les débats jusqu'à l'accession au pouvoir de la régente. A ce moment, Catherine de Médicis, sûre de la puissance de ses demoiselles, gracia Condé avec l'espoir de se faire ainsi un allié contre les Guise, qu'elle détestait, en souvenir de Diane...

Alors la guerre de religion sembla marquer un temps d'arrêt. Après les Etats Généraux de Pontoise et le colloque de Poissy, toutes poursuites contre les protestants furent suspendues, et les braves gens purent espérer un moment que les deux partis vivraient en bonne intelligence.
Malheureusement, on croyait tout fini quand rien n'était commencé.


Catholiques et protestants, qui avaient feint de s'entendre sur quelques points de doctrine, continuaient sournoisement leur propagande et employaient pour exciter le populaire, des arguments qui n'avaient rien de commun avec ceux dont s'étaient servis les théologiens au colloque de Poissy.
Encore une fois, on utilisait, de part et d'autre, des histoires d'alcôves bien faites pour scandaliser et irriter les esprits faibles.

Les protestants se promenaient à la porte des couvents en chantant des refrains obscènes sur les moines et les nonnes, et les catholiques accusaient les réformés de se livrer à la débauche au cours de leurs réunions.
On parlait d'orgie, et Claude Haton donne le ton lorsqu'il nous dit dans ses Mémoires : "Est à noter que pour ce temps plusieurs femmes des villes de France estoient ensorcelées en ceste religion luthérienne. Lesquelles dames, pour assister aux dites assemblées se déroboient à leurs maris... principalement de nuict ou au soir. La plupart desquelles, la première fois y allant estoient femmes et filles de bien de leurs corps, qui au retour s'en revenaient putains et paillardes..."

Des accusations plus précises étaient portées publiquement contre des épouses pourtant irréprochables, dont on donnait les noms.


"Toutes les huguenotes, disait-on, ne sont que filles à trousser et farouches suceuses de moelle".
Ces surnoms déplurent. Et, pour se venger, certaines de ces dames, rendues folles par la colère, commirent des actes extravagants dans des églises. L'une d'elles, à Orléans, réussit à voler les vases sacrés de l'église Sainte-Euverte, et, s'accroupissant devant tout le monde, urina dedans...
Bref, il ne fallait plus qu'une étincelle pour déclencher la grande tuerie
.

Cette étincelle allait jaillir à Vassy le 1er mars 1562, lorsque soixante protestants furent massacrés sur l'ordre du duc de Guise...
Cette fois, la guerre civile commençait.

Tout de suite, Condé prit, du côté protestant, la direction des opérations avec l'appui financier d'Elizabeth d'Angleterre, cependant que François de Guise prenait le commandement des troupes catholiques avec l'appui du roi d'Espagne.
On se battit à Rouen (c'est là qu'Antoine de Bourbon reçut une blessure dont il devait mourir le 14 novembre, dans les bras de la belle Rouet...), dans les faubourgs de Paris, et finalement à Dreux où quinze à seize mille hommes se trouvèrent en présence. Les deux armées restèrent quelque temps face à face.
"Chacun, dit La Nouë, dans un style savoureux, pensoit en soi-même que les hommes qu'il voiyoit venir ver soi étoient ses propres compagnons, parents et amis et que, dans une heure, il faudroit se tuer les uns les autres ; ce qui donnoit quelque horreur du fait, néanmoins sans diminuer le courage."


Dès le début, la bataille tourna mal pour les réformés, et Condé fut pris.
Les protestants, privés de leur tête, allaient-ils être désemparés par cette défaite ? Non, car le destin est un prodigieux dramaturge : la situation, un instant déséquilibrée, fut en effet rétablie deux mois plus tard, lorsque Poltrot de Méré assassina François de Guise...
Alors Catherine de Médicis offrit la paix au prince de Condé.
Celui-ci, malgré sa position (il était toujours prisonnier), répondit avec une certaine morgue "qu'il devait s'entretenir des conditions d'un traité possible avec les autres chefs protestants", mais qu'il acceptait d'avoir une entrevue avec la régente.

La rencontre eut lieu le 7 mars 1563 au milieu de la Loire, dans l'île aux Boeufs, située à l'ouest d'Orléans. Condé était en compagnie du connétable de Montmorency ; Catherine, elle, avait amené la plus belle fille de son escadron volant, Mlle Isabelle de Limeuil.
La Florentine savait bien ce qu'elle faisait.
Le prince de Condé, qui était "assez porté sur la galanterie" fut fasciné par Isabelle et s'intéressa plus à ses yeux bleus qu'aux conditions de paix...
Les pourparlers durèrent plusieurs jours, et à chaque rencontre le chef protestant, voulant se montrer galant, perdait de son intransigeance. Finalement, lorsque Catherine de Médicis jugea qu'il s'était suffisamment échauffé le sang, elle lui présenta le texte d'un traité fort avantageux pour elle :

- La liberté contre ce traité.

La liberté signifiait Isabelle. Condé signa sans discuter.
Le soir, il était libre.
Et le lendemain, Mlle de Limeuil lui montrait, dans un grand lit à baldaquin, que la régente n'était pas une ingrate et qu'elle était, elle, ardente au déduit..
.
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MessageSujet: D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET    D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET - Page 7 EmptyDim 5 Fév - 13:53

Catherine de Médicis laissa Condé et Isabelle se savourer mutuellement pendant quelques jours, puis elle appela sa demoiselle d'honneur et lui donna une nouvelle mission. Il s'agissait de décider le prince à reprendre le Havre, ville dont les protestants avaient fait cadeau à Elizabeth d'Angleterre en échange de son aide pendant la guerre civile de 1562.
De la reconquête du grand port dépendait la sécurité de la Normandie, et Catherine voulait rassembler toutes les forces du royaume pour mener à bien cette entreprise difficile.
Or, déjà, Coligny et Zndelot lui avaient fait savoir qu'ils refusaient de porter les armes contre Elizabeth, leur alliée de la veille.
Restait Condé, qui, seul, pouvait entraîner avec lui les troupes protestantes... Isabelle fut donc chargée d'obtenir son concours par tous les moyens.
Elle commença par l'emmener dans sa chambre où elle lui fit "mille petites agaceries propres à eschauffer le tempérament".
Le prince n'avait eu, jusqu'alors, que des maîtresses passives ; les initiatives d'Isabelle l'éblouirent et le troublèrent à la fois. Devant ses yeux révulsés, ses halètements et ses cris rauques, la charmante jeune fille comprit qu'elle l'avait bien en main...


Après quelques petites séances de ce genre, ce ne fut pour elle qu'un jeu d'enfant d'amener Condé à vouloir reprendre Le Havre. Il lui eût, d'ailleurs, tout aussi bien, donné la tête de l'amiral Coligny pour qu'elle s'en fît une garniture de cheminée tant il était amoureux...
La décision du chef protestant fut rapidement connue. Elle stupéfia les Anglais, qui ne s'attendaient pas à une telle marque d'ingratitude à leur égard ; et leur ambassadeur, Sir Thomas Smith, écrivit au secrétaire d'Etat Cecil :
"Condé un est autre roi de Navarre, il s'est mis à s'affoler des femmes. Dans peu de temps, il se montrera hostil à Dieu, à nous et à lui-même."

Il ne croyait pas si bien dire. Car, quelques semaines plus tard, l'amant d'Isabelle de Limeuil était, en personne, devant Le Havre, l'épée à la main.
Foudroyés par l'artillerie qu'il dirigeait, les Anglais durent solliciter une paix humiliante et s'embarquer piteusement sous l'oeil satisfait de la Florentine.
Encore une fois, Catherine de Médicis pouvait être contente de Melle de Limeuil.

L'attitude de Condé n'avait pas surpris que les Anglais. Bien des réformés ne se cachaient pas pour blâmer ce prince qui s'était séparé de Coligny et d'Andelot pour plaire à une jolie femme.
Et, comme il l'avait fait à Antoine de Navarre, Calvin lui écrivit de Genève une lettre d'amer reproches :


Vous ne doutez pas, Monseigneur, que nous n'aimions votre honneur, comme nous désirons votre salut. Or nous serions traîtres en vous dissimulant les bruits qui courent. Quand on nous a dit que vous faites l'amour aux dames, cela est pour beaucoup déroger à votre autorité et réputation. Les bonnes gens en seront offensés, les malins en feront leur risée.


Ces remontrances n'eurent aucun effet. "Si les plaintes des réformés, écrit tristement d'Aubigné, alloient jusques au prince de Condé, les caresses de la reine mère et les amours de Limeuil occupèrent tout son esprit."
Condé ne se remit pas à la tête du parti protestant, et Isabelle l'emporta sur Calvin.


Il se produisit alors un événement que n'avait certes pas prévu la reine mère : Mlle de Limeuil devint amoureuse de Condé. Et la belle, qui s'était soigneusement gardée, jusque-là, de l'enflure du ventre, oublia toute prudence entre les bras de son amant et se trouva enceinte....
Redoutant la colère de la Florentine, qui avait rigoureusement interdit aux jeunes femmes de son escadron volant de se laisser mettre dans cet état pendant les "heures de service", elle dissimula son embonpoint le mieux qu'elle put.
Elle y parvint si bien que son accouchement stupéfia tout le monde. Cela se passa au mois de mai 1564 à Dijon, où elle se trouvait avec la reine mère et le jeune Charles IX.
"Un jour, nous dit Hector de la Ferrière, que Catherine tenait une audience solennelle, Isabelle se trouva mal subitement. Emportée dans une chambre voisine, elle y donna le jour à un fils."
"Pour une personne si avisée, remarque le brave Mézeray, on ne s'explique pas trop comment elle prit si mal mesures."

Le scandale fut énorme, et la reine mère, fort irritée, piqua une des plus belles colères de sa vie.
Sans aucun égard pour l'état de faiblesse dans lequel se trouvait Mlle de Limeuil, elle la fit arrêter et conduire sur-le-champ au couvent des cordelières d'Auxonne.
Isabelle ne devait retrouver sa liberté qu'un an après
.

Pendant sa détention, elle apprit que son cher Condé, qui lui écrivait parfois de tendres lettres, la trompait à longueur de nuit avec de jolies filles... Pourtant elle ne manifesta aucune jalousie, et, dès qu'elle fut libre, courut le rejoindre à Valery, où il vivait dans son château que lui avait offert une de ses maîtresses, la maréchale de Saint-André...

Lorsqu'on connaît un peu le caractère de Catherine de Médicis, on se doute bien que ce ne fut pas sans raison qu'elle gracia Isabelle. En effet, en ce début de 1565, les protestants, qui s'agitaient de nouveau dans toute la France, espéraient regagner Condé...
Et la Florentine voulait, une fois encore, utiliser Mlle de Limeuil pour conserver ce prince dans son camp.
Coligny vint à Valery, la tête bourdonnante d'arguments qui devaient amener le prince à reprendre sa place parmi les réformés. Or la première personne qu'il rencontra dans le parc fut Mlle de Limeuil dont il ignorait la libération. Choqué, il ne put s'empêcher de faire quelques réflexions désobligeantes que Condé prit fort mal.

- Je suis libre de mettre dans mon lit qui je veux, s'écria-t-il !

Irrité, l'amiral s'en alla en claquant la porte et, quelques jours après, une délégation de chefs protestants vint présenter des remontrances au prince, le sommant de quitter Mlle de Limeuil. Condé fut très sec. Il leur répondit que, "ne pouvant qu'à grand peine se passer de femmes, il lui était bien difficile de se marier et de trouver une épouse de sa religion et de son rang". Puis, il les congédia brusquement en accusant Coligny d'être venu l'espionner, ce qui ne fit qu'aggraver la situation, on s'en doute.


Les réformés ne se tinrent pas pour battus. Sachant que le prince commençait à se lasser d'Isabelle, ils lui cherchèrent l'épouse dont il rêvait. Leur choix s'arrêta sur Mlle de Longueville, qui était fort belle, ardente aux jeux du lit et, de surcroît, protestante.
Condé la rencontra, en devint amoureux et annonça à Isabelle qu'il allait se remarier (il avait été marié avec Eléonore de Roye). La pauvre eut une grande crise de désespoir, pleura, se traîna aux pieds de son amant et, finalement, se retira à Paris chez des amis.
Le mariage de Condé et de Mlle de Longueville eut lieu à la Cour au mois de novembre.
Les protestants, cette fois, triomphaient, car le prince volage, attiré chez les catholiques par une maîtresse, leur revenait grâce à une épouse.


Condé n'avait aucune force de caractère, on a pu déjà s'en apercevoir en plusieurs occasions. Il en fournit une nouvelle preuve lorsque, à l'instigation de sa femme, il eut la goujaterie de réclamer à Isabelle tous les cadeux qu'il lui avait faits.
Mais Mlle de Limeuil sut lui répondre comme il le méritait. Elle fit un paquet de tout ce qu'elle avait reçu, puis, prenant de l'encre et un pinceau, elle dessina une très apparente paire de cornes sur un portrait de Condé et remit le tout au valet du prince :

- Tenez, mon ami, dit-elle, portez cela à votre maître ; je lui envoie tout ainsi qu'il me le donna. Je ne lui ai rien ôté ni ajouté. Dites à cette belle princesse, sa femme, qui l'a tant sollicité à me demander ce qu'il m'a donné, que, si un seigneur de par le monde (elle donna son nom) en eût fait de même à sa mère et lui eût ôté tout ce qu'il lui avait donné par don d'amourette, elle serait aussi pauvre d'affiquets et de pierreries que demoiselle de la Cour. Or, qu'elle en fasse des pâtés et des chevilles, je les lui quitte.

Il ne restait plus à Isabelle qu'à faire une fin.
Elle épousa l'année suivante un riche banquier italien, Scipion Sardini
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MessageSujet: D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET    D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET - Page 7 EmptyDim 5 Fév - 13:53

Catherine de Médicis laissa Condé et Isabelle se savourer mutuellement pendant quelques jours, puis elle appela sa demoiselle d'honneur et lui donna une nouvelle mission. Il s'agissait de décider le prince à reprendre le Havre, ville dont les protestants avaient fait cadeau à Elizabeth d'Angleterre en échange de son aide pendant la guerre civile de 1562.
De la reconquête du grand port dépendait la sécurité de la Normandie, et Catherine voulait rassembler toutes les forces du royaume pour mener à bien cette entreprise difficile.
Or, déjà, Coligny et Zndelot lui avaient fait savoir qu'ils refusaient de porter les armes contre Elizabeth, leur alliée de la veille.
Restait Condé, qui, seul, pouvait entraîner avec lui les troupes protestantes... Isabelle fut donc chargée d'obtenir son concours par tous les moyens.
Elle commença par l'emmener dans sa chambre où elle lui fit "mille petites agaceries propres à eschauffer le tempérament".
Le prince n'avait eu, jusqu'alors, que des maîtresses passives ; les initiatives d'Isabelle l'éblouirent et le troublèrent à la fois. Devant ses yeux révulsés, ses halètements et ses cris rauques, la charmante jeune fille comprit qu'elle l'avait bien en main...


Après quelques petites séances de ce genre, ce ne fut pour elle qu'un jeu d'enfant d'amener Condé à vouloir reprendre Le Havre. Il lui eût, d'ailleurs, tout aussi bien, donné la tête de l'amiral Coligny pour qu'elle s'en fît une garniture de cheminée tant il était amoureux...
La décision du chef protestant fut rapidement connue. Elle stupéfia les Anglais, qui ne s'attendaient pas à une telle marque d'ingratitude à leur égard ; et leur ambassadeur, Sir Thomas Smith, écrivit au secrétaire d'Etat Cecil :
"Condé un est autre roi de Navarre, il s'est mis à s'affoler des femmes. Dans peu de temps, il se montrera hostil à Dieu, à nous et à lui-même."

Il ne croyait pas si bien dire. Car, quelques semaines plus tard, l'amant d'Isabelle de Limeuil était, en personne, devant Le Havre, l'épée à la main.
Foudroyés par l'artillerie qu'il dirigeait, les Anglais durent solliciter une paix humiliante et s'embarquer piteusement sous l'oeil satisfait de la Florentine.
Encore une fois, Catherine de Médicis pouvait être contente de Melle de Limeuil.

L'attitude de Condé n'avait pas surpris que les Anglais. Bien des réformés ne se cachaient pas pour blâmer ce prince qui s'était séparé de Coligny et d'Andelot pour plaire à une jolie femme.
Et, comme il l'avait fait à Antoine de Navarre, Calvin lui écrivit de Genève une lettre d'amer reproches :


Vous ne doutez pas, Monseigneur, que nous n'aimions votre honneur, comme nous désirons votre salut. Or nous serions traîtres en vous dissimulant les bruits qui courent. Quand on nous a dit que vous faites l'amour aux dames, cela est pour beaucoup déroger à votre autorité et réputation. Les bonnes gens en seront offensés, les malins en feront leur risée.


Ces remontrances n'eurent aucun effet. "Si les plaintes des réformés, écrit tristement d'Aubigné, alloient jusques au prince de Condé, les caresses de la reine mère et les amours de Limeuil occupèrent tout son esprit."
Condé ne se remit pas à la tête du parti protestant, et Isabelle l'emporta sur Calvin.


Il se produisit alors un événement que n'avait certes pas prévu la reine mère : Mlle de Limeuil devint amoureuse de Condé. Et la belle, qui s'était soigneusement gardée, jusque-là, de l'enflure du ventre, oublia toute prudence entre les bras de son amant et se trouva enceinte....
Redoutant la colère de la Florentine, qui avait rigoureusement interdit aux jeunes femmes de son escadron volant de se laisser mettre dans cet état pendant les "heures de service", elle dissimula son embonpoint le mieux qu'elle put.
Elle y parvint si bien que son accouchement stupéfia tout le monde. Cela se passa au mois de mai 1564 à Dijon, où elle se trouvait avec la reine mère et le jeune Charles IX.
"Un jour, nous dit Hector de la Ferrière, que Catherine tenait une audience solennelle, Isabelle se trouva mal subitement. Emportée dans une chambre voisine, elle y donna le jour à un fils."
"Pour une personne si avisée, remarque le brave Mézeray, on ne s'explique pas trop comment elle prit si mal mesures."

Le scandale fut énorme, et la reine mère, fort irritée, piqua une des plus belles colères de sa vie.
Sans aucun égard pour l'état de faiblesse dans lequel se trouvait Mlle de Limeuil, elle la fit arrêter et conduire sur-le-champ au couvent des cordelières d'Auxonne.
Isabelle ne devait retrouver sa liberté qu'un an après
.

Pendant sa détention, elle apprit que son cher Condé, qui lui écrivait parfois de tendres lettres, la trompait à longueur de nuit avec de jolies filles... Pourtant elle ne manifesta aucune jalousie, et, dès qu'elle fut libre, courut le rejoindre à Valery, où il vivait dans son château que lui avait offert une de ses maîtresses, la maréchale de Saint-André...

Lorsqu'on connaît un peu le caractère de Catherine de Médicis, on se doute bien que ce ne fut pas sans raison qu'elle gracia Isabelle. En effet, en ce début de 1565, les protestants, qui s'agitaient de nouveau dans toute la France, espéraient regagner Condé...
Et la Florentine voulait, une fois encore, utiliser Mlle de Limeuil pour conserver ce prince dans son camp.
Coligny vint à Valery, la tête bourdonnante d'arguments qui devaient amener le prince à reprendre sa place parmi les réformés. Or la première personne qu'il rencontra dans le parc fut Mlle de Limeuil dont il ignorait la libération. Choqué, il ne put s'empêcher de faire quelques réflexions désobligeantes que Condé prit fort mal.

- Je suis libre de mettre dans mon lit qui je veux, s'écria-t-il !

Irrité, l'amiral s'en alla en claquant la porte et, quelques jours après, une délégation de chefs protestants vint présenter des remontrances au prince, le sommant de quitter Mlle de Limeuil. Condé fut très sec. Il leur répondit que, "ne pouvant qu'à grand peine se passer de femmes, il lui était bien difficile de se marier et de trouver une épouse de sa religion et de son rang". Puis, il les congédia brusquement en accusant Coligny d'être venu l'espionner, ce qui ne fit qu'aggraver la situation, on s'en doute.


Les réformés ne se tinrent pas pour battus. Sachant que le prince commençait à se lasser d'Isabelle, ils lui cherchèrent l'épouse dont il rêvait. Leur choix s'arrêta sur Mlle de Longueville, qui était fort belle, ardente aux jeux du lit et, de surcroît, protestante.
Condé la rencontra, en devint amoureux et annonça à Isabelle qu'il allait se remarier (il avait été marié avec Eléonore de Roye). La pauvre eut une grande crise de désespoir, pleura, se traîna aux pieds de son amant et, finalement, se retira à Paris chez des amis.
Le mariage de Condé et de Mlle de Longueville eut lieu à la Cour au mois de novembre.
Les protestants, cette fois, triomphaient, car le prince volage, attiré chez les catholiques par une maîtresse, leur revenait grâce à une épouse.


Condé n'avait aucune force de caractère, on a pu déjà s'en apercevoir en plusieurs occasions. Il en fournit une nouvelle preuve lorsque, à l'instigation de sa femme, il eut la goujaterie de réclamer à Isabelle tous les cadeux qu'il lui avait faits.
Mais Mlle de Limeuil sut lui répondre comme il le méritait. Elle fit un paquet de tout ce qu'elle avait reçu, puis, prenant de l'encre et un pinceau, elle dessina une très apparente paire de cornes sur un portrait de Condé et remit le tout au valet du prince :

- Tenez, mon ami, dit-elle, portez cela à votre maître ; je lui envoie tout ainsi qu'il me le donna. Je ne lui ai rien ôté ni ajouté. Dites à cette belle princesse, sa femme, qui l'a tant sollicité à me demander ce qu'il m'a donné, que, si un seigneur de par le monde (elle donna son nom) en eût fait de même à sa mère et lui eût ôté tout ce qu'il lui avait donné par don d'amourette, elle serait aussi pauvre d'affiquets et de pierreries que demoiselle de la Cour. Or, qu'elle en fasse des pâtés et des chevilles, je les lui quitte.

Il ne restait plus à Isabelle qu'à faire une fin.
Elle épousa l'année suivante un riche banquier italien, Scipion Sardini
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MessageSujet: D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET   D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET - Page 7 EmptyDim 5 Fév - 14:48

MARIE TOUCHET EST A L'ORIGINE DE LA SAINT-BARTHELEMY



Quand la femme a partagé une opinion ou se mêle à un mouvement important, il y a là le premier signe d'une révolution - EMERSON -



UNE scène curieuse se passa le 15 août 1561 au château de Saint-Germain-en-Laye. Marie Stuart était venue faire ses adieux à Catherine de Médicis avant de regagner l'Ecosse.

- Vous reverrai-je, ma fille ? lui dit la régente d'un ton doucereux.
- Probablement pas, répondit la jeune veuve de François II.

Alors un enfant de onze ans, qui assistait à l'entretien, éclata en sanglots et courut se réfugier dans sa chambre.
C'était Charles IX qui, malgré son extrême jeunesse, avait conçu un immense amour pour sa belle-soeur.
Et pendant des mois, des années, le petit roi fut hanté par le souvenir de la gracieuse Ecossaise, au point que les femmes de la Cour ne semblaient pas l'intéresser et qu'à l'âge où généralement, les jouvenceaux commencent à traîner leur nature dans le lit des dames, il faisait composer par Ronsard de tendres poèmes pour l'absente :


Puis il faudrait que je fusse un rocher
Si vivement je ne sentais toucher
De vos beaux yeux, mon âme toute émue,
Puisque si belle ici je vous ai vue,
Reine et ma soeur, et d'un regard si doux,
Tirer nos coeurs et nos yeux après vous
.

Ou encore des vers mélancoliques adressés à l'ombre de son frère :

Ah ! frère mien, tu ne dois faire plainte
De quoi ta vie en sa fleur s'est éteinte :
Avoir joui d'une telle beauté,
Sein contre sein, valait ta royauté
.



Pour avoir un peu cette impression d'être "sein contre sein", il portait sans cesse sur son ceour un portrait de sa jolie belle-soeur. "Je l'en ai vu, dit Brantôme, tellement amoureux que jamais il ne regardait son protrait qu'il n'y tînt l'oeil tellement ravi qu'il ne pouvait s'en rassasier."

Et, jusqu'à l'âge de seize ans, Charles IX, qui rêvait de Marie Stuart, resta chaste. Il y eut d'ailleurs quelques mérites car, nous dit Sauval, "toutes les dames de la Cour s'empressaient à lui donner de l'amour".


Son manque de goût pour les demoiselles paraissait si surprenant qu'un jour, Mme de Montpensier se permit de lui faire une remarque ironique.
Piqué, le jeune roi répliquaé "que, s'il se mettoit une fois à coqueter, ildonneroit tant d'exercice à toutes les dames qu'elles se repentiroient d'avoir éveillé le lion qui dormoit".
Et immédiatement, il "poussa la fleurette à droite et à gauche" pour montrer ce qu'il était capable de faire et pour museler les huguenots qui l'accusaient de verser dans le vice infâme auquel Sodome doit sa célébrité.
Ce désir qu'il avait de prouver sa virilité le poussa même à commettre certains actes extravagants.

C'est ainsi qu'un soir, rencontrant au bord de la Loire un groupe de jeunes protestants qui revenaient de la pêche avec leurs fiancées, il voulut faire le faraud et dit aux amis qui l'accompagnaient :

- Nous allons voir si ces parpaillotes sont aussi belles dessous que dessus.

Et tous se précipitèrent aussitôt surles jeunes filles pour les trousser.
Les fiancés, qui avaient du savoir-vivre, s'interposèrent. Une rixe s'engagea au cours de laquelle les malheureux protestants, qui se trouvaient en minotrité, furent roués de coups et finalement jetés à la Loire.
Après quoi, Charles IX et ses amis déshabillèrent entièrement les jolies huguenotes terrorisées, et se précipitèrent sur elles avec une belle - mais répréhensible -ardeur. (Cet exploit fut appelé "la journée des grands chaperons" parce que les jeunes filles portaient ce genre de coiffure).

Naturellement, ces meurtres et ce viol collectif ne furent pas du goût des calvinistes, qui profitèrent de l'occasion pour détester davantage les représentants de la religions catholique...


Puis plusieurs intrigues occupèrent un moment le roi ; jusqu'au jour de l'automne 1566, où il rencontra, à Orléans, au cours d'une partie de chasse, une jeune fille de son âge dont il tomba immédiatement amoureux. Elle s'appelait Marie Touchet. Fille de Jean Touchet, lieutenant particulier au bailliage d'Orléans, elle était fort belle si l'on en croit un chroniqueur qui nous dit "qu'elle avait le visage rond, les yeux vifs et bien fendus, le front plus petit que grand, le nez d'une juste proportion, la bouche petite et le bas du visage admirable".
Un autre ajoute "qu'elle était jolie, spirituelle et enjouée". Enfin, un portrait de Clouet nous la montre bien en chair, avec de magnifiques épaules et une de ces gorges qui donnent aux hommes des démangeaisons au creux des mains...

Pensant qu'il s'agissait là, vraiment, d'un morceau de roi, le jeune souverain désira l'avoir le soir même dans son lit.
"Il commanda, nous dit Sauval, à La Tour, maître de la garde-robe, de lui parler et de la disposer à le venir trouver en sa chambre. Ce seigneur n'eut pas de peine à réussir dans sa négociation et amena, la nuit suivante, Mlle Touchet au roi, qui en obtint tout ce qu'il souhaitait, quoiqu'elle eût déjà engagé ses inclinations avec Montluc, frère de l'évêque de Valence."

Cette nuit fut décisive. Marie, qui était d'origine flamande, sut se montrer experte aux jeux de Vénus et, le lendemain, Charles IX, absolument sous le charme, demandait à sa soeur Marguerite de prendre l'Orléanaise en qualité de femme de chambre, afin d'avoir un prétexte pour lui faire suivre la Cour.
Alors on vit le roi se promener avec sa maîtresse sous les ombrages de Chambord, à Blois, à Amboise, à Chécy ; et le bon peuple du Val de Loire composa une petite chanson narquoise que l'on chante encore de nos jours entre Beaugency et Châteauneuf...


C'est Marie d'Orléans,
Touchez là, ma commère, touchez là,
C'est Marie d'Orléans,
Qui a de beaux bras blancs.

En son jardin d'amour,
Touchez là, ma commère, touchez là,
En son jardin d'amour,
Un roi vient tous les jours.

S'en vont jusqu'à Chécy,
Touchez là, ma commère, touchez là,
S'en vont jusqu'à Chécy,
Pour y passer la nuit
...


Charles IX était extrêmement amoureux de Marie et passait son temps à le lui dire. Il est d'ailleurs curieux de constater combien ce garçon sombre et brutal montrait de délicatesse avec sa maîtresse. (On sait que Charles IX avait le goût du sang. Il tuait des animaux par plaisir, égorgeait ses chiens, étranglait des oiseaux. Maladif, bilieux, sa cruauté était sans bornes...)

Un jour, il vint lui offrir un petit papier sur lequel Marie Touchet lut ces mots :
"Je charme tout."
Et, comme elle ne semblait pas comprendre, il expliqua :

- C'est un anagramme de votre nom que j'ai trouvé tout à l'heure
.
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MessageSujet: D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET   D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET - Page 7 EmptyDim 5 Fév - 15:46

Mais ces folles nuits et ces marques de tendresse ne suffisaient pas à l'ardente Marie, qui continuait d'entretenir des relations avec son premier amant, Montluc.
De bonnes âmes prévinrent le roi, qui eut beaucoup de peine et chercha à savoir jusqu'où allait son infortune. Un soir, onlui dit que l'infidèle cachait dans sa bourse une lettre fort amoureuse de Montluc.
Aussitôt, il imagina un curieux stratagème pour s'emparer de ce billet.
Sortant de sa chambre en feignant une grande gaieté, il annonça qu'il orgaisait sur l'heure un dîner auquel il convait quelques jolies dames. Marie était naturellement du nombre.
Puis il commanda à Lachambre, capitaine d'une troupe d'Egyptiens, d'amener avec lui une douzaine de coupeurs de bourses des plus habiles dans leur métier, de faire couper celles de toutes les dames pendant le repas et deles lui apporter fidèlement à son coucher.


"Lorsqu'on eut servi, nous dit Sauval, il fit placer Mlle Touchet auprès de lui, de peur qu'elle ne détournât le billet qu'il vouloit avoir entre ses mains. Les coupeurs de bourses s'acquittèrent de leur commission avec beaucoup d'adresse, et Lachambre ne manqua pas d'apporter au roi tout le butin comme il le lui avait ordonné.
"Ce prine n'eut pas de peine à distinguer la bourse de sa maîtresse des autres et, l'ayant ouverte avec précipitation, y trouva le billet dont on lui avait parlé. Il le montra le lendemain à son infidèle, qui voulut désavouer qu'il s'adressât à elle parce qu'il n'avoit point de suscription. Mais elle ne put méconnaître plusieurs choses qui étoient dans sa bourse avec le billet et n'eut point d'autre parti à prendre que d'avouer la faute en pleurant et de demander pardon."

Le billet ne contenait rien de grave, et le roi promit d'oublier à condition que Marie rompît définitivement avec Montluc.
Ravie de s'en tirer à si bon compte, la belle jura de ne jamais revoir cet homme et tint d'ailleurs parole.


Après cet incident, Charles fut plus amoureux encore de sa maîtresse. Voulant lui plaire, il désira s'occuper de politique, briller, commander, être vraiment le roi, malgré l'hostilité de Catherine de Médicis qui entendait régner seule.
Flattée de voir son amant agir en homme, Marie l'encouragea et, tout de suite, exerça sur lui une influence considérable, surtout dans le domaine religieux. En effet, elle était huguenote et pensait qu'un rapprochement amical entre Charles IX et les chefs de la Réforme aboutirait à une conciliation et à une paix générale.
Sur son conseil, le roi fit donc bonne mine à Coligny, avec qui Catherine était alors en pourparlers.
Mais le vieil amira était rusé. C'est lui qui parvint à séduire Charles et à le mettre dans son jeu.
Le faible adolescent, voulant plaire à Marie, se laissa berner par Coligny, qui obtint, en échange de sourires et de bonnes paroles, d'extraordinaires faveurs. C'est ainsi qu'au moment où les protestants étaient poursuivis et torturés, il entra au conseil privé du roi, reçut un don de cent cinquante mille livres et même une abbaye d'un revenu de vingt mille livres.


Sa puissance à la Cour fut bientôt si grande qu'elle inquiéta Catherine de Médicis. La reine mère savait que Marie Touchet était responsable de la faveur de Coligny. Il fallait donc éloigner sans tarder l'Orléanaise...
Elle décida alors de marier Charles avec Elisabeth, fille de l'empereur d'Autriche.

Quelques semaines plus tard, tandis que Marie pleurait à Amboise, la princesse arrivait en France, accompagnée de son précepteur et d'un grand nombre de seigneurs allemands. Le roi devait l'attendre à Mézières ; mais impatient de savoir comment était faite sa fiancée, il se déguisa et alla secrètement jusqu'à Sedan, où il se mêla à la foule pour l'acclamer et l'examiner tout à son aise.
Lorsqu'il la vit, il hocha la tête : elle était très belle.
Rassuré sur ce point, il remonta à cheval et retourna à Mézières pour les présentations officielles.
Le mariage eut lieu le lendemain 26 novembre 1570, dans l'église Notre-Dame de Mézières, avec un faste qui plut aux invités et au menu peuple.

Elisabeth devint immédiatement amoureuse de son mari. Elle le poussait dans les coins de cheminée pour l'embrasser à bouche-que-veux-tu, sans se soucier des sourires ironiques des deux frères du roi, qu'une tendresse aussi démonstrative amusait prodigieusement.
Quant à Charles, s'il prit un moment quelque agrément à s'esjouir de cette ravissante blonde au corps délié, il n'en oublia pas pour autant les charmes plantureux de Marie Touchet ; et, dès qu'il le put, il courut jusqu'à Orléans, où elle était retournée.

Lorsqu'elle le vit revenir, Marie comprit qu'elle serait toujours la plus forte. Pourtant elle demanda à voir le portrait d'Elisabeth.
Le roi lui montra une miniature qu'il portait sur lui, et les traits de Marie se détendirent :

- L'Allemande ne me fait pas peur, dit-elle.

Elle avait raison d'être optimiste, car Charles ne l'abandonna jamais.


Ainsi, contrairement à ce qu'escomptait la reine mère, Marie conserva toute son influence sur le roi, et Coligny continua d'être traité comme un prince du sang...
Hautain, prétentieux, méprisant, il donnait des ordres, faisait chasser de la Cour les catholiques qui ne lui plaisaient pas, critiquait les repas, bref se montrait tyrannique et insupportable.

Au début de l''été de 1572, il était devenu un véritable maire du palais. Tout le monde lui obéissait et il pouvait se croire l'égal de la reine mère. Sûr de sa puissance, il voulut alors entraîner Charles IX dans une guerre contre l'Espagne.

Cette fois, Catherine de Médicis prit peur. Attaquer le très catholique Philippe II, c'était risquer de voir la majorité des Français se séparer du pouvoir royal, c'était la guerre civile généralisée, et la France affaiblie pour des années.
Elle appela Charles et le menaça de retourner à Florence s'il suivait les conseils de Coligny. Le roi, pensant à Marie, répondit qu'il savait ce qu'il avait à faire.
Ce fut suffisant pour que la reine mère songeât immédiatement à faire assassiner l'amiral
...
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MessageSujet: D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET   D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET - Page 7 EmptyDim 5 Fév - 16:33

Quelques jours plus tard, le chef protestant revint à la charge, cette fois avec une grande arrogance :

- Faites la guerre aux Espagnols, Sire, ou nous serons contraints de vous la faire ; nous ne pouvons plus tenir notre peuple...

Devant cette menace, Catherine pensa qu'il ne fallait plus perdre de temps. Elle appela un nommé Maurevert et, d'accord avec Henri de Guise et le duc d'Anjou, frère du roi, le chargea de tuer Coligny.
Le 22 août, le tueur, embusqué dans l'encoignure d'une prote, tirait un coup d'arquebuse sur l'amiral et ne réussissait qu'à le blesser.
Cette maladresse allait provoquer une épouvantable tuerie. En effet, Coligny, qui avait réussi à identifier Maurevert, ameuta tous les protestants de Paris. Des délégations vinrent au Louvre demander au roi de faire rechercher l'agresseur de Coligny. Des réunions de réformés fort excités eurent lieu. On accusait les Guise. On se promenait devant leur hôtel en brandissant des épées et en criant : "A mort !".

Brusquement, Catherine de Médicis eut peur, peur qu'on retrouvât Maurevert, peur qu'on arrêtat les Guise qui eussent parlé, peur d'être dénoncée...
Affolée, elle alla trouver le roi (qui ignorait tout de la responsabilité qui pesait sur sa mère) et lui déclara qu'on se trouvait à la veille d'un soulèvement calviniste.

- Il faut agir ! dit-elle.

Mais Charles, toujours pleinement acquis à l'amiral, répondit d'un ton sec que la seule chose à faire pour le moment était de prendre des nouvelles du blessé.
Alors Catherine lui avous qu'elle avait tremps dans l'attentat.
Le roi demeura stupide, l'air hagard, à considérer sa mère ; puis, éclatant en sanglots nerveux, il lui dit de faire ce qu'elle voulait ...

- L'amiral est un traitre, dit-elle, il complotait contre vous. Dix mille huguenots en armes sont à Paris et je crois qu'il faut avoir le courage, pour sauver le royaume, de faire exécuter les chers de ce mouvement...

Charles entra alors dans une de ces violentes colères dont il était coutumier ; il renversa des meubles, blasphéma et se mit à crier :

- Qu'on les tue tous ! Qu'on les tue tous !


C'étaient les paroles que Catherine attendaient ...

Or on était le 23 août au soir, et le lendemain était le jour de la Saint-Barthélemy...
C'est ainsi que les bons conseils de la jolie huguenote Marie Touchet allaient aboutir de façon paradoxale à un massacre...


Pendant que la reine mère arrachait à son fils l'ordre de massacrer les réformés, Henri de Guise se dirigeait avec un groupe de soldats vers la rue de Béthisy où demeurait l'amiral.
Il pouvait être onze heures et demie du soir et Coligny, qui souffrait toujours de sa blessur, était couché et s'entretenait avec des amis.
Soudain, des coups d'arquebuse et des cris éclatèrent dans la nuit. C'était Guise qui, pour pénétrer dans la maison, assassinait les gardes.

- Que se passe-t-il ? demanda Coligny à Merlin, ministre protestant.

L'autre, ayant regardé par la fenêtre, annonça en tremblant qu'une troupe encerclait l'hôtel et tuait le personnel.

- Il y a longtemps que je me suis préparé à mourir, dit Coligny. Vous autres, sauvez-vous s'il est possible, car vous ne sauriez garantir ma vie. Je vous recommande mon âme à la miséricorde de Dieu.
Puis il se fit lever de son lit, se couvrit de sa robe de chambre, dit adieu à ses amis, qui s'enfuirent par la fenêtre et attendit.
Ce ne fut pas long.
D'un seul coup, la porte vola en éclat et une horde, dirigée par le jeune Jean Yanowitz, dit Besme, entra dans la chambre.

- Est-ce toi qui es Coligny ? demanda Besme, l'épée à la main.
- Respecte ces cheveux blancs, jeune homme. C'est moi-même.
- Parfait, dit Besme.

Et il lui plongea son épée dans la poitrine.
Comme l'amiral remuait encore et râlait de façon déplaisante, quelques soldats durent finir l'ouvrage à coups de poignard.
Pendant ce temps, Henri de Guise, qui était resté en bas, s'impatientait.

- Eh là ! Besme, est-ce fini ? cria-t-il de la cour.

L'assassin parut à la croisée :

- Oui, un instant, on l'achève.
- Voyons donc ? demanda le duc satisfait.

Alors Besme, aidé de ses compagnons, jeta le cadavre par la fenêtre. Henri s'approcha, essuya avec un mouchoir le visage ensanglanté de l'amiral et, ayant reconnu son ennemi, lui donna un grand coup de pied dans la figure en disant :

- C'est bien, le commencement est bon. Courage, soldats.
Quelques instants après, la cloche du palais (et non celle de Saint-Germain l'Auxerrois, comme on le dit généralement) donnait le signal de la curée...

On tua pendant toute la nuit. Charles IX, excité par l'odeur du sang, tira lui-même d'une fenêtre de sa chambre ; et le petit jour vint éclairer une ville de cauchemar. On voyait des cadavres plein les rues, des têtes séparées de leurs troncs baignant dans des flaques de sang, des membres épars, et la Seine couverte de "corps flottants".

Vers midi, Catherine de Médicis et quelques dames d'honneur quittèrent le Louvre, où le roi, brusquement effondré, était en proie à une crise de désespoir, et allèrent "s'offrir la lubrique satisfaction d'examiner sur des cadavres nus certaines virilités masculines".
Puis elle recherchèrent en riant les signes de la prétendue impuissance de l'un deux (Il s'agit de Soubise, qui se défendit longtemps et tomba percé de coups, sous les fenêtres de la reine. Sa femme lui avait intenté, quelques mois avant, un procès pour cause d'impuissance.) et "firent à ce sujet des plaisanteries dont le mauvais goût fut remarqué
"...
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MessageSujet: D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET   D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET - Page 7 EmptyDim 5 Fév - 16:58

[size=18]Après la Saint-Barthélemy, Charles IX demeura longtemps abattu et prostré. Au contraire, Catherine de Médicis ne manifesta aucun remors. Il est vrai qu'elle n'avait pris qu'une faible part au massacre et ne se "reprochoit, écrit-elle, que la tuerie de six personnes"...
Calme, détendue, elle paraissait même assez satisfaite de la nuit du 24 août. Un fait nous le prouve. D'après d'Aubigné et Brantôme, elle fit, en effet, embaumer la tête de l'amiral de Coligny et l'envoya au pape qui tu être un peu surpris en ouvrant le paquet...[/
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MessageSujet: D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET   D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET - Page 7 EmptyDim 5 Fév - 17:21

UN CHAGRIN D'AMOUR DETOURNE HENRI III DES FEMMES



Les amours étranges dont sont pleines les élégies des poètes anciens, et qui nous surprenaient tant sont donc vraisemblables et possibles... - Théophile GAUTIER -



UN mois après la Saint-Barthélemy, comme rien n'avait pu tirer Charles IX de son "ennui". Catherine de Médicis jugea nécessaire de faire venir Marie Touchet à Paris. L'Orléanaise, qui avait gentiment pardonné le massacre de ses coreligionnaires, s'installa rue Saint-Honoré, dans une petite maison avec jardin où Charles vint passer de calmes après-midi, s'efforçant d'oublier, pour un moment, son cauchemar.

Hélas ! des fantômes sanglants l'attendaient chaque soir au palais... Pour échapper à ces spectres épouvantables, fuyant la Cour, sa mère et sa femme, la reine Elisabeth, qu'il trouvait sotte et fade, il s'en alalit parfois chasser longuement dans le bois de Vincennes. Ces jours-là, il ne rentrait pas coucher au Louvre ; il s'arrêtait à la seigneurie de Belleville, où il attendait que Marie vînt le rejoindre.
Et pendant la nuit entière, follement, désespérément, il se droguait de volupté, pour se soustraire à ses hantises, l'espace de quelques secondes...
Le résultat fut qu'au mois de juin 1573, Marie dut s'en aller rapidement au château du Fayet pour y accoucher d'un gros garçon braillard. Le roi, en effet, nous dit Brantôme, avait préféré qu'elle ne fît pas ses couches à Paris "pour ne point donner ce déplaisir à sa femme". Ce qui était d'un galant homme.


Pendant l'absence de Marie, dévoré par un véritable "feu lubrique", il se lança dans la débauche la plus honteuse et organisa avec son frère le duc d'Anjou (futur Henri III) et Henri de Navarre (futur Henri IV) des soirées fort légères en compagnie de demoiselles portées sur la bagatelle.

Certaines de ces réunions firent scandale et l'on en parla dans toute l'Europe. Il est vrai que les courtisans ne se faisaient pas faute d'en répandre les détails. C'est ainsi que l'on intercepta, vers cette époque, une lettre écrite par un familier de la Cour, dans laquelle il était parlé d'une de ces orgies. "Je sais, disait l'auteur du billet, comment ces trois beaux sires se sont fait servir, en un banquet solennel, par des femmes toutes nues, desquelles, après le banquet, ils abusèrent et prirent leur plaisir."


Le duc d'Anjou, qui, malgré la légende, était, dans sa jeunesse, d'une grande virilité, adorait mêler ainsi, suivant le mot d'un historien, "les délices de Vénus aux douceurs de Lucullus". Les femmes, d'ailleurs, étaient folles de lui. Tous ses contemporains le présentent, il est vrai, comme le "prince le plus aimable, le mieux fait et le plus beau de son époque".
Grand, large de torse, séduisant, charmeur, il était d'une élégance raffinée qui plaisait aux demoiselles de l'escadron volant.
Peut-être était-il un peu efféminé d'alleur, mais on aurait eu tort de le lui reprocher, attendu que seules les filles d'honneur de la reine mère étaient responsables de ce petit défaut. Lorsqu'il n'était encore qu'un enfant, elles s'étaient, en effet, bien souvent amusées à le parer, à le parfumer et à le farder comme une poupée ; et il lui en était resté des habitudes qui nous paraissent aujourd'hui un peu suspectes, mais qui semblaient alors tout à fait normales. C'est ainsi qu'il portait non seulement des pourpoints très ajustés, des bagues et des colliers, mais encore d'admirable pendants d'oreilles...

Il aimait aussi se poudrer, s'inonder "d'eau de senteur", aviver ses lèvres d'un peu de rouge et s'habiller en femme...
Goûts étranges sans doute, mais qui n'empêchaient pas le duc d'Anjou de courir les filles et de se montrer ardent compagnon.

Il faisait habituellement son choix parmi les gracieuses suivantes de sa mère "pour ce qu'elles étoient faciles à convaincre, riches d'expérience et point susceptibles de faire du scandale, attendu que Catherine de Médicis les autorisoit à se laisser beluter par ses fils", nous dit un chroniqueur.
C'est d'ailleurs une de ces demoiselles, Louise de la Béraudière, qui l'avait déniaisé à l'âge de quinze ans. ( Cette jeune femme semble avoir eu pour spécialité de dévirginiser les princes royaux, car elle fut également l'initiatrice de Charles IX).
(Car l'escadron volant servait aussi à cela).


Bref, le duc d'Anjou était, du moins à ce moment, un homme tout à fait normal, et même, suivant le mot de la reine mère qui le connaissait bien, "un bon étalon".
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MessageSujet: D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET   D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET - Page 7 EmptyDim 5 Fév - 18:29

Mais si Catherine de Médicis approuvais les rencontres individuelles de ses fils avec les jeunes personnes de l'Escadron Volant, elle n'aimait guère ces "réunions à plusieurs qui altéroient la santé de chacun".
Et, veillant avec un soin jaloux sur le duc d'Anjou qui était son enfant préféré, elle chercha un moyen de l'éloigner de ces dangereuses turpitudes.
Ce moyen, elle le trouva en la personne d'une de ses nouvelles filles d'honneur, Mlle René de Rieux, que l'on appelait "la belle de Châteauneuf". Il s'agissait d'une blonde vingt ans dont la grâce s'alliait à un caractère assez vif, ainsi que l'anecdote suivante en donnera le preuve. "Antoine Duprat, nous dit, Nantouillet, l'ayant insultée, elle ne s'en rapporta qu'à elle-même pour l'en punir. Et un jour qu'elle passoit sur le quai de l'Ecole, à cheval, ayant aperçu Duprat qui marchoit à pied, elle donna des deux, le renversa, lui passa par-dessus le crops et le foula au pieds de sa monture..."

Catherine de Médicis chargea cette fière amazone de séduire le duc d'Anjou ; ce qui fut assez facile.
Bouleversé dès la première rencontre, le prince fit composer par le poète Desportes une très belle déclaration rimée qui se terminait par :


Beauté, grâces, discours, qui m'allez transformant,
Las ! connoissez-vous point comme je vous adore
?


La jeune fille reçut ce poème avec délice et y répondit en envoyant au prince un très gracieux sonnet, qu'elle avait d'aileurs demandé également au poète Desportes...
Quelques jours plus tard, Mlle de Rieux et le duc d'Anjou unissaient leur jeunesse et leur fougue dans une chambre du Louvre...

Tout de suite, la jeune femme montra tant de verve, tant de fantaisie, tant d'ardeur, que le prince reconnut qu'il n'avait jamais rencontré une telle partenaire et, "voulant lui rendre pièce pour pièce", fit d'étonnantes merveilles...
Leurs nuits furent désormais consacrées à de furieux corps à corps, dont ils sortaient détendus, apaisés, calmes, purifiés par la volupté et "aussi mols que chiffes".


Le duc d'Anjou avait grand besoin d'exercices de ce genre, car un amour pur et chaste lui minait le tempérament depuis quelques mois, et l'on sait que rien n'est plus mauvais à la santé que ces sortes de passions...
Il était tombé amoureux, en effet, de la jolie et spirituelle Marie de Clèves - épouse du prince de Condé - dont l'allure virginale lui inspirait une dévotion qui le rendait lyrique, fiévreux, haletant, hypertendu et superstitieux. Maltraitant sa libido, il s'enivrait de soupirs en pensant à "sa dame" et s'estimait comblé lorsqu'il avait connu le trouble plaisir de chanter, à l'église, le même cantique qu'elle...
L'adoration platonique et déprimante qu'il vouait à Marie était donc heureusement compensée par sa saine attitude avec Renée de Rieux...

Ce pudique amour était née, de façon fort curieuse,lors du mariage du roi de Navarre et de Marguerite de Valois (ce mariage du futur Henri IV, fils d'Antoine de Bourbon, avec la future reine Margot, avait eu lieu le 18 août 1572). Après une danse follement animée, Marie de Clèves, en nage, avait dû aller retirer sa chemise dans une chambre voisine de la salle de bal.
Quelques instants plus tard, Henri, qui avait mené la farandole, était venu dans la pièce pour s'essuyer la figure toute ruisselante de transpiration. Croyant prendre une serviette, il s'était emparé de la chemise de Marie et l'avait promenée sur son visage... Aussitôt, nous dit un chroniqueur, "ses sens s'étaient troublés" et, considérant ce qu'il tenait à la main, il avait conçu un amour sans borne pour la propriétaire de cette lingerie odorante et encore tiède.
Puis il était rentré dans la salle, où les violons faisaient danser les princes en mesure, et une enquête discrète lui avait permis de savoir à qui appartenait la chemise...


Dès le lendemain, une déclaration enflammée était parvenue à Marie de Clèves, et la jeune femme, bouleversée de savoir qu'elle avait séduit le plus beau prince du monde, était tombée, elle aussi amoureuse...
Fidèle, cependant, à son vilain mari, elle avait résolu de ne plus aller au Louvre pour ne pas risquer de rencontrer Henri.
Alors, celui-ci s'était adressé à la duchesse de Nevers, soeur de Marie :

Je vous en supplie, avait-il écrit, d'autant que vous m'êtes amie... ; je vous requiers les larmes aux yeux, à jointes mains. Vous savez ce que c'est que de bien aimer. Jugez si je mérite telles façons de ma dame, notre amie, qui, qoi qu'elle ait, a toute sa puissance quand elle l'emploiera... Je lui jure toute l'amitié du monde. Vous serez mon garant, s'il vous plaît, que je ne suis menteur.

Et Mme de Nevers avait su si bien plaider la cause du soupirant que Marie s'était laissée aller jusqu'à permettre que le duc portât au cou un petit portrait d'elle...
Puis elle avait accepté un rendez-vous, et ils s'étaient pris les mains avec frénésie.


Depuis lors, délirants d'amour, ils se rencontraient régulièrement grâce à la complicité de la duchesse de Nevers, et leur chaste liaison illuminait leur vie.
Naturellement, Renée ne tarda pas à être mise au courant des rendez-vous secrets de son amant.
Elle ne fit aucun scandale, mais se vengea en faisant entrer Lignerolle dans son lit. Le duc l'apprit "et, nous dit Sauval, ce favori reçut la punition que méritait son insolence" : il fut assassiné.
Renée, de son côté, demanda pardon et tout rentra dans l'ordre
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MessageSujet: D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET   D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET - Page 7 EmptyDim 5 Fév - 19:43

Satisfait sensuellement par la belle Châteauneuf, et sentimentalement par Marie, le duc d'Anjou aurait pu vivre heureux. Une séparation allait bouleverser son existence. A la fin de septembre 1573, Catherine de Médicis l'ayant fait élire roi de Pologne grâce à d'inimaginables intrigues, il dut partir pour Cracovie.
La mort dans l'âme, il qitta ses deux femems et suivit les ministres moustachus qui étaient venus le chercher à Paris.
Renée de Rieux trouva vite un autre amant, mais Marie fut inconsolable.
Quant à Henri, privé de l'exutoire que représentait Renée, il sublima encore son amour et fit de sa Dame une idole à laquelle il écrivit des lettres signées de son sang...
Fou de passion, il se désintéressait complètement des affaires polonaises, auxquelles d'ailleurs, il ne comprenait rien, pour inonder ses amis de billets où il n'était question que de Marie. En voici un que reçut Beauvais-Nangis :

Je l'aime tant, vousle savez. Vous devrez m'avertir de sa fortune pour la pleurer comme je fais. Je n'en dirai plus rien, car les amours sont ivres...


Oui, les amours étaient ivres, et Henri chancelant, déroutait les Polonais par ses manières d'agir. Interrompant son conseil pour griffonner un mot endre qu'un courrier était chargé de porter immédiatement à Paris, contemplant avec amour le portrait de Marie, pendant qu'un ministre lui parlait, composant des vers au dos des lettres d'ambassadeur, il était considéré par tout le monde comme un étrange souverain, et les familiers de la Cour de Cracovie se chuchotaient de moustaches à orielles leur amère déception...

Henri était trop fin pour ne pas s'apercevoir du désappointement de ces braves gens ; mais il ne faisait rien pour arranger les choses, préférant s'enfermer dans son cabinet et rêver tout son saoul du jour où il pourrait serrer Marie contre lui et éteindre le feu qui brûlait sa poitrine...
Bientôt, l'idée d'embrasser sa Dame ne lui suffit plus : il décida de l'enlever à Condé (en faisant rompre leur mariage par le pape) et de l'épouser...


Pendant qu'Henri rêvait ainsi en Pologne, Charles IX, à Paris, réalisait d'exténuantes performances amoureuses dans le but d'oublier la Saint-Barthélemy dont le souvenir continuait à le hanter et sa santé s'altérait dangereusement. On dut bientôt le transporter, essoufflé et les pommettes en feu, au château de Vincennes, qui tenait lieu alors de maison de repos. Un soir, Marie Touchet vint le voir et se coucha avec lui. Cette rencontre devait être fatale au jeune roi tuberculeux. Un chroniqueur n'hésite pas, en effet, à conclure que Charles IX "accéléra ainsi sa mort par les plaisir auxquels il se livra à contretemps ou immodérément".
Quoi qu'il en soit, le roi mourut le 30 mai 1574, à l'âge de vingt-quatre ans, laissant Marie Touchet fort confuse...


Le 15 juin 1574, une lettre arriva à Cracovie. Elle était signée de la reine mère :

Au roy, Monsieur mon fils, Roy de Pologne,

Votre frère est mort, ayant reçu Dieu le matin ; la dernière parole qu'il dit, ce fut "Et ma mère !" Cela n'a pu être sans une extrême douleur pour moi et ne trouve consolation autre que de vous voir bientôt icy, comme votre royaume en a besoin et en bonne santé, car, si je venois à vous perdre, je me ferois enterrer avec vous, toute ma vie...

Votre bonne et affectionnée mère s'il y a jamais au monde.


CATHERINE.


Henri pleura de joie : il était roi de France, il allait quitter la Pologne, rentrer à Paris et tenir Marie dans ses bras...
Dominant son envie de gambader, il alla, d'un air triste, annoncer au Conseil la mort de son frère.
Quelques ministres exprimèrent alors leurs craintes de le voir partir. Il les rassura :

- Je suis d'abord roi de Pologne, dit-il, je ne vous abandonnerai pas.

Et pour écarter tout soupçon, il fit mine de s'éprendre d'une dame de la Cour, la princesse Anne Jaguelon.
Mais quatre jours plus tard, le 18 juin, après avoir donné un grand dîner et fait rouler tous les grands seigneurs du royaume, ivres morts, sous les tables, il se déguisa, se mit un bandeau sur l'oeil, et en compagnie de cinq amis sûrs, s'enfuit du palait en emportant à tout hasard les joyaux de la couronne...
Toute la nuit, ils galopèrent vers la frontière, poursuivis par les Polonais qui n'avaient pas été longs à s'apercevoir de la disparition du roi. Cette course folle se termina au petit jour, lorsque, sur le point d'être rattrapé par ses ministres, Henri, fourbu, pénétra en Autriche..
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MessageSujet: D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET   D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET - Page 7 EmptyDim 5 Fév - 20:38

Dès qu'il se sentit en sécurité, Henri II - puisque tel était désormais son nom - poussa un grand soupir et envoya une lettre à Marie de Clèves our lui annoncer son arrivée prochaine.
Il comptait sans les nécessités diplomatiques. De Vesternitz, de Vienne, de Venise, en effet, lui parvinrent des invitations qu'il ne put repousser, et, un mois plus tard, il était encore l'hôte du doge...
Les fêtes vénitiennes, il est vrai, étaient responsables de l'indolence subite du roi. Lui qui adorait les couleurs, la musique, les beaux tissus, les bals costumés et les feux d'artifice se crut au paradis et voulut goûter à tous les plaisirs.
Tous, sans exception, car - sans oublier, bien entendu, l'Elue, sa Dame, la Princesse de ses pensées - il fréquenta les courtisanes de Venise et devint l'amant de la plus belle d'entre elles, Veronica Franco, l'amie du Titien.

Cette beauté rousse dvait d'ailleurs avoir une influence capitale sur lui puisque, s'il faut en croire certains auteurs, elle l'initia à des pratiques "peu honnêtes et fort vicieuses en ce qu'il s'agit de l'amour à l'italienne, auquel le roi n'avait point encore goûté"...


Pourtant, vers le 15 août, Marie lui manqua soudain. Saisi d'une grande et "douloureuse envie d'aimer sa dame", il dit adieu à Venise et se dirigea vers la France.
Fin septembre, il était à Lyon, où Catherine de Médicis l'attendait. Le roi aurait voulu prendre tout de suite la route de Paris, courir vers Marie, commencer la procédure de divorce et préparer ses noces : mais, le Midi protestant s'étant révolté, la reine mère lui conseilla de rester quelque temps à Lyon.

Henri III obéit, fort dépité, et rentra dans sa chambre pour écrir à celle qu'il considérait déjà comme son "épouse", un billet passionné qu'elle ne devait jamais recevoir...
Quelques jours plus tard, en effet, Marie de Clèves, que le prince de Condé avait réussi à rendre enceinte, mourait subitement en donnant le jour à une fille.
Une lettre vint apprendre la nouvelle à Catherine de Médicis qui, pendant toute une journée, se demanda comment elle allait bien pouvoir en informer Henri...


Finalement, elle glissa la lettre parmi les papiers de l'Etat que le roi devait étudier le lendemain matin ; et c'est là, entre deux rapports d'ambassade, que le malheureux trouva les quelques mots qui allaient changer son destin...
Après les avoir lus, il tomba évanoui sur le parquet.
Catherine veillait à la porte. Elle le fit transporter dans sa chambre où il demeura pendant plusieurs jours, prostré, l'oeil fixe, au point qu'on se prit à craindre pour sa raison. Il refusait de s'alimenter et ne sortait de son mutisme que pour éclater en sanglots convulsifs. Ses plaintes ressemblaient alors à des râles, et la reine mère eut peur.
Superstitieuse, elle s'imagina que son fils était victime d'un charme et qu'il allait mourir à son tour.

- Ne porterait-il pas sur lui quelque objet qui aurait appartenu à la princesse . demanda-t-elle à Souvré.
- En effet, répondit le chambellan, je lui ai vu une croix au cou et des pendants d'oreilles qui li viennent d'elle.
- Eh bien ! faites en sorte qu'il ne les porte plus.

On retira les bijoux à Henri ; mais le pauvre, que la douleur avait à tout jamais "écorné", n'arrêta pas ses larmes, et son deuil s'accompagna de goûts morbides.

"Il demeura huit jours aux cris et aux soupirs, nous dit Pierre Mathieu, et en public il paraissoit tout couvert d'enseignes et de marques de mort. Aux rubans des souliers, il portoit des petites têtes de mort. Il en avoit aux aiguillettes, et, plus curieux d'entretenir et de flatter sa passion que de la vaincre et guérir, il commanda à Souvray de lui faire des parements de cette sore pour plus de six mille escus."


Puis les mois passèrent et Henri III parut oublier sa peine. On le vit organiser des fêtes, inventer des pas de danse, s'amuser à courir Paris sous des déguisements et s'entourer de jeunes gens bruyants et équivoques. On le crut guéri, alors qu'égaré par la douleur il cherchait avec une espèce de hargne sacrilège à saccager sa vie.
Rien ne lui importait plus. Laissant Catherine de Médicis s'occuper des affaires de l'Etat, il se mit à découper des images et à coudre des perles sur des morceaux de tissu. Il fit des robes pour sa soeur Marguerite, habilla les demoiselles de l'escadron volant, exécuta de petits travaux de broderie...

Ce que voyant, la reine mère décida de le marier au plus tôt, pensant qu'une femme dans son lit lui rendrait peut-être des goûts un peu plus virils...
Plusieurs princesses furent proposées au roi, qui les refusa en ricanant. Alors Catherine se fâcha et déclara qu'un souverain devait avoir une épouse pour se donner des héritiers.

- Laissez-moi choisir, répondit Henri.

Et il désigna Louise de Vaudémont, fille d'un cadet de Lorraine, qu'il avait connue en allant en Pologne.
Catherine fut un peu déçue. Elle espérait une plus noble épouse pour ce fils qu'elle appelait tendrement "mes yeux".
Mais elle s'inclina et une délégation partit immédiatement pour Nancy demander au prince de Vaudémont la main de sa fille. Celui-ci, tout heureux, accepta, bien entendu, et chargea sa femme, Catherine d'Aumale, d'aller prévenir Louise.

La jeune fille était encore au lit. En voyant venir sa belle-mère (Catherine était la seconde femme de Vaudémont), elle fut très étonnée et, nous dit Antoine Malet, "le fut bien davantage quand elle lui vit faire trois révérences avant de l'aborder et de la saluer comme reine de France ; elle crut qu'elle vouloit se moquer et ne cessoit de lui demander excuse d'être si tard au lit et de navoir pas été à son lever, quand son père entra enfin dans sa chambre, et assis auprès de son lit, lui annonça que le roi de France la vouloit pour épouse."...
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MessageSujet: D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET   D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET - Page 7 EmptyLun 6 Fév - 15:33

Le mariage eut lieu le 15 février 1575, en la cathédrale de Reims, où Henri III avait été sacré deux jours auparavant.
Au cours de cette cérémonie qui le liait pour la vie à la blonde Lorraine, le jeune souverain montra une curiosité amusée. Etait-ce ses noces ? Etait-ce une sauterie ? Etait-ce un spectacle destiné à réjouir ses favoris ? On pouvait se le demander. La veille, d'ailleurs, il avait tenu à coudre lui-même la robe de sa fiancée et, deux heures avant la messe de mariage, c'est li qui s'était chargé de friser Louise, au petit fer...
Paraissant absolument inconscient de ce qui se passait, il sourit bizarrement pendant tout l'office nuptial, au point "qu'on eût dit l'acteur d'une espèce de farce"... Deux jours plus tard, il se permit d'ailleurs, sur son épouse, une plaisanterie qui scandalisa tout le monde : voulant marier son ex-favorite, Renée de Rieux, il l'offrit en mariage à François de Luxembourg, qui avait jadis courtisé Louise de Lorraine, et lui dit :

- Mon cousin, j'ai épousé votre maîtresse ; je veux, en contre échange, que vous épousiez la mienne.

Un peu interloqué, Luxembourg demanda à réfléchir ; mais Henri III insista tellement que le malheureux, affolé, se sauva, bride abattue, dans son pays.


Tout indiquait que ce mariage n'avait été qu'une mascarade ; d'ailleurs le roi, à qui le souvenir de Marie de Clèves rendait les femmes insupportables, se "désintéressait du sexe" et recherchait ostensiblement son plaisir ailleurs.
C'est alors que les favoris, dont il aimait s'entourer, prirent dans sa vie une si grande place.


Beaux, querelleurs, nerveux, spirituels, méchants, superficiels, ils étalaient un luxe scandaleux, se paraient comme des demoiselles et se promenaient dans les rues avec un vaniteux trémoussement de l'arrière-train qui écoeurait les braves gens, peu habitués à voir des hommes mettre leur orgueil de ce côté-là...

- Regardez-les, ces mignons, s'écriaient le menu peuple avec mépris.

Le nom leur resta.


Je sais bien que quelques modernes défenseurs de Henri III ont essayé de nous faire croire qu'il s'agissait là de simples serviteurs particulièrement dévoués au roi ; il me suffira de citer le texte d'un contemporain, Pierre de l'Estoile, pour prouver que ces historiens sont trop candides ou cherchent à nous abuser ...

"Ce nom de mignon, dit notre chroniqueur, commença en ce temps-là à trotter par la bouche du peuple, auquel ils estoient fort odieux, tant pour leurs façons de faire, qui estoient badines et hautaines, que pour leurs fards et accoutrements efféminés et impudiques, mais surtout pour les dons immenses et libéralités que leur faisoit le roy, que le peuple avoit opinion d'être la cause de leur ruine. Ces beaux mignons portoient leurs cheveux longuets, frisés et refrisés par artifices, remontant par -dessus leurs petits bonnets de velours, comme font les putains du bordeau, et leurs fraises de chemises de toiles d'atour empesées et longues d'un demi-pied, de façon qu'à voir leur tête au-dessus de leur fraise, il semblait que ce fût le chef de saint Jean dans un plat. Le reste de leur habillement fait de même ; leurs exercices estoient de jouer, blasphémer, sauter, danser, volter, quereller et paillarder, et suivre le roy partout et en toutes compagnies, ne rien faire, ne rien dire que pour lui plaire ; peu soucieux, en effet, de Dieu et de la vertu, se contentant d'être en bonne grâce de leur maître qu'ils craignoient et honoroient plus que Dieu. Ce qui donna sujet au poème suivant, qui fut semé en ce temps à Paris divulgué partout" :

C'est assez chanté de l'amour
Il faut qu'une nouvelle corde,
D'un luth plus piquant, nous accorde
Les indignités de la Cour
......................................................................

Ces beaux mignons prodiguement
Se vautrent dedans leurs délices.
Et peut-être dedans tels vices,
Qu'on ne peut dire honnêtement
.


On ne peut guère être plus clair.

Naturellement, ces éphèbes poudrés, efféminés et jacassants eurent bientôt sur le pauvre roi complètement désaxé une influence considérable.
Tout d'abord, ils poussèrent Henri III à créer un ensemble de rites burlesques, destiné à transformer sa journée en une sorte de comédie-ballet où chacun avait un rôle précis.
Ils jouèrent ainsi à "vivre chez un grand monarque", comme les petites filles jouent à la "dame en visite" en respectant certaines conventions puériles.
On décida que le lever du roi, son coucher, ses repas, sa toilette, ses promenades s'accompagneraient d'un cérémonial compliqué, "et l'on emprunta nous dit Lenient, aux traditions du Bas-Empire, conservées dans les cours des principules italiens, tout un programme de solennités ridicules", dont aucun roi de France n'avait jamais eu l'idée.
Tout ceci n'était que prétexte à pitreries équivoques. Traitant le roi comme une courtisane, les mignons venaient avec es courbettes lui enfiler ses bas, lui passer sa chemise, ajuster son pourpoint, enduire son visage de crème pour la nuit, lui mettre des gants graissés à l'huile d'amandes pour adoucir ses mains, le farder, lui dessiner ses sourcils d'un coup de crayon habile et lui lacer sa culotte...
Ces amusettes d'invertis donnèrent naissance à l'Etiquette...

Lorsque le roi était enfin vêtu, maquillé, poudré, couvert de bijoux et de bagues, les mignons s'exclamaient :

- Oh ! Majesté, que vous êtes belle ! ...

Car pour pouvoir continuer à jouer cet ignoble jeu, Henri III s'était affublé d'un titre qui permettait le féminin...
Et l'on disait : Sa Majesté est ravissante, Sa Majesté est câline, Sa Majesté est tripoteuse...
Cette appellation, employée jadis à la Cour des derniers Césars, fit ricaner les braves gens, et Ronsard exprima leurs sentiments en un sonnet dédié à son ami Binet :


Ne t'étonne pas, Binet, si maintenant tu vois
Notre France, qui fut autrefois couronnée,
De mille lauriers verts, ores abandonnés,
Ne servir que de fable aux peuples et aux rois.
........................................................................................
On ne parle en la Cour que de Sa Majesté :
ELLE va, ELLE vient, ELLE est, ELLE a été :
N'est-ce faire tomber le royaume en quenouille
?



Mais il fallait que le roi eût également la possibilité de dire à ses mignons :

- Comme vous êtes gentilles, et charmantes ...

Alors les éphèbes prirent les titres d'Altesses et d'Excellences
...
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MessageSujet: D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET   D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET - Page 7 EmptyLun 6 Fév - 20:12

Tous ces petits jeunes gens formaient une confrérie extrêmement fermée dans laquelle il était à peu près impossible d'entrer de sa propre initiative. Les intrigues étaient inefficaces, les parrains inutiles : le roi, seul, choisissait. Lorsqu'il avait le coup de foudre en voyant passer un seigneur, un page, un garde, il appelait deux mignons fortement musclés, qui se précipitaient sur la proie et la lui présentaient de belle façon... On avait quelquefois recours pour cela à un stratagème ; c'est ce que nous conte Agrippa d'Aubigné, à propos d'un jeune homme de sa connaissance qui devint mignon du roi :
"Ce pauvre garcon, dit-il, avoit en horreur cette vilenie, et fut forcé la première fois, le roy lui faisant prendre un livre dans un coffre, duquel le Grand Prieur et Camille (surnoms de deux mignons : Antoine de Silly, comte de Rochepot, et le chevalier Salvati) lui passèrent le couvercle sur les reins, et cela s'appeloit prendre le lièvre au collet... Tant ya que cet homme fut mis de force au métier..."

Eclectique, le roi ne posait pas ses regards concupiscents que sur des garçons de noble origine. Il lui arrivait de se pâmer devant un ouvrier venu au palais pour faire une réparation. C'est ainsi, par exemple, qu'un tapissier lui fit, un jour, une impression considérable. "Le voyant en haut de ses deux échelles pour racoûtrer des chandeliers de la salle, nous dit d'Aubigné, le roy devint si amoureux qu'il se mit à pleurer."


Les grands ont toujours des admirateurs imbéciles qui s'efforcent de leur ressembler " par les mauvais côtés". Aussi y eut-il bientôt à Paris une multitude de jeunes snobs poudrés et fardés qui, singeant Henri III, se voulurent coquets, précieux, évaporés.
A la Cour, les choses allèrent plus loin. Désirant plaire au roi, les hommes délaissèrent les femmes et se livrèrent ostensiblement à la sodomie. La plupart y eurent d'ailleurs du mérite, car, étant normalement constitués, ils éprouvaient une grande répugnance pour ces plaisirs hétérodoxes. Ils surmontaient néanmoins leurs dégoûts, pensant ainsi être bien notés... Razz


Pendant ce temps, les femmes, privées de soins, étaient obligées de se consoler entre elles, ainsi que nous le rapporte Sauval :
"De même que les hommes avaient trouvé, dit-il, le moyen de se passer de femmes, les femmes trouvèrent le moyen de se passer d'hommes : et Paris regorgeait de femmes lesbiennes"...
Toutes les dames n'osaient point toutefois goûter les joies de la "fricatelle". Les timides se contentaient d'user d'expédients, en rêvant au jour où les hommes redeviendraient normaux. Alors des "instruments façonnées en forme de v.., mais qu'on a voulu appeler des Godemychys, nous dit Brantôme connurent une telle vogue que leurs fabricants amassèrent des fortunes...


Bref, un désordre effarant régnait sur toue la France, et selon le mot d'un auteur, "le royaume, piloté par un fou, ressemblait à un bateau ivre".
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MessageSujet: D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET   D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET - Page 7 EmptyLun 6 Fév - 20:24

JACQUES CLEMENT ASSASSINE HENRI III POUR L'AMOUR DE Mlle DE MONTPENSIER



Les femmes, sous leur douceur apparente, ne rêvent que plaies et bosses - Lucien RIMOIX -



LE vice infâme dans lequel Henri III avait tout à coup versé désespérait Catherine de Médicis. Plusieurs fois par jour, elle entrait dans la chambre de son fils pour le rappeler à la réalité et tâcher de l'intéresser à la situation tragique dans laquelle se trouvait pour lors son royaume. On était en 1576, et le duc d'Alençon, frère du roi, venait de s'allier avec les protestants. Trente mille hommes pouvaient ju jour au lendemain, marcher sur Paris, et Catherine s'affolait.

- Il faut agir, criait-elle.

Henri, couché sur des coussins avec un bel ami, ou entouré de ses petits chiens, répondait alors, sans même avoir la pudeur d'user d'une périphrase, qu'il fallait faire assassiner son frère.
Puis il reprenait son bilboquet.


Or, un matin, les troupes protestantes se dirigèrent vers la capitale... Perdant tout sang-froid, le roi, à demi pâmé, signa immédiatement l'édit de Beaulieu qui accordait aux réformés des avantages importants...
Cet édit mécontenta, bien entendu, les catholiques qui accusèrent le roi de trahir les intérêts de la religion et du trône. Une vaste association, dirigée par Henri de Guise, se forma alors pour "restaurer le saint sacrifice de Dieu et l'obéissance à Sa Majesté".
Ce fut la ligue.


Henri III crut habile de reconnaître l'association et de s'en proclamer le chef... Ce coup de tête, cette bravade de Corydon agacé, l'obligea à sortir de son boudoir, à reprendre contre les huguenots une guerre acharnée et à se rendre de temps en temps sur les champs de bataille en litière...
Enfin, au printemps de 1580, une trêve fut signée, et la France connut quatre années de paix. Le roi en profita pour organiser d'extraordinaires bals costumés. On le vit en sauvageonne, en ribaude, et même en Amazone, le sein nu...
Passionné pour ces mascarades, il passait des nuits à confectionner des robes et à inventer des pas de danse. C'est lui qui imagina, par exemple, le fameux "branle des chevaux" où il fallait hennir tendrement en regardant sa cavalière et lancer de petites ruades
...
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MessageSujet: Re: D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET   D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET - Page 7 EmptyMar 7 Fév - 15:37

Je me suis régalée : j'avais de la lecture en retard Laughing
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MessageSujet: D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET   D'ANNE DE BEAUJEU à MARIE TOUCHET - Page 7 EmptyMar 7 Fév - 19:55

Catherine de Médicis, qui songeait à l'avenir, était extrêmement agacée par ces pitreries.

- On s'amuse, disait-elle, on saute, on se déguise, on s'entoure de jolis garçons et l'on n'a pas d'héritier...

Cette question préoccupait de temps en temps Henri III, mais le fantôme de Marie de Clèves, qui continuait à l'obséder, l'empêchait de se montrer aussi tendre qu'il aurait fallu avec la reine...
Désespérée, Catherine de Médicis eut alors une idée : elle alla trouver Louise de Lorraine et lui demanda d'être infidèle au roi pour le bien de la France...
Mais la prude épouse de Henri III refusa avec énergie ; elle ne voulait avoir d'enfant que de son mari...
Alors elle n'en eut point.


Or, en 1584, le duc d'Alençon, "hoir présomptif" de la Couronne, mourut brusquement, et Henri de Bourbon, roi de Navarre, chef des protestants, devint héritier légitime du trône de France...
Les catholiques, fort ennuyés, réagirent immédiatement et déclarèrent que le roi de Navarre devait laisser la place à Henri de Guise, ton la famille descendait des Carolingiens (Il est bon, je crois, de rappeler que jamais les Guise n'auraient osé émettre de telles prétentions si Diane de Poitiers n'avait fait de leur maison l'une des plus grandes puissances de France.)

Il en résuta une nouvelle guerre civile qui allait mettre la France à deux doigts de sa perte. Cette fois, en effet, il ne s'agissait plus de religion, mais d'un problème dynastique qui pouvait rompre l'unité du pays...
On commença à se battre en Champagne et tout de suite Henri de Guise remporta deux victoires sur les huguenots. A son retour à Paris, il fut reçu avec un tel enthousiasme que les Ligueurs envisagèrent de déposer Henri III et de faire monter sur le trône sans attendre ce duc si populaire.
Pris de panique, le roi attira le chef catholique à Blois, le 23 décembre au matin et, le fit assassiner... (Le duc de Guise aurait pu se sauver. Il avait été avisé des intentions du roi, et ses amis lui conseillaient de fuir. Mais il refusa de quitter Blois car il devait passer la nuit du 22 au 23 avec sa maîtresse.)


Alors, les Ligueurs, révoltés, déclarèrent Henri "parjure, meurtrier, sacrilège, fauteur d'hérésie, démoniaque, magicien, dissipateur du Trésor public, ennemi de la patrie" et demandèrent son remplacement immédiat par le cardinal de Lorraine. Un vent de révolte souffla sur Paris. On afficha des tracts sur "Sa Majesté Hermaphrodite" ; on brûla l'effigie de la reine mère et, un jour, les Parisiens défilèrent devant le Louvre aux cris de :

- A bas les Valois !
- A mort les Valois !

Un courrier alla informer la Cour, installée à Blois, de ce qui se passait dans la capitale.
La nouvelle fit l'effet d'une bombe.
Pâles, hagards, Henri et Catherine, derniers représentants de cette race qui sombrait dans la pourriture, comprirent alors que tout un peuple, écoeuré par leurs crimes et leurs vices, s'apprêtait à les chasser.
Pour la première fois depuis mille ans, le trône de France tremblait...


Catherine de Médicis ne devait pas se remettre de cette émotion.
Le 3 janvier 1589, elle s'alita avec la fièvre, et ses dames de compagnies commencèrent à s'inquiéter.
Les voyant pleurer, elle les rassura :

- Ne soyez pas tristes, dit-elle en souriant. Je ne vais pas mourir encore cette fois. Souvenez-vous de la prédiction de Gauric qui ne s'est jamais trompé :
je dois mourir près de Saint-Germain ... Et nous sommes à Blois, où il n'existe aucune église dédiée à ce saint...

Cette prédiction hantait la reine mère. Depuis des mois, elle refusait d'habiter Saint-Germain-en-Laye, et même au Louvre qui se trouvait à côté de Saint-Germain-l'Auxerrois...

- Tant que je resterai ici, ajouta-t-elle, je serai tranquille.

Le 4 janvier, un nouveau médecin vint l'ausculter, la trouva fatiguée et lui déclara qu'il resterait à son chevet jusqu'au lendemain.

- Merci, dit Catherine.

Puis elle le regarda :

- Mais je ne vous connais pas ; comment vous appelez-vous ?
- Je me nomme Saint-Germain, madame.

Elle mourut trois heures plus tard...


Les Ligueurs composèrent aussitôt d'ignobles chansons sur la reine mère. J'en citerai une - parmi les plus anodines - à titre d'exemple :

Par une vengeance divine
Les chiens mangèrent Jézabel
La charogne de Catherine
Sera différente en ce point
Que les chiens n'en voudront po
int.


Quant au clergé, qui ne voulait pas se mettre mal avec la Ligue, il eut une bien curieuse attitude.
Voici, en effet, l'étrange oraison funèbre qu'un prêtre vint dire en chaire le 8 janvier à Paris :

- La reine mère vient de mourir, laquelle a fait beaucoup de bien et de mal, et je crois qu'il y a encore plus de mal que de bien. Aujourd'hui se présente une difficulté, savoir : si l'Eglise catholique doit prier pour elle qui a vécu si mal ... Sur quoi je vous dirai que si vous voulez lui donner à l'aventure, par charité, un Pater et un Ave, ils lui serviront de ce qu'ils pourront ; je laisse à votre liberté.


Puis on oublia Catherine, et toute la fureur du peuple se porta sur les mignons. ("Adorée et révérée de son vivant comme la Junon de la Cour, elle n'eut pas plutôt rendu l'âme, qu'on n'en fit pas plus de compte que d'une chèvre morte". Pierre de L'ESTOILE)
Il est vrai que ceux-ci avaient maintenant une telle influence sur le roi que les Ligueurs accusaient Henri III d'être "à leurs ordres".


Au début du printemps la France, qu'un mouvement de révolte secouait de Marseille à Calais, se trouva divisée en trois parties : l'une, aux mains des Protestants, l'autre, aux mains des Ligueurs et la troisième (qui se composait uniquement de Tours, Blois et Beaugency) au mains du roi...
Alors Henri III comprit qu'il devait s'allier avec l'un de ses adversaires s'il voulait continuer à porter la couronne...
Avec les Ligueurs ? Il ne pouvait en être question, puisqu'ils demandaient sa déposition immédiate. Il se tourna donc vers les protestants, qui avaient au moins la délicatesse d'attendre sa mort pour vouloir porter Henri de Navarre sur le trône...
Et le 3 mai, les deux Henri se réconcilièrent au Plessis-lès-Tours...

- Par quoi commençons-vous ? demanda le roi.
- Par reprendre Paris sans lequel on ne peut rien, répondit Bourbon.

Un mois et demi plus tard, après avoir rencontré bien des embûches, ils venaient mettre le siège devant la capitale. Leur poste de commandement était installé sur les hauteurs de Saint-Cloud, dans la confortable maison de Gondi, d'où l'on voyait tout Paris, et Henri III s'amusait, pendant des heures, à suivre, avec une joie d'enfant, la marche des carosses dans les rues où le fourmillement des piétons.

- Ce serait grand dommage soupirait-il, de ruiner et perdre une si bonne et belle ville.

Henri de Bourbon étant de son avis, ni l'un ni l'autre n'osait ordonner une attaque...


Ils en étaient là de leurs hésitations lorsqu'on vint les informer, un soir, "qu'il y avoit dans la ville quelques remuements, pour ce que les habitants estoient apeurés et demandoient qu'on ouvrît les portes plutost que d'estre tués et occis"...
Ils décidèrent alors d'attendre que Paris se rendît, ce qui ne pouvait être long.

Mais les jours passèrent sans apporter de nouveau, car les Ligueurs, qui avaient à leur tête une véritable Passionaria, Mlle de Montpensier, soeur du duc de Guise, refusaient de céder au peuple affolé.
Le 27 juillet, Henri III, qui commençait à s'impatienter, envoya un gentilhomme de sa suite à Mlle de Montpensier "pour lui dire qu'il était bien averti que c'était elle qui soutenait et entretenait le peuple de Paris en sa rebellion ; mais que s'il y pouvait jamais entrer, comme il espérait de faire, et bientôt, qu'il la ferait brûler toute vive".
A quoi, sans autrement s'étonner, fit réponse "que le feu était pour les sodomites comme lui et non pas pour elle, et, au surplus, qu'il se pouvait assurer qu'elel ferait tout ce qu'elle pourrait pour l'en garder d'y entrer".
Elle allait faire plus encore...


Il y avait alors à Paris, dans un couvent de la rue Saint-Jacques, un jeune moine un peu demeuré violent et sensuel qui s'appelait Jacques Clément.
Mlle de Montpensier connaissait son existence, car il se livrait fréquemement, sur les femmes du quartier des Ecoles, à des actes regrettables pour un religieux, mais dont tout Paris s'amusait.
Elle alla le voir dans une robe extrêmement décolletée qui ne laissait rien ignorer de son admirable gorge. Le pauvre fut ébloui et se congestionna.
Alors, charmante, caressante, enjôleuse, chatte, elle lui parla du roi comme d'un tyran qu'il fallait abattre et lui fit comprendre que, s'il voulait s'en charger, elle saurait se montrer gentille...
A titre d'avance, elle lui donna d'ailleurs un baiser fougueux.

- Allez beau moine ! dit-elle, vous êtes désigné par Dieu pour accomplir cette glorieuse mission...

Le lendemain, Jacques Clément se présentait à la porte de la maison de Gondi. Il venait, disait-il, remettre une lettre importante à Henri III. Le roi le reçut, pris le message et commença à le lire.
Respectueux, le moinillon se tenait à genoux; soudain, il se releva et enfonça un grand couteau dans le ventre du Valois.

- Oh ! le méchant moine, s'écria celui-ci. Il m'a tué...

Jacques Clément regardait avec une sorte d'extase le roi qui se tordait de douleur sur le sol. Sans doute pensait-il, dans sa candeur, à la savoureuse récompense qui l'attendait... Son beau rêve devait être court... Attirés par les plaintes du moribond, des gardes entrèrent bientôt dans la chambre et transpercèrent à coups d'épée l'amoureux de Mlle de Montpensier.
Henri III pourut deux jours plus tard, après avoir désigné expressément Henri de Navarre comme son légitime successeur...


Le dernier Valois disparaissait après avoir conduit, par ses vices, la France au bord de l'abîme...
Sous son règne, les favorites avaient été remplacées par de répugnants favoris ; il était temps que les Bourbons vinssent rendre aux femmes toute leur importance et toutes leurs prérogatives...


Ca y est, je vais pouvoir reprendre le volume n° 6.......... Very Happy
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