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Détente - amitié - rencontre entre nous - un peu de couleurs pour éclaircir le quotidien parfois un peu gris...
 
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 Crénom Baudelaire !

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Martine
MAINGANTEE
Jean2
MARCO
epistophélès
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epistophélès

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MessageSujet: Crénom Baudelaire !   Crénom Baudelaire ! EmptyVen 11 Déc - 17:47

"- Crénom !

Au sortir du portail baroque de l'église Saint-Loup de Namur, un homme qui aura bientôt quarante-six ans loupe une marche et tombe sur le front, à même le parvis, en jurant. Des deux qui l'accompagnent, le plus jeune - fringant trentenaire rigolard et bariolé à l'accent wallon très prononcé - fait mine d'être offusqué par ce qu'il vient d'entendre :
- Même en utilisant sa forme contractée, on ne sort pas d'une église en s'écriant : "Sacré nom de Dieu !" Ca n'est pas possible ça sais-tu, monsieur ?! Le Seigneur vous aura puni !"

Déjà une pause. Ca n'arrête pas de sonner à la maison - visites impromptues -
Je serai plus tranquille demain.

Vous poutounèje. ...
flower I love you
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MARCO

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MessageSujet: Re: Crénom Baudelaire !   Crénom Baudelaire ! EmptyVen 11 Déc - 18:01

Oh mais ca parle de ma ville ! 
Je vais de temps en temps au resto le St Loup , en face de la dite eglise , ils y font de bonnes fondues .

Merci Episto, pour la mise en bouche 

et pas trop de visites , confinement oblige! 
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Jean2

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MessageSujet: Re: Crénom Baudelaire !   Crénom Baudelaire ! EmptySam 12 Déc - 9:04

Un goût de trop peu la mise en bouche 
Twisted Evil
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MARCO

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MessageSujet: Re: Crénom Baudelaire !   Crénom Baudelaire ! EmptySam 12 Déc - 15:10

Elles s'incrustent les visites il me semble  Twisted Evil
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epistophélès

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MessageSujet: Crénom Baudelaire !   Crénom Baudelaire ! EmptySam 12 Déc - 16:46

Marco, gnégnégné... Evil or Very Mad ... geek

"Le second ami - corpulent personnage autrement raisonnable -, déjà accroupi près du corps à plat ventre, le retourne sur le dos en lui disant dans un français plus conventionnel :
- Eh bien dites donc, quelle chute, hein ?!
- Crénom..., paraît ne pas en revenir l'accidenté aux airs devenus complètement ahuris.
- Il est sonné. Félicien, prenons-le chacun sous une aisselle pour le remettre sur pied.
Le jeune Belge farfelu le hisse du côté droit pendant que l'autre, qui parvient à le maintenir bien en appui sur la jambe gauche, s'en trouve soulagé. "Ca va, on peut vous lâcher ?" demande-t-il en écartant un peu ses paumes, mais la victime, répétant "Crénom", bascule vers Félicien qui s'en amuse :
- Vous choisissez e plonger dans mes bras plutôt qu'entre ceux d'Auguste ! Merci ! Cela me met en bonne gaieté.
- Mais redressez-le, bon sang, Félicien ! Soyez sérieux, s'agace Auguste.
- J'essaie mais il s'écroule par là. Regardez ce bras, qui semble n'avoir plus d'énergie, comme il balance. Et en dessous, cette jambe, si je l'attrape par le pantalon, elle ondule telle de la guimauve. On dirait qu'il est devenu, de ce côté-ci, une poupée de chiffon.
- Bordel de Dieu... commente Auguste.
- Ah, ben dites donc, ça jure, les Français ! Quand c'est pas l'un c'est l'autre.
- Me reconnaissez-vous, savez-vous qui je suis ? demande le plus âgé des amis à l'acrobate maladroit qui s'est étalé sur le parvis.
Celui-ci le regarde comme s'il venait de le découvrir, très étonné.
- Crénom !
- Bon, il donne aussi des signes de troubles mentaux, il faut le ramener à Bruxelles.

P'tite pause téléphone. Depuis le "quovadis" ça n'arrête pas. ... Rolling Eyes
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epistophélès

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MessageSujet: Crénom Baudelaire !   Crénom Baudelaire ! EmptySam 12 Déc - 18:03

Dans le gros bâtiment particulièrement sévère de l'institut-couvent Saint-Jean-et-Sainte-Elisabeth situé près du jardin botanique de Bruxelles, une petite dame sautillante de soixante-douze ans est très en colère et ne se gêne pas pour le dire aux religieuses qui l'entourent tout en suivant la mère supérieure au travers d'un corridor :
- Moi, c'est de vous dont je ne suis pas satisfaite, mes soeurs ! Je m'insurge contre la rudesse de votre comportement envers lui ! Je le croyais sous la protection de douces colombes, comme je me figure que doivent toujours être les religieuses, alors que ...
- Depuis son arrivée, fin mars, avant les repas, il ne fait pas le signe de crois ! s'indigne la supérieure, commençant à gravir vigoureusement les marches d'un escalier à la rampe ouvragée.
- ... Il est handicapé ! lui rappelle la dame âgée qui escalade derrière.
- Seulement hémiplégique du côté droit, précise l'autre déjà au palier. Il pourrait remuer sa main gauche !...
- ... Alors que, poursuit ne des soeurs qui arrive également tout en haut, lorsqu'on insiste il tourne la tête et si on l'en tourmente davantage, il fait semblant de s'endormir !

Le premier étage s'ouvre sur un long couloir bordé à droite par une série de fenêtres hautes et claires donnant sur une cour fleurie en ce mois de juin. Face aux ouvertures vitrées s'étalent des portes de chambre. Visage entouré d'une guimpe trop amidonnée, une qui ne l'avait pas encore ramenée aborde, excédée, un nouveau sujet aux oreilles de la petite dame à la chevelure frisottée et blanche parsemée de reflets bleutés :
- Dans les établissements religieux, on exige que les malades récitent des prières à haute voix mais lui ne les dit pas !
- Il est devenu pratiquement muet !
Tout le monde part en train vers le fond du couloir. Les lumières de ce début d'été alternent avec les taches d'ombre sur ces corps féminins qui filent.
- Muet ?! s'exclame la mère supérieure. Ah, si vous entendiez ce qu'il répète continuellement en reluquant une certaines partie de l'oeuvre d'art dont nous sommes le plus fières dans cet établissement !... Venez vérifier vous-même.
Elles s'arrêtent toutes devant la double porte ouverte d'une grande salle commune lambrissée de chêne et au plafond ornementé.
- Vous le trouverez là-bas ! Allez-y toute seule. Nous, on ne s'approche plus de lui.
La petite dame usée quoique encore dynamique, elle, y va vers ce quadragénaire qu'elle repère de dos, écroulé dans son fauteuil roulant en bois et osier, face à un grand tableau fixé au mur. On dirait que le quasi-grabataire s'exprime. Alors qu'elle s'approche de ses épaules, elle l'entend dire et redire une ribambelle de "Crénom !" absolument excités. Elle lève les yeux vers ce qui obnubile tant l'affalé. C'est une Vierge à l'Enfant peinte vaguement façon Renaissance. Au premier plan et de trois quarts dos, une jeune Moyen-Orientale blondinette (ah bon ?) tout à fait avenante est représentée tendant les bras vers un mioche dans la paille qui fait face au spectateur. Mais le tordu débraillé ne fixe son regard que sur le cul de la Marie mis très en évidence par un souffle de vent pénétrant dans l'étable et plaquant la robe translucide de soie rose chair, bordée de broderies noires, contre les fesses joliment arrondies de la mère (vierge) du fils de Dieu.
- Crénom ! Crénom !
On sent bien que si le pervers pouvait articuler deux autres syllabes il s'écrierait plutôt : "Quel cul ! Quel cul !" La petite frisottée, sans doute elle-même tous les dimanche à l'église, comprend maintenant la panique des soeurs hospitalières. Contournant le vicelard pour l'examiner de face, elle découvre son bras droit inerte qui pend contre sa poitrine enfermée dans une ample vareuse sombre dont l'usure luit çà et là et que personne n'est venu boutonner. Il ne lui reste qu'un oeil ouvert en cette tête qui retombe, trop lourde, sur une épaule. La dame âgée dit :
- Bon, allez, laisse-moi te pousser. On s'en va.
Aucune soeur ne vient l'aider à descendre dans l'escalier le fauteuil roulant qui fait des bonds à chaque marche car les voilà toutes parties chercher de l'eau bénite en poussant des cris d'hystérie. Elles reviennent vers la salle commune pour s'y jeter à genoux, verser d'abondantes larmes et arroser d'eau consacrée les endroits occupés par le terrifiant malade, ceux où ses roues sont passées. La mère supérieure ordonne :
- Arrachez ses draps, sa paillasse, et faites tout brûler !
Retenant comme elle peut le fauteuil penché, grâce à une main agrippant la poignée fixée à l'arrière du dossier et l'autre cramponnée au col de la vareuse du très mal en point pour éviter qu'il ne bascule en avant, la petite vieille à la chevelure un peu azur croise un prêtre exorciste alerté. Lui non plus n'est d'aucune utilité et son étole flottante, au passage, vient lui fouetter le visage comme si elle n'était pas déjà assez emmerdée comme ça !
- Exorcizamus te, omnis immundus spiritus, omnis... !
Mêlé au fracas cavaleur des gros souliers cloutés du chasseur de mauvais anges, elle entend aussi gueuler un rituel latin alors qu'elle atteint le corridor et que les soeurs, à l'étage, paraissent se sentir enfin délivrées comme si Satan lui-même s'était retrouvé trois mois pensionnaire de leur maison de santé.
Sur les graviers d'une allée de la cour intérieure menant à la sortie, l'aïeule essoufflée fait une pause pour s'éponger le front près d'un bosquet de roses parfumées. L'hémiplégique mutique, de sa main gauche fait risette à une fleur en éclatant d'un rire de fou puis ferme son oeil valide et revoit le fil de sa vie, sa vie... Crénom !

La suite demain.

Poutous. ...
Wink
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MAINGANTEE

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MessageSujet: Re: Crénom Baudelaire !   Crénom Baudelaire ! EmptySam 12 Déc - 20:02

aaaahhhh merci
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epistophélès

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MessageSujet: Crénom Baudelaire !   Crénom Baudelaire ! EmptyLun 14 Déc - 14:47

2

- Maman !
A Paris, dans une maison flanquée d'une tourelle au 13 de la rue Hautefeuille, un garçonnet de cinq ans a mouillé son crâne et se repeigne avec les doigts, en face d'un petit miroir, comme s'il cherchait à plaire lorsqu'il entend claquer la porte de la demeure. Il quitte aussitôt sa chambre en courant sur les tapis :
- Mère, moi pas content !
Il surgit dans le salon où une brune de trente-trois ans dépose des paquets sur une table basse en noyer puis jette son mantelet de dentelle noire par-dessus le dossier d'un canapé recouvert de velours jaune. Son fils fonce vers elle pour l'enlacer et la respirer :
- Comme vous étiez loin de moi, paradis parfumé !
D'une main, elle le décoiffe en regardant, sur la cheminée, une pendule en cage de verre !
- Charles, je t'avais dit que je serais de retour pour le goûter. Je ne suis pas en retard...
- C'était trop long !
Elle porte une longue jupe de couleur havane serrée par une ceinture rouge qui pend à la taille.
Ses épaules ont des bouillonnés bleus et blancs. Une servante, s'essuyant les mains contre un tablier, arrive à l'entrée du salon pour demander :
- Madame Caroline voudrait-elle que je serve le thé, le chocolat chaud et les gâteaux ?
- Oui, s'il vous plaît, Mariette.
La domestique s'empare du mantelet échoué puis, faisant la moue, reste un peu sur le pas de la porte à observer la mère et son gosse ébouriffé qui réclame :
- Gratte-moi la nuque !
Alors les ongles de Caroline se fraient un chemin à l'intérieur du col de l'enfant habillé de plein de coquetteries, môme recouvert d'une autre pâte que ceux nés dans la pauvreté. Accroupie devant lui, elle le comble de senteurs, de baisers, de soins. Charles en a des balbutiements qui la ravissent. Il manifeste un goût précoce du monde féminin. Mariette ressent l'intensité de l'émotion sensorielle de ce petit qui semble considérer sa génitrice plutôt comme une divinité, un astre. Quand arrive le plateau chargé d'une théière, de deux tasses et d'une assiette pleine de gâteaux que la mère pousse vers son enfant, celui-ci rétorque :
- Après toi s'il en reste.
Les voilà, tous deux s'asseyant côte à côte sur le canapé mais Charles ne tarde pas à se cramponner à elle plutôt que de s'intéresser à sa tasse de chocolat ou bien aux gâteaux. C'est Caroline, sa friandise. Il aime la molle compagnie de ses seins, de ses genoux qu'il caresse. Maintenant, une joue plaquée tout en haut entre les cuisses de sa mère, il y est comme un chat voluptueux au bord d'une forêt aromatique. Caroline lui fait l'offrande de sa jeune maturité. Elle lui remplit son atmosphère d'idéal avec une grâce abandonnée dans les mouvements, sa volupté enlaçante. La maternelle et soyeuse chevelure noire s'arrange d'elle-même en riches ondes bouclées répandues jusqu'e haut du dos. Charles levant une main, égare ses doigts et tout autour, pour cet enfant très sensitif, les meubles ont l'air de prendre des formes alanguies, les sièges paraissent rêver. La servante qui revient semble trouver que c'est trop. Dévouée mais râleuse, elle grimace en ramassant les tasses.
- Que se passe-t-il, Mariette ? demande Caroline.
- Que l'on me pousse un peu et je dirai le fond de ma pensée !
- C'est-à-dire ?
- Je trouve la passion de cet enfant pour madame poussée jusqu'à la bizarrerie.
Elle s'en va d'un côté, passant devant une fenêtre, alors que par la porte opposée arrive lentement une autre silhouette engoncée dans un gilet d'une teinte à la fois riche et fanée, qui fait penser aux couleurs de soleil d'automne.
- Ah, vous êtes revenue, Caroline... Je n'avais pas entendu le bruit de la porte, mais je suis de plus en plus dur de la feuille.
Caroline, avec toujours contre elle Charles qui a pivoté sa tête et alors qu'elle ouvre puis femre un éventail comme une aile de papillon, hausse un peu le timbre de sa voix :
- Nous venons de prendre le goûter. Auriez-vous désiré une tasse de thé, François ?
- Non merci. Je me sens fatigué. Je vais plutôt monter me reposer dans notre chambre en attendant le souper. Avez-vous trouvé mes médicaments ?
- Les paquets sont sur la table. Plutôt que Mariette, c'est moi qui vais venir les poser sur votre table de nuit afin de vous répéter les recommandations du pharmacien.
Penché, teint jaune, myope à travers ses binocles et des cheveux blancs de séminariste lui donnant l'allure d'un ancien amour ranci, il gravit les premières marches d'un escalier en se tenant à la rampe. Charles, se reblotissant contre sa mère, confie à voix basse :
- Papa est vieux comme le plus vieil arbre de notre jardin.
- Il a trente quatre ans de plus que moi.
- Il ressemble aussi... comme à l'église Saint-Sulpice, tu sais, les curés...
- Il l'a été avant d'y renoncer pour se marier une première fois. Ensuite, je l'ai rencontré et il a gagné de l'argent pour que nous vivions tous les trois dans le confort. Dessinateur également à ses heures, c'est lui qui a réalisé les pastels accrochés un peu partout dans la maison.
- Ils ne sont pas très jolis.
Caroline se lève et prend les paquets :
- Je vais aller lui servir ses potions.
De sa jupe large, elle remue l'air et fait à son fils l'effet d'un beau voilier qui prend le large. Ses bras sont des boas luisants aux yeux de Charles qui trouve qu'elle étoile de reflets le plafond peint en bleu. Lorsqu'il entend le parquet craquer à l'étage, il file le long du couloir qui mène à la cuisine pour s'arrêter dans la lingerie. Mariette, aux chaussons de feutre, vient l'espionner par l'encadrement de la porte laissée entrouverte et lève les yeux au ciel. Charles a plongé la tête à l'intérieur d'un panier en osier pour y respirer le linge sale de sa mère. Il hume cela. C'est sa dope.


FIN DU 2
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MessageSujet: Crénom Baudelaire !   Crénom Baudelaire ! EmptyLun 14 Déc - 15:09

3

- Charles, ce soir du 10 février 1827 devrait rester en ta mémoire car à cinq ans, tu n'as plus de père...
Dans la chambre de l'enfant couché, de l'autre côté de la porte-fenêtre donnant sur le jardin, un nuage passe devant la lune qu'il voile d'un crêpe de deuil. Une cloche jette un cri religieux et Charles sourit. Le décès de François est une joie pour lui :
- Mais alors, mère, vous voilà toute à moi pour le vie entière, n'est-ce pas ?
Caroline se trouve un peu décontenancée par la réaction de son fils :
- Avant cet événement, il a gentiment pris ses dispositions pour te laisser un héritage conséquent que tu recevras à ta majorité quand tu auras vingt et un ans...
La mort de celui qui fit prêtre, quoiqu'il n'ait jamais été désagréable à son égard est pour Charles un grand soulagement. Il semble étrangement satisfait de se trouver débarrassé d'un rival, que sa mère n'ait plus que lui à aimer sans obstacle. La nouvelle veuve cherchant des mots mais ne les trouvant pas, s'assoit au bord du lit et l'enfant se redresse contre ses oreillers pour enlacer celle qui l'a mis au monde.
C'est une nuit d'hiver illuminée par l'ardeur du charbon en un âtre entouré de faïences voyantes. Les deux s'expriment à voix basse. C'est l'heure des confidences. Ô, pour Charles, l'odeur de la chevelure de Caroline, le parfum de son corps, en du velours et de la fourrure, quand elle le serre aussi contre sa poitrine... Dans un ciel curieux, la lune paraît maintenant être un grand oeil ouvert qui contemple des câlins longs et silencieux. Elle répand sur Caroline de beaux reflets blancs de cierges près du petit piano anglais de son fils. Leurs mains à tous deux, se cherchent, ont des frissons et de douces langueurs. L'orphelin de père oublie tout en s'enivrant du contact maternel. Il ouvre l'écluse à une effusion de jovialité :
- Ma bonne mère, si tu savais combien je veux jouie de toit !
Puis arrive le meilleur moment pour Charles : le baiser du soir quand elle se penche par-dessus lui tandis qu'il parie :
- A qui de nous deux aimera l'autre le plus !
Caroline se lève et sourit :
- Ce sera moi qui gagnerai.


FIN DU 3
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MessageSujet: Crénom Baudelaire !   Crénom Baudelaire ! EmptyLun 14 Déc - 19:05

4

- Perdu !
Dans le salon et la salle à manger de la maison, quantité d'invités trinquent lors d'un cocktail dinatoire suivant la cérémonie du remariage de la mère de Charles.
- Dix-neuf mois après son veuvage, c'est un délai bien court, commente une dame à sa voisine.
Charles est d'accord. C'est trop court. Les bras lui en tombent. Un homme en redingote vient entrechoquer son verre contre celui de celle qui a, tout à l'heure, changé de patronyme :
- Et comment se sent madame... Caroline Aupick, en ce jour ?
- Très bien, merci.
Très bien ?... Ce n'est pas son fils de sept ans qui répondrait ça si on lui demandait : "Et comment se sent Charles aujourd'hui ?" "Mal, mal, mal, j'ai mal aux nerfs, mal à crier !" qu'il rétorquerait.
- Ma chérie, viens là !
"Ma chérie, viens là !" et c'est vers un officier à belle prestance de trente-neuf ans, sanglé dans son uniforme qu'elle trottine plutôt qu'en direction de son rejeton. Chez l'enfant, brusque apparition de l'anormal. Une faille s'ouvre. Un intrus a pris sa place. Tout en le cajolant, sa mère l'a trahi. Au jeu d'avant dormir - "A qui de nous deux aimera l'autre le plus !" - elle a perdu mais c'est Charles qui s'en trouve paumé. Coincé au milieu de la foule, quel vide autour de lui, quelle noirceur ! On dirait qu'un ange fou et invisible l'y fouette à tour de bras. L'affront est cuisant. Le second mariage de sa mère impose au petit garçon sensible la pire des épreuves. Un chaos roule en son intelligence. Il lui semble qu'il reçoit un coup de pioche dans l'estomac.
- Eh bien, alors, Caroline !?
- Me voilà, j'arrive, Jacques.
Jacques Aupick, chef de bataillon scintillant des médailles de l'Ordre de Saint-Louis et de celle de la Légion d'honneur, afin de présenter à des commandants et à des lieutenants-colonels son épouse, attrape fortement celle-ci par la taille. Vêtue d'une robe ondoyante et nacrée, elle s'en trouve les reins cambrés, la tête renversée en arrière. Son torse en avant fait ressortir ses seins. Charles sent un vomissement lui monter entre les dents. D'une voix tonitruante, le mari à moustache et barbiche ordonne ensuite à Caroline : "Va me chercher un verre de rouge et puis aussi de ce pâté au jus qu'a cuisiné notre servante, tu seras bien bonne !" Et il lui claque une main au cul pour la faire aller comme si elle était une pouliche. Personne ne s'offusque de ce geste à la hussarde car presque tous les convives - soldats habitués aux manières cavalières des régiments - ont été invités par le marié, qui prévient :
- Dorénavant, les connaissances de ma femme devront se borner au militaire. J'élèverai aussi mon beau-fils à la dure. Moi, j'inflige des roulées aux récalcitrants. A Louis-le-Grand où il accomplira ses études, il aura intérêt à se tenir à carreau.
Quelqu'un, derrière Charles qui se retourne brusquement, s'en trouve bousculé et s'étonne :
- Tiens, voilà ce petit monsieur qui court grimper tout seul dans l'escalier. Où va-t-il ?
Le fils de Caroline devenue Mme Aupick avait cru en la grande passion éternelle (l'erreur est fréquente !) mais chez cet enfant cela prend des proportions étonnantes. A pas furtifs, au premier étage il arrive devant la porte de la chambre conjugale qu'il ouvre en pivotant la poignée. Dans cet endroit où dominent l'acajou et le merisier, des murs couverts de faïences anciennes entourent un grand lit dont la vision imaginative provoque chez Charles un état horrible. C'est donc parmi ces draps qu'un arrogant, affolé de poudre et de tambours et aux effluves de caserne, mêlera sa sueur de cheval en rut au corps nu de sa mère qui en sera réjouie dans doute et se livrera, elle-même, à des actes obscènes. La tête du fils lui en tourne. Sa bouche se plisse d'un horizontal trait amer qui risque de durer.
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MessageSujet: Crénom Baudelaire !   Crénom Baudelaire ! EmptyLun 14 Déc - 19:11

Suite du 4

D'ici à ce qu'un jour il considère l'ensemble des femmes comme des putes ou des salopes, il n'y a pas loin.
Charles ôte la clé glissée dans la serrure de la face interne de la porte qu'il referme, depuis l'extérieur, à double tour. Redescendu et ayant traversé sa propre chambre, il accède au jardin. A travers la fenêtre de la cuisine, Mariette, découpant des parts de tourtes et désossant des volailles, le voit aller vers le puits pour y lancer un petit objet brillant. Il jette la clé de la chambre conjugale et aussi, pas mal, de sa vie future. Le soleil couchant de ce 8 novembre 1828, d'une lumière droite et terrible, pointe comme un doigt sur lui.

FIN DU 4
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MessageSujet: Crénom Baudelaire !   Crénom Baudelaire ! EmptyMar 15 Déc - 18:15

5

Sous la lumière opaline des suspensions d'une classe de terminale, un élève à la juvénile barbe courte et floconneuse, petite moustache, regard noir et perforant, s'ennuie. Dans un bâillement il avalerait le monde. Parmi de dociles condisciples corvéables, faits selon lui pour l'écurie c'est-à-dire exercer des professions, il préfère se mettre à explorer son propre laboratoire mental. Des phrases lui sortent de l'imagination par fusées. Pouce et index d'une main pressant ses paupières closes, en lui un vertige apparaît. Il pêche des étoiles qu'il griffonne sur un bout de papier pendant que le prof, de dos, passe dans l'allée centrale mais il se retourne brusquement :
- Faites-moi voir ce que vous avez écrit, Charles Baudelaire !
- Non. On ne me lira que quand ça me prendra.
L'insolent, aux lèvres étirées et serrées sous des narines toujours prêtes à se gonfler, a répondu cela d'une voix métallique et coupante. On pourrait croire que son professeur, aux rouflaquettes le long des tempes, va en tomber d'apoplexie :
- Comment ? A dix-huit ans, on ne s'adresse pas ainsi à un enseignant ! Je vous somme de me remettre ce billet !
- Jamais.
- J'exige une dernière fois...
Charles chiffonne son poème, en fait une boulette qu'il avale.
- Baudelaire, levez-vous et quittez la classe. Vous êtes définitivement exclu de Louis-le-Grand !

FIN DU 5
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MessageSujet: Crénom Baudelaire !   Crénom Baudelaire ! EmptyMar 15 Déc - 19:27

6

- Louis-Philippe Ier laisse trop s'exprimer le mécontentement de la population française. Cette vague d'insolence finira par emporter son trône...
En fin de repas, au nouveau logement de fonction du couple Aupick, assis autour d'une longue table, quantité de militaires de haut range, accompagnés d'épouses, tendent leurs doigts vers des corbeilles de fruits. Ils se resservent aussi en vin de Bordeaux alors les langues, se déliant, parlent politique :
- Le roi n'est pas assez strict.
A l'intérieur de ce luxueux décor dans le style de l'époque, soudain une porte s'ouvre et Charles apparaît. A droite de Caroline, le beau-père tir d'une gousset une montre dont le tic-tac semble demander : "Tu as vu l'heure ?" De cela, le beau-fils s'en branle. En guise de "bonjour" général, il ne trouve qu'à s'exclamer devant les gradés :
- Il règne ici une destruction ! Fiers mignons, vous puez tous la mort, ô squelettes musqués !
Ca casse l'ambiance. De mauvaises intentions nagent autour de ce garçon comme un air impalpable.
L'expression cynique de sa jeune figure déplaît et choque aussitôt l'assemblée qui découvre son regard inquiétant aux pupilles trop dilatées et blanc des yeux très rougi. Corps maigre en habit noir, observant les dames, il se lande dans un avis à faire crouler la monarchie :
- Jamais les femmes n'auront été plus mal habillées que sous Louis-Philippe.
Quiconque aurait pu faire plus poli mais pas Charles Baudelaire qui vient s'asseoir sur la chaise restée vacante à gauche de sa mère. Caroline, entre mari et fils (chien et chat), est occupée à faire passer son alliance de l'annulaire d'une main à celui de l'autre, puis inversement en interrogeant Charles :
- Où étais-tu et est-ce que tu veux que je demande à Mariette de t'apporter à manger ?
- Non. J'ai soupé dans des vaisselles de Bernard Palissy au club des haschischins de l'hôtel Pimodan sur l'île Saint-Louis. Je me contenterai d'une de ces noix.
D'un mouvement lent et prétentieux, il en saisit une, l'ouvre puis la vide d'un cerneau qu'il soulève vers sa bouche presque sans lèvres lui donnant une physionomie déplaisante. D'une voix posée comme celle d'un gars qui cherche ses expressions et se berce de sa propre parole, il contemple la chair de la noix :
- C'est bien ce que je désirais. On dirait un cerveau desséché de nouveau-né. Est-ce que ça en a la saveur ? ajoute-t-il en commençant à mâcher. Ah, mais oui, maintenant je me rappelle...
Malaise au 136 bis de la rue de Grenelle-Saint-Germain. Attablé, un officier de marine, Paul de Flotte (authentique), étirant ses fines moustaches cirées, demande au maître de maison :
- Jacques, vous qui ne cessez de monter en grade et que voilà donc nommé commandant de l'Ecole d'application d'état-major, qu'allez-vous faire de ce jeune homme qui semble avoir la langue bien pendue ?
- J'imaginais qu'il se consacrerait à la cueillette des lauriers scolaires mais, à vingt ans, il préfère rôder autour des estaminets les plus insalubres. Il fréquente des bohèmes de la pire espèce dans un Paris dépravé.
Le péril est grand.
Entre le beau-père et le beau-fils c'est la reprise d'une lutte incessante qui fait soupirer Mme Aupick, personne faible qui se désespère et cherche à apaiser son fils en lui chuchotant à l'une de ses oreilles sans lobe ressemblant à celles d'un renard :
- Ne réponds rien. Et que regardes-tu en l'air si fixement ?
- Quand ne verrai-je plus des satyres courant nus à quatre pattes sous la corniche du plafond ?
Ah les bienfaits de l'hallucination du cannabis !...
De l'autre côté de sa mère, celui qui lui a volé le vert paradis de son enfance et qui maintenant souille, la nuit derrière des portes closes, cette catin (selon Charles) reprend :
- Je lui ai proposé de choisir entre le service de l'Etat, civil ou militaire, mais monsieur veut devenir poète.
- Poète ?... s'étonne, émoustillée, la dame d'un colonel. Pour écrire des poésies d'amour ?
- Oh là là, non, pas de sentiments et autres saloperies féminines ! tranche Charles.
Caressant sa barbiche, le commandant Jacques Aupick évoque encore son beau-fils considéré par lui comme un parasite :
- Il veut faire rimailleur mais la poésie c'est quoi ? Tout cela est faux, exagéré, extravagant, boursouflé ! On ne réussit pas dans la vie en agitant des grelots ! Cette lubie pour songe-creux, quelle perversion, quelle déchéance... sans oublier que notre amateur du pollen des fleurs de chanvre ne manque pas d'air. Il se compte avec une superbe assurance comme le meilleur des poètes à venir...
- Très en dessous de Racine tout de même, j'imagine ! persifle un petit général aux yeux saillants.
- La poésie de marbre blanc et d'azur de cet emperruqué poudré devra être mises à sac dans la sphère du passé.
- Cher novice, vous pourriez respecter sa mémoire...
- Il est des morts qu'il faut qu'on tue !
- Mon beau-fils prétend qu'il éclipsera Hugo ! se marre Aupick alors, tout autour de la table, les invités s'esclaffent.

Baudelaire, ayant la tête d'un jeune diable qui se serait fait ermite - cheveux coupés très court, joues rasées - écoute les gloussements des convives puis se lève. Vêtu dans du drap bourru d'Ecosse, en bas noirs et souliers lacés, l'avaleur de billet à Louis-le-Grand passe dans le dos de sa mère pour se camper face à son beau-père :
- Vous cherchez à m'humilier devant des gens de votre caste qui font semblant de prendre vos sornettes pour des bons mots et qui, par politesse, croient devoir rire de vos plaisanteries. Vous oubliez que je porte un nom que votre femme a eu le tort de quitter et que j'ai pour devoir de faire respecter. Vous m'avez manqué gravement. Ceci mérite une correction, monsieur, et je vais avoir l'honneur de vous étrangler.
Il se jette sur le commandant de l'Ecole d'application d'état-major qu'i saisit à la gorge. Alors qu'une chiquenaude mutine lui eût suffi, Jacques Aupick, autrement plus large d'épaules et plus balèze que son beau-fils, se dégage facilement et balance deux énormes baffes à travers la tronche de Charles qui bascule en boule au sol, victime d'un spasme nerveux. De deux claquements de doigts pointés vers une paire se subalternes, le beau-père ordonne :
-Ramassez-le et allez l'enfermer dans sa chambre. Il y sera à l'arrêt forcé comme à l'armée. Défense de sortir pour lui, quinze jours de mitard !
Un des hôtes galonné apprécie cette façon de ne pas badiner avec la discipline :
- Si un jour Louis-Philippe comprend que c'est ainsi qu'il faut se comporter avec les révoltés, il gardera plus longtemps son sceptre.

FIN DU 6... Very Happy
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Martine

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MessageSujet: Re: Crénom Baudelaire !   Crénom Baudelaire ! EmptyMer 16 Déc - 6:59

Merci Episto, 
J'aime bien ! 
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Jean2

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MessageSujet: Re: Crénom Baudelaire !   Crénom Baudelaire ! EmptyMer 16 Déc - 10:37

L'attitude des nonnes fin du chapitre 2 me rappelle mon enfance  Neutral
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MAINGANTEE

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MessageSujet: Re: Crénom Baudelaire !   Crénom Baudelaire ! EmptyMer 16 Déc - 10:51

En fait .. c'est une biographie détournée de BAudelaire ??
Je viens de lire des trucs sur sa vie , ca colle, les dates, endroits ....
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JEAN

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MessageSujet: Re: Crénom Baudelaire !   Crénom Baudelaire ! EmptyMer 16 Déc - 14:44

study
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epistophélès

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MessageSujet: Crénom Baudelaire !   Crénom Baudelaire ! EmptyMer 16 Déc - 17:13

7

- Bonjour mon Charles. Comment, dans ta chambre depuis hier, se porte ce qu'il te reste de coeur ?
- J'y deviens gros et gras et m'y ennuie beaucoup.
Caroline, souple et câline comme une panthère tachetée de Java, vient s'asseoir au bord de la couche où son fils repose, adossé à des oreillers, et elle regrette :
- Mon mari est l'ordre, le respect, la hiérarchie. Toi, tu es le désordre, l'insolence, la licence.
- Ton époux m'assomme. Sa morale me fait horreur.
- On dirait que n'as d'autre joie que de créer des déplaisirs à ta famille.
- Tu es maintenant armée pour me lapider avec la foule. Ton jeu féroce et ridicule, quand finira-t-il ?
La servante des Aupick déboule à son tour, plateau couvert de nourriture fumante entre les mains et tout sourire :
- Voici deux mets dont monsieur Charles raffole : soupe à l'oignon, omelette au lard !
- Merci Mariette. Un jour, j'écrirai un poème sur toi.
La servante glousse en quittant la chambre alors que Caroline, jalouse, reproche à son fils :
- Tu es plus aimable avec elle qu'avec moi.
Baudelaire se déplace pour venir s'installer au bord du lit, très près à gauche de sa mère (le côté du coeur) comme il faisait, à cinq ans, sur le canapé recouvert de velours jaune lorsqu'ils habitaient rue Hautefeuille.
Caroline, brune bouclée en robe rose constellée de pois écarlates - décorée comme d'une rougeole -, regarde son fils qui, d'une cuillère, étire quelques fils du fromage fondu de sa soupe à l'oignon pendant qu'elle lui annonce :
- Jacques ne peut plus tolérer ta légèreté, ton indiscipline et ton arrogance. Il dit qu'il faut te retirer au pavé glissant de Paris, qu'un long voyage sur mer te fera le plus grand bien, en espérant qu'ainsi dépaysé, arraché à tes détestables relations, tu nous reviennes dans le vrai... peut-être poète si tu y tiens mais ayant épuisé ses inspirations à de meilleures sources que les égouts de Paris. Il veut secouer la fange qui t'entoure, que tu ne sois plus entraîné par de mauvaises personnes, par des têtes sans cervelle, par des êtres sans coeur qui flétrissent le beau nom d'ami.
- Tu es mon amie, toi ? demande Charles en cherchant, à l'aide de sa cuillère au fond du bol en grès, une tranche de pain trempé qu'il remonte à la surface du bouillon.


JE REVIENS.
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MessageSujet: Crénom Baudelaire !   Crénom Baudelaire ! EmptyMer 16 Déc - 17:33

Dans la chambre aux rideaux étirés devant les barreaux d'une fenêtre, papier peint à rayures, seau hygiénique derrière un paravent et, sur une commode, une pendule où se morfond le temps, Caroline Aupick précise :
- Hier soir après le souper, quand tos les invités furent partis, Jacques a fait venir dans son bureau Paul de Flotte, parent d'un capitaine dont le bâtiment, au port de Bordeaux, lèvera l'ancre le 15 de ce moi de juin. Le 11, tu grimperas dans une diligence sous la surveillance de deux anciens officiers s'assurant de ton embarquement à bord du Paquebot-des-Mers-du-Sud qui mettra les voiles direction l'Inde jusqu'à Calcutta. Durée du voyage ; un an environ. Il n'y a plus de temps à perdre. Il te faut préparer ta malle. Voilà où nous en sommes.
- Voilà où nous en sommes, répète Charles, levant les yeux vers son reflet dans la porte-miroir d'une armoire où il se contemple d'un air un peu poseur en reniflant. Ma chère mère, où sont passées vos senteurs enivrantes ?...
Il ne manifeste pas de répugnance à l'idée de la longue escapade sur un navire marchand et se laisse faire. La mère prend la défense du beau-père :
- Jacques va devoir emprunter pour t'offrir cette balade outre-mer qui lui coûtera quatre mille francs : trois mille comme passager plus mille pour tes dépenses indispensables et le trajet aller et retour Paris-Bordeaux. Tu pourrais le remercier...
- ... D'une pénitence maritime, d'un voyage-sanction ? Je m'en soûlerai pas de génuflexions devant lui. Image rêvée, tu étais ma superstition. Encore aujourd'hui, quand je fais quelque sottise, je me dis : "Mon Dieu, si elle savait !" Quand je fais quelque chose de bien, je me dis : "Voilà qui me rapproche d'elle."
Bol de soupe qui a refroidi entre ses doigts non loin de l'omelette au lard délaissée, Charles prend tant de plaisir à se regarder dans le miroir :
- Ce ne sont pas précisément tes caresses et nos rires que je regrette, c'est ce je-ne-sais-quoi qui fait qu'une mère paraisse la seule femme...
- Charles, je t'assure qu'il m'en coûte bien pour accepter qu'on punisse mon amour !
- Avec ce mot-là, ne punition ne peut plus faire de peine...
Et Charles Baudelaire ferme les yeux.


FIN DU 7
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MessageSujet: Crénom Baudelaire !   Crénom Baudelaire ! EmptyMer 16 Déc - 19:13

8

- Ouvrez les yeux, jeune homme, regardez ! Vent d'est-nord-est, idéal pour nous. Ciel clair et belle mer. On m'a raconté qu'il y avait gros temps en votre tête à Paris. Partir au large vers la découverte d'autres paysages vous calmera. Je me présente : capitaine Pierre Saliz, ancien officier de la marine impériale. Etant donné que vous êtes encore mineur, je serai votre cotuteur durant e voyage.
Charles n'a même pas la politesse de seulement tourner son regard vers le maître du trois-mâts qui, à sa droite, est venu gentiment lui parler - bonhomme massif à courte barbe et grosse moustache blanches -, enfonçant sur son crâne une casquette marine pendant que Baudelaire se coiffe délicatement d'un chapeau haut-de-forme, insolite sur un bateau, malgré l'avis contraire du capitaine à qui Charles rétorque :
- Vous n'êtes pas mon père !
- Ca démarre bien..., dodeline de la tête le normalement seul patron à bord après Dieu avant que de gueuler, dans un long porte-voix conique en laiton muni d'un sifflet au bout d'une chaîne pendante, des ordres concernant la tension des voiles en termes que ne traduit pas Charles. C'est déjà une langue exotique.
Pantalon noisette, bas blancs, escarpins vernis, d'une froideur britannique aux gestes lents et sobres près du corps, l'encore adolescent élégant et mince, presque féminin, vient s'accouder au bastingage afin de respirer les embruns en retenant à deux mains le bord du haut-de-forme et poussant son cul en arrière. Le capitaine qui s'en aperçoit grommelle pour lui même :
- Sur ce navire sans femmes, alors qu'il se trouve sous ma responsabilité, il ne faudrait pas qu'en plus mes vingt et un marins le confondent avec un mousse, voulant lui faire découvrir dans la soute les joies de l'amour viril, car il se rappellerait du voyage !...
Lancé sur l'océan, le bateau de commerce de quatre cent cinquante tonneaux, alourdi de marchandises diverses et à la coque chevillée de cuivre, n'a pris que douze passagers - quatre officiers de l'armée coloniale et sept commerçants. Ceux-ci, sans demander l'avis de Charles, s'étant déjà réparti les cabines inconfortables de la dunette à l'intérieur desquelles il faudra dormir à trois dans une atmosphère confinée, reviennent sur le pont. Ces négociants rassemblés à la proue, entre le mât de beaupré et le pavois avant, remarquent le jeune gars se dirigeant vers l'arrière du Paquebot-des-Mers-du-Sud pour s'appuyer maintenant sur la poupe d'où il regarde avec un vrai chagrin les côtes françaises qui s'éloignent... Baudelaire tourne le dos à ceux qui partent pour affaires. Il ne vient pas se mêler à leurs conversations concernant le tarif des bois de santal destinés à devenir des coffrets parfumés pour dames, des soieries indiennes dont l'un d'eux promet de faire l'acquisition par amoncellement de grands rouleaux qui seront rangés à fond de cale au retour. Un autre évoque des épices, du safran à pleins tonneaux alignés, qu'il revendra jusqu'à mille fois le prix qu'il les aura marchandés, un peu volé, aux populations autochtones. Les officiers présents n'ont pas besoin de vanter les bienfaits des colonies. Le tangage s'accentue car le vent se lève. Tous décoiffés là-bas près d'une voile qui claque, ils envisagent d'aller bientôt s'abriter avec un projet en tête pour faire passer le temps. L'un des passager ballottés s'agrippe prudemment aux cordages qu'il croise pour rejoindre Charles afin de proposer en le tutoyant :
- Avant l'heure du dîner, serais-tu des nôtres lors d'une partie de cartes par équipe ? Avec toi, nous formerions un nombre pair.
- Il n'y aurait pas plutôt un billard ? demande Charles Baudelaire.
Estomaqué par la question et imaginant aussitôt des billes d'ivoire roulant d'elles-mêmes sur un tapis vert dans un sens puis dans l'autre selon que le voilier, pris par les remous, bascule en avant ou en arrière, penche de tribord à bâbord, l'émissaire des commerçants devine la tronche du joueur déboussolé qui, tenant sa queue entre les doigts, ne saurait que faire ni où percuter les boules. Sans un mot, le commerçant retourne vers ses comparses. Ils le voient venir, joues gonflées et lèvres serrées, retenant un fou rire. Charles les observe maintenant dodeliner ensemble pas seulement à cause du mouvement des vagues. Ils enlacent leur ventre à plains bras en s'esclaffant. Ils se foutent de la gueule du jeune type à l'autre bout du bateau. Le toujours coiffé de son chapeau haut-de-forme, retenu à deux mains, entend ce que demande un accent méridional apporté par le vent de face jusqu'à ses oreilles :
- Mais c'est qui celui-là, putaing-cong ?! Un farfelu, un excentrique ? Ah, fan de chichoune, c'est quoi c't'oiseau échoué ici ?
Plus tard, traversant la petite salle de l'état-major où, autour d'une table dont les pieds sont vissés au plancher, dix de ses compagnons de voyage tirent puis abattent des cartes pendant qu'un onzième assiste au tournoi (vu qu'il manque le douzième pour constituer des équipes complètes), Charles tend un doigt vers eux et assène d'un ton péremptoire :
- Une partie de billard en pleine houle de mer, voire de tempête, ce serait jouer contre Dieu !
Les négociants et les officiers de l'armée coloniale, le lorgnant d'un regard légèrement hébété, envisagent une cohabitation difficile avec celui qui fait sur eux l'essai de sa férocité, cherchant plus à les choquer qu'à leur plaire :
- Mais qu'as-tu contre nous, petit ?
- Vous m'effrayez comme les cathédrales, réplique sèchement Baudelaire en se dirigeant, sans souper, vers la cabine qu'il devra partager durant une longue première nuit où le soleil aussi sera banni.
- Qu'est-ce qu'il a dit ? On l'effraie comme quoi ? demande l'un des joueurs en battant le jeu.
- Laissez tomber, conseille Pierre Saliz sous sa casquette marine en manoeuvrant son sextant. Il paraît qu'il se destine à une carrière de poète...
- Hou là ! regrette un des officiers. C'est pire qu'un animal à longues oreilles rongeant la coque, un tel machin à bord.
- S'il n'aime pas ça, pourquoi est-il sur ce bateau capitaine ?
- Il n'a pas choisi. De force, on l'y a fait grimper dessus.


SUITE PLUS TARD:D ...
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MessageSujet: Crénom Baudelaire !   Crénom Baudelaire ! EmptyMer 16 Déc - 20:07

Charles Baudelaire, allongé près d'un hublot, ne trouve pas le sommeil. Les brusques coups de vent l'empêchent de dormir, les calmes plats le désolent. Dès l'aube, quand les chastes étoiles ont baissé pudiquement leurs paupières, il part déambuler à même le pont sous un ciel bizarre et livide, tourmenté comme lui, tandis que le Paquebot-des-Mers-du-Sud longe déjà le Portugal, toutes voiles dehors. Le jeune râleur n'aime pas l'océan :
- Rien de si insipide que de flotter en cette uniformité de l'air et de l'eau où les jours se ressemblent.
A l'heure des repas, il repousse la nourriture - salaisons quotidiennement servies à table. Pendant que les autre les avalent en discutant, il dédaigne leurs conversations ou alors tient des propos pénibles à entendre de la part d'un gars de vingt ans. Il se plaint de tout :
- En plus, je n'ai même pas apporté un livre !
- Un livre, mais pour quoi faire ? Est-ce que nous en lisons, nous ?
Charles se lève et les quitte en marmonnant de confuses paroles. Le lendemain c'est pareil et les jours d'après aussi. A force, la mer emmerde Baudelaire. En sa croisière disciplinaire sur ce qu'il considère être une prison flottante, lieu d'où il ne saurait s'envoler, bras étendus en ailes au gaillard d'avant, il hurle !
- Homme libre, toujours tu chieras sur la mer !...
Chaque îlot signalé par l'homme de vigie est une sortie promise puis abandonnée.
- Pour soulever un poids si lourd que les jours accumulés ici, Sisyphe, il me faudrait ton courage.
- Vous n'appréciez guère ce voyage ? vient lui demander le capitaine Saliz à l'entour des cordages. Je vous vois vous isoler, bouder, vous composer un personnage taciturne.
- Je rêve de quitter une monotonie sans fin qui m'use heure après heure. Cent fois déjà, je crois, j'ai vu le soleil jaillir de cette baignoire immense dont les bords ne se laissent ap ercevoir. Cent fois, je l'ai vu, étincelant ou morose, replonger dans le siphon et ça me gonfle, me rend de mauvaise humeur. Déjà qu'au départ j'ai des compétences pour ça...
- Vous voilà envahi par la mélancolie des voyageurs.
- La mélancolie ne m'envahit pas, elle m'anéantit complètement.
- Tirez-en une expérience esthétique, poète !...
conseille intelligemment le cotuteur avant que de s'en aller à ses occupations non sans avoir d'abord renseigné : nous sommes à la latitude du Sénégal. Là-bas, c'est le Cap-Vert, où l'on n'accostera pas. Et puis tâchez de devenir plus aimable avec les passager. Ce serait dommage qu'ils vous jettent malencontreusement à la mer.
Mais Charles ne se calme pas du tout. Il reprend ses insolences et déclenche partout sur le bateau un vacarme de scélérat qui fait des frasques. En son éternel haut-de-forme, il a percé dans le rebord un trou par lequel il a coulissé un long fil venant entourer son cou tel un collier. A même le pont, quand le vent le décoiffe de l'imposant tuyau rigide en feutre noir, l'ai, s'engouffrant à l'intérieur, pousse la calotte cylindrique et le chapeau barré demeure vibrant et agité au bout du fil tendu à un mètre cinquante du crâne de Baudelaire. On dirait un cerf-volant que le jeune passager contemple en tournoyant sur lui-même jusqu'à s'en étourdir presque s'évanouir, sous le regard au loin des commerçant qui le trouvent tellement baroque. D'autres fois, c'est pire. Après avoir réclamé au capitaine Saliz, qui les a mis en dépôt, les mille francs offerts par Jacques Aupick pour les dépenses personnelles de Charles, celui-ci au gaillard d'arrière, lance la presque totalité de ses billets de banque au vent. Il les admire, les envie, fuyant au loin comme des papillons virevoltants. Les négociants, près de marins hilares accourus, l'observent encore ne soupirant :
- Putain de poète !...
Ils se disent que Baudelaire est absolument cinglé, qu'il faudrait en faire ils ne savent pas encore trop quoi. Les jours suivants, le Paquebot-des-Mers-du-Sud escalade parfois des dos de flots très hauts - la tempête a des convulsions comme Charles - puis l'océan devient calme et plat - grand miroir du désespoir de Baudelaire se penchant périlleusement au-delà du bastingage, à l'aplomb de l'abîme liquide où il se laisse gagner par l'ivresse des profondeurs en regrettant son inadaptation aux autres : "Ne serais-je pas un faux accord dans la divine symphonie ?" mais ça ne dure pas très longtemps. Bientôt, il retourne vers la dunette casser les couilles à tout le monde.
- Qu'est-ce que tu as encore, petit ?
- Quand donc cesserai-je de dormir d'un sommeil secoué par les vagues, troublé par un vent qui ronfle plus haut que vous tous ? Quand pourrais-je manger de la viande qui ne soit pas salée comme l'élément infâme qui nous porte ? Quand pourrais-je digérer dans un fauteuil immobile ? Répondez-moi, vous aux moeurs de pucerons et sans doute amours de cloportes !
Puis il leur crache des jurons de fille des rues (il y a des fois où l'on comprend que son beau-père ait décidé de s'en débarrasser jusqu'à sa majorité !) avant que de fuir la dunette en courant et pleurant. Accroupi contre un mât du pont, front enfoui entre ses genoux qu'entourent ses deux bras, il sanglote, pleinement artiste :
-Seigneur, mon Dieu, si vous existez, accordez-moi la grâce de produire quelques vers qui me prouvent à moi-même que je ne suis pas inférieur à ceux que je méprise. Je veux croire que j'accoucherai une de ces quatre matins d'un beau poème. Je prétends que je finirai par tourner la broche quelque part.
Alors que le corps transpirant de Charles glisse encore plus au sud dans la moiteur des côtes d'Afrique, en relevant ses yeux baignés de larmes, il voit voler un oiseau et entend Pierre Saliz venir lui annoncer :
- Vous vouliez une distraction ? Vous allez en vivre une qui devrait vous divertir...
Des matelots réjouis quittent les ombres du pont où ils prenaient un peu de fraîcheur pour lancer à la mer un long fil de pêche dont une extrémité est nouée à une planchette flottante surmontée d'un morceau de lard que traverse une pointe triangulaire en métal. L'appât se trouve dorénavant à une dizaine de mètres dans le sillage du navire. L'oiseau entraperçu plonge dessus et s'y trouve crocheté profondément à l'intérieur du bec. Les marins, se gaussant, tirent à plusieurs le fil de pêche vers eux pendant que le volatile attrapé se débat. Ce n'est pas sans difficulté qu'ils parviennent à le hisser à bord. Déposé sur le pont, ils l'en débarrassent de l'hameçon incrusté aux cartilages de sa gorge pour le laisser en liberté mais la bestiole s'avère incapable de s'envoler. Ses trop courtes pattes l'empêchent de prendre l'élan nécessaire pour repartir en l'air et ses ailes déployées ne peuvent monter suffisamment haut afin qu'il prenne son essor.
Pierre Saliz renseigne Charles :
- Cette variété d'emplumés qui dort aussi dans le ciel, y copule, ne suspend presque jamais son vol sauf pour nicher au ras de falaise d'îles isolées d'où il se laisse basculer ensuite pour reglisser dans les courants aériens.
Le volatile se trouve donc là, comme un con, collé au bateau dont il ne peu s'échapper. Un cuisinier armé d'une lame tranchante vient lui promettre :
- D'un coup de serpe je te trancherai la tête et ferai de toi un pâté pour fêter le passage de l'équateur.
Les commerçants pivotent leur regard vers Baudelaire qui assiste, effaré, à cette scène où les marins se moquent du piégé désarçonné et impuissant, lui lançant des coups de pieds lors d'une rigolade générale. Charles tente de fixer en lui-même la parfaite image de ce qu'il voit, d'atteindre une sorte d'idéal, den saisir le beau et le poignant qui le bouleverse. Il s'identifie. Alors que le cuistot lève haut sa lame luisante, le jeune passager, qui n'a d'autre vocation possible que celle de poète, demande au capitaine :
- Comment nomme-t-on cet oiseau ?

FIN DU 8



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Jean2

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MessageSujet: Re: Crénom Baudelaire !   Crénom Baudelaire ! EmptyJeu 17 Déc - 15:32

Merciiiiiiiiiiiiiii J'aime bien !
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JeanneMarie

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MessageSujet: Re: Crénom Baudelaire !   Crénom Baudelaire ! EmptyJeu 17 Déc - 16:04

J'en parle à papa !!! Laughing
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epistophélès

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MessageSujet: Crénom Baudelaire !   Crénom Baudelaire ! EmptyJeu 17 Déc - 17:39

9

L'Albatros

Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d'eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid !
L'un agace son bec avec un brûle-gueule,
L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait !

Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l'archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.


FIN DU 9
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epistophélès

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MessageSujet: Crénom Baudelaire !   Crénom Baudelaire ! EmptyJeu 17 Déc - 18:38

10

- Maurice ! Maurice !
Allongé à plat dos sur le pont du Paquebot-des-Mers-du-Sud en ce torride début d'après-midi, alors que Charles aux paupières closes faisait une sieste où il savourait son anéantissement, le voilà réveillé par le cri de l'homme de vigie qui s'exclame encore :
- Maurice ! Maurice !
Baudelaire, ouvrant les yeux, se demande : "Mais pourquoi le Maurice en question, sans doute un matelot, ne lui répond-il pas ? C'est seulement ensuite que le jeune poète découvre, au-dessus de lui, qu'en fait le marin en poste d'observation, dans un nid-de-pie (tonneau vidé d'alcool) au sommet du mât avant, observe l'horizon à travers une longue-vue et qu'il a certainement repéré une terre sur l'océan.
- Ah, enfin l'île Maurice !... souffle le capitaine, sortant de la dunette en s'épongeant le front.
Charles se lève et, lui, s'aère d'un va-et-vient du bord de son haut-de-forme. Les yeux maintenant fixés au large et chevelure, qu'il a longuement laissée pousser, au vent, il remarque bientôt, sur la ligne irrégulière d'une côte, de belles cases en bois entourées d'une foison d'arbres bizarres et luisants qu'il aperçoit de mieux en mieux tandis que le bateau approche. Il entend aussi dorénavant des vacarmes d'oiseaux trop colorés, soûlés de lumière, mêlés aux chants plaintifs d'arbres à musique. Des plantes monstrueuses deviennent plus précises. Leurs senteurs, portées par la brise de terre jusqu'au navire, sont si intenses qu'on croit qu'elles vont faire délirer. D'autres fleurs sinistres qui balancent semblent être les encensoirs d'une religion inconnue. Pierre Saliz ordonne qu'on s'apprête à jeter l'ancre, le temps d'une courte escale, pour, notamment, que les quatre militaires du voyage puissent descendre avec leurs bagages car les voilà à destination. Ils agissent sans traîner, omettant de faire des adieux déchirants à Baudelaire (allez savoir pourquoi!). De toute façon, plus personne à bord n'adressait la parole au jeune passager fantasque. Les commerçants transpirants décident d'aller eux aussi se dégourdir les jambes à terre pour oublier un peu trois mois de roulis et de biscuits de mer. Charles, mais dans les poches, les suit pendant que les marins organisent le ravitaillement du paquebot. Sur le sable éblouissant, le poète s'étourdit des insulaires populations hindoues et africaines, croisant les vestes blanches et casques de colons de Port-Louis.
L'épiderme fragile et clair de Baudelaire tranche vivement avec les ténèbres des peaux fort majoritaires au centre-ville. Il passe son temps à s'y gifler lui-même à cause des moustiques.


SUITE DANS QUELQUES INSTANTS.
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